RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 08 Avril 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10897
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 12/13683
APPELANT
Monsieur [S] [A] né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1] (MAROC)
Chez Monsieur [E] [E]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Amélie KOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0337
INTIMEE
Syndicat des copropriétaires DU [Adresse 2] représenté par son Syndic le CABINET LOISELET PERE ET FILS ET F. DAIGREMONT
[Adresse 3]
représentée par Me Arnaud GRAIGNIC, avocat au barreau de PARIS, toque : U0004 substitué par Me Stéphanie PERACCA, avocat au barreau de PARIS, toque : U0004
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre
Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère
Madame Valérie AMAND, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [S] [A] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Activités diverses - chambre 2, rendu le 10 avril 2014 qui l'a débouté de ses demandes.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Monsieur [S] [A] né le [Date naissance 1] 1969 a été engagé à compter du 8 juillet 1996 suivant contrat écrit à durée indéterminée en qualité de gardien-concierge permanent, catégorie B coefficient 340 par le Syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2 000 ; ses tâches étaient énumérées en annexe du contrat ; pour l'ensemble de ses tâches il lui était attribué 8 900 UV ; ses heures de présence à la loge attribuée à titre de logement de fonction ainsi que les jours de présence et horaires sont précisés dans l'annexe.
Un avenant est intervenu le 14 Mai 1997 avec effet rétroactif au 1er janvier 1996, augmentant de 20h son nombre d'heures pour travaux spécialisés et travaux qualifiés et il était indiqué que dans le cadre de ces 20h il devra faire respecter le règlement intérieur de la copropriété et plus particulièrement demander aux résidents de ne pas rouler en vélo dans les parties communes, ne pas introduire de caddies dans les parties communes ; les heures d'ouverture de la loge étaient également modifiées et portées de 7h à 12h et de 16h à 20h, le temps de repos étant fixé de 12h à 16h et il était précisé que le salarié resterait d'astreinte pendant ce temps.
Le 1er janvier 2009 un avenant a porté le taux d'emploi du salarié à 12 500 UV par attribution de 55h de travail mensuel au titre de la gestion des personnels et des entreprises extérieures intervenant à la Défence 2000 et en conséquence, sa rémunération brute mensuelle contractuelle, hors prime de permanence du week-end et jours fériés a été portée à 2 736.90 € ;
Selon mentions portées sur le contrat de travail, l'immeuble compte 370 habitations, 8 ascenseurs, une chaufferie, 100m² de trottoirs, 100 m² d'espaces verts et 100 m² de cours et parkings ;
Le contrat de travail est soumis à la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeuble ;
Le lundi 29 octobre 2012 Monsieur [S] [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé au jeudi 8 novembre 2012 avec mise à pied conservatoire en vue d' un licenciement ;
Monsieur [S] [A] a été licencié le 14 novembre 2012 pour faute grave ; la lettre de licenciement reproche au salarié :
-des faits de harcèlement sexuel en dernier lieu à l'été 2012 à l'égard de Madame [P] (propositions orales à connotation sexuelle, prise en photo de son décolleté lorsqu'il fait chaud) ce qui a conduit à un arrêt de travail et à la saisine par son médecin traitant de la médecine du travail
- des faits de harcèlement moral consistant en des pressions psychologiques à l'encontre de plusieurs personnes dont des membres de son équipe et de l'entreprise prestataire MTB auprès desquels il est attesté que vous vous seriez vanté de pratiques occultes organisées dans les parties communes de l'immeuble et pouvant avoir des répercussions sur les personnes
- d'avoir obtenu des avantages particuliers ( bouteilles d'alcool, invitation au restaurant) de la part d'au moins deux membres de son équipe en échange de l'attribution d'heures supplémentaires ou d'acceptation de leur demande de congés payés
- des fautes professionnelles caractérisées par
- son état d'ébriété répété lors de ses prises de service l' après-midi
- le fait que lors de la réception des travaux du système de sécurité incendie le 3 octobre 2012, vous n'avez signalé aucun dysfonctionnement malgré les demandes répétées de Monsieur [S], responsable technique du syndic Loiselet - Daigremont, avant et au moment de cette réception alors que le système souffrait d'un défaut général apparaissant sur l'affichage de la baie de contrôle incendie
le fait que nous avons eu connaissance récemment, par l'intermédiaire de la société MTB en charge de la maintenance technique de la tour Défense 2000, que vous aviez en juillet 2009, perçu une rémunération de 1400 € pour des services personnels rendus à cette société pour la campagne de révision des robinets de radiateur privatif et ce, sans avoir obtenu l'autorisation ni même averti votre employeur.
Monsieur [S] [A] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 17 décembre 2012 ;
Monsieur [S] [A] demande d'infirmer le jugement, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de condamner le syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2000 à lui payer avec remise des documents sociaux conformes sous astreinte les sommes de :
100 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
10 000 € à titre de dommages intérêts pour circonstances vexatoires
les intérêts de ces deux sommes à compter de la décision à intervenir
et avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes les sommes de :
1 496.43 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire plus les congés payés afférents
13 391.43 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus les congés payés afférents
20 632.70 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
6 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.
Monsieur [S] [A] demande également la condamnation du syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2000 aux entiers dépens.
Le Syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2000 - [Adresse 2] demande la confirmation du jugement, le rejet des prétentions de l'appelant et la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .
Monsieur [S] [A] conteste les faits de harcèlement que ce soit sexuel ou moral qui lui sont reprochés en faisant valoir l'ancienneté de son contrat de travail (16 ans) qui s'est déroulé sans difficulté jusqu'en 2012 et plusieurs attestations favorables aux termes desquelles les rédacteurs indiquent n'avoir jamais rien remarqué, être surpris de ce qui est reproché à Monsieur [S] [A] dont ils reconnaissent la serviabilité ; il invoque encore une pétition du mois de novembre 2012 contre sa mise à pied signée par une quarantaine de copropriétaires de l'immeuble sur les 370 appartements et demandant une assemblée générale extraodinaire pour production d'éléments factuels et témoignages en raison notamment selon les termes de la pétition du fort impact financier que la copropriété « s'apprête à subir sur seule décision du conseil syndical » ;
De son côté le syndicat des copropriétaires dont le syndic qui a le pouvoir de licencier les salariés de la copropriété sans avoir à consulter le conseil syndical ni à être autorisé par une assemblée générale, a la charge de la preuve des faits qu'il invoque à l'appui du licenciement pour faute grave ; il verse aux débats un courrier recommandé daté du 18 octobre 2012 reçu le 23 octobre 2012 de la société MTB ( société assurant la maintenance de la copropriété dans le cadre d'un contrat de mise à disposition à temps complet de salariés) adressée au syndic de copropriété relatant les faits dont se plaint leur salarié, Monsieur [V] qui dit être victime de harcèlement et de discrimination de la part de Monsieur [S] [A] et demandant au syndic de prendre rapidement les mesures appropriées afin de voir cesser les agissements dégradant les conditions de travail de leur salarié ;
Le 26 octobre 2012 Monsieur [V] qui n'est pas le salarié du syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2000, a confirmé les faits dont il est victime de la part de Monsieur [S] [A] qui lui a dit « qu'il pratiquait la magie noire et qu'il pouvait nuire aux personnes » et qui l'a « menacé de provoquer une séparation avec mon amie et de s'attaquer à mon fils » ajoutant « il m'a montré un local dans les parties communes au niveau 1 où il m'a indiqué qu'il pratiquait la magie noire, il y avait un crâne humain, des statuettes, des bougies et des photos de personnes, ce qui m'a impressionné » ;
Monsieur [H] [G], salarié du syndicat des copropriétaires a également attesté dans un courrier au syndic antérieur à la mise à pied conservatoire de Monsieur [S] [A] que ce dernier accepte qu'il fasse des heures supplémentaires s'il lui achète une bouteille d'alcool ou lui paye le restaurant ; il mentionne également que lorsque Monsieur [S] [A] apparaît au poste de sécurité entre 16h et 20 h il est presque toujours ivre ;
Monsieur [G] relate également que Monsieur [S] [A] se vante de pouvoir jeter des sorts ou guérir des personnes et que ses propos impressionnent certains salariés ;
Le syndicat des copropriétaires produit une lettre de Madame [X] [P] née au mois d'avril 1974 qu'il employait à l'époque des faits comme employée d'immeuble depuis le 5 juin 2007, dans laquelle elle adresse un arrêt de travail (la prescription versée aux débats confirme la symptomatologie de dépression) et indique qu'en 2009 Monsieur [S] [A] qui est son supérieur hiérarchique lui avait dit qu'il pratiquait la magie, qu'il lui avait montré un local dans lequel se trouvaient divers objets qu'elle cite, elle mentionne qu'il lui fait régulièrement des propositions lui disant « laissez moi toucher vos nichons », « on va faire l'amour, si je vous attrape vous allez comprendre ce qu'est un vrai homme » et que lorsqu'elle dit qu'elle a mal à la tête, il lui répond que lui il a mal « là » en montrant son pantalon, elle ajoute qu'elle ne peut plus s'habiller comme elle souhaite car Monsieur [S] [A] s'est permis de prendre des photos de son décolleté quand il faisait chaud ; elle demande à l'employeur que cela cesse car elle dit avoir perdu le sommeil mais qu'elle ne peut pas démissionner ;
Madame [I] [T] qui travaille dans l'immeuble depuis 12 ans pour plusieurs copropriétaires de l'immeuble a attesté postérieurement au licenciement de Monsieur [S] [A] que lorsqu'elle le croisait il avait toujours des discussions « à caractère pornographique envers les personnes présentes et elle-même » malgré plusieurs remises en place de sa part ;
Monsieur [G] et Monsieur [V] qui produisent leur carte d'identité et mentionnent savoir que leur témoignage pourra être produit en justice, indiquent avoir été témoins des propos tenus qu'ils citent, à l'égard de Madame [P] ; Monsieur [V] indique avoir vu cet été Monsieur [S] [A] prendre en photo avec son portable le décolleté de Madame [P] ;
Sans élément objectif de nature à pouvoir faire suspecter leur sincérité, les témoignages produits par l'employeur ne peuvent être considérés comme étant de complaisance ou dénués de force probante au seul motif que pour certains ils émanent de salariés ayant des liens de subordination avec lui ou qu'ils sont dactylographiés dès lors qu'ils ont été signés par leur auteur qui a remis sa pièce d'identité et indique savoir que son attestation pourra être produite en justice ;
Les attestations et témoignages produits par Monsieur [S] [A] y compris celui de l'ancien président du conseil syndical Monsieur [G] [U] ne permettent pas de mettre en doute les dires de Madame [P] dont il est au contraire établi qu'elle a subi ce qui pouvait être interprété par la victime comme constituant des pressions plus ou moins voilées de la part de certains copropriétaires ( Messieurs [U], [M]) pour revenir sur ses déclarations ;
Le même monsieur [M] écrira au syndic pour se dire gravement lésé et offensé par Monsieur [A] et avoir décidé de lui supprimer son soutien ne pouvant continuer à soutenir « sa totale inconséquence liée à un délire pathologique trop évident » et en indiquant qu'à plusieurs reprises Monsieur [A] lui avait demandé des mèches de cheveux ou lui proposant des breuvages dont seul dieu connaît la composition ;
Sans qu'il soit besoin d'analyser les autres griefs visés par la lettre de licenciement relatifs aux fautes professionnelles, eu égard au caractère grave et avéré des faits visés ci-dessus, constitutifs de harcèlement tant à l'égard de Madame [P] qu'à l'égard de Messieurs [G] et [V], la cour considère que le syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2000 rapporte la preuve du bien fondé du licenciement de Monsieur [S] [A], la nature des faits rendant manifestement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant l'exécution du préavis ;
Le licenciement étant justifié sur une faute grave et l'employeur ayant l'obligation de prendre les mesures pour faire cesser le harcèlement dès qu'il en a connaissance et la mesure prise étant proportionnée avec la gravité des faits et leur caractère intolérable il y a lieu de confirmer le jugement et de dire Monsieur [S] [A] non fondé dans l'intégralité de ses demandes dont il doit être débouté, il n'est en outre pas démontré de circonstances vexatoires entourant le licenciement, imputables au syndicat des copropriétaires ;
M. [S] [A] succombant en son appel, sa demande formée au titre des frais irrépétibles est rejetée et il est condamné à verser la somme de 800 € au syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2000 en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement
Condamne M. [S] [A] à payer 800 € au syndicat des copropriétaires de la TOUR DEFENSE 2000 au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
Rejette les autres demandes des parties
Laisse les dépens à la charge de Monsieur [S] [A].
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT