RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 16 Juin 2016
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03911
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/09802
APPELANT
Monsieur [J] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Stéphane BEURTHERET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0088
INTIMEE
SAS HEADLINK PARTNERS
[Adresse 2]
[Localité 1]
N° SIRET : 432 936 870 00034
représentée par Me Isabelle SCHWAB, avocat au barreau de PARIS
substitué par Me Aliénor VULSER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère faisant fonction de Présidente
Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller
Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [J] [Z] a été engagé par la société HEADLINK Partners, pour une durée indéterminée à compter du 21 décembre 2004, en qualité de 'principal'. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de vice-président avec le statut de cadre.
Par lettre du 13 juillet 2012, Monsieur [Z] était convoqué pour le 24 juillet à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 27 juillet suivant pour ne pas avoir atteint ses objectifs, avoir fait preuve de manque d'engagement et pour manque de considération et de respect à l'égard de collaborateurs.
En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 13 200 euros.
La relation de travail est régie par la Convention collective 'Syntec'.
Le 5 septembre 2012, Monsieur [Z] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à la contestation des motifs du licenciement.
Par jugement du 6 mars 2015 notifié le 13 mars 2015, le Conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage, a condamné la société HEADLINK Partners à payer à Monsieur [Z] la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et a ordonné le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois d'indemnités.
Monsieur [Z] a interjeté appel de cette décision le 13 avril 2015.
Lors de l'audience du 6 mai 2016, Monsieur [Z] demande à la Cour de réformer partiellement le jugement en portant à la somme de 233 180 euros le montant de la condamnation de la société HEADLINK Partners au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de condamner cette société au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, il expose :
- que le grief relatif à l'absence d'atteinte des objectifs n'est pas justifié, dès lors que ses objectifs n'ont jamais été fixés de façon contradictoire et que ses résultats étaient excellents, malgré de graves problèmes de santé et un contexte économique difficile
- que le grief de manque d'engagement et de dynamisme commercial est également injustifié
- que le grief relatif au comportement à l'égard de collaborateurs est prescrit, vague et nullement établi
- que le conseil a sous-évalué son préjudice.
En défense, la société HEADLINK Partners demande l'infirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [Z] et subsidiairement la limitation de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 79 200 euros correspondant à six mois de salaire. Elle demande également la condamnation de Monsieur [Z] à lui restituer les sommes versées en trop en exécution de ce jugement.
Elle fait valoir :
- que l'insuffisance de résultats de Monsieur [Z] est établie, les objectifs qui lui ont été assignés et qui étaient parfaitement réalisables n'ayant pas été atteints, en raison de son désengagement et de son manque de dynamisme commercial
- que Monsieur [Z] a fait preuve de défaillances en terme d'encadrement et de relation avec les équipes et qu'il s'agit là d'une insuffisance professionnelle et non pas d'un motif disciplinaire
- que le conseil a surévalué son préjudice.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article L 1232-1 du Code du Travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L 1235-1 du Code du Travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 27 juillet 2012, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L1232-6 du Code du travail, reprochait en substance à Monsieur [Z], en premier lieu, de ne pas avoir atteint ses objectifs de développement depuis le 1er janvier 2011, son chiffre d'affaires étant 'très insuffisant au regard de [sa] séniorité dans [sa] fonction et connaissance du marché' et d'avoir, malgré les moyens mis à sa disposition et ses responsabilités, 'progressivement fait preuve de désengagement et de désinvestissement dans [ses] fonctions', par un 'manque de contacts client' et une négligence dans la prospection' et en second lieu un 'manque de considération et de respect vis à vis des membres des membres de [son] équipe qui se sont traduits par une mise sous stress des consultants sur [ses] missions', une 'demande de travail systématiquement dans l'urgence' et une 'position hautaine, [se] permettant des propos discourtois avec [ses] interlocuteurs'.
Les parties s'accordent sur le fait que la première série de griefs relève de l'insuffisance professionnelle;
Contrairement à ce que soutient Monsieur [Z], des objectifs peuvent être fixés par l'employeur de façon unilatérale dans le cadre de son pouvoir de direction. Ils doivent toutefois être connus du salarié et réalisables et il appartient alors à l'employeur d'établir que, le fait, pour le salarié, de ne pas les avoir atteints est imputable à son insuffisance professionnelle.
En l'espèce, il résulte des pièces produites par la société HEADLINK Partners, notamment des compte-rendus de réunions que, lors de sa promotion en qualité de vice-président en 2010, Monsieur [Z] s'était vu assigner un objectif annuel de chiffre d'affaires de 2 millions d'euros.
Au titre de l'année 2010, il a dépassé cet objectif, de tel sorte que celui-ci apparaissait réalisable.
Or, il n'a atteint qu'un objectif de 557 800 euros en 2011, puis de 151 700 euros les quatre premiers mois de 2012.
Monsieur [Z] explique en premier lieu que le contexte économique n'a cessé de se dégrader et produit les comptes de l'entreprise, d'où il résulte que son chiffre d'affaires annuel de celle-ci est passé d'environ 15 millions d'euros en 2007 à environ 7 millions d'euros en 2011.
Cependant, la société HEADLINK Partners fait valoir, sans être contredite sur ce point, que le secteur 'finance' sur lequel Monsieur [Z] intervenait principalement n'a cessé de croître depuis 2010 et ajoute à juste titre que la faible baisse de 500 000 euros entre 2010 et 2011 sur l'ensemble du secteur de la finance ne permet pas d'expliquer la baisse considérable de celui réalisé par Monsieur [Z], divisé par 4 de 2010 à 2011.
Pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes avait notamment relevé que l'entreprise ne fournissait aucun élément de comparaison avec le chiffre d'affaires réalisé par les autres vice-présidents du groupe.
Or, en cause d'appel, la société HEADLINK Partners produit un tableau comparatif relatif à l'année 2011, dont la véracité n'est pas contestée par Monsieur [Z], faisant apparaître un chiffre d'affaires réalisé par lui, très largement en-dessous de celui des autres vice-présidents.
Compte tenu de ces éléments, les problèmes de santé dont Monsieur [Z] a souffert, qui ont entraîné une intervention chirurgicale à la fin du mois de juin 2011, suivie de quatre semaines d'arrêt de travail, ne sont pas suffisants pour expliquer les baisses très importantes et persistantes de son chiffre d'affaires.
La société HEADLINK Partners attribue notamment cette baisse au fait que Monsieur [Z] n'avait pas suffisamment diversifié son activité, s'étant enfermé dans les offres exclusivement 'RH' et ayant focalisé la quasi-totalité de son activité sur des clients déjà existants. La réalité de ce grief résulte notamment du tableau des rendez-vous pris que Monsieur [Z] produit lui-même.
A cet égard, la société HEADLINK Partners produit une attestation de Monsieur [X], directeur général, qui déclare que Monsieur [Z] avait été, à plusieurs reprises, alerté à cet égard par lui-même ainsi que par d'autres vice-présidents.
Il résulte de ces éléments que l'insuffisance de résultats avérée de Monsieur [Z] est imputable à une insuffisance professionnelle de sa part.
Le licenciement est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la seconde série de griefs, et le jugement doit être infirmé.
Il n'y a pas lieu à ordonner le remboursement des sommes qui ont pu être perçues par Monsieur [Z] en exécution du jugement entrepris, le présent arrêt constituant un titre exécutoire permettant de plein droit une telle restitution.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,
Infirme le jugement et statuant à nouveau, déboute Monsieur [J] [Z] de l'ensemble de ses demandes.
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Monsieur [Z].
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT