Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 01 AVRIL 2016
(no , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/15596
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG no 12/01187
APPELANTE
SASU ISELECTION agissant en la personne de ses représentants légaux domicili
és en cette qualité audit siège, No Siret : B 432 316 032
ayant son siège au 400, promenade des Anglais - 06200 NICE
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée sur l'audience par Me Bernard ROSSANINO de la SCP FIDAL, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉE
EURL DESURMONT PATRIMOINE prise en la personne de ses représentants légaux, No Siret : B 451 128 235
ayant son siège au 85 rue de Tossée - 59200 TOURCOING
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée sur l'audience par Me Jean-François FENAERT, avocat au barreau de LILLE, substitué sur l'audience par Me Claire TRICOT, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal SARDA, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal SARDA, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
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Par un contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement du 10 février 2006, la SARL RESIDULIS s'est engagée à réserver au profit de l'EURL DESURMONT PATRIMOINE quatre biens faisant partie d'un ensemble immobilier projeté dénommé « Résidence du parc » situé sur la commune des ULIS (91).
La société de gestion ANTAEUS, société d'exploitation des résidences et services, intervenait au contrat à la demande des parties puisque les biens étaient destinés à être loués et meublés.
Les parties reconnaissaient expressément que la vente avait été négociée par l'intermédiaire de la société ISELECTION, en vertu d'un mandat de recherche d'acquéreurs, l'acquéreur déclarant accepter de régler une commission à la société ISELECTION.
Par acte authentique du 26 septembre 2006 établi par Maître Stéphanie CASTELLAN-JUSBERT, notaire à Nice (06), la société RESIDULIS, vendeur des biens et droits immobiliers ainsi que la société ANTAEUS, vendeur des biens meubles, cédaient à la société dénommée DESURMONT PATRIMOINE EURL, dont le siège est à SOPHIA ANTIPOLIS (06), quatre appartements sis à LES ULIS (91) avenue de l'Aubrac et avenue des Cévennes, moyennant un prix de 453.750,95 euros s'agissant des biens et droits immobiliers et de 14.520,06 euros s'agissant des biens meubles.
L'acte précisait que l'acquéreur s'engageait à verser à la société ISELECTION une rémunération de 77.505,06 euros.
Un bail commercial était signé le même jour que l'acte de vente, consenti par l'EURL DESURMONT PATRIMOINE au profit de la société ANTAEUS, futur gestionnaire de la résidence. Ce bail, d'une durée de onze ans, prévoyait un loyer annuel de 6.856,10 euros par lot, soit pour les quatre lots 27.424,40 euros.
La société ANTAEUS cédait la gestion du bien à la société CITY PARK AFFAIRES à compter du 1er juin 2009 et les loyers étaient impayés à compter de l'autonome 2009.
La société ANTAEUS faisait l'objet d'un redressement judicaire par jugement du tribunal de commerce de LYON en date du 24 février 2010.
L'EURL DESURMONT PATRIMOINE a signé avec la société PARK and SUITES un nouveau bail à effet rétroactif au 1er janvier 2010 moyennant un loyer annuel de 17.732,61 euros, ce qui représentait une diminution de loyer de 35%.
C'est dans ces conditions que le Tribunal de grande instance d'EVRY par un jugement en date du 23 mai 2014 a :
- Dit que l'action de l'EURL DESURMONT PATRIMOINE à l'encontre de la société ISELECTION sur le fondement de la responsabilité contractuelle est recevable et bien fondée ;
En conséquence,
- Condamné la société ISELECTION à verser à l'EURL DESURMONT PATRIMOINE la somme de 60.000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de ne pas investir dans la résidence des ULIS (91) ;
- Condamné la société ISELECTION à verser à l'EURL DESURMONT PATRIMOINE la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
- Condamné la société ISELECTION à verser à l'EURL DESURMONT PATRIMOINE la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Ordonné l'exécution provisoire pour la moitié des condamnations prononcées, y compris au titre des dépens et de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu l'appel interjeté de cette décision par la SASU ISELECTION et ses dernières conclusions en date du 22 janvier 2015, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- Recevoir la société ISELECTION en son appel, la déclarer bien fondée ;
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'EVRY en date du 23 mai 2014 ;
Statuant à nouveau,
- Déclarer l'EURL DESURMONT PATRIMOINE tant irrecevable qu'infondée en ses demandes formées à l'encontre de la société ISELECTION, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
- Débouter l'EURL DESURMONT PATRIMOINE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant infondées ;
- Dire et juger que l'EURL DESURMONT PATRIMOINE n'administra pas plus la preuve dont elle a la charge de la réunion des éléments constitutifs de la responsabilité à son égard de la société ISELECTION, qu'elle soit contractuelle ou extracontractuelle, ni d'un quelconque dol qui lui serait imputable et qui aurait vicié son consentement ;
En conséquence,
- Débouter l'EURL DESURMONT PATRIMOINE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant infondées ;
En tout état de cause,
- Condamner l'EURL DESURMONT PATRIMOINE à rembourser à la société ISELECTION toutes les sommes que celle-ci lui a réglé au titre de l'exécution provisoire partielle du jugement frappé d'appel, soit 32.500 euros, augmentés des intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- Condamner l'EURL DESURMONT PATRIMOINE à verser à la société ISELECTION une indemnité de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions de l'EURL DESURMONT PATRIMOINE en date du 6 février 2015 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
Dit que l'action de l'EURL DESURMONT PATRIMOINE à l'encontre de la société ISELECTION sur le fondement de la responsabilité contractuelle était recevable et bien fondée,
Subsidiairement, sur ce point, sur le terrain délictuel, dire que la société ISELECTION a engagé sa responsabilité en présentant, dans un but purement commercial et de manière flatteuse et erronée, une opération dont elle ne pouvait que connaître le déséquilibre intrinsèque.
Alloué une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Réformer pour le surplus,
- Dire que ces fautes contractuelles ou délictuelles ont dégénéré en un dol, eu égard à la qualité de spécialiste de l'immobilier de la société ISELECTION ;
- Fixer le préjudice de l'EURL DESURMONT PATRIMOINE à :
Une somme de 19.116 euros au titre des loyers antérieurs à la reprise d'exploitation,
Une somme de 247.100 euros au titre de la perte de valeur des biens du fait de la réduction de loyer.
- Dire que la société ISELECTION devra payer à l'EURL DESURMONT PATRIMOINE 98% de ces montants au titre de la perte de chance de ne pas investir ;
- Condamner la société ISELECTION à une somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral ;
En tout état de cause,
- La condamner à une somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la Procédure Civile.
SUR CE
LA COUR
Considérant que l'appelante conteste l'existence de toute relation contractuelle avec l'intimée ; que celle-ci ne saurait être déduite du fait que la société I Selection était chargée de la commercialisation des lots et que l'acquéreur ait accepté de prendre en charge la commission due à la société I Selction, en sa qualité de négociatrice à partir du moment où le contrat de réservation fait expressément référence à une convention de commercialisation et de montage que l'acquéreur aurait signée avec l'appelante à partir du moment où celle-ci n'est pas versée aux débats ;
Que toutefois, même s'il n'est pas démontré qu'une relation contractuelle se soit nouée entre les parties en dépit d'une convention signée avec un autre acquéreur, force est de constater que la société I Selection était chargée de la commercialisation des lots de la résidence ainsi que cela résulte explicitement de la plaquette publicitaire versée aux débats, qui présente en première page la résidence " Les Ulis" comme " une exclusivité I Selection" et mentionne :
" Le commercialisateur
La société I Selection, la référence nationale des placements immobiliers d'investissement locatif pour les professionnels du patrimoine.
Depuis 1997, plus de 9000 logements de qualité, rigoureusement sélectionnés auprès des plus grandes signatures de la promotion et de la gestion ont été commercialisés auprès des partenaires.
La société I Selection intervient en interface entre-en amont-les promoteurs et autres opérateurs immobiliers et-en aval-les réseaux de distribution, conseillers en gestion de patrimoine qui diffusent des programmes auprès de leurs clients investisseurs.
La gamme des programmes proposée couvre l'ensemble des fiscalités Robien, LMP LMNP Ancien et VEFA,ZRR, etc..."
Que cette plaquette publicitaire qu'elle a éditée et qui présente l'opération projetée comme une offre privilégiée et sure permettant d'envisager une rentabilité de 5,5 % hors taxes a incontestablement joué un rôle déterminant dans la décision d'acquérir de l'intimée qui cherchait à réaliser un investissement financier ;
Que ce faisant, elle a engagé sa responsabilité délictuelle envers les acquéreurs de la société Residulis ;
Or considérant que ce document relevait davantage de la publicité que de l'information financière et démontre que la société I Selection a suivi une logique exclusivement commerciale, n'apportant aux clients ni le sérieux dans l'étude préalable du projet, ni les conseils qu'ils étaient en droit d'attendre d'un professionnel dont les services étaient largement rémunérés ;
Qu'il appartenait pourtant également à la société I Selection d'informer ces clients des aspects moins favorables et des risques inhérents à ce type de produit immobilier avant qu'ils ne s'engagent, d'autant que le bien immobilier était en état futur d'achèvement et que seul le commercialisateur avait la maîtrise des paramètres complexes qui permettent d'assurer l'équilibre de l'opération proposée ;
Que la société I Selection, dans le cas de la présente instance, ne verse d'ailleurs aux débats aucune pièce financière précisant les calculs opérés pour fixer la rentabilité à 5,5 % ;
Que la société I Selection s'abstient également de produire le moindre élément comptable et financier susceptible de démontrer qu'elle s'était assurée de la santé économique du gestionnaire, la société ANTAEUS, dont le nom apparaissait dans la plaquette publicitaire et qui faisait dès lors partie du montage financier ;
Considérant qu'en supposant même, qu'en septembre 2006, les difficultés financières de la société ANTAEUS n'aient pas encore existé ou n'aient pas été connues de la société I Selection une information complète et éclairée devait être délivrée aux acquéreurs en attirant leur attention sur les risques inhérents à ce type de programme immobilier en raison notamment de difficultés pouvant survenir avec le gestionnaire, celles-ci n'étant nullement imprévisibles et étant, en l'espèce, à l'origine de la réduction des loyers (cf lettre du 16 novembre 2009 de M. Picard) ;
Que ce défaut d'information, en raison d'un faux espoir de bien qu'il a fait naître, même s'il ne peut être qualifié de dolosif, en l'absence de contrat liant les parties est à l'origine du préjudice subi ;
- Sur le montant du préjudice
Considérant que c'est par des motifs pertinents et exacts que la cour fait siens que le tribunal a considéré que le préjudice s'analysait en une perte de chance de ne pas contracter dans la résidence des Ulis et qu'il ne saurait être égal au montant des loyers escomptés et non perçus ni à la perte de valeur des biens estimés, les conditions de rentabilité locative alléguées par l'intimée n'ayant pas été stipulées dans le contrat de réservation ni dans l'acte de vente ;
Que ce préjudice a été à juste titre, évalué à la somme de 60 000 ¿, aucune confusion n'ayant été faite entre le calcul du préjudice et sa réparation, à partir du moment où seul une perte de chance a été retenue ;
Qu'il sera enfin, observé que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante l'évaluation de cette perte de chance a été faite à partir de l'analyse effectuée le 25 octobre 2011 par deux experts-comptables ( pièce 17 de l'intimée ) et non l'audit du cabinet Coach Omnium ;
Que le jugement sera, en revanche, infirmé en ce qu'il a alloué une somme de 1000 ¿, au titre d'un préjudice moral nullement démontré ;
- Sur l'article 700 du code de Procédure Civile
Considérant que l'équité commande d'allouer à ce titre en cause d'appel, à l'intimée, la somme que précise le dispositif ;
Considérant enfin, que la solution conférée au litige implique le rejet de toutes les demandes de la société I Selection.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement en ce qu'il a dit l'action de l'EURL Desurmont Patrimoine à l'encontre de la société I Selection recevable et bien-fondée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Statuant à nouveau,
Dit que l'action de l'EURL Desurmont Patrimoine à l'encontre de la société I Selection est recevable et bien-fondée sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Confirme le jugement, en toutes ses autres dispositions, excepté en celles relatives à la somme allouée de 1000 ¿ au titre du préjudice moral.
Statuant à nouveau, de ce chef,
Rejette la demande de l'intimée tendant à la réparation d'un préjudice moral.
Ajoutant à la décision entreprise,
Condamne la société I Selection à verser à l'EURL Desurmont Patrimoine une somme de 3000 ¿, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en cause d'appel
Rejette toutes autres demandes.
Condamne la société I Selection aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier, La Présidente,