RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 16 juin 2016
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/01940
Décision déférée à la Cour : Arrêt de renvoi après cassation rendu le 22 janvier 2014 par la chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 02 mai 2012 par la cour d'appel de VERSAILLES, sur appel d'un jugement rendu le 02 septembre 2010 par le Conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT RG 09/00881
APPELANT
Monsieur [D] [W]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 2] ([Localité 2])
comparant en personne, assisté de Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0647
INTIMEE
SOCIETE PROFIL 18/30
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Arnaud DOUMENGE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0270 substitué par Me Claire SEIGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0270
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrice LABEY, Président de chambre
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller
M. Philippe MICHEL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, délibéré prorogé ce jour.
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [D] [W] a été engagé le 1er décembre 2004 par la SARL PROFIL 18/30 selon contrat à durée indéterminée, en qualité de Directeur de Publicité niveau 3.3, position cadre de la convention collective des Entreprises de Publicité et assimilées. En dernier lieu, sa rémunération mensuelle brute s'élevait à 3 266,84 €.
Convoqué par courrier du 31 mars 2009 à un entretien préalable fixé au 10 avril suivant, Monsieur [D] [W] a été licencié pour motif économique le 21 avril 2009. Il a accepté le 30 avril 2009 le bénéfice de la Convention de Reclassement Personnalisé et il a été mis fin à son contrat le 1er mai 2009.
Au moment du licenciement, la société employait plus de 11 salariés.
Contestant son licenciement, Monsieur [D] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT le 15 mai 2009 afin d'obtenir la condamnation de la SARL PROFIL 18/30, avec exécution provisoire, à lui verser la somme de 58 803,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 3 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL PROFIL 18/30 a conclu au débouté de Monsieur [D] [W] et à la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 3 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 2 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT a dit que le licenciement de Monsieur [D] [W] reposait sur un motif économique et a débouté Monsieur [D] [W] de l'ensemble de ses demandes ainsi que la SARL PROFIL 18/30 de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 2 mai 2012, la cour d'appel de VERSAILLES a confirmé le jugement dont Monsieur [D] [W] avait interjeté appel, a débouté Monsieur [D] [W] de l'ensemble de ses demandes et a condamné celui-ci à payer à la SARL PROFIL 18/30 la somme de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 22 janvier 2014 sur pourvoi formé par Monsieur [D] [W], la Cour de cassation, chambre sociale, après avoir indiqué que
« pour dire le licenciement du salarié fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel retient que si le capital de la société Profil 18/30 est détenu à égalité par les sociétés Euro Médias (groupe Hommell) et Médias et Régies Europe(groupe Publicis) il n'en résulte pas que le groupe Publicis serait dominant, les extraits d'articles parus sur les sites internet et les documents préparés en vue de répondre à un appel d'offres mentionnant la société comme filiale du groupe Publicis ne démontrant pas que ce dernier la contrôle de manière effective et forme avec elle un même ensemble économique ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants sans rechercher si la société employeuse était gérée paritairement en vertu de clauses statutaires et ne faisait pas partie du groupe Publicis comme la société Média Régie Publicitaire détenant la moitié du capital social, et dans l'affirmative si les difficultés économiques invoquées existaient au niveau du secteur d'activité de ce groupe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; »
a cassé et annulé, au visa de l'article L.1233-3 du code du travail, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2012, entre les parties par la cour d'appel de VERSAILLES et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de PARIS.
Monsieur [D] [W] a saisi la cour d'appel de PARIS par acte du 3 février 2014.
Par conclusions déposées le 24 mars 2016 au soutien de ses explications orales, Monsieur [D] [W] demande à la cour de :
- Infirmer la décision déférée.
Statuant à nouveau :
- Condamner la société PROFIL 18/30 à lui régler les sommes de 78 404,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, pour non justification des critères d'ordre, et de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance.
Par conclusions également déposées le 24 mars 2016 au soutien de ses explications orales, la SARL PROFIL 18/30 demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur [D] [W] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 4 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Peut également constituer une cause économique de licenciement, une réorganisation de l'entreprise effectuée pour sauvegarder la compétitivité de celle-ci ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.
En application de l'article L.1233-6 du même code, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur.
En l'espèce, la lettre du 21 avril 2009 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
Monsieur,
Nous faisons suite à notre entretien préalable du 10 avril 2009 et avons le regret de vous informer que nous sommes malheureusement contraints, compte tenu de l'absence de toute solution de reclassement identifiée à ce jour, de poursuivre notre projet de licenciement pour motif économique à votre égard.
En effet, votre poste de Directeur de Publicité est supprimé pour les raisons économiques qui ont été exposées à l'institution des Délégués du Personnel (dans le cadre de la procédure d'information et de consultation qui a été récemment menée) et que nous vous avons présentées lors de votre entretien suscité, que nous nous permettons de reprendre ci-après.
PROFIL 18-30 se trouve en effet confrontée à la persistance d'importantes problématiques économiques et financières, qui se sont particulièrement aggravées au cours des derniers mois, entraînant une contraction extrêmement préoccupante de son volume d'activités.
A cet égard, certains supports sur lesquels nous intervenons voient leur diffusion s'effondrer, et notamment ceux liés au secteur de l' Automobile, dont tout à chacun connaît les difficultés actuelles.
Plus particulièrement, il sera remarqué que :
Le support TOUT REUSSIR, qui avait réalisé 414.000 € de chiffre d'affaires en 2007, n'a atteint que 328.000 € en 2008, soit une baisse de plus de 20% sur une seule année.
De plus, le Groupe de Presse MICHEL HOMMELL nous a fait part, au début du mois de février 2009, de sa décision de cesser la publication de ce support à compter de mai 2009, privant de ce fait PROFIL 18-30 d'environ 300.000 € de recettes.
Pour les activités Presse Quotidienne Régionale / Petites Annonces Emploi (« PQR-PA »), le ralentissement amorcé au début de l'année 2008, s'est confirmé et accentué depuis lors.
C'est ainsi que le seul mois de décembre 2008 a enregistré une baisse de chiffre d'affaires de 166.000 €. Sur l'ensemble de l'année 2008, cette baisse s'établit à 825.000 €.
Il est également rappelé que :
o L'EST REPUBLICAIN a entendu résilier, à fin juillet 2008, le contrat qui le liait avec PROFIL 18-30, avec comme échéance le 31 janvier 2010 (au plus-tard) ;
o les autres contrats « PQR-PA » (REPUBLICAIN LORRAIN, DNA, L'ALSACE) lui étant directement liés, c'est l'ensemble de ce pôle « PQR-PA », et la marge y afférente, que nous perdrons donc à cette date.
Les supports rattachés au secteur de l'Automobile sont très sévèrement impactés par la crise économique actuelle, avec une baisse de chiffre d'affaires de 676.000 € en 2008 par rapport à 2007.
Dans le détail, plusieurs magazines connaissent même une situation particulièrement critique, de nature à remettre en cause, pour certains d'entre eux, leur pérennité :
o 4x4 MAGAZINE, après une première contraction de son chiffre d'affaires de 140.000 € entre 2006 et 2007, a connu en 2008 une nouvelle chute conséquente d'activités d'environ 251.000 € ;
o GTI MAGAZINE, après avoir fléchi de 194.000 € entre 2006 et 2007, a encore cédé 154.000 € de chiffre d'affaires en 2008 ;
o ECHAPPEMENT et AUTOhebdo, qui avaient déjà abandonné à eux deux 193.000 € entre 2006 et 2007, ont connu une nouvelle baisse importante de chiffre d'affaires de 86.000 € en 2008 ;
o LA CENTRALE est, quant à elle, en recul de 104.000 € en 2008, faisant suite à une baisse d'activités de 197.000 € entre 2006 et 2007.
Par ailleurs, de fortes inquiétudes demeurent sur l'avenir de l'édition papier de ce support, au profit de l'Internet, étant rappelé que sa disparition représenterait une perte de chiffre d'affaires annuel pour PROFIL 18-30 de l'ordre de 630.000 € (chiffre d'affaires 2008 : 876.000 € - contraction estimée pour 2009).
Plus généralement, la montée en puissance des supports Internet continue de vampiriser les investissements publicitaires et de pénaliser la diffusion de nos magazines, fragilisant fortement les Editeurs avec lesquels nous travaillons.
Les magazines TELE ont été également gravement touchés, puisque TELE CABLE et TELE TNT ont réalisé, en 2008, 464.000 € de chiffre d'affaires en moins par rapport à 2007, et ce, après une baisse (plus limitée) de 50.000 € en 2007 (par rapport à 2006).
Aux graves difficultés occasionnées par la forte contraction du volume d'activités généré par ces supports s'ajoute la perte du contrat NOUVEAU COURRIER et l'arrêt de la parution du MONDE INFORMATIQUE.
Quoiqu'il en soit, l'ensemble de ces éléments conduit à une forte baisse du chiffre d'affaires de PROFIL 18-30 au titre de son exercice 2008, celui-ci s'établissant à seulement 14.463.000 € (à comparer aux 16.754.000 € réalisés en 2007, soit une diminution de près de 14%), et un résultat tout juste à l'équilibre (soit 10.000 € avant impôts).
La conjoncture actuelle ne laisse présager aucune amélioration de la situation pour l'exercice 2009 en cours puisque, bien au contraire, notre projection de chiffre d'affaires (12.000.000 €) s'inscrit en net retrait par rapport à 2008 (-17%) et 2007 (-28%).
Cette nouvelle baisse à venir de notre volume d'activités s'explique également par les décisions de gestion prises par un certain nombre de nos Clients.
C'est ainsi, par exemple, que :
La société 1633 SA, éditrice des magazines MAXIMAL, NEW LOOK et PLAY BOY, a choisi de gérer dorénavant en interne la commercialisation de ses espaces publicitaires (janvier 2009), privant de ce fait PROFIL 18-30 de 664.000 € de recettes annuelles ;
Deux annonceurs majeurs de LA CENTRALE ont récemment fait connaître leur décision de ne pas reconduire leurs budgets pour l'année 2009, ce qui devrait représenter une perte corrélative de chiffre d'affaires sur ce support estimée à 250.000 € ;
L'effondrement des activités Presse Quotidienne Régionale / Petites Annonces Emploi («PQR-PA») conduit PROFIL 18-30 à redouter une nouvelle baisse de chiffre d'affaires de l'ordre de 930.000 € (-40 %) pour l'année civile 2009.
Le développement d'activités espéré (mais en aucun cas certain...) sur les magazines ayant intégré PROFIL 18-30 à la fin de l'année 2008 (THALYSCOPE, 1855, [G], FORUM, [L]) ne permettra, en aucune manière, de compenser les volumes importants d'activités perdus en 2007 et 2008, ainsi que ceux à venir sur 2009.
Bien plus, à la forte dégradation de nos activités, il convient de mettre en perspective révolution de notre masse salariale, qui a connu une augmentation de plus de 12 % entre 2004 et 2008, et qui représente aujourd'hui plus de 77 % de nos coûts de fonctionnement.
C'est donc dans ce contexte difficile que nous sommes aujourd'hui amenés à revoir une nouvelle fois notre organisation interne, visant à faire correspondre le volume et la structure de nos effectifs par rapport à notre niveau actuel d'activités, ce qui constitue la seule décision possible pour tenter d'éviter une situation déséquilibrée et, par là-même, la remise en cause de la pérennité de nos activités.
Dès lors, et compte tenu de l'impossibilité d'envisager la suppression de postes Techniques et Administratifs, déjà réduits au strict minimum, nous n'avons plus d'autres alternatives aujourd'hui que de devoir supprimer plusieurs postes au sein de notre Service Commercial.
Plus particulièrement, la nouvelle organisation de PROFIL 18-30 ne nécessitera plus la présence que de deux Directeurs de Publicité (au lieu de quatre actuellement), lesquels seront rattachés à l'un des trois Directeurs de Pôle en place, et donc la suppression de deux postes.
Le périmètre d'action de ces Directeurs de Pôle sera alors réaménagé, et ce, afin de regrouper l'ensemble de nos supports.
C'est ainsi que, après application stricte des critères d'ordre de licenciement, tels qu'ils ont été soumis à l'avis de l'institution des Délégués du Personnel, votre poste de Directeur de Publicité doit malheureusement être supprimé.
Nous vous indiquons également qu'afin d'éviter votre licenciement, nous avons recherché les éventuelles opportunités de reclassement susceptibles de correspondre tant à votre qualification qu'à votre niveau d'expérience professionnelle, recherches qui se sont malheureusement révélées infructueuses.
C'est dans ce contexte que nous vous avons donc reçu à un entretien préalable le 10 avril 2009, au cours duquel nous vous avons notamment présenté et remis un dossier relatif à la «Convention de Reclassement Personnalisé» (CRP), à laquelle vous pouvez prétendre, Dans la mesure où le délai de réflexion de 21 jours qui vous a été laissé lors dudit entretien pour accepter ou refuser le bénéfice des mesures prévues dans le cadre de ce dispositif n'est pas encore expiré ce jour, le présent courrier recommandé A.R. constituera la notification de votre licenciement pour motif économique en cas de refus de votre part de cette CRP ou d'absence de réponse passé ce délai (qui sera alors assimilée à un refus).
Dans une telle hypothèse de refus, et afin de faciliter vos recherches extérieures de reclassement, nous vous dispensons d'exécution de votre préavis de licenciement d'une durée de 3 mois à compter du 1er mai 2009 au matin, étant entendu que la période de préavis dispensée vous sera rémunérée aux échéances normales de paie.
En cas d'acceptation de votre part de cette même CRP, nos relations contractuelles seront réputées rompues d'un commun accord et nous vous verserons, en application des dispositions réglementaires, une indemnité égale à la fraction de l'indemnité de préavis auquel vous avez droit excédant deux mois de salaire.
A l'issue de votre préavis, nous vous adresserons, sous huitaine et par voie postale, votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que votre attestation ASSEDIC.
Vous voudrez bien nous restituer sans délai tout outil et/ou document de nature professionnelle et appartenant à la société en votre possession.
Nous vous indiquons par ailleurs que vous disposez :
des droits suivants en matière de droit individuel à la formation, à savoir 93 heures, et avez la possibilité, en application du Code du Travail, d'en demander le bénéfice, à condition que cette demande soit formulée pendant la période de votre préavis, dans le cadre notamment d'un bilan de compétences, de validation des acquis et de l'expérience ou d'une action de formation ;
d'un délai de 12 mois à compter de la notification de la présente lettre pour contester la régularité ou la validité de ce licenciement ;
d'une priorité de réembauchage, durant un délai d'un an à compter de la rupture de votre contrat de travail, si vous manifestez le souhait de bénéficier de cette priorité dans un délai de 12 mois à compter de cette même date. Cette priorité concernera les postes correspondant à votre qualification actuelle et ceux qui seraient compatibles avec une nouvelle qualification que vous pourrez acquérir, sous réserve que vous nous en teniez informés.
Enfin, et à toutes fins utiles, nous vous précisons que nous renonçons expressément à toute obligation de non concurrence qui pourrait exister entre nous et que vous serez donc libre de retrouver tout emploi de votre choix.
(...)
Sur le périmètre d'appréciation de la situation économique
Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, la situation économique de l'employeur doit s'apprécier au regard du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Monsieur [D] [W] fait valoir que le capital de la SARL PROFIL 18/30 est détenu, à parts égales, par la société EUROMEDIA (Groupe de presse Michel HOMMELL) ainsi que par la société MEDIAS ET REGIE EUROPE (Groupe PUBLICIS) dont elle est la filiale et qui constitue la branche médias et régie publicitaire du Groupe PUBLICIS qui est un des leaders mondiaux de la publicité et de la communication ; que la société MEDIAS ET REGIE EUROPE présente, sans la moindre réserve, la société PROFIL 18/30 comme l'une de ses sociétés filiales à part entière ; que sur les documents internes de la société PROFIL 13/18 apparaît très clairement et exclusivement le sigle de MEDIAS ET REGIE EUROPE Groupe PUBLICIS, et que la société PROFIL organise sa communication en se présentant comme faisant partie du Groupe PUBLICIS.
Il en déduit qu'une telle situation caractérise, sans conteste, une appartenance de PROFIL 18/30 au groupe PUBL1CIS dont MEDIAS REGIE EUROPE est membre et que c'est donc au niveau du secteur régie publicitaire du groupe PUBLICIS qu'il convient d'appréhender et d'analyser les motifs invoqués par la société à l'appui de son licenciement.
La SARL PROFIL 18/30 réplique qu'il ressort de l'arrêt de la cour de cassation du 22 janvier 2014 que la seule détention paritaire du capital social d'une société est insuffisante pour caractériser son rattachement à un groupe, et qu'il convient donc de rechercher s'il existe un contrôle effectif « dominant » exercé par l'un ou l'autre des actionnaires (au sens de l'exercice des droits de votre et/ou de la nomination des organes dirigeants), ce qui n'est pas le cas pour la SARL PROFIL 18/30 qui est gérée de façon strictement paritaire par EURO MEDIAS et MEDIAS ET REGIES EUROPE sans prédominance de cette dernière.
Elle affirme que le cadre d'appréciation des difficultés économiques doit donc être limité à la seule société qui n'appartient ni au Groupe PUBLICIS, ni au Groupe HOMMELL.
Cela étant, comme justement relevé par Monsieur [D] [W], il n'est pas nécessaire qu'une des entités exerce sur l'autre une domination ou la contrôle de manière effective et forme avec elle un ensemble économique pour que la notion d'intégration à un groupe soit constatée. L'existence d'un groupe suppose qu'il existe entre plusieurs sociétés des liens capitalistiques, financiers, de contrôle ou d'influence de droit ou de fait, suffisamment étroits, soit parce que l'une est la filiale de l'autre, ou que les entreprises ont une direction commune, ou qu'elles entretiennent des relations étroites et suivies (relations fortes de collaboration et de gestion, même dirigeant et production commune, membre d'un groupement d'entreprises liées par des intérêts communs et des relations étroites).
Or, dans le cas présent, il ressort des statuts de la SARL PROFIL 18/30 que le capital social de celle-ci est partagé, depuis l'origine, à parts égales entre la SARL EURO MEDIAS (Groupe HOMMELL) et la SA MEDIAS ET REGIES EUROPE qui constitue la branche médias et régie publicitaire du Groupe PUBLICIS, que la gérance de cette société est exercée par un collège de quatre gérants, dont deux représentent les sociétés EURO MEDIAS et MEDIAS ET REGIES EUROPE, que les décisions collectives ordinaires sont prises « par les associés représentant plus de la moitié du capital social » et que les décisions extraordinaires, sont prises par « les associés représentant au moins les trois quart du capital social », ce qui, comme le relève la SARL PROFIL 18/30, revient à recueillir l'accord de tous les associés, compte tenu de la répartition strictement égalitaire du capital.
Il existe donc des liens capitalistiques, financiers et de contrôle étroits entre la SARL PROFIL 18/30 et la SA MEDIAS ET REGIE EUROPE, membre du Groupe PUBLICIS.
Les motifs invoqués par la société à l'appui du licenciement de Monsieur [D] [W] seront donc examinés sur le secteur de la régie publicitaire du groupe PUBLICIS.
Il ressort des éléments du dossier que seule la SA MEDIAS ET REGIE EUROPE exerce une activité de régie publicitaire au sein de ce Groupe.
Ainsi, l'examen de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité portera sur le groupe constitué par la SARL PROFIL 18/30 et la SA MEDIAS ET REGIE EUROPE.
Sur la situation économique
Pour infirmation du jugement entrepris, Monsieur [D] [W] fait valoir qu'au titre de l'exercice 2009, la SA MEDIAS ET REGIE EUROPE affichait un résultat net positif à 6 600 000 € et qu'un tel constat dénie, à lui seul, toute crédibilité aux difficultés invoquées.
Il ajoute qu'à supposer même que le motif économique n'ait pu être appréhendé qu'au niveau de la société PROFIL 18/30, la situation de la société ne caractérise pas l'existence de difficultés économiques sérieuses, dès lors que la lettre de licenciement n'évoque pas de résultat déficitaire indicateur majeur d'appréciation de la situation de l'entreprise, que les comptes de la société mentionnent un résultat positif (+ 8 000 € avant impôts) et que durant la même période, la société a procédé à des recrutements de chefs de publicité, au sujet desquels elle n'a fourni aucune explication et alors même que la lettre de licenciement évoquait une trop forte masse salariale.
Pour confirmation du jugement entrepris, la SARL PROFIL 18/30 invoque une baisse du chiffre d'affaires de la SA MEDIAS ET REGIE EUROPE entre 2008 et 2009, avec un Excédent Brut d'Exploitation (EBE) et un résultat courant avant impôt (RCAI) déficitaires sur ces périodes (EBE 2008 : - 7 800 000 €; EBE 2009 :- 3 700 000 € ; RCAI 2008 : - 7 300 000 € ; RCAI 2009 : - 3 600 000 €).
Elle indique également que la SARL PROFIL 18/30 a vu la diffusion d'un grand nombre de ses supports s'effondrer, que ces difficultés se sont donc concrètement traduites par une très forte diminution de son volume de chiffre d'affaires et un résultat courant avant impôt (RCAI) redevenu négatif à fin 2009 alors que dans le même temps la masse salariale de la société était en constante augmentation.
Cela étant, il doit être relevé que la SARL PROFIL 18/30 a connu une baisse importante et constante de son chiffre d'affaires entre 2007 et 2009, qui s'est élevé à 17 084 218 € en 2007, 14 563 456 € en 2008 et à 9 126 024 € en 2009, et que son résultat net après impôt s'est élevé à la clôture des exercices 2008 et 2009, à respectivement à 1 607 € et 6 726 €, ce qui caractérise une situation bénéficiaire mais extrêmement faible au regard du montant du chiffre d'affaires.
Cependant, il convient également d'observer que, sur la même période, le chiffres d'affaires de la SA MEDIAS ET REGIE EUROPE est resté relativement stable pour s'être élevé à 13 600 000 € en 2008 et à 12 700 000 € en 2009, soit une baisse de 6,6 %, alors que le résultant net après impôt de la société est passé d'une perte de 17 800 000 € en 2008 à un bénéfice de 6 600 000 € en 2009.
Il s'ensuit que sur l'exercice correspondant à la date du licenciement, les difficultés économiques du secteur d'activité du groupe auquel la SARL PROFIL 18/30 appartient ne sont pas caractérisées.
Le licenciement de Monsieur [D] [W] sera déclaré sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'évoquer les autres moyens tirés d'un éventuel manquement de l'employeur dans son obligation de reclassement et de la non application des critères d'ordre.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
À la date du licenciement, Monsieur [D] [W] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 3 266,84 €, avait 48 ans et bénéficiait d'une ancienneté de quatre ans et cinq mois au sein de l'entreprise. Il a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage du 1er juin 2009 au 1er mai 2011. Il a créé une société en 2010 mais n'a perçu aucune rémunération en sa qualité de gérant jusqu'en février 2012 (attestation expert-comptable). Au vu de ces éléments, il convient d'évaluer à la somme de 35 000,00 € le montant de l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail.
En application de l'article 1153-1 du code civil, cette somme, de nature indemnitaire, produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, la SARL PROFIL 18/30 sera condamnée à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Monsieur [D] [W] dans la limite de six mois.
Sur les frais non compris dans les dépens
Par application de l'article 700 du code de procédure civile,la SARL PROFIL 18/30, qui succombe en appel, sera condamnée à verser à Monsieur [D] [W], la somme de 3 000€, au titre des frais exposés par celle-ci qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DÉCLARE recevable l'appel de Monsieur [D] [W],
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur [D] [W],
CONDAMNE la SARL PROFIL 18/30 à verser à Monsieur [D] [W] la somme de 35 000,00 € (trente cinq mille euros), avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SARL PROFIL 18/30 à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Monsieur [D] [W] dans la limite de six mois,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL PROFIL 18/30 à verser à Monsieur [D] [W] la somme de 3 000,00 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL PROFIL 18/30 aux dépens,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
P. LABEY