RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 Mai 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08715 et 12/09336
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/11024
APPELANTE et intimée
L'UNION DEPARTEMENTALE FORCE OUVRIERE DE PARIS
[Adresse 1]
[Adresse 3]
représentée par Me Guy VIALA, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIME et appelant
Monsieur [K] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]
comparant en personne,
assisté de Me Amandine RETOURNE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0503
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [K] [R], a commencé d'exercer des fonctions de défenseur syndical auprès de l'Union Départementale Force Ouvrière de Paris (l'UDFO Paris), à compter du mois de mars 2006 jusqu'au 3 septembre 2006. Après une interruption, il a repris son activité en septembre 2007, à temps partiel à compter de juin 2008. Il l'a cessé le 1er janvier 2010.
Monsieur [R] a saisi le le conseil de prud'hommes le 9 août 2011 aux fins d'obtenir des indemnités, dommages-intérêts et rappels de salaires en conséquence.
Par jugement du 23 mai 2012, le conseil de prud'hommes de Paris, en considérant que Monsieur [R] ne justifiait pas de l'existence d'un contrat de travail, l'a débouté de ses demandes et a condamné l'UDFO Paris à réparer son préjudice moral à hauteur de 20'000 euros, avec intérêts au taux légal.
L'UDFO Paris a relevé appel de cette décision et Monsieur [R] a fait appel incident.
Par conclusions visées au greffe le 9 mars 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, l'UDFO Paris demande à la cour l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à Monsieur [R] 20'000 euros à titre de dommages intérêts, le débouté des demandes adverses et la condamnation de Monsieur [R] à 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 9 mars 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, Monsieur [R] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'UDFO Paris à payer la somme de 20'000 euros à titre de dommages et intérêts et l'infirmation pour le surplus. Il demande la condamnation de l'UDFO Paris à lui payer :
' 11'065,08 euros de rappels de salaire pour 2007, les congés payés afférents et subsidiairement 5120,28 euros et les congés payés afférents ,
' 29'321,65euros de rappel de salaire pour l'année 2008, les congés payés afférents et subsidiairement, 14'012,05 euros et les congés payés afférents ,
' 13'277,40 euros d'indemnité pour travail dissimulé et subsidiairement, 8026,20 euros,
' 39'832,20 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
' 1032,68 euros d'indemnité de licenciement et subsidiairement, 499,38 euros,
' 4425,80 euros d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et subsidiairement, 2140,21 euros et les congés payés afférents,
' 2212,90 euros de dommages-intérêts pour irrespect de la procédure et subsidiairement, 1070,10 euros,
' 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre la remise des documents sociaux sous astreinte, les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts.
Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.
MOTIFS
Sur la jonction des instances
En application de l'article 367 du code de procédure civile, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des deux instances inscrites au répertoire général et de dresser du tout un seul et même arrêt sous le numéro 12/08715.
Sur le contrat de travail
Le contrat de travail se définit comme une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle elle se place moyennant rémunération. Il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'un lien de subordination n'est pas incompatible avec une indépendance technique dans l'exécution de la prestation.
Monsieur [R] estime être titulaire d'un contrat de travail avec l'UDFO, avoir disposé d'une rémunération de 700 euros par mois, d'un lien de subordination, caractérisé par le fait que l'union départementale organisait son temps travail, lui fournissait le matériel nécessaire à son activité et qu'il était soumis aux directives de la direction. Il fait remarquer que les fonctions qu'il exerçait sont indifférentes de la qualité du travail fourni et qu'il a du cesser ses fonctions, en raison d'une surcharge d'activité.
L'UDFO Paris estime que Monsieur [R] intervenait en qualité de bénévole, qu'il n'était pas rémunéré et qu'il n'existait pas de lien juridique de subordination entre eux. Elle précise que cette absence de subordination ne lui a pas permis, notamment, de sanctionner les défaillances de Monsieur [R] dans l'exercice de ses fonctions.
C'est par des motifs pertinents, adoptés par la Cour, que les premiers juges, après examen de l'ensemble des pièces produites par les parties, ont considéré qu'en l'absence d'éléments caractérisant l'existence d'un contrat de travail, les demandes de Monsieur [R] devaient être rejetées.
Il suffira de rajouter à cet égard que si la fourniture d'un travail n'est pas contestée, Monsieur [R] n'établit pas l'existence d'une rémunération ; ses relevés de compte qui portent la trace de 10 versements en espèces, sur 2008 et 2009, pour des montants variant entre 400 et 810 euros, ne permettent pas d'en justifier ; ses propres déclarations devant la juridiction correctionnelle le contredisent.
C'est encore à juste titre que le Conseil a considéré qu'il n'existait aucun lien de subordination entre Monsieur [R] et la direction de l'UDFO Paris ; ni l'existence d'un secrétariat, ni la souscription d'abonnements, ni la nécessité de prendre rendez-vous sur des plages de temps précises, ne sont de nature à démontrer une quelconque subordination. En effet, l'existence de la permanence syndicale impose, en tout état de cause, de disposer d'une organisation minimum.
De la même manière, la nécessité pour Monsieur [Q], adjoint de l'Union départementale, d'assurer un suivi des dossiers confiés au service juridique, pour pouvoir rendre des comptes sur l'activité de sa délégation, ne crée pas un lien de subordination avec les bénévoles exerçant au sein de ce service.
Enfin, le statut de bénévole des défenseurs syndicaux est confirmé dans les nombreuses attestations transmises par l'Union syndicale et par Monsieur [R], dans son mail du 30 novembre 2009, dans lequel il déclare : «' Je te prie d'excuser la lenteur relative avec laquelle je te fais parvenir ce travail, mais comme tu le sais sans doute je ne travaille que 10 heures par semaine (soit un jour et demi).' Soit, on augmente ma capacité de travail (sachant que pour résorber les dossiers il me faudrait travailler quatre jours par semaine) ce qui passerait nécessairement par une embauche. Je te laisse seul juge' »
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient donc de considérer que les fonctions exécutées par Monsieur [R] s'effectuaient dans le cadre du bénévolat et qu'il n'est en conséquence pas fondé à solliciter des rappels de salaire, et à soutenir que la cessation de ses fonctions s'est effectuée par une prise d'acte qui s'analyserait en un licenciement.
Il convient donc de le débouter, également, de ses demandes indemnitaires fondées sur cette rupture.
Enfin, en l'absence de contrat de travail, la demande relative au travail dissimulé doit être déclarée sans objet.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral
Monsieur [R] fait valoir que l'UDFO avait engagé avec lui des discussions visant à envisager son embauche, dès que les finances du syndicat le permettraient. Il expose que ces promesses n'ont pas été tenues, alors qu'un emploi salarié a pu être créé en 2009.
L'UDFO Paris considère qu'il n'existe pas de préjudice moral. Elle affirme au contraire, avoir aidé l'intéressé dans sa carrière professionnelle, Monsieur [R] ayant bénéficié des recommandations du syndicat pour occuper des postes en CDD à Pôle Emploi, en 2007, puis une embauche à la Bourse du Travail sur un des deux postes attribués au syndicat en 2009.
Pour fonder sa demande, Monsieur [R] produit plusieurs attestations indiquant qu'il était un membre actif du syndicat et un mail du 2 novembre 2009 dans lequel il indique avoir constamment travaillé dans le sens de l'obtention d'un CDI.
Ces éléments ne suffisent pas à prouver une faute de l'UDFO.
Les attestations produites n'établissent pas que Monsieur [R] ait été investi dans sa mission de défenseur syndical plus qu'un autre bénévole, et il aurait pu prétendre, mieux qu'un autre, à une embauche en qualité de salarié.
L'existence d'un préjudice n'est pas non plus établie, Monsieur [R] ayant pu bénéficier à compter de 2007, de l'appui du syndicat pour bénéficier d'un certain nombre d'embauches.
Il convient donc de rejeter la demande de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des procédures inscrites au répertoire général de la Cour, sous les numéros 12/09336 et 12/08715 ;
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné l'UDFO Paris à verser la somme de 20 000 euros à titre de préjudice moral à Monsieur [R] ;
et statuant de nouveau sur le chef infirmé ;
Déboute Monsieur [R] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes ;
Condamne Monsieur [R] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT