Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 08 AVRIL 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/16716
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2012036094
APPELANTE
SARL SIGHT CORPORATION
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 437 873 086
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Laurent FILMONT de la SELARL FL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1677
INTIME
Monsieur [D] [X]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Véronique MORT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1129
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre
Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Le 17 janvier 2007, la sarl SIGHT CORPORATION (société SIGHT), exerçant l'activité de conseil aux entreprises, et Monsieur [D] [X], consultant en informatique spécialisé dans les développements concernant le progiciel SAP, ont régularisé un contrat-cadre de sous-traitance définissant les conditions et les modalités d'exécution par ce dernier de prestations informatiques pour le compte de clients de la société SIGHT . Une annexe du même jour stipule l'affectation de Monsieur [X] chez la société NESTLE WALTER (société NESTLE) à compter du 29 janvier 2007, pour une durée de 4 mois renouvelable, moyennant une rémunération par honoraires d'un montant journalier de 450 € HT, les factures étant « payables 30 jours le 10 fin de mois ». Dès l'origine, les factures ont été émises, non par Monsieur [X], mais par la société suisse ASAPXPERT, employeur en [Localité 1] de celui-ci. Les premières factures de la société ASAPXPERT ont normalement été honorées par la société SIGHT, mais ont cessé de l'être à partir de celle correspondant à la période du mois de novembre 2007 jusqu'à la fin de la mission chez NESTLE en mars 2008, représentant une somme d'un montant total de 37.350 €. Le 8 décembre 2010, la société ASAPXPERT a cédé à Monsieur [X] ladite créance outre ses accessoires, qu'elle estime détenir à l'encontre de la société SIGHT. La cession de créance a été signifiée le 20 avril 2011 à la société SIGHT en sa qualité de débitrice cédée.
Le 22 mai 2012, la mise en demeure de payer par lettre recommandée du 19 mai 2011 étant demeurée infructueuse, Monsieur [X] a attrait la société SIGHT devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 37.350 € , majorée des intérêts au taux de 5 % l'an, en application de l'article 73 du code suisse des obligations, outre la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles.
S'y opposant, la société SIGHT a réclamé la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 4 juillet 2013 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal, a essentiellement retenu que :
' les prestations effectuées chez la société NESTLE par Monsieur [X] n'ont jamais été contestées, aucune faute ne pouvant lui être reprochée,
' les premières factures émises par la société ASAPXPERT n'ont pas été contestées en ayant été réglées par virements bancaires émis entre mai et décembre 2007,
' le contrat de travail du 11 mai 2006 entre l'employeur suisse et l'intéressé a été versé aux débats,
' la cession de créance a respecté les formes requises par l'article 1689 du code civil,
pour en déduit que les sociétés SIGHT et ASAPXPERT se sont comportées comme deux contractants, la société suisse mettant son salarié à disposition, et qu'il n'appartenait pas à Monsieur [X] de fournir les documents incombant à la société ASAPXPERT. Il a condamné la société SIGHT à payer à Monsieur [X] les sommes requises, les intérêts au taux suisse étant décomptés à partir du 20 avril 2011 et l'indemnité au titre des frais irrépétibles étant limitée à hauteur de la somme de 3.000 €.
La société SIGHT a interjeté appel le 9 août 2013 et a télé-transmis ses écritures le 8 novembre suivant. Monsieur [X], qui a constitué avocat le 17 septembre 2013, a télé-transmis ses conclusions en réponse le 22 janvier 2014. Sur incident introduit le 22 janvier 2014 par l'appelante, les écritures de Monsieur [X] ont été déclarées irrecevables par ordonnance du 27 mars 2014 du conseiller de la mise en état, en application de l'article 909 du code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 8 novembre 2013 par la société SIGHT réclamant la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en demandant :
à titre principal, le rejet de toutes les demandes de Monsieur [X],
subsidiairement, la limitation de la condamnation à son encontre à hauteur de la somme de 27.900 €, majorés des intérêts au taux légal [français] à compter du prononcé de l'arrêt ;
SUR CE,
Considérant, liminairement, qu'il n'a pas été allégué l'existence d'une requête en déféré à l'encontre de l'ordonnance précitée du magistrat de la mise en état et que, suite à l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé, celui-ci, qui a constitué avocat mais n'a pas valablement conclu devant la cour, est réputé avoir acquiescé au jugement ;
Que la créance, dont le paiement est demandé, résultant de l'exécution du contrat-cadre, il convient d'analyser préalablement la transmission alléguée ;
sur la transmission du contrat
Considérant que le contrat-cadre du 17 janvier 20007 est un contrat d'entreprise souscrit entre la société SIGHT et Monsieur [X] personnellement sans aucune mention de la société ASAPXPERT et que, nonobstant la mention en tête dénommant Monsieur [X] en qualité de « client », il résulte de l'économie générale du contrat qu'il a, en réalité, la qualité de prestataire ;
Qu'il résulte de la relation de la procédure dans le jugement dont appel, qu'en première instance, après avoir soutenu que le contrat avait été signé au nom de la société ASAPXPERT, Monsieur [X] a finalement fait valoir qu'en réglant sans protestations ni réserves, les premières factures émises par cette dernière, la société SIGHT ne pouvait pas prétendre que la cession du contrat est intervenue sans son accord ;
Que devant la cour, la société SIGHT indique que « le principe d'une novation n'est pas contesté » ;
Qu'il s'en déduit qu'il est aujourd'hui admis par les parties litigeantes qu'après avoir été signé par Monsieur [X] à titre personnel en qualité de prestataire, les obligations de prestations informatiques de ce dernier ont été reprises par la société ASAPXPERT avec l'accord implicite de la société SIGHT co-contractante, l'opération s'analysant en une double novation du contrat synallagmatique par changement respectif de débiteur (de l'exécution juridique des prestations) et de créancier (du paiement du prix), étant observé que ;
' d'une part, en émettant dès l'origine de l'accomplissement des premières prestations, des factures en conformité avec ce qui était convenu dans le contrat précité du 17 janvier 2007, la société ASAPXPERT a repris les obligations d'accomplissement des prestations informatiques, la société SIGHT acceptant tacitement tant ce changement de débiteur des prestations en payant les factures sans réserve, que d'éteindre les obligations initiales correspondantes de leur accomplissement par Monsieur [X] à titre personnel, dès lors qu'elle n'a pas exigé qu'il en demeure débiteur en tant que personne physique, les prestations étant juridiquement exécutées par la société ASAPXPERT qui a délégué son préposé, Monsieur [X], auquel elle avait consenti un contrat de travail salarié en [Localité 1] depuis le11 mai 2006,
' d'autre part, la société SIGHT a implicitement, mais nécessairement, accepté ce nouveau créancier du prix en payant dès l'origine, sans protester, les factures émises par la société ASAPXPERT en application du contrat du 17 janvier 2007, Monsieur [X] ayant tacitement accepté d'éteindre les obligations de paiement de la société SIGHT à son égard en ayant demandé à son employeur suisse d'émettre les factures, en ayant expressément demandé à la société SIGHT de régler la société ASAPXPERT et en n'ayant pas émis lui-même de factures à l'encontre de la société SIGHT,
l'intention de nover dans chaque cas résultant implicitement du contexte consensuel et du comportement des acteurs successifs du contrat, durant l'exécution de celui-ci ;
sur la demande de paiement
Considérant que, suite à ce transfert du contrat, il n'est pas contesté que les dernières factures émises par la société ASAPXPERT n'ont pas été réglées à hauteur de la somme de 37.350 € en principal ;
Que Monsieur [X] fonde sa demande en paiement à l'encontre de la société SIGHT, non en qualité de prestataire ayant au final personnellement accompli les prestations informatiques, mais en qualité de cessionnaire de la créance que lui a cédée la société ASAPXPERT, ce qu'il a d'ailleurs expressément revendiqué devant les premiers juges ;
Qu'à cet égard, c'est de manière inopérante, en ce qui concerne le présent litige, que la société SIGHT prétend que Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve d'une créance salariale à l'encontre de la société ASPXPERT, la réalité de la cession de créance, à l'origine de la présente action, n'étant pas sérieusement contestée ;
Qu'en revanche, c'est à juste titre que l'appelante oppose au cessionnaire de la créance les exceptions qu'elle pouvait invoquer à l'encontre de la cédante et qu'il convient uniquement, dans le présent litige, d'analyser l'éventuelle pertinence de celles-ci ;
Considérant qu'en reprenant le contrat, la société ASPXPERT est devenue débitrice, vis-à-vis de la société SIGHT de toutes les obligations initialement souscrites par Monsieur [X] personnellement et que l'article 6f du contrat stipule que le prestataire (soit désormais la société ASAPXPERT) s'engage à respecter toutes les dispositions légales et réglementaires auxquelles il est assujetti pour l'exercice de son activité en France et à fournir à la société SIGHT l'ensemble des documents exigés par la législation, l'article 6g prévoyant, quant à lui, qu'en cas de manquement à cette dernière obligation de fourniture, à la société SIGHT, des documents exigés par la législation, cette dernière pourra retenir 25% des sommes dues au prestataire pour les services réalisés ;
Qu'il n'a pas été contesté :
' ni qu'en sa qualité d'entreprise étrangère sans établissement en France, la société ASAPXPERT avait des obligations à remplir auprès de l'URSSAF, concernant l'activité en France de son préposé,
' ni que la société ASAPXPERT n'en n'a pas justifié auprès de la société SIGHT comme elle en a pris l'engagement aux termes de l'article 6f précité, et qu'elle ne l'a pas davantage fait depuis, d'autant qu'il résulte de la pièce n° 15 établie le 3 juillet 2012, produite par Monsieur [X] en première instance, que la société ASAPXPERT est dissoute depuis le 15 septembre 2010, que sa liquidation est terminée et qu'elle est radiée du Registre du commerce de Genève depuis le 22 mars 2011,
étant au surplus observé que s'agissant d'obligations légales, réglementaires et contractuelles, s'imposant à la société ASAPXPERT, la société SIGHT n'avait nullement l'obligation de prendre l'initiative de les réclamer, de sorte que le moyen correspondant soutenu par le cessionnaire de la créance litigieuse est inopérant dans le présent litige ;
Qu'il n'est pas davantage contesté que la somme de 37.350 € en litige correspond à 25 % du montant global facturé et qu'en conséquence, ladite somme n'étant pas exigible par la société ASAPXPERT, en application des stipulations contractuelles ci-dessus analysées, ne l'est pas davantage par le cessionnaire de la créance ;
Considérant, par ailleurs, qu'il serait inéquitable de laisser à l'appelante la charge définitive de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS :
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
DÉBOUTE Monsieur [D] [X] de toutes ses demandes,
LE CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la sarl SIGHT CORPORATION la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,
ADMET Maître Laurent FILMONT (de la selarl FL Avocats), avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Vincent BRÉANTPatrick BIROLLEAU