RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 01 Juin 2016
(n° , 08 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08693
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/06961
APPELANTE
Madame [J] [M]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
comparante en personne
assistée de Me Aude LASTES, avocat au barreau de PARIS, toque : R183
INTIMEE
SA PERGAM
N° SIRET : 438 328 973 00013
[Adresse 4]
[Adresse 1]
représentée par Me Christian BREMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : R038
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [J] [M] a été engagée à compter du 25 août 2008 par la société Pergam Finance selon contrat à durée indéterminée en qualité de secrétaire générale.
La société compte plus de onze salariés. Elle n'est soumise à aucune convention collective.
A compter du 20 février 2011, Madame [M] a bénéficié de plusieurs arrêts de travail pour maladie. Le 18 octobre puis le 15 novembre 2011, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude à son poste.
Par courrier du 29 novembre 2011, Madame [M] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 14 décembre suivant. Elle a été licenciée pour inaptitude par courrier du 23 décembre 2011.
Contestant les conditions de son licenciement, Madame [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 31 juillet 2013, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Madame [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :
- 100.000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 72.327,29 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,
- 15.833,27 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement de à travail égal, salaire égal, outre les congés afférents,
- 13.333,34 euros à titre de rappel de la prime individuelle dite « prime exceptionnelle » valant bonus 2010,
- 6.666,67 euros à titre de rappel de la prime annuelle dite « prime exceptionnelle » valant bonus 2010 retirée à tort sur son solde de tout compte,
- 4.000 euros au titre de frais de procédure.
La société Pergam Finance demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes. Elle réclame également la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité
Madame [M] estime que son employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité au regard de la dégradation de son état de santé liée à ses conditions de travail.
Ainsi elle indique que la société Pergam Finance n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer rapidement les remplacements des postes laissés vacants suite au licenciement du directeur administratif et financier en mai 2010 et au départ de l'assistante administrative en août 2010. Elle ajoute qu'elle a alerté la direction de cette situation et de l'alourdissement de sa charge de travail sans que celle-ci ne réagisse. Elle explique que cette surcharge de travail a impacté son état de santé au point qu'elle s'est vue prescrire des anxiolytiques dès le mois de mai 2010.
Madame [M] ajoute également que l'employeur n'a pas hésité à la faire travailler pendant ses arrêts de travail en aménageant notamment son domicile et en n'estimant pas nécessaire de la remplacer pendant son absence. Elle estime que cette situation qui a perduré deux mois, ne lui a pas permis de se rétablir et de réintégrer son poste de travail.
A l'appui de ses prétentions, elle produit notamment :
- un email envoyé le 7/09/2010 par la salariée à la direction de la société dans lequel elle détaille les sujets qu'elle traite et ceux qui ne le sont pas,
- un email envoyé le 28/06/2010 par la société à la direction de la société dans lequel elle fait un état des lieux de son poste et des nouvelles tâches effectuées suite au départ du directeur administratif et financier et dans lequel elle s'interroge quant à la reprise des tâches attribuées à l'assistante après son départ. Elle précise « Comment cela va-t-il se passer à la rentrée ' Vous ne m'avez pas donné d'instructions relatives au lancement d'un recrutement autre que celui des congés d'été d'[R] »,
- un email adressé le 28/10/2010 à la direction dans lequel elle leur soumet un profil de poste assistanat administratif et comptable,
- des ordonnances datées des 18/01/2011 et 30/05/2011 pour des anxiolytiques,
- un courrier de son médecin généraliste indiquant « que l'état de santé de Madame [M] a nécessité la prise de médicaments psychotropes anxiolytiques à partir des septembre 2010 et ceci sans rapport avec ses problèmes dorso-lombaires »,
- une attestation de Monsieur [I], ancien directeur administratif et financier de la société, indiquant « La charge de travail donnée par la direction et le stress qui en découlait était énorme. J'entends par là que les effectifs étaient réduits afin de ne jamais dépasser le seuil de 19 salariés, alors que les tâches se complexifiaient et que les dossiers s'accumulaient. La charge de travail quotidienne dépassait donc allègrement les 10 heures par jour, tandis que les demandes et instructions pressantes de la part de la direction étaient extrêmement fréquentes. Madame [M] a de plus été chargée de dossiers compliqués qui se sont accumulés (') Cumulant les missions stressantes et épuisantes, j'ai constaté que Madame [M] est arrivée rapidement à un état de surmenage et d'épuisement professionnel (') Cette situation est arrivée à son paroxysme lorsqu'un matin en 2009 je l'ai vue s'effondrer sur le sol de notre bureau. J'ai immédiatement donné l'alerte et fait prévenir les pompiers (') lorsqu'elle a repris son poste au bout de quelques jours, elle m'a tout de même confié qu'elle se sentait épuisée par toute la charge de travail ».
- une attestation de son employée de maison indiquant « la plupart du temps quand j'arrivais à son domicile, Madame [M] était couchée l'ordinateur allumé sur le lit et elle était soit au téléphone avec des personnes de la société ou en train de travailler sur son ordinateur. J'ai pu constater personnellement qu'elle travaillait depuis chez elle pendant son arrêt de travail »,
- une attestation de son masseur kinésithérapeute indiquant « nous avons évoqué ensemble le fait que ce stress qui la rongeait dans le cadre professionnel constituait un frein à une bonne rééducation et à une récupération complète. (') Pour Madame [M] c'est ce stress au travail que j'ai pu constater au cours de nos séances ensemble qui l'a amenée à cette chronicité »,
- les échanges d'email (environ 75) entre le 22 février et le 26 avril 2011 durant son arrêt de travail.
La société Pergam Finance conteste toute violation de son obligation de sécurité. Elle explique n'avoir jamais demandé à Madame [M] de travailler durant son arrêt maladie et qu'au surplus les échanges de mails produits démontrent qu'elle se limitait à répondre brièvement sans fournir de véritable travail.
L'employeur constate qu'aucun élément n'atteste de l'état de stress de la salariée en lien avec ses conditions de travail.
L'employeur est tenu à l'égard de chaque salarié d'une obligation de sécurité et de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé. Il doit en assurer l'effectivité.
En l'espèce, s'il apparaît que la charge de travail de Madame [M] était importante, en raison notamment des responsabilités qu'elle exerçait, aucun élément ne justifie d'un lien quelconque entre ses problèmes de santé et ses conditions de travail.
Ainsi, aucun élément n'atteste de la réalité du stress invoqué par Madame [M] qui n'en a par ailleurs jamais fait état auprès de sa hiérarchie. Si Madame [M] a effectivement interrogé sa hiérarchie sur la répartition des tâches effectuées par le directeur administratif et financier ou l'assistante administrative, elle n'a en revanche jamais fait état de sa surcharge de travail liée à leur départ ni interpellé sa hiérarchie sur ce point.
En tout état de cause, les attestations de l'employée de maison et de l'ancien directeur financier de la société sont insuffisantes à établir la réalité de cet état de stress et ce d'autant plus que la salariée ne produit aucune information sur son hospitalisation courant 2009. De même, le courrier de son médecin généraliste ne permet pas de déterminer les raisons médicales justifiant sa prise d'anxiolytiques. L'attestation de son masseur kinésithérapeute, qui au demeurant n'est ni médecin ni expert, ne permet pas non plus d'établir un lien entre les maux de dos de la salariée et ses conditions de travail.
La maladie du salarié ne rompt pas le contrat de travail mais entraîne la suspension de son exécution. Pendant la période de suspension, les obligations contractuelles sont également suspendues et le salarié n'est plus sous l'autorité de son employeur. En particulier, le salarié est dispensé d'exécuter sa prestation de travail et n'a pas à poursuivre une collaboration avec l'employeur.
Il ressort des mails produits par Madame [M] que contrairement à ce que soutient l'employeur, cette dernière a effectivement continué à travailler pendant les deux premiers mois de son arrêt de travail. Si dans certains cas, elle n'est qu'en copie des mails adressés, dans d'autres son avis est expressément demandé (mail du 1er avril 2011 de [N] [B], mail du 4 mars 2011 d'[R] [Q], mail d'[W] [D] du 16 mars 2011, etc.). En tout état de cause, il apparaît que son employeur était parfaitement informé de cette situation puisqu'il était destinataire des mails envoyés par [T] [M], situation qu'il a même encouragée en acceptant que des collaborateurs passent à son domicile pour récupérer ou lui apporter des documents de travail et que du matériel informatique y soit installé afin de lui permettre de travailler.
Il apparaît par conséquent que l'employeur a laissé la salariée travailler en période de suspension du contrat de travail, manquant ainsi à son obligation de sécurité. Il convient dès lors d'accorder à Madame [M] la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement déféré sera infirmé.
Sur la demande de rappel de salaire
Madame [M] fait valoir qu'en sus de sa fonction de secrétaire générale, elle a repris les tâches du directeur administratif et financier. En conséquence, conformément au principe de travail égal, salaire égal prévu par les articles L3221-2 et L3221-4 du code du travail, elle aurait dû bénéficier du même salaire que celui verser à son ancien collègue dont elle avait repris les fonctions.
La société Pergam Finance précise que Madame [M] n'a jamais repris les prérogatives et les missions de l'ancien directeur administratif et financier qui ont en réalité été confiées à un expert comptable. Elle ajoute que Monsieur [I] avait en outre une formation d'expert comptable ce qui n'est pas le cas de la salariée.
Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L. 2261-22.9°, L.2271-1.8° et L.3221-2 du Code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le directeur administratif et financier de la société Pergam Finance a été licencié en mai 2010.
Il ressort des pièces versées aux débats et dont la réalité n'est pas contestée, qu'avant son départ, Madame [M] avait été amenée à travailler en collaboration avec lui sur certains dossiers. Il apparaît également qu'à la suite de son licenciement, Madame [M] a repris certaines de ses tâches.
Pour autant, on ne peut en déduire l'existence d'une discrimination. Si la loi impose en effet à l'employeur de rémunérer de façon identique les salariés, effectuant les mêmes fonctions et ayant une expérience et des diplômes équivalents, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que Madame [M] exerçait effectivement les fonctions de directeur administratif et financier et notamment les responsabilités liées à un tel poste. Il apparaît également que l'ancien directeur administratif et financier n'avait ni la même formation ni les même diplômes que Madame [M].
Dès lors, Madame [M] ne produit aucun élément susceptible de caractériser une inégalité de rémunération. Sa demande de rappel de salaire sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé.
Sur la demande de rappel de prime annuelle individuelle
Madame [M] indique que son employeur a soustrait de son solde de tout compte l'acompte sur le bonus 2010 versé en janvier 2011 dans l'attente de son entretien annuel d'évaluation. Elle ajoute que la direction était parfaitement informée du versement de cet acompte qu'elle avait validé.
Elle estime par conséquent que cet acompte lui est dû mais qu'elle aurait également dû percevoir en plus le paiement global de sa prime annuelle individuelle de 2010 équivalente à trois mois de salaire. Elle précise que l'autre prime exceptionnelle également perçue en janvier 2011 avait pour objet de récompenser les missions réalisées en sus de ses fonctions et était indépendante des primes annuelles individuelles.
La société constate que Madame [M] sollicite en tout et pour tout le versement de quatre mois de salaire au titre du bonus annuel contrairement aux dispositions du contrat de travail. Elle ajoute que la salariée, qui donnait des ordres pour l'établissement des bulletins de paie, s'est auto-accordée un acompte sur la prime exceptionnelle qui ne lui était pourtant pas encore due. L'employeur précise que cet acompte n'a jamais été autorisé mais que compte tenu de l'arrêt maladie de la salariée, il a préféré attendre son retour pour en discuter avec elle. En tout état de cause, la société Pergam Finance estime que Madame [M] ayant cessé de travailler, il ne pouvait lui être dû une prime exceptionnelle, l'acompte indûment octroyé devait donc être restitué.
La proposition d'embauche prévoyait que la rémunération annuelle de Madame [M] comprendrait :
- une prime annuelle individuelle : pouvant représenter jusqu'à 3 mois de salaire brut à l'appréciation de l'employeur,
- des primes exceptionnelles pouvant être ponctuellement attribuées dans le cadre de développements commerciaux réalisés.
Il ressort des fiches de salaire versées aux débats que Madame [M] a perçu au titre des primes :
- en 2009 : 4.640 euros en mars, 6.271,90 euros en octobre et 5.000 euros en décembre,
- en 2010 : 15.000 euros en avril, 6.666,67 euros en octobre,
- en 2011 : 6.666,67 euros en janvier et un acompte de 6.666,67 euros en janvier.
Ce dernier acompte a été restitué car déduit par l'employeur du solde de tout compte.
Il n'est pas contesté que les primes annuelles individuelles étaient versées au terme de l'année écoulée et suite à l'entretien annuel d'évaluation. Madame [M] n'a pu être évaluée pour l'année 2010 compte tenu de son absence pour maladie, pour autant aucun élément ne permet d'indiquer qu'elle n'a pas donné entière satisfaction dans son travail ce qu'au demeurant l'employeur ne conteste pas. Il apparaît qu'elle a toujours bénéficié de primes importantes au cours de la relation de travail, au moins égales au maximum fixé dans le contrat de travail. Dès lors, elle peut prétendre au versement de la prime annuelle individuelle au titre de l'année 2010 dans les limites contractuelles.
S'agissant des primes versées en janvier 2011, aucun élément ne permet d'établir à quel titre elles ont été versées. Si Madame [M] explique que la prime de 6.666,67 euros lui a été versée en récompense des missions réalisées en sus de ses fonctions, aucun élément ne vient étayer cette affirmation. Il convient dès lors de considérer qu'il s'agit d'une partie du bonus annuel 2010.
Au regard de ces éléments, il convient donc d'allouer à Madame [M] la somme totale de 13.333,34 euros au titre de la prime annuelle individuelle de l'année 2010, déduction faite des sommes déjà perçues à ce titre. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Ce n'est qu'après avoir mené avec sérieux une recherche de reclassement et si tout reclassement s'avère impossible, que l'employeur est autorisé à engager une procédure de licenciement.
Madame [M] constate que malgré les préconisations du médecin du travail, aucun poste de reclassement, ni aménagement de poste ne lui a été proposé. Elle estime que l'employeur n'a pas cherché sérieusement à la reclasser et fait preuve de mauvaise foi en indiquant qu'aucun aménagement de son poste de travail n'était possible. Ainsi il n'a pas rencontré de difficultés à aménager son poste au moment de son arrêt maladie pour qu'elle puisse travailler depuis son domicile. Par ailleurs, le travail à distance est parfaitement possible au sein de la société et d'autres salariés ont pu en bénéficier.
Madame [M] constate qu'il appartenait à la société Pergam Finance d'étudier toutes les possibilités de reclassement au besoin en sollicitant l'avis du médecin du travail.
La société Pergam Finance précise que l'entreprise ne compte que vingt salariés et qu'aucun poste de reclassement, correspondant aux compétences de Madame [M], n'était disponible. Selon elle, Madame [M] pouvait uniquement être reclassée dans un poste de secrétaire, incompatible avec une position debout.
Elle ajoute que Madame [M] n'a jamais formulé la moindre proposition pour être reclassée notamment en travaillant à partir de son domicile ce qui ne pouvait lui être imposé. En tout état de cause, elle constate que l'état de santé de la salariée ne lui permettait plus de travailler sur un ordinateur.
En l'espèce, à la suite de la première visite médicale de reprise du 18 octobre 2011, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de la salariée « à un poste assis en continu plus d'une heure d'affilée. Apte à un poste avec une charge de travail modérée et nécessitant le respect des horaires du contrat de travail. Étude de poste à prévoir sans l'entreprise. A revoir début novembre (inaptitude définitive à prévoir) ».
A la suite de la deuxième visite du 15 novembre 2011, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive de la salariée « au poste de secrétaire générale. Apte à un poste (posture assise en discontinu) avec respect des horaires du contrat de travail ».
L'employeur doit dans sa recherche de reclassement, prendre en considération les recommandations du médecin du travail à cet égard. Il peut également tenir compte des observations ultérieures qui lui sont communiquées par le médecin du travail à la suite de sa demande de précisions. Si le médecin du travail n'a formulé aucune proposition, il appartient à l'employeur de les solliciter.
L'employeur ne doit pas omettre d'envisager des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du poste ou du temps de travail.
L'employeur ne sera considéré comme ayant rempli son obligation de reclassement que si la démarche accomplie dans ce but apparaît sérieuse.
En l'espèce force est de constater que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et n'a pas recherché sérieusement si le poste de Madame [M] pouvait être aménagé. En effet, il ressort du fax du médecin du travail que dès le 27 octobre 2011, la société Pergam Finance a exprimé son impossibilité à respecter les indications mentionnées sur la fiche d'aptitude. Or à aucun moment, elle n'a sollicité le médecin du travail pour savoir si le poste de Madame [M] pouvait être aménagé notamment en organisant du travail à domicile ou si un autre poste, même administratif, pouvait convenir à la salariée.
Dès lors, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il résulte des documents versés aux débats et notamment l'attestation pôle emploi que le salaire mensuel brut moyen de Madame [M] s'élevait à 8.812,85 euros en tenant compte des primes versées.
A la date du licenciement, Madame [M] avait 40 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans et 4 mois au sein de l'établissement.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame [M], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, une somme de 55.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les frais de procédure
L'équité commande de condamner la société Pergam Finance à verser à Madame [M] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
Comme elle succombe dans la présente instance, la société Pergam Finance sera déboutée du chef de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié que la cour ordonnera dans le cas d'espèce dans la limite de trois mois.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande relative au rappel de salaire,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SA Pergam Finance à verser à Madame [M] les sommes suivantes :
- 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,
- 13.333,34 euros au titre de la prime annuelle individuelle de l'année 2010,
- 55.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
Ordonne le remboursement par la SA Pergam Finance à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [M] à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois,
Condamne la SA Pergam Finance à verser à Madame [M] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SA Pergam Finance de sa demande de ce chef,
Condamne la SA Pergam Finance aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT