Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 16 JUIN 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00824
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 23 Septembre 2014 -Cour de Cassation de Paris - RG n° Q13-17.016
APPELANTE
Etablissement Public Marne et Chantereine Habitat
Siret : 434 192 423 00011
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et assisté de Me Paul- Gabriel Chaumanet de l'Association Chaumanet, Calandre - Ehanno, Cayla - Destrem, avocat au barreau de Paris, toque : R101
INTIME
Monsieur [S] [I]
Né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Frédérique Etevenard, avocat au barreau de Paris, toque : K0065
Assisté de Me Fanny Beccari, de la SCP Pinson Segers, avocate au barreau de Meaux, toque 18
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie Hirigoyen, Présidente de chambre
Mme Anne Lacquemant, Conseillère
Mme Nicolette Guillaume, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Fatima-Zohra Amara, greffière stagiaire en période de pré-affectation
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie Hirigoyen, présidente et par Mme Fatima-Zohra Amara, greffière stagiaire en période de pré-affectation, auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Chargé suivant marché public du 23 décembre 1998 et avenant du 31 mars 1999, par l'Office public d'aménagement et de construction de [Localité 2] devenu l'Office public de l'habitat Marne et Chantereine Habitat (la société OPH) de la construction de 20 maisons d'habitation, M. [I] a été mis en redressement judiciaire par jugement du 20 septembre 1999, cette procédure étant clôturée le 15 novembre 2010.
Le 26 juillet 2000, les travaux ont été réceptionnés avec réserves.
Le 24 juillet 2001, un décompte général non définitif du marché a été envoyé à M. [I] faisant apparaître que ce dernier était débiteur de 40 501,81 euros au titre de réserves. Le maître d'ouvrage a notifié à nouveau ce décompte le 20 novembre 2003 et mis en demeure M. [I] de payer le solde.
Puis la société OPH a saisi la juridiction administrative d'une demande en paiement.
Par jugement du 22 avril 2008, le tribunal administratif de Melun a condamné la société OPH à payer à M. [I] la somme de 32 059,39 euros outre intérêts.
Par arrêt du 4 mai 2010, la cour administrative d'appel de Paris, infirmant ce jugement, a déclaré M. [I] débiteur envers la société OPH de la somme de 26 152, 58 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2003 pour solde de tous comptes, après compensation avec les pénalités de retard dues par l'entrepreneur. Le pourvoi formé a été déclaré non admis par arrêt du Conseil d'Etat en date du 21 mars 2011.
Par actes d'huissier des 4 et 17 mai 2011, M. [I] a saisi le juge de l'exécution en constatation de l'extinction de la créance, nullité de la saisie-vente et caducité de la saisie-attribution et des autres mesures d'exécution pratiquées par l'OPH en vertu de l'arrêt précité.
Par jugement du 15 décembre 2011, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux a dit sans objet la contestation de la saisie-attribution du 27 avril 2011, a constaté que les causes de cette saisie ont été réglées en cours d'instance, a déclaré éteinte la créance fixée par l'arrêt du 4 mai 2010, a déclaré nulle la saisie-vente diligentée le 7 avril 2011, a rejeté toutes autres demandes.
Pour dire la créance éteinte, le tribunal a retenu que la créance en cause était antérieure au jugement d'ouverture comme ayant pour fait générateur le marché conclu en 1998 et que la société OPH ne justifiait pas d'une déclaration de sa créance au passif du redressement judiciaire de M. [I].
Le jugement a été confirmé par arrêt de cette cour d'appel du 20 décembre 2012 qui a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2014 pour violation des articles L.621-32 et L. 621-43 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause, ensemble l'article L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution au motif que la créance née de l'arrêt du 4 mai 2010, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, n'avait pas à être déclarée au passif de cette procédure.
Désignée comme cour de renvoi, la cour d'appel de Paris autrement composée a été saisie par déclaration de la société OPH du 12 janvier 2015.
Par conclusions récapitulatives du 12 avril 2016, la société OPH demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater qu'elle est en possession d'un titre exécutoire soit l'arrêt rendu le 4 juin 2010 par la cour administrative d'appel de Paris, que M. [I] reste encore lui devoir la somme de 25 278,82 euros en principal avec intérêts de droit à compter du 1er décembre 2004, de condamner M. [I] au montant de cette somme en tant que de besoin, de constater que les procédures d'exécution mises en place à son encontre sont bien fondées puisque la société OPH agit ainsi en application d'un titre exécutoire et d'une créance exigible et, en conséquence, de valider les actes de procédure suivants:
- commandement de payer afin de saisie-vente délivré le 11 février 2011 par la Scp Rochet-Bancaud, pour un montant principal de 26.152,58 euros correspondant aux condamnations prononcées par la cour administrative d'appel de Paris,
- commandement de payer afin de saisie-vente délivré le 18 avril 2011 délivré par la Scp Rochet-Bancaud pour un montant principal de 32 059,39 euros, correspondant aux sommes à restituer par M. [I] à la suite de l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun,
- procès-verbal de saisie-vente délivré le 7 avril 2011 par la Scp Rochet-Bancaud,
- dénonciation d'opposition et jonction par acte délivré le 11 avril 2011 par la SCP Rochet-Bancaud,
- procès-verbal de saisie-attribution délivré à la Société Générale par acte du 22 février 2011,
- procès-verbal de saisie attribution délivré au Crédit du Nord par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie-attribution au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie de droit d'associés ou de valeurs mobilières délivré au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie de droit d'associés ou de valeurs mobilières délivré à la BTP Banque par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie de droit d'associés ou de valeurs mobilières délivré au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie attribution délivré au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 6 mai 2011,
de débouter M. [I] de toutes ses demandes tendant notamment à solliciter des délais et à voir déclarer la nullité ou la caducité des mesures d'exécution engagées à son encontre, de condamner M. [I] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions du 25 mars 2016, M. [I] demande à la cour de dire que la créance n'a jamais été déclarée, de déclarer éteinte la créance liée à des pénalités de retard, de dire que le décompte du marché fait apparaître un solde de 43 576,31 euros en faveur de M. [I], de condamner la société OPH à lui payer cette somme outre intérêts de retard, de débouter la société OPH de toutes ses demandes, de la condamner à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Il résulte de l'article L.621-43 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises, applicable au litige, que les créances nées antérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire doivent faire l'objet d'une déclaration au passif, dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'ouverture de la procédure au Bodacc et de l'article L. 621-46 alinéa 4 ancien du code de commerce que le défaut de déclaration est sanctionné par l'extinction de la créance.
La société OPH fait valoir que sa créance n'a pas son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de M. [I] en date du 20 septembre 1999, que le marché portant sur la construction de 20 maisons groupées a été conclu le 7 avril 1998, que le délai de réalisation de travaux était prévu pour dix mois à compter de la date fixée par l'ordre de service lequel a été délivré le 8 octobre 1998, que les travaux auraient dû être achevés au plus tard le 8 septembre 1999, qu'en réalité le procès-verbal de réception des travaux relatifs aux 20 maisons n'a été signé, avec réserves, que le 26 juillet 2000, qu'un décompte général définitif a été établi le 18 juillet 2001 reprenant l'intégralité des pénalités postérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de M. [I], que la créance de pénalités de retard est postérieure à ce jugement puisque le fait générateur de celle-ci (à savoir le retard dans la réalisation des travaux) est postérieur au 9 septembre 1999, soit à quelques jours près postérieur au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, que ces pénalités de retard telles qu'elles apparaissent sur le décompte général définitif notifié ultérieurement, ne sont pas des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et par conséquent, n'avaient pas à être déclarées, que les droits et obligations définitives des parties résultant de l'exécution du marché sont déterminés par l'établissement du décompte général définitif ou, en l'absence d'un tel décompte, comme en l'espèce par la décision du juge administratif arrêtant le solde définitif des sommes dues au titre de l'exécution ou de l'inexécution de ce marché. Elle ajoute qu'il n'entre pas dans la compétence de la cour comme du juge de l'exécution, de statuer à nouveau sur le fond de l'affaire et sur le bien fondé d'une créance qui a été arrêtée de manière claire et précise par une juridiction dans une décision définitive.
Tandis que M. [I] maintient que la créance est éteinte faute d'avoir été déclarée au passif de sa procédure collective. Il souligne que l'OPH était tenue de déclarer comme tous les autres créanciers les créances antérieures, même éventuelles ou non fixées, qu'elle pouvait détenir contre l'entreprise, que l'antériorité de la créance s'appréciant en fonction du fait générateur, les créances de réparation dont se prévaut l'OPH qui font partie des créance résultant de l'inexécution d'une obligation contractuelle procèdent du fait juridique de l'inexécution, qu'il convient donc de distinguer suivant que l'inexécution est ou non antérieure au jugement d'ouverture, qu'en l'espèce, le délai d'exécution des travaux expirait le 8 septembre 1999 de sorte que la créance de pénalités de retard a pris naissance le 9 septembre 1999, qu'elle est antérieure au jugement d'ouverture et se trouve éteinte, n'ayant jamais été déclarée même à titre provisionnel, que la créance de pénalités de retard étant éteinte, il convient d'en soustraire le montant du solde du marché qui avait été fixé à 26 152,58 euros par la cour administrative d'appel ce qui ramène le solde définitif à 43 576,31 euros en sa faveur , cette somme lui étant due par l'OPH.
Pour apprécier le fait générateur de la créance de pénalités de retard de la société OPH à l'encontre de M. [I], il importe de souligner que les parties ont conclu un marché de travaux publics.
Il est admis que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu un tel marché est compris dans un compte dont seul le solde, arrêté lors du décompte définitif ou à défaut par le juge, détermine les droits et obligations définitifs des parties.
En l'espèce, les droits et obligations des parties en suite de l'exécution défectueuse du marché ont été fixés par la décision irrévocable de la cour administrative d'appel du 4 mai 2010 de sorte que la créance qui est née de cette décision est postérieure au redressement judiciaire ouvert le 20 septembre 1999 et qu'elle n'était donc pas soumise à l'obligation de déclaration.
Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la créance éteinte et en ses dispositions relatives aux mesures d'exécution et, statuant à nouveau, de débouter M. [I] de ses demandes, de valider les mesures d'exécution effectuées en vertu de l'arrêt rendu le 4 juin 2010 par la cour administrative d'appel de Paris, titre exécutoire, sans qu'il y ait lieu, en l'état de ce titre et alors, de surcroît, qu'il n'entre pas dans les attributions du juge de l'exécution de délivrer un titre exécutoire, de condamner M. [I] pour les mêmes causes.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Déboute M. [I] de ses demandes,
Valide les actes de procédure suivants diligentés par la société Office Public de l'Habitat Marne et Chantereine Habitat :
- commandement de payer afin de saisie-vente délivré le 11 février 2011 par la Scp Rochet-Bancaud, pour un montant principal de 26.152,58 euros correspondant aux condamnations prononcées par la cour administrative d'appel de Paris,
- commandement de payer afin de saisie-vente délivré le 18 avril 2011 délivré par la Scp Rochet-Bancaud pour un montant principal de 32 059,39 euros, correspondant aux sommes à restituer par M. [I] à la suite de l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun,
- procès-verbal de saisie-vente délivré le 7 avril 2011 par la Scp Rochet-Bancaud,
- dénonciation d'opposition et jonction par acte délivré le 11 avril 2011 par la SCP Rochet-Bancaud,
- procès-verbal de saisie-attribution délivré à la Société Générale par acte du 22 février 2011,
- procès-verbal de saisie attribution délivré au Crédit du Nord par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie-attribution au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie de droit d'associés ou de valeurs mobilières délivré au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie de droit d'associés ou de valeurs mobilières délivré à la BTP Banque par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie de droit d'associés ou de valeurs mobilières délivré au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 27 avril 2011,
- procès-verbal de saisie attribution délivré au Crédit Agricole Brie-Picardie par acte du 6 mai 2011,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne M. [I] aux dépens de première instance et d'appel,
Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer les dépens d'appel selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,