RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 07 Juin 2016
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/12652
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 octobre 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS section -section encadrement- RG n° 12/08293
APPELANT
Monsieur [B] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Michel REMBAULT, avocat au barreau de PARIS, E1319
INTIMÉES
SA AMUNDI
[Adresse 3]
[Adresse 2]
N° SIRET : 437 574 452 00029
représentée par Me Béatrice POLA, avocat au barreau de PARIS, J043
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
[Adresse 4]
[Adresse 2]
N° SIRET : 552 120 222 00013
représentée par Me Joël GRANGE, avocat au barreau de PARIS, P461
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 avril 2016, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Bruno BLANC, Président
Madame Roselyne GAUTIER, Conseillère
Madame Anne PUIG-COURAGE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Bruno BLANC, président, et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [B] [R] a été engagé par la Société Générale, le 7 novembre 1977.
Devenu cadre en 1979, il a occupé différentes fonctions au sein de cette entreprise, avant que son contrat ne soit transféré, le 1erjanvier 1997. à la Société Générale Asset Management, filiale à 100 % de la Société Générale dédiée à l'activité de gestion pour compte de tiers. Il a alors été promu Directeur, catégorie « hors classification ».
La Société Générale a décidé de fusionner ses activités d'asset management avec celles du Crédit Agricole.
En 2010, les activités de la société SGAM ont été transférées à la Société Générale de
Gestion , devenue filiale de la société Crédit Agricole Asset Management . Le contrat de travail de Monsieur [B] [R] a lui-même été transféré au sein de cette entité le 1er janvier 2010.
Monsieur [B] [R] n'a toutefois occupé ses fonctions au sein de la société S2G qu'à compter du 8 juin 2010, après 15 mois d'arrêt maladie.
Il a alors été confié à ce salarié la mission de réaliser une étude sur les clients institutionnels et visant à identifier ceux qui pourraient être intéressés par la commercialisation de l'offre « Liability Driven Investment ».
Le 6 janvier 2011, la société Amundi a été créée, et a repris les activités de la société S2G ; le contrat de travail de Monsieur [B] [R] a donc été transféré au sein de cette nouvelle entité à effet du 1er janvier 2011.
Monsieur [B] [R] a été à nouveau placé en arrêt maladie à compter du 24 janvier 2011, et ce jusqu'au 9 mai 2011.
Le 16 juin 2011, Monsieur [B] [R] a adressé la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE une correspondance pour lui faire savoir qu'il entendait bénéficier de la clause dite « de retour » prévue pour les anciens salariés de SGAM qui avaient été transférés au sein du groupe CAAM.
Le 11 octobre 2011, le salarié s'est vu adresser une mise en garde l'invitant, pour l'heure, à effectuer les tâches qui lui avaient été attribuées.
Le supérieur hiérarchique, a établi un rapport disciplinaire, le 28 novembre 2011, faisant état de l'attitude de son subordonné.
A sa suite, le 2 décembre 2011, Monsieur [B] [R] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement . Le jour prévu pour l'entretien, fixé au 15 décembre 2011, le salarié a informé la direction de l'entreprise de ce qu'il était en arrêt maladie du 14 décembre 2011 au 14 janvier 2012.
La société Amundi a adressé à Monsieur [B] [R], par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 décembre 2011, le rapport disciplinaire qui avait été établi par sa hiérarchie, en lui demandant de faire part de ses éventuels commentaires avant le 4 janvier 2012.
Par ailleurs, il a été décidé de reporter l'entretien préalable au 23 janvier 2012, de manière à permettre au salarié de faire valoir ses observations.
Monsieur [B] [R] ne s'est pas présenté à ce nouvel entretien, et n'a pas transmis à la société Amundi un écrit s'agissant d'éventuelles observations qu'il aurait souhaité formuler concernant notamment les griefs formulés dans le rapport disciplinaire, ou encore la manière dont il envisageait la poursuite de la relation de travail.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 janvier 2012, la société Amundi a signifié à Monsieur [B] [R] pour cause réelle et sérieuse.
A réception de la lettre de licenciement, Monsieur [B] [R] a saisi, le 9 février 2012, la commission paritaire de conciliation de l'entreprise. La délégation du personnel a considéré que la sanction prise n'était à son avis pas justifiée.
Contestant son licenciement, Monsieur [B] [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 17 juillet 2012.
Dans ses conclusions présentées pour l'audience de jugement en première instance, qui s'est tenue le 25 août 2014, Monsieur [B] [R] a précisé ses chefs de demandes, et a sollicité du Conseil de Prud'hommes que soient :
«- Constatée la collusion frauduleuse entre les sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE ;
- Condamnées solidairement la SOCIETE GENERALE et la société AMUNDI à lui
verser la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- Condamnées solidairement la SOCIETE GENERALE et la société AMUNDI à lui
verser la somme de 776.105,50 € au titre des rappels de salaires du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 et 77.610,55 € au titre des congés payés afférents ;
- Condamnées solidairement la SOCIETE GENERALE et la société AMUNDI à lui
verser la somme de 120.000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution déloyale de son contrat de travail ;
- Ordonné l'affichage pendant 1 mois, sur les panneaux syndicaux des sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE, sous astreinte de 200 € par jour de retard de la décision à intervenir ;
- Ordonnée la publication du jugement à intervenir, aux frais des sociétés AMUNDI et
SOCIETE GENERALE, dans les journaux Le Figaro, Le Monde, Le Parisien ;
A titre principal sur le licenciement
- Dit nul et de nul effet son licenciement ;
- Ordonnée sa réintégration au sein de la société AMUNDI sous astreinte de 200 € par
jour de retard ;
- Condamnée la société AMUNDI à lui verser la somme de 232.750 € au titre des rappels de salaires et 23.275 € à titre de congés payés afférents ;
- Condamner la société AMUNDI à verser à Monsieur [R] la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts préjudice moral ;
Subsidiairement à la nullité du licenciement
- Dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamnées solidairement la société AMUNDI et la SOCIETE GENERALE à lui verser la somme de 850.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause
- Condamnées solidairement les sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE à lui verser
la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Intérêts légaux à compter de l'introduction de l'instance ;
- Exécution provisoire ;
- Dépens à la charge d'AMUNDI et SOCIETE GENERALE. ».
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [B] [R] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 27 octobre 2014 qui a :
- Condamné la SA SOCIETE GENERALE à payer à M. [B] [R] la somme de
50 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance ;
- Condamné la SA AMUNDI à payer à M. [B] [R] la somme de 200 000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement et 700,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Débouté M. [B] [R] du surplus de ses demandes ;
- Débouté les sociétés SA SOCIETE GENERALE et SA AMUNDI de leurs demandes reconventionnelles et les a condamné aux dépens.
Vu les conclusions en date du 12 avril 2016, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Monsieur [B] [R] demande à la cour de :
-Déclarer tant recevable que bien fondé Monsieur [R] en son appel ;
- Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 27 octobre 2014 ;
- Constater la collusion frauduleuse entre les sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE ;
Au titre de la rupture du contrat de travail ,
A titre principal :
- Prononcer la nullité du licenciement de Monsieur [R] sur le fondement des
articles L1132-4 et L1152-3 du Code du travail ;
- Ordonner la réintégration de Monsieur [R] au sein de la société AMUNDI sous astreinte de 200 € par jour de retard ;
- Condamner solidairement les sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE à verser à
Monsieur [R] la somme de 399.000 € au titre des rappels de salaires et 39.000 € à titre de congés payés afférents ;
- Condamner solidairement la société AMUNDI et la SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [R] la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour
préjudice moral ;
A titre subsidiaire :
- Dire que le licenciement de Monsieur [R] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse sur le fondement des articles L1332-2 et L1232-6 du Code du travail ;
- Condamner solidairement les sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE à lui verser
la somme de 500.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner solidairement la société AMUNDI et la SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [R] la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour
préjudice moral ;
Au titre des autres demandes :
- Condamner solidairement la société AMUNDI et la SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [R] la somme de 192.368 € au titre des rappels de salaires du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 et 19.236,80 € au titre des congés payés afférents ;
- Condamner solidairement la société AMUNDI et la SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [R] la somme de 120 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution déloyale de son contrat de travail ;
- Ordonner l'affichage pendant 1 mois, sur les panneaux syndicaux des sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE, sous astreinte de 200 € par jour de retard, de la
décision à intervenir ;
- Ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais des sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE, dans les journaux le Figaro, Le Monde et Le Parisien ;
- Condamner solidairement les sociétés AMUNDI et SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [R] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêts légaux à compter de l'introduction de l'instance ;
- Mettre l'ensemble des dépens à la charge de la société AMUNDI et de la SOCIETE GENERALE.
Vu les conclusions en date du 12 avril 2016, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SA AMUNDI demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 27 octobre 2014 en ce qu'il a condamné la société Amundi à payer à Monsieur [B] [R] la somme de 200.000 € à tire d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Juger ce que de droit s'agissant des demandes formulées par Monsieur [B] [R] à l'encontre de la Société Générale ;
- Confirmer pour le reste le jugement entrepris, en particulier en ce qu'il a débouté Monsieur [B] [R] du surplus de ses demandes ;
Et ainsi, statuant à nouveau :
A titre principal :
- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] [R] intervenu le 31 janvier 2012 est bien fondé ;
- Débouter Monsieur [B] [R] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner Monsieur [B] [R] aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- Réduire le montant de l'indemnisation demandée par Monsieur [B] [R] à de plus justes proportions ;
En tout état de cause :
- Condamner Monsieur [B] [R] à verser à la société Amundi la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions en date du 12 avril 2016, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SA SOCIETE GENERALE demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné
Société Générale à payer à Monsieur [R] la somme de 50.000,00 euros à titre
de dommages et intérêts pour perte de chance ;
Statuant à nouveau,
A titre principal :
- Constater l'absence de faits démontrant l'existence d'une prétendue collusion frauduleuse ;
- Dire et juger que Société Générale a effectué des recherches actives et sérieuses de postes disponibles au titre de la clause de retour ;
- Dire et juger que Monsieur [R] n'était plus salarié de la Société Générale entre les années 2005 et 2008 en raison de son transfert au sein de la SGAM ;
- Dire et juger que l'application du principe d'égalité de traitement est inopérante ;
En conséquence :
- Débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que Monsieur [R] ne pourra prétendre au titre du préjudice subi
qu'à une indemnité égale à 24.937,50 € bruts ;
- Débouter Monsieur [R] de sa demande d'affichage sur les panneaux syndicaux et de publication dans les journaux de la décision à intervenir ;
- Débouter Monsieur [R] de sa demande de report des intérêts légaux au jour de l'introduction de l'instance ;
- Débouter Monsieur [R] de sa demande d'assortir le jugement à venir de l'exécution provisoire ;
En tout état de cause :
- Condamner Monsieur [R] à verser à la Société Générale la somme de 5.000 €
au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Considérant que la lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée :
"...Après examen de votre dossier personnel, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants :
Compte tenu du rapprochement des activités des Sociétés SGAM et CAAM intervenu le 1er janvier 2010, votre contrat de travail a été transféré, à compter du 1er janvier 2011, au sein de la Société Amundi.
A cette occasion, nous vous avons confié une mission, au sein de l'équipe Ingénierie financière, correspondant à votre formation, vos compétences et à vos précédentes expériences au sein du Groupe Société Générale et revêtant une grande importance pour la société Amundi. Cette mission visait à mener une étude sur les clients institutionnels internationaux et à identifier des cibles potentielles pour la commercialisation de l'offre LDI (Liability Driven Investment) à l'international et notamment au Bénélux. Cette mission a été définie par vos supérieurs hiérarchiques et en concertation avec vous.
Toutefois, vos supérieurs hiérarchiques ont pu constater de façon récurrente que vous ne vous consacriez pas à (a réalisation de cette mission, et ce malgré les demandes répétées de ces derniers.
En réalité, vous dédiez votre temps de travail à la réalisation d'études pour lesquelles vous n'avez pas été mandaté et qui ont manifestement pour seul objet de relever tout ce qui, selon vous, ne fonctionnerait pas correctement au sein de là Société.
En effet, alors même qu'à ce jour vous n'avez toujours pas achevé (a mission qui vous a été confiée en octobre 2010, vos supérieurs hiérarchiques ont été alertés à plusieurs reprises par des collaborateurs des autres services de la Société que vous leur aviez adressés des études portant sur dès sujets n'ayant aucun rapport avec le contenu de votre mission et qui ne vous avaient pas été commandées.
Une telle attitude n'est pas admissible, et ce d'autant plus que vos supérieurs hiérarchiques ont eu à plusieurs reprises l'occasion de vous alerter tant oralement que par écrit sur le caractère inacceptable de votre comportement et vous ont demandé de vous consacrer exclusivement à l'exécution de votre mission et au respect des consignes, qu'ils vous avaient transmises.
Ainsi, en octobre 2011, vous avez de nouveau mené des études n'ayant aucun rapport avec votre mission et les avez adressées à des collaborateurs d'autres services ainsi qu'au Directeur Général d'Amundî Group par email du 29 novembre dernier, réitérant ainsi une attitude d'insubordination caractérisée à l'égard de vos supérieurs hiérarchiques, et ce, alors même que vous n'avez pas pu justifier d'un quelconque avancement depuis plusieurs mois dans l'exécution de votre mission
prioritaire, à savoir, l'identification des cibles potentielles de l'offre LDI de la Société à l'international, notamment au Bénélux.
De même, nous avons été informés le 1er décembre dernier que vous aviez adressé ces mêmes études par email en date du 24 novembre 2011 au Directeur Général du Crédit Agricole SA.
Par ailleurs, après de nombreux rappels du service conformité Amundi, vous avez, avec retard, accusé réception des règles de déontologie qui vous obligent en tant que collaborateur de la société Amundi. Cet élément traduit votre état d'esprit négatif vis-à-vis de la société Amundi.
Cette attitude d'insubordination caractérisée et récurrente de votre part, apparaît incompatible avec la poursuite de votre contrat de travail.
Votre licenciement prendra donc effet à l'issue de votre préavis d'une durée de 3 mois, qui commencera à courir à compter de la date de première présentation de la présente lettre à votre domicile, et que nous vous dispensons d'exécuter.
D'autre part, nous vous informons qu'en application de l'article 13 de l'accord sur le nouveau cadre social Amundi, vous disposez d'un délai de 7 jours calendaires à compter de la première présentation de la présente pour saisir la commission paritaire de conciliation..." ;
Considérant qu'il sera observé que Monsieur [B] [R] ne conclut ni à la confirmation ni à l'infirmation du jugement qu'il défère à la cour et sollicite à titre principal que soir prononcée la nullité de son licenciement au motif d'une part qu'il a été sanctionné pour avoir dénoncé des dysfonctionnement graves dans l'entreprise, se définissant comme un lanceur d'alerte ; d'autre part pour avoir été victime d'agissements constitutif de harcèlement moral ;Que pour se faire, il se fonde sur les dispositions combinées des articles L 1132-3, L 1132-4 et L 1161-1 du code du travail ;
Qu'à titre subsidiaire, Monsieur [B] [R] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'il ressort de la lettre même de licenciement qu'il est fait grief à Monsieur [B] [R] de dédier son temps de travail à la réalisation d'études pour lesquelles il n'a pas été mandaté et qui ont manifestement pour seul objet de relever tout ce qui, selon lui, ne fonctionnerait pas correctement au sein de là Société ; Que Monsieur [B] [R] soutient que lesdites études constituaient des dénonciations de dysfonctionnement graves constitutifs de délits ;
Considérant que Monsieur [B] [R] soutient avoir découvert de nombreux dysfonctionnements, par hasard en se familiarisant avec les outils de gestion de la SA AMUNDI qu'il venait de rejoindre à la suite du transfert de son contrat de travail, en consultant les outils internes de reporting de performance des fonds ;
Que cependant le document produit par Monsieur [B] [R] ( pièce 41 ) intitulé problématique des OPCVM avec indicateurs / indices de référence dividendes non réinvesti ...établi en mai/juin 2011, document très techniques, ne mentionne aucunement de manière explicite une dénonciation de pratiques prohibées et n'est pas accompagné d'une dénonciation claire de pratiques qui seraient prohibées ;
Que les 5 documents visés par Monsieur [B] [R] dans ses conclusions, comme détaillant des dysfonctionnement graves (29 novembre 2011, courriel du 1er décembre 2011adréssé à Monsieur [C] (président du conseil d'administration de la SA AMUNDI) n'explicite aucunement une dénonciation de dysfonctionnements constituant des irrégularités ;
Que s'agissant du courriel ci-dessus produit en pièce 46, Monsieur [B] [R] indique simplement : " C'est dans le cadre de ces orientations que j'ai émis à plusieurs reprises des points d'alerte, synthétisés dans le compte rendu ci- dessous. Ceux ci nécessitent une attention toute particulière et des actions qui tardent à venir. Je m'interroge aussi sur la mise en oeuvre concrète de la démarche FIDES et propose des suggestions de progrés..." ; que ce courriel n'établit pas le comportement d'un lanceur d'alerte ;
Qu'en conséquence, Monsieur [B] [R] sera débouté de sa demande de nullité du licenciement fondée sur la violation des dispositions des articles L 1132-3, L 1132-4 et L 1161-1 du code du travail ;
Considérant, par ailleurs, s'agissant du harcèlement moral invoqué pour la première fois en cause d'appel ,qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Que Monsieur [B] [R] soutient, qu'après son retour dans l'entreprise, en juin 2010, il :
- fut exclu des réunions et ne reçut aucune information sur l'organisation, de la part de sa
hiérarchie ;
- ne disposa pas des conditions minimales pour reprendre effectivement le travail ;
- n'eut pas les outils de travail en état de fonctionner ;
Que la Direction ne prit aucune disposition pour assurer son retour dans de bonnes conditions sachant parfaitement qu'il revenait d'un arrêt maladie de longue durée pour syndrome d'épuisement professionnel, et ce contrairement aux recommandations du médecin du travail ;
Que l'appelant soutient :
- que c'est plus de 3 mois après sa prise de poste qu'il fut reçu par son supérieur hiérarchique, Monsieur [D], le 7 septembre 2010, afin de définir ses missions et objectifs ;
- qu'il n'a non seulement obtenu aucune indication sur ses missions et objectifs, mais a été renvoyé sans ménagement à la Direction des relations humaines ;
- qu'il a établi un compte rendu de cet entretien dans un e-mail du 8 septembre 2010 , dont les termes furent confirmés par Monsieur [D] le même jour aux termes duquel, Monsieur [D] ne comprend pas l'affectation de Monsieur [R] dans son service d'Ingénierie Produit et Solutions ;Monsieur [D] pense que Monsieur [R] ne pourra s'intégrer dans son équipe ;Monsieur [D] propose à Monsieur [R] de s'adresser au pôle mobilité de l'emploi pour résoudre ce problème ; Monsieur [D] renvoie Monsieur [R] à la Direction des ressources humaines ne souhaitant pas gérer son cas ;
Que l'appelant fait valoir que la DRH, en la personne de Madame [E] [Y], le rencontrait le 30 septembre 2010, à la demande de Monsieur [D] ;
Qu'en vue de ce rendez-vous, Monsieur [R] indique avoir pris soin d'adresser à Madame [Y], le 24 septembre 2010, un récapitulatif de ses attributions et historique de carrière ;
Que malgré l'opposition de Monsieur [D] de le voir affecter dans ses équipes, la DRH confirma l'affectation de Monsieur [R] dans celles-ci ;
Que cette affectation se concrétisait par une prétendue mission d'ingénieur financier, synonyme d'une véritable rétrogradation pour Monsieur [R] puisqu'il s'agissait d'un poste dont la mission était moins importante, que celle qu'il occupait plus de 30 ans plus tôt, en 1979.
Qu'aucun motif disciplinaire ne pourrait justifier une telle rétrogradation de fonction sans définition de poste précise ;
Que les différends documents qu'il a produit et transmis par courriels n'ont fait l'objet d'aucune lecture comme l'indique les retours "supprimé sans avoir été lu ..." ;
Que sollicitée pour avoir un retour sur son travail, la hiérarchie n'a jamais répondue ;
Que cette situation a conduit à de nouveaux arrêts de travail :
- du 24 janvier 2011 au 28 février 2011,
- du 14 février 2011 au 14 mars 2011,
- du 9 mars 2011 au 9 avril 2011,
- du 6 avril 2011 au 9 mai 2011,
Que l'appelant soutient ces arrêts de travail ne sont que la résultante des agissements d'AMUNDI à son égard de Monsieur [R]. et que le médecin du travail d'AMUNDI, le Docteur [C] [W], est intervenu de manière réitérée auprès de la Direction des Ressources Humaines d'AMUNDI afin qu'elle réponde au problème posé par sa situation professionnelle;
Que le médecin du travail a appelé l'attention de l'employeur sur "l'impériosité" d'une définition de son poste de travail avant d'envisager une reprise de son travail ;
Qu' AMUNDI ne répondit pas au médecin du travail ;
Que le Syndicat CGC d'AMUNDI s'inquiéta en Comité d'Entreprise de la question de
l'épuisement professionnel de Monsieur [R] et demanda à la Direction les éléments pour apprécier l'ampleur du phénomène chez AMUNDI.et ce sans réponse ;
Que Monsieur [R] expose , en outre, qu'il n'a, à aucun moment, été convié à une évaluation annuelle, contrairement aux dispositions de la procédure conventionnelle qui s'imposait et dont les modalités sont destinées à permettre aux intéressés de discuter, voire contester leur évaluation ;
Considérant que la SA AMUNDI , en ce qui concerne le harcèlement moral soutenu par Monsieur [B] [R] , à l'exception de l'argument selon lequel il est soulevé pour la première fois en cause d'appel, ne présente dans ses conclusions aucune observation sur les faits allégués ;
Considérant que Monsieur [B] [R] établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement ;
Que la cour juge que ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
Que dès lors, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Considérant, en conséquence, que le harcèlement moral est établi et qu'il n'y a pas lieu d'examiner la cause invoquée par la SA AMUNDI ; Que le jugement sera donc infirmé et le licenciement déclaré nul ;
Sur les demandes indemnitaires
Considérant que, la rédintégration dans l'entreprise étant impossible, il revient à la cour d'examiner le préjudice subi par Monsieur [B] [R] en raison de la nullité du licenciement ;
Que Monsieur [B] [R] sollicite la somme de 399.000 euros outre les congés payés représentant 48 mois de salaire ;
Considérant, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté du salarié (35 ans) âgé de 63 ans, et du dernier salaire moyen perçu 8312 euros ), la SA AMUNDI sera condamnée à payer à Monsieur [B] [R] la somme de à titre de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que le harcèlement subi par Monsieur [B] [R] a engendré un préjudice moral distinct de son préjudice matériel ci- dessus réparé ; qu'il lui sera donc alloué de ce chef, la somme de 20.000 euros ;
Sur la demande de rappel de salaire
Considérant, à titre liminaire, que Monsieur [B] [R] demande, à titre principal, la condamnation de la Société Générale, solidairement avec la société Amundi ;Qu'en toute hypothèse, Monsieur [B] [R] n'était plus salarié de la SA SOCIETE GENERALE depuis son transfert au sein de la SGAM au mois de janvier 1997, la demande contre cette société est mal dirigée ;
Considérant que les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Qu'il sera seulement souligné que Monsieur [B] [R] se contente de comparer sa rémunération annuelle avec la moyenne de rémunération des cadres (de sexe masculin) hors classification, telle qu'indiquée par les bilans sociaux publiés par la SGAM, mais ne mentionne aucun salarié qui serait placé dans une situation identique à la sienne et avec lequel son salaire pourrait être comparé ;
Sur la collusion entre la SA AMUNDI et la SA SOCIETE GENERALE
Considérant que Monsieur [B] [R] a débuté son activité au sein de la Société Générale en qualité de stagiaire Hors Cadre diplômé de l'Enseignement Supérieur à compter du 7 novembre 1977 ;
Que, par la suite il a occupé divers postes au sein de la Société Générale avant de voir son contrat de travail transféré au sein de la Société Générale Asset Management (SGAM) le 30 janvier 1997 ;
Que Monsieur [B] [R] a à ce titre été nommé Directeur, catégorie « Hors Classification » au sein de la SGAM et exerçait en dernier lieu, les fonctions de Directeur des Investissements au sein de la Direction des Gestions Actions, Diversifiées et Privées, Obligataires et Monétaires ;
Qu' à compter de l'année 2008 la Société Générale a envisagé la cession de son activité de gestion d'actifs ; que les groupes Société Générale et Crédit Agricole S.A ont envisagé un projet de regroupement des activités de gestion d'actif de SGAM au sein de CAAM group (filiale du Crédit Agricole S.A) en créant un pôle commun de gestion d'actifs ;
Que, le 1er janvier 2010, le contrat de travail de Monsieur [R] a été transféré en vertu de l'article L.1224-1 du Code du travail au sein de la Société Générale Gestion (S2G), une filiale à 100 % de la société Amundi ;
Que sans le cadre de ce regroupement, la Direction de la Société Générale et les organisations syndicales ont établi un socle de garanties d'accompagnement social pour les salariés de SGAM ;
Que cet accord prévoyait, notamment, que les salariés SGAM en contrat à durée indéterminée transférés au sein du Groupe CAAM disposeraient exceptionnellement de la possibilité, s'ils en formulaient le souhait, de bénéficier d'une clause de retour au sein de Société Générale ;
Que le 16 juin 2011, soit presque dix-huit mois après son transfert au sein de la société Amundi, Monsieur [B] [R] a sollicité le bénéfice d'un retour au sein de Société Générale ;
Que les deux postes proposés par la SA SOCIETE GENERALE le 18 octobre 2011n'ont pas été acceptés par l'appelant lequel ne s'est manifesté à nouveau qu'après l'arrivée à terme de l'accord de méthode ;
Que dès lors, Monsieur [B] [R] qui n'établit aucun élément de collusion entre les sociétés intimées , et en l'absence de lien avéré entre les recherches de postes effectuées par la SA SOCIETE GENERALE et la procédure de licenciement initiée par la SA AMUNDI , sera débouté de ses demandes de condamnation solidaire à l' encontre des intimés du chef d'un préjudice moral, au demeurant non justifié et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;Qu'ainsi le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
Sur les autres demandes
Considérant que la publication de la présente décision n'est pas nécessaire à la réparation du préjudice subi par l'appelant ;
Considérant qu'il n'apparaît pas équitable que Monsieur [B] [R] conserve la charge de ses frais irrépétibles dans la mesure exposée au dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel interjeté par Monsieur [B] [R] ;
CONFIRME le jugement déféré uniquement en ce qu'il a alloué à Monsieur [B] [R] une indemnité de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
JUGE nul le licenciement de Monsieur [B] [R] ;
DIT n'y avoir lieu à réintégration de Monsieur [B] [R] ;
CONDAMNE la SA AMUNDI à payer à Monsieur [B] [R] :
- la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
- la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral spécifique ;
DIT que les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;
DÉBOUTE Monsieur [B] [R] du surplus de ses demandes à l'encontre de ma SA AMUNDI et de la SA SOCIETE GENERALE ;
CONDAMNE la SA AMUNDI à payer à Monsieur [B] [R] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA AMUNDI aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT