RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 08 Juin 2016
(n° , 08 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05102 et 15/05103
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Avril 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/13365
APPELANT
Monsieur [L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1953 en EGYPTE
représenté par Me Afifa TEKARI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2083
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/025574 du 17/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉES
ASSOCIATION CENTRE MEDICAL MAGENTA
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Bettina SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237
ASSOCIATION COSEM
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Bettina SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire.
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] a été engagé par le Centre Dentaire Nord Magenta, en qualité d'agent de sécurité, suivant un contrat de travail du 20 janvier 2011 à temps partiel à raison de 17h50 par semaine, à effet à compter du 1er janvier 2011.
Il a également été engagé en qualité d'agent de gardiennage par l'association Cosem suivant un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à raison de 17 h 50 par semaine, pour la période du 20 janvier 2011 au 20 juillet 2011, le contrat ayant été signé le 19 janvier 2011.
Par une lettre du 8 avril 2011, M. [N] a sollicité de l'association Cosem, qu'elle lui règle des heures supplémentaires effectuées.
Par lettres du 14 juin 2011, des lettres de démission ont été remises en main propre à chacun des deux employeurs.
Par lettre du 20 juillet 2011, M. [N] a mis en demeure le Centre Dentaire Nord Magenta ainsi que le centre dentaire Saint Lazare de lui fournir du travail alléguant n'être ni démissionnaire ni en absences injustifiées.
Le même jour, soit par lettre du 20 juillet 2011, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la requalification des contrats de travail en contrats de travail à durée indéterminée à temps plein, en paiement d'heures supplémentaires, d'indemnités pour travail dissimulé et de diverses sommes en lien avec la rupture abusive des contrats de travail.
Par jugements du 17 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage a débouté M. [N] de l'ensemble de ses réclamations et n'a pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des défenderesses.
Appelant de ces jugements, M. [N] a formé une demande de renvoi et a en tout état de cause, sollicité la réformation des décisions rendues, demandé à la cour, statuant à nouveau, de qualifier les deux contrats en contrat de travail à temps complet, de reconnaître l'existence d'heures supplémentaires accomplies au sein du centre Cosem, de juger que les ruptures des contrats de travail sont abusives et par voie de conséquence de condamner :
* l'association Cosem à lui verser les sommes suivantes :
- 5991,61 euros au titre d'un rappel de salaire entre le 20 janvier et le 1er juillet 2011 outre les congés payés afférents,
- 36'105,48 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents,
- 16'386 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 2731,60 euros au titre de l'indemnité de précarité,
- 1673,84 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période allant du 2 juillet au 20 juillet 2011,
* l''association Centre Dentaire nord Magenta à lui verser les sommes suivantes :
- 7441,61 au titre d'un rappel de salaire la période du 1er janvier au 14 juillet 2011 outre les congés payés afférents,
- 16'380,36 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 227,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 16'380,36 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive,
- 2730,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
- 2730,06 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,
les sommes allouées portant intérêts à compter du prononcé du jugement.
Il réclame 3000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Les deux associations intimées concluent à la confirmation des jugements déférés et réclament chacune 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Sur la jonction des instances ;
La cour est saisie de deux recours formés contre deux jugements rendus par le conseil de prud'hommes de Paris opposant Monsieur [N] et l'association CENTRE DENTAIRE NORD MAGENTA et l'association COSEM.
Il y a lieu de joindre ces deux instances, en raison de l'existence entre les litiges d'un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble, et ce par application de l'article 367 du code de procédure civile.
Sur la demande de renvoi';
M. [N] a sollicité le renvoi de l'affaire alléguant avoir reçu par courriel, le 12 avril 2016 à 16h15 20 pages de conclusions et n'avoir donc pu disposer du temps suffisant pour répondre et ce, en méconnaissance du respect du contradictoire et des dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant aux justiciables l'égalité des moyens, le droit à un procès équitable et le respect du contradictoire.
Les défenderesses ont fait valoir que le conseil de M. [N] les a informées par lettre du 6 avril 2016, qu'il soutiendrait les mêmes demandes et ferait état des mêmes moyens qu'en première instance, que par sommation délivrée le 7 avril 2016, M. [N] leur avait enjoint de fournir des contrats de travail d'autres personnels, qu'elles ont pris des conclusions en conséquence des éléments d'information dont elle disposait pour permettre la retenue de l'affaire renvoyée une première fois lors de l'audience d'octobre 2015.
Les dispositions des articles 12 et 15 du code de procédure civile et de la convention européenne des droits de l'homme et de la sauvegarde des libertés impliquent que les parties fassent preuve de diligences pour assurer la contradiction et la loyauté des débats.
L'examen des circonstances propres à cette affaire révèle que M. [N] a relevé appel des décisions rendues le 17 avril 2015, par des déclarations d'appel du 20 mai 2015, que ces deux dossiers ont été fixés et appelés à l'audience du 16 octobre 2015.
Le conseil de M. [N] a alors sollicité le renvoi de ces dossiers à une audience ultérieure en raison de sa participation à une grève, demande accueillie favorablement, les affaires ayant été renvoyées à l'audience du 14 avril 2016.
Il est non contesté que le M. [N] n'avait adressé ni écritures, ni une quelconque demande particulière aux associations intimées avant le 6 avril 2016, qu'il a informé celles-ci qu'il présenterait les mêmes demandes que devant le conseil de prud'hommes en se fondant sur les mêmes moyens.
Au regard des éléments ainsi énoncés, la cour relève que M. [N] et son conseil n'ont pas accompli les diligences exigées par les dispositions du code de procédure civile et de la convention européenne invoquées pour que soit effectivement respecté le principe du contradictoire dans des conditions satisfaisantes puisque en dépit d'un premier appel de l'affaire lors de l'audience du 16 octobre 2015 et d'un premier renvoi accordé à sa demande, aucune diligence n'avait été effectuée avant le 6 avril 2016, date à laquelle l'appelant a fait savoir aux intimées qu'il maintiendrait ses demandes et présenterait les mêmes moyens.
Dans ces conditions, alors qu'il avait disposé d'un délai de 10 mois pour faire diligence dans la présente instance, il ne peut utilement faire grief aux intimées d'avoir conclu pour le 12 avril 2016, soit dans le délai de 6 jours après l'information qu'il avait communiquée et d'avoir ainsi méconnu le respect du contradictoire.
Par ailleurs, un premier envoi de l'affaire a été accordé à M. [N] pour permettre à son conseil de participer à un mouvement de grève.
La cour a donc relevé lors de l'audience que M. [N] avait disposé d'un délai suffisant de plus de 10 mois pour présenter ses demandes et argumentaires et en faire part à ses adversaires, la difficulté qu'il a relevé le 14 avril 2016 en alléguant d'un prétendu non respect du principe du contradictoire par la cour, étant en réalité de son fait.
La cour a en conséquence refusé d'accueillir la nouvelle demande de renvoi formulée par courriel du 15 avril 2016 et confirmée par le conseil de l'appelant dûment appelé à l'audience le 16 avril 2016 après avoir relevé que l'appelant avait fait preuve d'une défaillance manifeste au regard des obligations procédurales s'imposant à lui à défaut d'avoir fait diligence durant 10 mois, que les associations intimées s'étaient limitées dans leurs écritures à répondre aux prétentions formulées en première instance, qu'en tout état de cause, le respect du principe du contradictoire avait été assuré par l'octroi d'un premier renvoi et que l'exigence d'un procès équitable impliquait qu'une décision judiciaire intervienne dans le délai raisonnable de douze mois après la déclaration d'appel.
La cour relève que le conseil de l'appelant a aussi déposé et soutenu les demandes et moyens préalablement présentés devant le conseil de prud'hommes et a ainsi été mis en mesure, la procédure étant orale de présenter utilement ses prétentions.'
Il n'a pas été fait droit à la demande de renvoi.
Sur le fond';
M. [N] soutient avoir travaillé de 10 heures à 18 heures du lundi au vendredi soit 35 heures au profit du Centre Dentaire Nord Magenta et avoir travaillé concomitamment de 19 heures à 6 heures tous les jours pour le centre Cosem, ainsi que chaque fin de semaine du samedi 12 h au lundi 6 alors qu'il a été rémunéré par chacune de ces deux associations sur la base de 17h50 de travail par semaine.
Il conclut à la requalification des deux contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et au versement de rappels de salaires ainsi qu'au paiement par le centre Cosem d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires.
L'article L. 3123-14 du code du travail dispose que le contrat de travail à temps partiel doit être écrit et contenir obligatoirement les mentions relatives à la durée du travail.
En l'absence d'écrit, le contrat de travail est présumé conclu à temps complet.
Toutefois, cette présomption est simple et peut être renversée par l'employeur à condition pour lui d'établir tout à la fois quelle était la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue entre les parties et que le salarié n'a pas été mis dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail ni qu'il était obligé de se tenir constamment à sa disposition.
Dans le cas présent, M. [N] a signé un contrat de travail avec chacun des deux employeurs aux termes desquels il était précisé qu'il était engagé pour un horaire mensuel de 75,83 heures réparties à raison de 17,50 heures par semaine.
Les intimées communiquent aux débats le planning montrant que pour les semaines paires, M. [N] était amené à travailler pour l'association Cosem, le lundi de 10 heures à 15 heures, le mardi de 11h30 à 15h30, le mercredi de 11h30 à 15h30, le vendredi de 10h10 à 15 heures, et un samedi sur deux de 12 heures à 18 heures, et pour le centre médical Magenta du lundi au vendredi de 17 heures à 20 heures et un samedi sur deux de 12 heures à 18 heures, les jours de repos étant le jeudi et le dimanche.
Lors des semaines impaires, les heures de travail et leur répartition journalière étaient identiques mais inversées puisqu'il commençait ses journées au centre médical Magenta pour les terminer au centre Cosem.
Les intimés communiquent aux débats trois attestations du docteur [E], de Mme [V] et de Mme [X] confirmant que M. [N] respectait scrupuleusement les horaires entre les semaines A et B auprès de chaque centre.
A l'égard de l'association du centre dentaire Magenta, les plannings établis et produits démontrent que le salarié connaissait à l'avance le rythme de travail auquel il devait travailler et n'était pas obligé de se tenir constamment à sa disposition.
Il ne sera pas fait droit la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein la concernant.
S'agissant de la relation contractuelle avec l'association Cosem, le salarié prétend avoir travaillé chaque nuit de 19 h à 6 h, chaque fin de semaine du samedi 12 h au lundi 6 h, ainsi que les jours fériés.
Il fournit des éléments de nature à étayer sa demande.
En effet, il communique des tableaux reprenant ces horaires, le témoignage préalablement évoqué de M. [U], les bulletins de salaires montrant qu'il a reçu des primes de l'ordre de 700 à 1000 euros par mois, dès le deuxième mois de présence au sein de l'association alors qu'il était employé à temps partiel et deux témoignages.
M. [F] atteste qu' «'en 2011, son ami était obligé de travailler beaucoup pour envoyer l'argent à son père malade du cancer en Égypte, qu'il travaillait jour et nuit au Centre Dentaire Nord Magenta et dans un autre centre à Rome Saint Lazare, qu'il l'appelait souvent pour lui demander de lui apporter à manger car le week-end il ne devait pas sortir de son travail'».
Mme [D] [T], gérante du restaurant [Établissement 1] atteste qu'elle «'a régulièrement livré des repas à M. [N] sur son lieu de travail au centre médical Rome et ce pendant 6 mois de janvier à juin 2011, les samedis et dimanches car il exerçait sa fonction de gardien jour et nuit.'»
Il fait également des difficultés de santé qu'il a rencontrées et produit aux débats une prescription médicale en date du 25 février 2011 pour un syndrome anxio-dépressif.
Il fait observer enfin que l'employeur n'a pas réagi aux termes de la lettre qu'il lui a adressée le 8 avril 2011 pour réclamer le paiement de ces heures supplémentaires de nuit.
L'association Cosem répond que les horaires étaient planifiés, que les trois témoignages qu'elle produit révèlent que le salarié effectuait scrupuleusement ses horaires sans plus, que les primes avaient pour objet de récompenser ses interventions lors de tensions entre les malades et les personnels du centre.
Toutefois, la réalité des horaires réalisés alors que des primes dites exceptionnelles importantes puisque s'élevant à 50 % voire à 80 % de la rémunération de base, régulièrement versées chaque mois et ce, dès le deuxième mois de travail et dont il n'est pas justifié qu'elles récompensaient des interventions fréquentes et particulièrement délicates du vigile dont l'objet même du contrat était d'assurer une surveillance, n'est pas établie de manière certaine par l'employeur, la cour ayant au vu des éléments préalablement fournis par le salarié et par le paiement régulier de ces importantes primes exceptionnelles, la conviction que ce dernier assurait le gardiennage des lieux non seulement selon les horaires figurant sur les plannings mais également à l'occasion de certaines soirées et de quelques fins de semaine et ce, à la demande de l'employeur.
Dans ces conditions, le contrat de travail liant le salarié à l'association Cosem sera requalifié à plein temps et un rappel de salaire sera accordé au salarié tant à ce titre qu'au titre des heures supplémentaires réalisées.
Compte tenu des éléments fournis, les rappels de salaire seront accordés dans les limites suivantes':
- 5991,61 euros au titre d'un rappel de salaire consécutivement à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, entre le 20 janvier et le 1er juillet 2011 outre les congés payés afférents,
- 5400 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents.
Sur la demande au titre du travail dissimulé';
En application de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause.
Or, dans le cas d'espèce, l'intention d'échapper aux dispositions légales afférentes aux heures supplémentaires résulte du paiement des heures supplémentaires par le biais de primes dites exceptionnelles.
Il sera fait droit à la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé correspondant à 6 mois de salaire.
Il sera alloué au salarié une indemnité de 16 386 euros à ce titre et l'association Cosem sera condamnée à régler cette somme.
En revanche, alors même qu'il est indiqué sur un bulletin de salaire de mars 2012, remis par l'association Centre Dentaire Nord Magenta qu'a été versé un «'appointement de 500 euros'», la cour ne dispose pas d'éléments tangibles suffisants pour retenir une quelconque intention frauduleuse de la part de cet employeur de dissimuler la réalisation d'heures supplémentaires.
M. [N] sera débouté du chef de cette demande à l'encontre de l'association du Centre Dentaire Nord Magenta.
Sur la rupture des contrats de travail';
La démission doit résulter de la manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail.
Outre que la volonté de démissionner du salarié ne doit pas avoir été altérée par l'exercice d'une violence morale, les circonstances de fait entourant la rupture peuvent être révélatrices d'une volonté momentanément aliénée.
Alors même que la démission a pu être présentée sans aucune réserve, elle peut être remise en cause s'il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la dite démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, elle était équivoque.
M. [N] soutient que ses employeurs ont profité de son illettrisme pour lui faire signer des documents dont il ignorait la teneur et conteste avoir donné un consentement éclairé à sa démission.
Sur les demandes en lien avec la rupture du contrat de travail liant le salarié au centre Cosem';
L'association Cosem communique aux débats la lettre aux termes de laquelle M. [N] lui a fait part de sa démission de son poste. La cour observe que cette lettre est dactylographiée, que seule, une copie est communiquée.
Au surplus, contrairement aux autres lettres que le salarié a adressées à ses employeurs, soit avant la rupture, soit postérieurement à celle-ci, cette lettre ne comporte aucune mention relative à ses nom, prénom et adresse.
Par ailleurs, aux termes d'une lettre du 1er juillet 2011, l'association Cosem a écrit «'faisant suite à votre courrier remis en main propre le 14 juin 2011 nous informant de votre décision de mettre fin votre contrat de travail à durée déterminée. Nous acceptons la rupture anticipée de votre contrat et vous confirmons que vous ne ferez plus partie de notre association à compter de ce jour'». Corrélativement, la cour relève que le bulletin de salaire pour le mois de juin 2011 ne comporte aucune retenue pour la période du 15 juin au 30 juin 2011 alors que le contrat était censé avoir été rompu du fait de la démission du salarié depuis le 14 juin 2011 et que le terme du contrat de travail à durée déterminée était proche puisque fixé contractuellement au 20 juillet 2011. Une rémunération brute de 1383,62 euros a encore été accordée au salarié pour le mois de juillet 2011.
Dans ces conditions, la preuve n'est pas rapportée que le salarié a effectivement exprimé une volonté claire et non équivoque de démissionner à la date du 14 juin 2011, étant observé qu'il avait sollicité le paiement d'heures supplémentaires par une lettre du 8 avril 2011 et qu'à tout le moins des circonstances contemporaines à la prétendue démission rendent celle-ci équivoque. Au surplus, l'employeur a gravement manqué à ses obligations en matière de paiement de la rémunération et des heures supplémentaires réalisées.
Par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail à durée déterminée est abusive. Le salarié est fondé à revendiquer utilement le paiement d'une indemnité correspondant aux rémunérations qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat soit jusqu'au 20 juillet 2011.
Il sera en conséquence fait droit au rappel de salaire à hauteur de 1673,84 euros ainsi qu'au paiement de l'indemnité de précarité non réglée à hauteur de 2731,60 euros.
Sur les demandes en lien avec la rupture du contrat liant le salarié au Centre Dentaire Nord Magenta';
L'association Centre Dentaire Nord Magenta communique aux débats la lettre aux termes de laquelle M. [N] lui a fait part de sa démission de son poste. La cour observe que cette lettre est dactylographiée, que seule, une copie est communiquée.
Au surplus, contrairement aux autres lettres que le salarié a adressées à ses employeurs, soit avant la rupture, soit postérieurement à celle-ci, cette lettre ne comporte aucune mention relative à ses nom, prénom et adresse.
Il n'est pas établi au regard des circonstances que le salarié a remis à son employeur une lettre de démission rédigée par lui et traduisant une volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail étant observé qu'un contentieux l'opposait à l'association Cosem, ce que n'ignorait pas l'association du Centre Dentaire Nord Magenta ayant la même directrice des ressources humaines , que le salarié a mis en demeure l'employeur de lui fournir du travail par lettre du 20 juillet 2011 et qu'il a saisi le conseil de prud'hommes ce même 20 juillet 2011.
La rupture est donc abusive, aucune procédure de licenciement n'ayant été initiée et aucune lettre comportant les motifs de la rupture n'ayant été adressée au salarié.
Cette rupture doit avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une indemnité de préavis a déjà été réglée au salarié pour la période du 15 juin 2011 au 14 juillet 2011 correspondant au préavis exécuté par lui.
Aucune indemnité légale de licenciement n'est due dans la mesure où le salarié n'avait pas une ancienneté minimale d'une année requise par les dispositions de l'article 1234-9 du code du travail pour prétendre à cette indemnité.
Par ailleurs, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté (6 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [N] des dommages et intérêts à hauteur de 5000 euros, en application de l'article'L.1235-5 du Code du travail.
L'impossibilité pour le salarié de bénéficier de l'assistance d'un conseiller lors d'un entretien préalable est pour lui à l'origine d'un préjudice spécifique justifiant l'allocation d'une somme de 800 euros.
Sur les demandes au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991';
Des raisons d'équité commandent de condamner in solidum les deux associations intimées à verser au conseil de M. [N] une indemnité de 2000 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Les deux associations intimées seront, quant à elles, déboutées de leurs demandes respectives d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Ordonne en tant que de besoin à la jonction des deux dossiers inscrits au répertoire général du greffe sous les numéros 15/05102 et 15/05103.
Confirme le jugement du 17 avril 2015 ayant rejeté les demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, en rappel de salaire et en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé à l'encontre de l'association Centre Dentaire Nord Magenta,
Réforme les jugements pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ordonne la requalification du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à l'égard de l'association Cosem en contrat de travail à durée déterminée à temps plein,
Dit que les ruptures des deux contrats de travail sont abusives,
Condamne l'association Cosem à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 5991,61 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 20 janvier au 1er juillet 2011 outre les congés payés afférents,
- 5400 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires outre les congés payés afférents,
- 16'386 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 2731,60 euros au titre de l'indemnité de précarité,
- 1673,84 euros au titre de l'indemnité due pour la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée,
Condamne l'association Centre Dentaire Nord Magenta à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour la rupture abusive du contrat de travail,
- 800 euros à titre de dommages et intérêts pour la rupture irrégulière du contrat de travail,
Condamne in solidum l'association Cosem et l'association Centre Dentaire Nord Magenta à verser au conseil de M. [N] une indemnité de 2000 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
Déboute les deux associations de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne in solidum l'association Cosem et l'association Centre Dentaire Nord Magenta aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE