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19/09/2016 | FRANCE | N°14/17361

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 19 septembre 2016, 14/17361


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2016



(n°16/124 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/17361



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/02249





APPELANTE



FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, pris en la personne d

e ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217





INTIMÉE



EPIC RATP-RÉGIE AUTON...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2016

(n°16/124 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/17361

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/02249

APPELANTE

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217

INTIMÉE

EPIC RATP-RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS - prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Caroline CARRÉ-PAUPART, avocat au barreau de PARIS, toque : E1388

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre et Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère, entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre

Madame Catherine COSSON, Conseillère

Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Mme Zahra BENTOUILA, greffier présent lors du prononcé.

****

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 février 2008, Monsieur [N] [N] a été agressé, alors qu'il se trouvait dans un wagon de métro, par Monsieur [Q] [F], qui lui a porté plusieurs coups de poings et coups de pied, avant de lui voler son baladeur numérique iPod.

L'agresseur est sorti du wagon à la station Pasteur et Monsieur [N] l'a poursuivi en forçant la porte, le processus de fermeture étant enclenché.

Puis alors qu'ils se trouvaient tous deux sur le quai, Monsieur [F] a repoussé Monsieur [N], qui a chuté sur les voies alors que la rame de métro redémarrait, et est décédé des suites de ses blessures.

Son agresseur, Monsieur [Q] [F], a été condamné par la cour d'Assises de [Localité 3] à13 ans de réclusion criminelle pour vol avec violences ayant entraîné la mort.

Par jugement du ler juin 2012, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du tribunal de grande instance de PARIS a alloué à Monsieur et Madame [N], parents de la victime, la somme de 35.000 euros à chacun en réparation de leur préjudice, outre la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 4 février 2013, le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions, le FGTI, subrogé dans les droits des victimes, a assigné la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), en remboursement des sommes versées à Monsieur et Madame [N], parents de Monsieur [N] [N].

Par jugement en date du 1er juillet 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris a:

- Déclaré le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autre Infractions recevable mais non fondé en son action,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Rejeté toute autre demande,

- Condamné le FGTI aux dépens.

Le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres infractions a relevé appel du jugement .

Par dernières conclusions en date du 30 octobre 2014, il demande à la cour de :

Vu l'article 1384 alinéa 1er du Code Civil,

- Dire et juger le FGTI recevable et bien fondé en son appel, comme en toutes ses demandes fins et conclusions.

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le FGTI mal fondé en ses demandes.

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que la RATP, en sa qualité de gardienne des wagons du métro, est responsable du décès de Monsieur [N] survenu le 3 février 2008 à la station Pasteur,

- Constater qu'en vertu de jugement de la CIVI près le Tribunal de Grande Instance de PARIS du 1er juin 2012, une indemnité de 70.000 € a été réglée par le FGTI à Monsieur et Madame [N] en réparation de leurs préjudices,

- En conséquence, condamner la RATP à rembourser au FGTI, subrogé dans les droits des victimes, la somme de 70.000 €, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- Condamner la RATP à verser au FGTI la somme de 2.000 € au titre des dispositions

de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la RATP aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alain LABERIBE, Avocat, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du C.P.C.

Par dernières conclusions en date du 23 décembre 2014, la RATP demande à la cour de

- confirmer en tous points le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 1er juillet 2014 aux termes duquel il a été fait les constations suivantes :

- « l'agression dont Monsieur [N] a été la victime s'est déroulée sans un temps très court. Il est descendu du train à 7h08mm42 secondes et la chute s'est produite à 7h08mm44 lorsque le train a redémarré.Au regard de la soudaineté de l'agression et de son caractère irrationnel, aucune mesure émanant de la RATP n'était susceptible de l'éviter ».

- Débouter, en conséquence, le Fonds de Garantie de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

- Condamner le Fonds de Garantie à régler à la RATP la somme de 2 500,00 euros au titre de

l'article 700 du CPC,

- Condamner le Fonds de Garantie aux entiers dépens.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur la responsabilité de la RATP

Le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres infractions soutient que la RATP, en sa qualité de gardienne des wagons du métro, est responsable du décès de Monsieur [N] sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code Civil.

Il rappelle que la jurisprudence considère qu'une agression dans un train ne présente pas de caractère d'imprévisibilité et que la chute d'un voyageur sur les voies n'est pas un évènement imprévisible ni irrésistible pour la RATP, s'y trouve confrontée quasi-quotidiennement; que le comportement de Monsieur [Q] [F] n'était également nullement irrésistible pour la RATP, laquelle n'a pas pris les mesures nécessaires pour éviter cet accident, puisque le conducteur de la rame ne s'est pas inquiété alors que Monsieur [N] [N] avait forcé la fermeture des portes, qu'aucun personnel de la RATP ou agent de sécurité n'était présent dans la rame ou sur le quai, et enfin qu'aucun dispositif préventif n'a pu empêcher la chute de Monsieur [N] sur les voies.

La RATP réplique qu'elle met en 'uvre tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des voyageurs; que la mise en place de portes palières, telles qu'effectuée sur les lignes 14 et 1 du métropolitain implique des transformations profondes des stations, qui représentent des coûts extrêmement lourds ne pouvant aujourd'hui être supportés par le seul exploitant et qu'au demeurant aucune disposition légale n'impose l'apposition de ces portes palières.

Elle ajoute que la chute de Monsieur [N] [N] était parfaitement irrésistible pour la RATP compte tenu de son caractère soudain et de ses conséquences inévitables.

Elle conclut que l'acte de Monsieur [Q] [F] est seul à l'origine de l'accident mortel dont a été victime Monsieur [N] [N], et constitue le fait d'un tiers qui par sa soudaineté et son irrésistibilité a présenté les caractères de la force majeure, de nature à exonérer la RATP de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle.

Il ressort de l'ordonnance de mise en accusation que le 3 février 2008 à 7h10, Monsieur [N] [N] qui voyageait dans un wagon du métropolitain circulant sur la ligne 6, a été agressé par Monsieur [Q] [F], qui lui a porté deux violents coups de poing et un coup de pied au visage avant de lui dérober son baladeur numérique de marque Apple, et a poursuivi son agresseur descendu à la station 'Pasteur', en sortant difficilement de la rame car le processus de fermeture automatique des portes était enclenché; que sur le quai Monsieur [F] a repoussé Monsieur [N] et l'a déséquilibré, puis a lâché la victime augmentant ainsi l'instabilité de cette dernière ce qui a entraîné sa chute, la tête en avant sur les voies au moment où le train redémarrait. Des voyageurs ont averti le chauffeur de la rame de l'accident lorsque le métro s'est immobilisé à la station suivante. Monsieur [N] est décédé d'un poly-traumatisme majeur avec amputation des membres inférieurs et éclatement de la boîte crânienne. Entendu, le conducteur de la rame a indiqué qu'il ne s'était aperçu de rien.

Il n'est pas contestable que Monsieur [N] [N] s'est trouvé en contact avec le métro en mouvement et a été écrasé par ce dernier, et que si le métropolitain n'a pas été à l'origine de la chute, il a été pour partie l'instrument du dommage. La RATP, qui ne démontre pas que le heurt et la chute d'un usager contre un wagon, constituent un événement imprévisible, doit être déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil.

Par ailleurs, le comportement d'un tiers qui pousse un usager contre une rame alors que celle-ci redémarre n'est nullement irrésistible pour la RATP, qui dispose de moyens modernes adaptés permettant de prévenir ce type d'accident, de sorte que le fait du tiers ne présentait pas les caractéristiques de la force majeure exonératoire de la responsabilité pesant sur la RATP.

Sur la demande en paiement du Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres infractions

L'article 706-11 du Code de procédure pénale édicte au profit du Fonds une subrogation dans les droits de la victime d'une infraction à l'encontre, non seulement des personnes responsables du dommage causé par l'infraction, mais également de celles tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle.

En conséquence, la RATP qui est tenue d'indemniser totalement les victimes des conséquences dommageables de l'accident, devra rembourser au Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres infractions la somme de 70.000€ qu'il a versée à Monsieur et Madame [N] en réparation de leurs préjudices.

Sur les autres demandes

L'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit du Fonds, il lui sera alloué la somme demandée de 2.000€.

La demande faite à ce titre par la RATP sera rejetée.

Les dépens seront mis à la charge de la RATP.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant :

Déclare la RATP responsable de l'accident survenu le 3 février 2008 ayant entraîné le décès de Monsieur [N] [N];

Condamne la RATP à verser au le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres infractions :

- la somme de 70.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;

- la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

Condamne la RATP aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/17361
Date de la décision : 19/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°14/17361 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-19;14.17361 ?
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