Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRET DU 08 AVRIL 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21937
JONCTION AVEC LE NUMERO RG 14/24373
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Octobre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014028976
APPELANTE
Madame [N] [I] épouse [S]
[Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2] ([Localité 2])
Représentée par Me Antoine MORABITO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0927
Assistée de Me Yndia SEGHIR, substituant Me Antoine MORABITO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0927
INTIMÉE
Société IMMOSPORT
Société par actions simplifiée, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : B31 464 771 0
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
Assistée de Me Frederic ENTREMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : R196
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre, et Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, chargées d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre
Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Mme Odette-Luce BOUVIER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Patricia PUPIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Annie DABOSVILLE, présidente et par Mme Patricia PUPIER, greffière présente lors du prononcé.
Mme [N] [I] est associée détenant plus de 5% des parts de la SAS Immosport, ayant une activité de marchand de biens immobiliers dont le gérant est M. [T] [S], son époux avec lequel elle est en instance de divorce.
Par acte du 21 mai 2014, elle a assigné cette société devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant en la forme des référés, sur le fondement des articles L225-231 alinéa 3 et L227-1 du code de commerce, aux fins de voir ordonner une expertise dite de gestion avec mission détaillée à l'assignation.
Par ordonnance contradictoire du 17 octobre 2014, ce magistrat a :
- débouté Mme [N] [I] épouse [S] de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Immosport la somme de 1.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la Société Immosport du surplus de ses demandes
- laissé à Mme [N] [I] épouse [S] la charge des dépens.
Mme [N] [I] épouse [S] a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions, transmises le 20 février 2015, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de :
- désigner un ou plusieurs experts qui seront chargés de présenter un rapport sur les opérations de gestion visées par la présente assignation, et plus particulièrement aux fins :
* D'analyser et de rechercher au besoin les relations financières et capitalistiques (en particulier en termes de biens immobiliers vendus) ayant existé entre les sociétés Immosport et Investimo, depuis 2005, les décrire, en chiffrer éventuellement le montant et les impacts (en particulier en termes de trésorerie) sur la société Immosport ;
* Eu égard à l'importance de la participation de la société Immosport dans la société Investimo, rechercher et estimer la valeur de la société Investimo, cette dernière impactant nécessairement la valeur de la société Immosport et la gestion de cette dernière ;
* analyser les opérations de gestion ayant conduit à l'émission d'un chèque de 244 000euros et indiquer les conditions dans lesquelles ce chèque de 244.000 euros, figurant au bilan 2010 a été effectivement émis et au bénéfice de quel destinataire ;
* De rechercher et d'analyser les conditions dans lesquelles la prise de participation de la société Immosport dans la société Immosport (sic) a été réalisée, et se faire préciser la nature et le montant des loyers versés par la SCEA « [Adresse 3] » à la société Immosport ;
* De rechercher et d'analyser les documents ayant trait à la supposée cession de 320 de ses parts à la société Immosport
- condamner la société Immosport à lui payer à une indemnité de procédure de 3.000 euros et aux dépens.
Elle soutient :
- que son mari détient soit directement (999 parts soit 41,625%) soit indirectement (par l'intermédiaire de la société Investimo dans laquelle la société Immosport détient 26% de participation), la majorité du capital de la société,
- que, assistante commerciale de la société Immosport, elle a été licenciée pour faute grave le 16 avril 2013
- qu'elle n'a obtenu aucune réponse satisfaisante à ses questions,
- que la société est gérée de manière opaque et que les relations familiales entre les différents actionnaires crispent tout éclaircissement, alors qu'elle a toutes raisons de craindre une gestion la dépossédant en fait dans le contexte de son divorce.
La société Immosport, intimée, par ses dernières conclusions transmises le 15 juin 2015, demande à la cour de débouter Mme [N] [I] épouse [S] de ses demandes et de la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 10.000 euros et aux dépens.
Elle soutient :
- que les demandes de Mme [N] [I] épouse [S] ne correspondent pas aux questions qu'elle a posées au président de la société
- que les autres allégations de celle-ci ne sont étayées d'aucune pièce et ne correspondent pas à un acte de gestion déterminé
- que Mme [N] [I] épouse [S] qui dispose de toutes les informations légalement et statutairement communicables n'a jamais critiqué la gestion de la société Immosport avant d'apprendre que son époux, dont elle est séparée de corps depuis 1988, était le père de deux enfants issus d'un autre lit et que la présente procédure ne vise qu'alimenter la procédure de divorce qu'elle a entamé à l'encontre de M. [S], gérant de la société.
La cour renvoie à l'ordonnance entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Selon l'article L.225-231 du Code du Commerce :
« '.un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social' peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration '.des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.
A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. '.
S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.»
Dans un tel cas l'article R225-163 prévoit que le président du tribunal de commerce « statue en la forme des référés » et il est constant que l'opération de gestion visée est celle prévue par l'organe de gestion de la société.
En l'espèce, il résulte des écritures et pièces produites que Mme [N] [I] épouse [S], qui détient 780 parts de la société Immosport représentant plus de 5% de son capital social, exprime des doutes sur la régularité de la conduite de la société qui serait menée par son gérant à son seul profit et à celui de ses proches, pour ne lui laisser que des parts d'une "coquille vide", dans le cadre de leur procédure de divorce. Elle a donc posé au président, en prévision de l'assemblée générale du 26 juin 2013 et lors de celle du 24 juin 2014, de nombreuses questions reprises dans son assignation et ne s'estime pas satisfaite des réponses apportées mais bien plutôt 'confrontée soit à une absence totale de réponse sur les opérations de gestion de la société Immosport, soit à un écran de fumée'.
Toutefois et ainsi que le premier juge l'a exactement relevé, les conclusions détaillées et pièces fournies pour cette instance par la Société Immosport constituent sur chacun des points soulevés, des réponses étayées. Ces réponses ne révèlent aucun faisceau d'indice sérieux d'atteinte à l'intérêt social ou d'irrégularité d'une opération de gestion précisément identifiée.
Ainsi, quant aux demandes relatives à la société Investimmo, M. [N] [I] épouse [S] procède par affirmation quant au fait que 'son mari, qui détient dans les faits les pleins pouvoirs sur les deux sociétés, se sert de la société Immosport comme outil lui permettant d'obtenir des concours bancaires tandis que la société est vidée petit à petit de ses actifs, notamment vers la société Investimmo', ce que l'accroissement de son endettement ne saurait suffire à rendre vraisemblable en l'absence de tout indice de détournement, alors même que s'agissant de la participation querellée de la société Immosport à l'augmentation de capital de la société Investimo, les procès verbaux d'assemblée générale de la société Investimo ont été versés aux débats, que Mme [N] [I] épouse [S] verse également aux débats une attestation de dépôts de fonds émanant de la banque Palatine concernant cette opération et que la société Immosport fait valoir, sans être utilement contredite, qu'elle a revendu sa participation au capital de la société Investimo depuis le 13 février 2014, dégageant une plus-value substantielle.
En outre, la société Immosport verse aux débats un courrier de son expert-comptable attestant qu'aucune transaction immobilière n'est intervenue entre les deux sociétés depuis 2005 et les informations permettant de déterminer la valeur de cette société sont disponibles auprès du greffe du tribunal de commerce.
De même, quant à l'acquisition de terrains viticoles à Pampelonne, la société Immosport fait valoir que Mme [N] [I] épouse [S] a voté la création d'une société en participation entre la société Immosport et la société SCEA [Adresse 3] lors d'une assemblée spéciale du 24 juillet 2012, que cette participation a ensuite été convertie en une acquisition de 90% du capital de la SCEA par la société Immosport et que celle-ci ne lui verse aucun loyer. Mme [N] [I] épouse [S] n'établit pas en quoi cette opération serait susceptible de porter atteinte à l'intérêt social, ce qui ne saurait là encore résulter nécessairement, en soi, de ce que la société Immosport, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers, s'est endettée à cette fin et de ce que les associés de cette SCEA 'ne sont autres que M. [S] et sa maîtresse, Mme [P] [D]'.
En troisième lieu, s'agissant de sa demande d'informations quant au chèque litigieux de 244.000euros décaissé par la société Immosport, il lui a été répondu qu'il s'agit d'un chèque du 10 mars 2010 correspondant au remboursement à Mme [D] du compte courant de M. [H] dans la société Conceptimmo, qui était détenue à 100% par la société Immosport, dont elle était cessionnaire, que la société Conceptimmo a été dissoute et son patrimoine universellement transmis à la société Immosport. En tout état de cause, la créance de Mme [D] sur la société Immosport est attestée par son expert comptable dans une lettre versée aux débats.
Enfin, Mme [N] [I] épouse [S] n'étaye pas sa demande d'information concernant le financement du rachat de 320 de ses parts et il ne résulte des éléments en débats aucun indice de la fraude fiscale alléguée initialement.
Il s'ensuit que la demande d'expertise de gestion de Mme [N] [I] épouse [S] qui ne démontre pas qu'elle n'est pas tenue informée conformément aux dispositions susvisées et que sa demande se justifie au regard de l'intérêt social, a été à juste titre rejetée par le premier juge et que l'ordonnance entreprise doit être confirmée.
La demande d'infirmation du chef du dispositif de l'ordonnance entreprise relatif aux dommages-intérêts n'étant pas étayée, il y a lieu de confirmer celui-ci.
Le sort de l'indemnité de procédure a été exactement réglé en première instance et à hauteur de cour, il convient de condamner M. [N] [I] épouse [S] à verser à la société Immosport, tenue d'exposer de nouveaux frais irrépétibles pour se défendre, une indemnité complémentaire de 2.000 euros.
Considérant que Mme [N] [I] épouse [S], partie perdante, devra supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [N] [I] épouse [S] à verser à la SAS Immosport une somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [N] [I] épouse [S] aux dépens de l'appel distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Président,