Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2016
(n°16/123, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16923
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/10839
APPELANTES
Compagnie d'assurances TVM ONDERLINGE, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]N/PAYS BAS
Compagnie d'assurances BUREAU CENTRAL FRANÇAIS, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentées par Me Mansour OTHMANI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0095
INTIMES
Monsieur [I] [I]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1]
Représenté par Me Serge BEYNET de la SELEURL SERGE BEYNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482
Assisté de Me Jessica GARRAUD avocat plaidant substituant Me Serge BEYNET de la SELEURL SERGE BEYNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482
CRAMIF, prise en la personne de ses représentants légaux
Service recours contre tiers
[Adresse 4]
[Adresse 4]
N° SIRET : 775 694 730 00018
Représentée par Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0811
Organisme CPAM DES YVELINES, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre et Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère, entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre
Madame Catherine COSSON, Conseillère
Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Mme Zahra BENTOUILA greffier présent lors du prononcé.
****
EXPOSE DU LITIGE
Le 28 mai 2004, aux environs de 18 heures 45, Monsieur [I] [I] qui conduisait sa motocyclette de marque Honda type Hornet a été victime d'un très grave accident de la circulation sur la commune de Saint Ybard (19) alors qu'il circulait sur l'autoroute A 20, dans le sens Province-Paris (accident de trajet).
Sa motocyclette a heurté l'arrière de la remorque d'un camion, immatriculé aux Pays-Bas et assuré par la Compagnie d'assurance néerlandaise TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA, qui roulait sur la voie de droite de l'autoroute.
Monsieur [I] [I] a été victime d'un traumatisme thoracique et rachidien grave et conserve comme séquelles de cet accident une paraplégie devenue définitive.
Par jugement rendu le 2 février 2009 le Tribunal a notamment dit que Monsieur [I] [I] a un droit à réparation de son préjudice réduit de moitié, ordonné une mesure d'expertise médicale sur la personne de la victime confiée au Docteur [Q] [S], et alloué à Monsieur [I] une provision de 50.000€.
Par arrêt rendu le 4 avril 2011 la Cour d'Appel de Paris a dit que la faute commise par Monsieur
[I] [I] limite des trois quarts son droit à indemnisation, et a confirmé le jugement pour le surplus.
Le Docteur [Q] [S] a procédé à sa mission et établi un rapport d'expertise le 14 septembre 2009.
Par jugement en date du 24 juin 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris a :
Condamné la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et le BCF in solidum à payer à:
1.[I] [I] :
- la somme de 347.894,99€ à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour;
2.la CRAMIF :
- la somme de 161.514,51€
- la somme de 1.015€ au titre de l'indemnité de gestion prévue par l'article L376-l du code de la sécurité sociale,
- la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement;
Réservé les postes dépenses de santé futures, aménagement du logement et aménagement du véhicule ;
Déclaré le présent jugement commun à la CPAM des Yvelines,
Condamné in solidum la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et le BCF aux dépens et à payer à [I] [I] la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour;
Ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence de la moitié des indemnités allouées et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.
La société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et le BCF ont relevé appel du jugement.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 9 février 2015 ils demandent à la cour de:
- Infirmer le jugement rendu le 24 juin 2014 en ce qu'il a statué sur les pertes de gains professionnels futurs et les pertes de gains professionnels avant consolidation et fait droit aux demandes de la CRAMIF d'être indemnisée,
- Fixer l'indemnisation de Monsieur [I] [I] au titre de ces deux postes aux sommes suivantes :
$gt; Perte de gains professionnels futurs 90.941,10 euros
$gt; Perte de gains professionnels avant consolidation 16.780 euros
- Débouter la CRAMIF de ses demandes et confirmer le jugement pour le surplus,
- Condamner Monsieur [I] [I] ainsi que la CRAMIF à payer à la société TVM ainsi qu'au BUREAU CENTRAL FRANÇAIS chacun la somme de 1.700 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner Monsieur [I] [I] et la CRAMIF aux dépens
Les offres faites par les appelants sont détaillées dans le tableau ci-dessous.
Par dernières conclusions signifiées le 22 avril 2016, Monsieur [I] [I] demande à la cour de :
- Condamner la Compagnie TVM ONDERLINGE Waarborgmaatschappij Transvemijua et le BCF in solidum à lui payer la somme de 559.828,87 € en deniers ou quittances, provisions non déduites, cette somme avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- Réserver les frais de logement et de véhicule adapté, le matériel médical acquis après consolidation et la prise en charge éventuelle d'une heure trente d'assistance tierce personne à compter du 13 avril 2011,
- Déclarer l'arrêt à intervenir commun aux organismes sociaux,
- Condamner in solidum la Compagnie TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et le BCF à verser à Monsieur à [I] [I] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
Il soutient que certaines indemnités accordées sont insuffisantes et sollicitent les sommes reprises dans le tableau ci-dessous, avant réduction du droit à indemnisation.
Par conclusions du 25 mars 2016, la CRAMIF conteste le droit de préférence de la victime et estime avoir droit au remboursement intégral de sa créance. Elle demande donc à la cour de:
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et le BCF in solidum à lui payer la somme de 161.514,51€, l'indemnité de gestion prévue par l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et condamné les parties succombantes aux dépens de première instance,
-Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il n'a pas condamné in solidum la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH et le BCF à payer à la CRAMIF l'intégralité de sa créance et en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur l'imputation du solde de la créance de la CRAMIF sur les postes incidence professionnelle et deficit fonctionnel permanent,
- statuant à nouveau et y ajoutant, dire et juger que le solde de la créance de la CRAMIF s'impute sur les postes incidence professionnelle et deficit fonctionnel permanent
- Condamner in solidum le ou les responsables et leurs assureurs, et notamment, la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH et le BUREAU CENTRAL FRANCAIS, à lui payer la somme de 256 713,63 €, représentant les arrérages versés du 1er juin 2006 au 31/12/2008 pour 18.827,82 €, les arrérages versés du 01/01/2009 au 29/02/2016 pour 55 896,16 € et le capital représentatif des arrérages à échoir du 01/03/2016 jusqu'à la date de la substitution d'une pension de retraite servie par la CNAV pour 181.989,65 €,
- Condamner in solidum le ou les responsables et leurs assureurs, à lui payer l'indemnité de gestion prévue par l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale et issue de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 dont le montant au 1er janvier 2016 s'élève à 1 047 €,
- Condamner in solidum le ou les responsables et leurs assureurs à lui payer à la CRAMIF la somme de 2 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner in solidum le ou les responsables ainsi que leurs assureurs en tous les dépens d'appel.
Tribunal
DEMANDES
OFFRES
Préjudices patrimoniaux
¿ temporaires:
-dépenses de santé actuelles:
* exposées par les organismes sociaux:
22.988€
22.988€
22.988€
* demeurées à la charge de la victime:
-
-
-
- tierce personne:
57.720€
65.416€
57.720€
-perte de gains professionnels actuels:
47.925,46€
(11.981,37€ après réduction)
67.120€
(16.780€ après réduction)
67.120€
(16.780€ après réduction)
¿ permanents:
- dépenses de santé futures:
réservées
réservées
réservées
- logement adapté:
réservé
réservé
réservé
- véhicule adapté:
réservé
réservé
réservé
- tierce personne :
555.314,70€
843.263,50€
555.314,70€
-perte de gains professionnels futurs:
167.277,05€
460.172,40€
167.277,05€
-incidence professionnelle:
20.000€
100.000€
20.000€
Préjudices extra-patrimoniaux:
¿ temporaires:
-déficit fonctionnel temporaire :
38.342,50€
38.342,50€
38.342,50€
-souffrances:
40.000€
45.000€
40.000€
- préjudice esthétique temporaire:
5.000€
15.000€
5.000€
¿ permanents:
-déficit fonctionnel permanent :
360.000€
480.000€
360.000€
- préjudice esthétique:
40.000€
45.000€
40.000€
- préjudice d'agrément:
20.000€
30.000€
20.000€
- préjudice sexuel:
20.000€
30.000€
20.000€
- préjudice d'installation:
20.000€
20.000€
5.000€
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur le préjudice corporel:
Il ressort du rapport d'expertise médicale les éléments suivants:
ITT : du 28/05/2004 au 01/09/2006
le 23/11/2006
du 24/01 au 02/02/2007
du 19/03 au 25/03/2007
le 13/11/2008
le 18/01/2008
ITP : 85% à compter du 02/09/2006 au 31/12/2008 hors périodes d'hospitalisation
Consolidation : 31/12/2008
IPP : 80%
PD : 6/7
PE : temporaire et définitif 6/7
PA : existant
Préjudice professionnel : Inaptitude à la profession antérieure ; apte à un reclassement
PS : existant
Préjudice d'installation : existant
Aménagements : logement, véhicule
Aides humaines : 4 heures par jour en l'état actuel ; 2 h 30 en cas de logement adapté
Soins futurs : réserves
Matériel : lit médicalisé, fauteuil roulant intérieur et extérieur avec coussin antiescarre,
fauteuil verticalisateur
Au vu de ces éléments et de l'ensemble des pièces versées aux débats, le préjudice corporel de Monsieur [I] [I] qui était âgé de 20 ans (né le [Date naissance 1] 1984) lors de l'accident et de 24 ans lors de la consolidation, et occupait l'emploi de couvreur, sera indemnisé comme suit, étant précisé:
- d'une part, qu'en vertu de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, modifié par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent, poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf s'il est établi que le tiers payeur a effectivement, préalablement et de manière incontestable, versé des prestations indemnisant un poste de préjudice personnel,
- d'autre part, qu'il résulte de l'application combinée des articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, des articles L.434-1 et L.434-2 du code de la sécurité sociale, et du principe de la réparation intégrale, que la pension d'invalidité versée à la victime d'un accident du travail indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, et que lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, l'organisme de sécurité sociale est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus , de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie;
- et qu'enfin la subrogation ne pouvant nuire à la victime subrogeante, cette victime lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie, peut exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle.
Préjudices patrimoniaux:
¿ temporaires, avant consolidation:
- dépenses de santé actuelles:
Elles ont été prises en charge par la CPAM des Yvelines pour un montant de 22.988€ et la victime ne demande aucune somme pour des dépenses de santé qui seraient restées à sa charge.
- tierce personne temporaire:
Monsieur [I] [I] ainsi que la Compagnie TVM ONDERLINGE Waarborgmaatsch Transvemijua et le BCF s'accordent pour évaluer ce besoin d'assistance à 4 heures par jour durant 962 jours, mais divergent sur le taux horaire à appliquer, la victime sollicitant 17€/heure, alors que les défendeurs offrent 15€/heure, comme retenus par le Tribunal.
Les premiers juges ont exactement évalué ce poste de préjudice, en retenant un taux horaire de 15€, à la somme de 57.720€ (962j x 4h x15€), soit 14.430€ après limitation du droit à indemnisation.
- perte de gains professionnels actuels:
La CRAMIF conteste le droit de préférence de la victime, dont l'application est sollicitée par les appelants et Monsieur [I] [I].
Elle soutient que :
- l'article L 376-1 du Code de la Sécurité sociale faisant expressément référence à l'article 1252 du Code civil, il apparaît cohérent d'appliquer les principes fondamentaux de la subrogation: les subrogés (caisses) et le subrogeant (assuré) ont les mêmes droits à l'encontre du débiteur principal (la société TVM) ;
- que les subrogés doivent donc être remboursés par le débiteur principal, dans la limite des sommes payées en ses lieu et place par provision;
- que la victime ne se trouve nullement lésée puisqu'elle est indemnisée de ces sommes par les tiers paveurs avant le règlement définitif de la société TVM, pour« ce qui lui reste dû ».
Elle conclut que Monsieur [I] a droit à l'indemnisation de 25% de ses pertes de gains professionnels actuels et de 25% de ses pertes de gains professionnels futurs, et qu'il ne sera aucunement lésé car il aura bien été intégralement rempli de ses droits par la CRAMIF substituée au débiteur principal.
La perte de gains actuels est évaluée par les parties à 67.120€ et l'indemnité mise à la charge de la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et du BCF est donc de 16.780€ (67.120 x 25%).
Monsieur [I] [I] a perçu durant la période avant consolidation des indemnités journalières versées par la CPAM des Yvelines à hauteur de 366,72€ et une pension d'invalidité versée par la CRAMIF du 1er juin 2006 au 31 décembre 2008 à hauteur de 18.827,82€, soit une somme totale de 19.193,82€. La perte de gains totale subie par Monsieur [I] [I] s'élève donc à : 67.120€ - 19.193,82€ = 47.926,18€.
Mais, contrairement à ce que soutient la CRAMIF, la perte complémentaire de la victime qui, n'ayant été indemnisée qu'en partie par un tiers payeur, peut en vertu de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû, par préférence à ce tiers payeur dans la limite de la dette du responsable, est donc de 16.780€ et il ne reste aucune somme revenant à la CRAMIF.
¿ permanents, après consolidation:
- dépenses de santé futures:
- frais de logement adapté:
- frais de véhicule adapté:
Ces trois postes seront réservés à la demande des parties.
-tierce personne:
L'expert a retenu un besoin d'assistance par tierce personne 4 heures par jour en l'état actuel et de 2h30 si les aménagements nécessaires étaient effectués au domicile (suppression de l'escalier, aménagement optimal des accès, aménagement d'une cuisine).
Monsieur [I] [I] demeure toujours au domicile de ses parents comme au jour de l'expertise, mais ces derniers ont emménagé le 13 avril 2011 dans une nouvelle maison qu'ils ont acquise.
Monsieur [I] [I] demande donc l'indemnisation de ce préjudice sur une base de 4 heures par jour jusqu'au 12 avril 2011, puis sur la base de 2h30 par jour à compter du 13 avril 2011 au taux horaire de 19€, en sollicitant que l'indemnisation de l'heure et demie d'aide supplémentaire soit réservée, le BCF et la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA demandent la confirmation des taux horaires de 15€ jusqu'au 11 avril 2011 puis de 17€ à compter du 12 avril 2011, retenus par le Tribunal en s'opposant à ce que la Cour réserve une partie de ce poste.
Si après avoir emménagé dans la nouvelle maison de ses parents en 2011, Monsieur [I] [I] avait eu besoin d'une assistance supérieure à 2h30 par jour, il avait l'opportunité de le démontrer durant les 5 années qui se sont écoulées à compter du 13 avril 2011 jusqu'à la date d'évocation de la présente affaire. Ce poste ne sera donc pas réservé, même partiellement comme le demande la victime, mais sera indemnisé comme suit :
* du 1er janvier 2009 au 11 avril 2011: 832j x 4h x15€ = 79.920€
* du 12 avril 2011 au 11 septembre 2016, évalué sur 410 jours pour tenir compte des jours fériés et des vacances, : 5 années et 5/12 mois x 410j x 2h30 x16€ =81.728€
* à compter du 12 septembre 2016 : 2h30 x 410j x 19€ x 34,553 (€ de rente viagère pour un homme âgé de 32 ans) = 672.919,67€
soit la somme de 834.567,67€, ramenée à 208.641,91€ après réduction du droit à indemnisation.
- perte de gains professionnels futurs:
Il est établi par l'expertise que les séquelles dont souffre Monsieur [I] [I] ne lui permettent plus d'exercer la profession de couvreur.
Il a néanmoins pu exercer une activité d'enseignant pour former des couvreurs du 1er septembre 2011 jusqu'au 31 août 2012 dans le cadre d'un travail à temps partiel pour un salaire total de 7.784,02€.
Les parties s'accordent pour évaluer le revenu auquel Monsieur [I] aurait pu prétendre à 1200€ par mois du 1er janvier 2009 au 31 août 2011, puis à 1600€ par mois du 1er septembre 2011 au 31 août 2012 (soit une perte de gains mensuelle de 900€).
Il faut donc calculer la perte subie comme le fait la victime:
* du 1er janvier 2009 au 31 août 2011:
1200€ x 32 mois = 38.400€
* du 1er septembre 2011 au 29 février 2016 :
900€ x 54 mois = 48.600€
* à compter du 1er mars 2016 :
900€ x 12 x 34,553 (€ de rente viagère pour un homme âgé de 32 ans) = 373.172,40€
Total : 460.172,40€.
Cette perte étant évaluée à la somme totale de 460.172,40€, l'indemnité mise à la charge de la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et du BCF est donc de 115.043,10€ (460.172,40€ x 25%).
Les arrérages et le capital de la pension d'invalidité versés par la CRAMIF à compter du 1er janvier 2009 s'élèvent à la somme de 237.885,81€ (55.896,16€ + 181.989,65€).
Après déduction des sommes perçues, la perte de gains subie par Monsieur [I] [I] s'élève donc à : 460.172,40€ - 237.885,81€ = 222.286,59€.
Monsieur [I] [I] recevra de la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et du BCF la somme de 115.043,10€ au titre de son droit préférentiel, et il ne reste aucune somme revenant à la CRAMIF, dans la limite de la dette du responsable.
- incidence professionnelle :
Monsieur [I] [I] a dû abandonner le métier de couvreur qu'il exerçait et se reconvertir à l'âge de 24 ans dans une activité d'enseignant qu'il n'avait pas choisie; ce poste sera réparé par l'allocation de la somme de 40.000€, soit 10.000€ après réduction du droit à indemnisation.
La CRAMIF soutient que sa créance doit aussi s'imputer sur les postes 'incidence professionnelle' et 'déficit fonctionnel permanent'.
La créance de la CRAMIF de 256.713,63€, constituée des sommes qu'elle a versées au titre de la pension d'invalidité, s'est imputée intégralement sur les postes 'perte de gains professionnels actuels et futurs', évalués respectivement à 67.120€ et 460.172,40 €.
Préjudices extra-patrimoniaux :
En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs précis et circonstanciés qu'elle adopte, ont exactement évalué les indemnités revenant à la victime au titre des préjudices suivants, dont l'indemnisation sera confirmée, soit:
¿ temporaires, avant consolidation:
- déficit fonctionnel temporaire (accord des parties) : 38.342,50€ soit 9.585,62€ après réduction de 75% du droit à indemnisation
-souffrances: 40.000€ soit 10.000€ après réduction de 75% du droit à indemnisation
-préjudice esthétique temporaire: 5.000€, soit 1.250€ après réduction de 75% du droit à indemnisation
¿ permanents, après consolidation:
-préjudice d'agrément: 30.000€ soit 7.500€ après réduction de 75% du droit à indemnisation
-préjudice esthétique permanent: 30.000€ soit 7.500€ après réduction de 75% du droit à indemnisation
-préjudice sexuel: 30.000€ soit 7.500€ après réduction de 75% du droit à indemnisation
-préjudice familial et d'établissement : 20.000€ soit 5.000€ après réduction de 75% du droit à indemnisation
Par contre il convient de réexaminer le poste de préjudice lié au déficit fonctionnel permanent :Les séquelles décrites par l'expert et conservées par Monsieur [I] [I] après la consolidation de son état, entraînent non seulement des atteintes aux fonctions physiologiques mais également des douleurs ainsi qu'une perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence, personnelles, familiales et sociales, qui justifient, pour une victime âgée de 24 ans lors de la consolidation de son état, la somme de 480.000€ soit 120.000€ après réduction de 75% du droit à indemnisation.
Monsieur [I] [I] recevra ainsi, en réparation de son préjudice corporel, une indemnité totale de 533.230,63€, en deniers ou quittances.
Sur la demande de la CRAMIF
Compte tenu de l'application du droit de préférence de la victime, la CRAMIF ne peut prétendre à aucun remboursement de sommes par la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH et le BCF. Elles sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile
Les appelants, qui ont limité leur appel aux condamnations prononcées à leur encontre à l'égard de la CRAMIF et voient leurs demandes validées par la cour, ne seront pas condamnés au paiement de frais irrépétibles.
La CRAMIF, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée à payer aux appelants la somme de 1.500€ chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la victime l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge sera confirmée mais Monsieur [I] [I] qui n'a formé une demande indemnitaire qu'à l'encontre de la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et du BCF sera débouté de sa demande faite à ce titre en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement à l'exception de sa disposition réservant les postes dépenses de santé future, aménagement du logement et aménagement du véhicule, de sa disposition relative à l'article 700 du Code de Procédure Civile et de celle relative aux dépens ;
Statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant,
Condamne in solidum la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et le BCF à verser à Monsieur [I] [I] la somme de 533.230,63 € (cinq cent trente-trois mille deux cent trente euros soixante-trois centimes) en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l'exécution provisoire non déduites, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Déboute la CRAMIF de ses demandes;
Déboute Monsieur [I] [I] de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel;
Condamne la CRAMIF à payer à la société TVM ONDERLINGE WAARBORGMAATSCH TRANSVENIJUA et le BCF, la somme de 1.500 € ( mille cinq cents euros) chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
Condamne la CRAMIF aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT