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01/06/2016 | FRANCE | N°14/00673

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 01 juin 2016, 14/00673


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 Juin 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00673



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 09/00974





APPELANT

Monsieur [P] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Aïcha CONDE, avocat au barreau d

e PARIS, toque : E0023





INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 00034

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Benjamine FIEDLER, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 Juin 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00673

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 09/00974

APPELANT

Monsieur [P] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023

INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 00034

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Benjamine FIEDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

et par Me Maxime BAILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

en présence de M. [S] [P], juriste, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Z] a été engagé par la société Numéricable, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 21 janvier 2008, en qualité de conseiller commercial, statut employé groupe C.

La rémunération moyenne mensuelle ressortait à la somme de 2 018,28 euros.

Les relations commerciales étaient régies par la convention collective des télécommunications.

Malgré un avis défavorable du comité d'entreprise rendu le 18 mars 2008, la SAS NC Numéricable a, courant juin 2008, proposé à l'ensemble des conseillers commerciaux une modification de leur contrat de travail portant sur les modalités d'attribution de la part variable de la rémunération, modification que de nombreux salariés ont refusée mais que M. [Z] a acceptée.

Le 27 juin 2008, le salarié a informé l'employeur de son refus de la mise en oeuvre de l'avenant avalisant la modification.

Le 15 octobre 2008, la SAS NC Numéricable a convoqué M. [Z] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fié au 24 octobre suivant.

Par lettre du 10 novembre 2008, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour une cause réelle et sérieuse.

Le 4 novembre 2008, plusieurs conseillers commerciaux ont déclenché un mouvement de grève.

Un protocole de fin de grève a été signé entre les parties, le 4 décembre 2008.

Quelques mois plus tard, soit le 27 juillet 2009, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux afin de contester la validité du licenciement et par suite, de voir ordonner sa réintégration. Il a sollicité un rappel de rémunération, des frais professionnels, des dommages et intérêts pour un préjudice moral et financier.

Par un jugement du 26 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Meaux a :

* annulé le licenciement,

* condamné la SAS NC Numéricable à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

- 11 757,72 euros en réparation de la nullité du licenciement et de la non réintégration tous préjudices confondus,

- 1910 € au titre du remboursement des frais professionnels,

- 900 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné la compensation entre les créances,

* débouté les parties du surplus de leurs réclamations respectives.

Le salarié a relevé appel partiel de ce jugement, demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal d'ordonner sa réintégration et de condamner l'employeur au paiement des salaires depuis son éviction jusqu'à sa réintégration effective sous astreinte de 500 € par jour de retard, les salaires s'élevant à la date des débats la somme de 176 460,36 euros.

Subsidiairement, il réclame le paiement des sommes suivantes :

- 24 339,36 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

A titre infiniment subsidiaire, il sollicite les mêmes sommes, les dommages-intérêts étant alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, il sollicite encore :

- 11 024,41 euros au titre des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- 1910 € au titre des frais professionnels,

- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS NC Numéricable a également relevé appel incident du jugement déféré dont elle sollicite l'infirmation en ce que le licenciement a été annulé et en ce qu'elle a été condamnée à verser diverses sommes au salarié.

Elle ne remet pas en cause la condamnation prononcée au titre des frais professionnels.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la réintégration du salarié est matériellement impossible et par suite, de le débouter de la demande formée au titre de la réintégration et de la demande d'indemnisation associée.

En tout état de cause, elle s'oppose aux demandes formulées au titre des dommages-intérêts et réclame une indemnité de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour note que ni la nullité de la transaction, ni la condamnation au paiement des remboursements de frais professionnels ne sont remises en cause. Ces dispositions du jugement déféré sont définitives.

Sur le licenciement ;

En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement du 10 novembre 2008, qui circonscrit le litige, reproche au salarié :

« la réalisation de ventes en violation manifeste des engagements souscrits dans la charte déontologique applicables aux vendeurs à domicile « vous avez reconnu avoir argumenté le client sur l'option net alors que vous saviez que ce dernier ne possédait pas d'ordinateur. Or, il est strictement interdit de proposer des produits pour lesquels les clients ne sont pas équipés » ;

une baisse de résultats liée à des absences répétées sur le terrain, » vos résultats montre que votre production est inférieure aux minimums requis[...]votre manque d'implication et de travail sont manifestes,[....]vos absences sur le terrain les 18-25-26 août, les 10 et 11 septembre, le 23 septembre 2008 comme nous l'a précisé votre manager, M. T qui ne peut vous accompagner en clientèle. Ce dernier a cherché à vous joindre à plusieurs reprises sur le terrain et s'est également rendu sur vos prises sans vous y trouver.

Un comportement perturbant le travail de l'équipe d'affectation.

[...] cette insuffisance professionnelle et votre non présence sur le terrain sont assimilables à un refus de travailler.[...]ce comportement improductif est d'autant plus inacceptable qu'il perturbe fortement l'activité de l'équipe à laquelle vous êtes affecté[....] les prises que vous devriez travailler représentent une déperdition pour le reste de votre équipe qui ne peut les commercialiser du fait de l'affectation qui vous en est faite ».

M. [Z] soulève la nullité de son licenciement en ce qu'il lui a été notifié alors qu'il participait à la grève déclenchée le 4 novembre 2008.

Selon l'article L. 2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.[...] Le licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit.

La nullité du licenciement d'un salarié gréviste n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève. Elle s'étend à tout licenciement d'un salarié prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève à laquelle il participe et qui ne peut être qualifié de faute lourde.

Dans le cas d'espèce, la procédure de licenciement a été initiée dès le 15 octobre 2008, soit antérieurement à la grève. Au surplus, M. [Z] n'a pas été licencié pour fait de grève, les griefs visés par la lettre de licenciement étant antérieurs au déclenchement du mouvement de grève. Ce moyen ne peut être accueilli.

M. [Z] invoque la nullité de son licenciement au motif que celui-ci lui a été notifié alors que le contrat était encore suspendu consécutivement à l'accident du travail dont il avait été victime.

Il n'est pas utilement combattu que le salarié a subi un accident du travail, le 25 août et a été en arrêt à compter de cette date jusqu'au 7 septembre 2008, qu'aucune visite médicale de reprise, seule susceptible de mettre fin à la suspension du contrat de travail, n'a été organisée par l'employeur et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4624-21 alors applicable, en sorte que le licenciement notifié pendant la suspension du contrat de travail suspendu est nul.

Sur la réintégration ;

D'après les dispositions légales en vigueur, lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, il doit ordonner la réintégration du salarié si celui-ci la demande sauf si la réintégration est devenue impossible notamment du fait la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

L'impossibilité de réintégrer le salarié peut aussi résulter des comportements que celui-ci a adopté.

Dans le cas présent, pour s'opposer à la demande de réintégration de l'individu, la SAS NC Numéricable invoque le caractère artificiel et déloyal de la demande de réintégration, cette demande ayant pour objet selon l'employeur d'obtenir des conditions d'indemnisation plus favorables que celles qui sont réservées aux salariés qui ne sollicitent pas une telle réintégration.

Dans le cas d'espèce, il est avéré que M. [Z] a clairement demandé à pouvoir bénéficier d'une rupture conventionnelle ainsi que cela ressort de sa demande de rendez vous adressée à une responsable de l'entreprise et de l'interrogation formulée par M. [B], mandaté par les salariés pour négocier les dites ruptures conventionnelles. La cour relève encore que le salarié n'a saisi le conseil de prud'hommes au fond et non en référé pour solliciter l'annulation du licenciement et sa réintégration que plusieurs mois plus tard soit en juillet 2009, après que d'autres membres de l'équipe de commerciaux avaient aussi consécutivement à la notification de leur licenciement pour faute grave et à la signature d'une transaction remis en cause tout à la fois la transaction et la validité de leur licenciement devant le conseil de prud'hommes.

Il s'en déduit que le salarié a lui-même souhaité bénéficié d'un processus de rupture négociée de son contrat de travail, manifestement une volonté non équivoque en ce sens. Compte tenu de ce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie appelante ne peut plus se prévaloir d'une volonté réelle de poursuivre la relation contractuelle qu'il a déniée précédemment.

La réintégration est manifestement impossible.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [Z] des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 24 339,36 euros en réparation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

Le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue. Cette demande ne peut pas prospérer.

Sur la demande dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

M. [Z] soutient à l'appui de cette demande que l'employeur a détourné les règles applicables en matière de licenciement économique, n' a pas respecté l'accord de fin de grève, a multiplié les pressions pour le contraindre à quitter son emploi de sa propre initiative, qu'en conséquence le contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi.

Or, il ressort des éléments communiqués, que l'employeur a proposé une modification des modalités de la rémunération de la part variable en raison des dérives réalisées par des conseillers de vente à domicile, notamment, des « fausses ventes ».

La réalité de dérives des pratiques au sein de l'équipe n'est pas utilement déniée.

La prétendue mauvaise foi de l'employeur à cet égard n'est pas établie.

Cette demande ne peut pas davantage prospérer.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [Z] une indemnité de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 800 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La SAS NC Numéricable, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Constate que la SAS NC Numéricable ne forme pas appel du jugement en ce qu'il l'a condamnée au versement de frais professionnels,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement était nul, en ce qu'il a condamné SAS NC Numéricable à verser la somme de 900 euros à la partie appelante en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS NC Numéricable à verser à la partie appelante les sommes suivantes :

- 24 339,36 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS NC Numéricable aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/00673
Date de la décision : 01/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/00673 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-01;14.00673 ?
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