Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2016
(n° 2016/ 263 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/20710
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Août 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/07682
APPELANTE
LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES agissant en la personne de leur mandataire général pour les opérations en France, la société LLOYD'S FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Adresse 2]
N° SIRET : 422 066 613 00031
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Romain SCHULZ de la SCP HONIG METTETAL NDIAYE & Associés (HMN & Partners), avocat au barreau de PARIS, toque : P0581
INTIMÉES
La société THESEIS CAPITAL anciennement dénommée AKERYS CAPITAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Adresse 4]
N° SIRET : 419 036 702 00068
La société IFB FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Adresse 4]
N° SIRET : 429 912 249 00027
Représentées et assistées par Me Jean-Pierre LÉON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0406
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
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Le groupe AKERYS est spécialisé dans la promotion immobilière orientée notamment vers l'investissement locatif défiscalisé. Deux sociétés de ce groupe, la société AKERYS CAPITAL devenue THESEIS CAPITAL et la société IFB FRANCE, sont spécialisées pour la première, dans le courtage en assurances et les produits de placements en vue notamment de trouver des solutions de financement pour les acquéreurs des biens construits sous la maîtrise d'ouvrage de la société AKERYS et, pour la seconde, dans la commercialisation des biens immobiliers.
Chacune de ces sociétés a souscrit auprès de l'association LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES une police d'assurance responsabilité civile professionnelle (n°V15WS110PNPM et V15WS310PNPM), les relations des parties étant, en dernier lieu, régies par des avenants à effet du 1er janvier 2013.
Ces sociétés ont proposé à des acquéreurs de biens immobiliers AKERYS de souscrire auprès de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE un prêt dénommé HELVET IMMO, libellé en francs suisses mais remboursable en euro. A la suite de l'évolution défavorable de la parité euro/franc suisse, de nombreux acquéreurs ont engagé une action en responsabilité à l'encontre de l'établissement bancaire, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, lui faisant grief d'un défaut de mise en garde quant aux risques encourus.
Par actes du 28 août 2013, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a appelé en intervention forcée notamment, les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE afin de leur voir déclarer commun le jugement à venir et de voir juger qu'elles ont commis une faute délictuelle. Elle leur reprochait d'avoir, avec l'association EDC (qui selon elle ne serait qu'une des structures de commercialisation du groupe AKERYS), sciemment incité les emprunteurs à engager une action en justice uniquement à son encontre dans le but de protéger les sociétés du groupe ; la banque qualifiait cette attitude de frauduleuse et sollicitait la condamnation des défenderesses au paiement, pour chaque affaire, d'une somme de 300 000€ à titre de dommages et intérêts.
Le 22 octobre 2013, les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE ont adressé à la société BEAZLEY, intermédiaire d'assurance, une déclaration de sinistre, lui demandant de prendre en charge leurs frais de défense.
L'association LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES n'a pas donné une suite favorable à cette requête, en raison de ses réserves sur la garantie 'd'une collusion frauduleuse' susceptible de constituer une faute intentionnelle ou dolosive disant qu'elle ne pouvait, dès lors, prendre la direction du procès. Elle estimait, de ce fait, ne pas être tenue aux frais de défense en application de l'article 10 alinéa 4 de sa police, qui énonce, que 'si l'assuré entend choisir son propre avocat, il devra procéder seul au règlement de l'intégralité des frais de défense'. Elle émettait également des réserves en raison de plaintes pénales remontant à 2011 qui n'auraient pas donné lieu à des déclarations de sinistres et évoquait l'exclusion de garantie prévue à l'article 3-12 de sa police.
C'est dans ce contexte, que régulièrement autorisées, les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE ont, par acte du 22 mai 2014, fait assigner à jour fixe la société BEAZLEY et LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES devant le tribunal de grande instance de Paris afin de les voir condamnés à prendre en charge les frais de défense au constat de réserves de garantie non fondées et de l'absence d'un cas de non-garantie.
Par jugement en date du 27 août 2014, le tribunal a mis hors de cause, l'intermédiaire d'assurance la société BEAZLEY et, écartant la demande de sursis à statuer, a condamné LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES à faire l'avance, sans limitation de montant, des frais de défense exposés par les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE dans les procédures où elles sont attraites par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et au paiement d'une indemnité de procédure de 3000 € et aux dépens, déboutant les parties du surplus de leurs prétentions.
Par déclaration d'appel du 15 octobre 2014, LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES ont interjeté appel, intimant uniquement les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2015, LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES demandent à la cour, réformant le jugement déféré sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société BEAZLEY, in limines litis, de surseoir à statuer dans l'attente des décisions définitives rendues dans chacune des instances opposant la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux sociétés intimées et au fond, sous divers dire et juger reprenant leurs moyens, de débouter les intimées de leurs demandes, sollicitant en tout état de cause, l'allocation d'une somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation des intimées aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées 18 septembre 2015, les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE soutiennent la confirmation du jugement déféré, demandant à la cour de dire que les réserves de garanties qui leur sont opposées sont non fondées et que l'assureur ne prouve pas que les conditions de fait d'une exclusion de garantie seraient réunies. Elles réclament sa condamnation au paiement d'une indemnité de procédure de 10000 € et aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2016.
SUR CE, LA COUR
Considérant que, comme devant la juridiction de première instance, LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES demandent à la cour, in limine litis, de surseoir à statuer, dans la mesure où il ne peut pas être statué sur leur garantie sans que soit tranchée au préalable la responsabilité alléguée des sociétés assurées, au regard de l'invocation par le tiers victime, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE d'une collusion frauduleuse, comportement de nature à les priver de garantie au visa de l'article L 113-1 du code des assurances ; qu'ils critiquent le jugement déféré, qui dénature le litige en retenant une avance des frais de défense, alors que cette garantie n'est pas dissociable de la garantie due au titre de la responsabilité des assurés ; que les sociétés intimées écartent tout risque de contrariété de décisions et prétendent que faire droit à cette demande reviendra à préjuger de l'application d'une exclusion de garantie avant que la démonstration soit éventuellement faite de la réunion de ses conditions ;
Considérant que, selon l'article 2 des polices d'assurances souscrites par les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE, le contrat d'assurance responsabilité a pour objet 'de garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires, y compris les frais de défense, résultant de toute réclamation introduite par un tiers à son encontre (...) mettant en jeu la responsabilité civile qu'il peut encourir individuellement ou solidairement, en cas de faute professionnelle réelle ou alléguée commise dans l'exercice de la ou des activités professionnelles garanties', l'article suivant excluant expressément les dommages consécutifs à 'toute faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré' ;
Que, aux termes des assignations en intervention forcée délivrée par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au mois d'août 2013, objet de la déclaration de sinistre adressée par les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE, leur partenaire financier recherche leurs responsabilités respectives, au titre de ce qu'il qualifie de collusion frauduleuse avec l'association EDC (également assignée) afin de protéger le groupe auquel elles appartiennent, sollicitant, à ce titre, des dommages et intérêts ;
Qu'il s'ensuit, ainsi que le retiennent LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES que la responsabilité de ses assurées est recherchée au titre de faits pouvant constituer, s'ils sont avérés, la faute intentionnelle ou à tout le moins la faute dolosive prévue à l'article L113-1 du code des assurances et aux polices d'assurances, laquelle n'implique pas la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu mais suppose seulement la disparition de l'aléa inhérent au contrat d'assurance ;
Que dès lors, LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES pouvaient légitimement formuler des réserves sur leur garantie et, donc, refuser de prendre la direction du procès sauf à se voir opposer les dispositions de l'article L 113-17 du code des assurances ;
Considérant que le contrat n'envisage pas la prise en charge des frais de défense indépendamment des conséquences pécuniaires de la réclamation du tiers victime et cette prise en charge est concernée par l'application de l'exclusion légale et conventionnelle de la faute dolosive ; que cette faute ne peut pas être caractérisée ou écartée avant que la 9ème chambre du tribunal de grande instance de Paris statue sur le litige qui lui est soumis par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et sur les moyens qu'elle développe ;
Qu'enfin le litige soumis par les sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE au tribunal, tel qu'il s'évince du rappel au jugement des prétentions des parties portait sur la condamnation de l'assureur à 'prendre en charge les frais de défense' au constat de réserves de garantie non fondées et de l'absence de preuve d'un cas de non garantie ; que le jugement querellé oblige LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES à faire l'avance de ces frais, au constat 'qu'il n'est pas rapporté, en l'état, la preuve d'une exclusion de garantie'; qu'une telle condamnation, prononcée par le juge du fond, ne réserve pas le remboursement des frais de défense dans l'hypothèse où la 9ème chambre du tribunal de grande instance statuant sur les demandes indemnitaires de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, retiendrait des éléments factuels permettant de caractériser un dol;
Considérant que par conséquent, un sursis à statuer s'impose, étant relevé, d'une part, que le contrat, s'il prévoit que l'assureur qui prend la direction du procès assume les frais de défense et donc leur avance, il n'envisage nullement celle-ci lorsque que l'assureur n'ayant pas pris la direction du procès, l'assuré est contraint de désigner un conseil et d'autre part, qu'accueillir la demande de sursis ne vient nullement préjuger de l'existence d'une cause d'exclusion de garantie, qui ne peut être envisagée qu'après l'examen, par la 9ème chambre du tribunal de grande instance de Paris, de l'implication des sociétés intimées dans l'engagement par les emprunteurs de procédures à l'encontre de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
Considérant qu'à ce stade de la procédure, aucune considération d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 27 août 2014 ;
Statuant à nouveau,
Sursoit à statuer jusqu'au prononcé de ses jugements, par le tribunal de grande instance de Paris (9ème chambre), sur les appels en intervention forcée des sociétés THESEIS CAPITAL et IFB FRANCE formalisés par des actes extra-judiciaires du 23 août 2013 délivrés à la requête de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
Ordonne la radiation de l'affaire et dit qu'elle sera réinscrite à l'instigation de la partie la plus diligente ;
Dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE