RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 06 Octobre 2016
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01111
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2014 par le tribunal de grande instance de PARIS RG n° 14/00010
APPELANTE
SAS CELIO
RCS de Bobigny n°B 313 334 856
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Gilles HITTINGER ROUX, substitué par Me Laurent MARTIGNON, avocats au barreau de PARIS, toque : P0497
INTIMÉES
VILLE DE PARIS REPRESENTEE PAR SON MAIRE EN EXERCICE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
Commissariat du gouvernement
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par M. [M] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Christian HOURS, président de chambre, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
- Christian HOURS, président de chambre
- Claude TERREAUX, conseiller
- Agnès DENJOY, conseillère
Greffier : Isabelle THOMAS, lors des débats
ARRÊT :- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christian HOURS, président et par Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé :
Par arrêté préfectoral du 8 juillet 2010, les acquisitions foncières par la Ville de Paris en vue de la réalisation de l'aménagement du Forum des Halles ont été déclarées d'utilité publique.
Parmi les occupants concernés par cette opération figure la société Celio exploitant un commerce de vente de vêtements au niveau - 3 du centre commercial.
Par décision du 10 septembre 2012, le juge de l'expropriation de Paris a fixé l'indemnité devant revenir à la société Celio, à la suite de l'intervention dans ses locaux, de la façon suivante :
- indemnité pour éviction définitive partielle (12 m² soit 2,90 %) : 174 521,13 euros ;
- indemnité d'éviction temporaire partielle :
- privation de 71 m² pour 3 mois : 182 271 euros ;
- privation de 27 m² pour 2 mois : 46 209 euros ;
- indemnité de remise en état : 117 600 euros (1 200 euros x 98 m²).
Les travaux n'ayant pas permis de restituer à la société Celio son local dans l'état prévu, un parallélipipède (un sommier) ayant été créé dans l'espace de vente, la ville de [Localité 2] a, par nouvelle requête reçue le 18 février 2014, saisi le juge de l'expropriation de Paris.
Par nouvelle décision du 15 juillet 2014, le juge de l'expropriation de Paris a :
- fixé à la somme de 95 000 euros l'indemnité supplémentaire due par la Ville de Paris à la société Celio au titre du préjudice occasionné par la présence du sommier dans la surface de vente ;
- débouté la société Celio de sa demande d'indemnité au titre des frais de remise en état ;
- condamné la Ville de Paris aux dépens.
La société Celio a fait appel de cette décision, le 9 janvier 2015.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
- adressées au greffe par la société Celio, appelante, dès le 19 décembre 2014, aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
- fixer l'indemnisation d'expropriation définitive partielle de la société Celio à la somme de 671 605,45 euros, sauf à parfaire ;
- dire que la ville de Paris devra supporter les frais de remise en état total du magasin exploité par la société Celio sur justificatifs ;
- adressées au greffe le 11 mars 2015 par la ville de [Localité 2], aux termes desquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner la société appelante à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.
Le commissaire du gouvernement n'a pas adressé d'écritures.
Motifs de l'arrêt :
Considérant à titre liminaire que l'appel et les écritures des parties, qui, dûment notifiées, ont permis un débat contradictoire complet et ne sont pas contestées sur ce point, sont recevables ;
Considérant que la société Celio, appelante, soutient que :
- aucune vitrine n'a été créée sur l'espace public de la Place Basse ayant pour plafond la Canopée, de sorte qu'elle n'a bénéficié d'aucune amélioration de son exposition ; le chantier a connu des retards très importants (12 ans depuis son engagement), de sorte que les améliorations hypothétiques évoquées dans le jugement dont appel ne peuvent compenser le préjudice qu'elle subit depuis de nombreux mois ;
- la création d'un espace de 44,90 m², surélevé par rapport au reste du magasin, accessible par deux ou trois marches, fait que cet emplacement ne peut plus, à titre définitif, générer de chiffre d'affaires, ce qui occasionne la perte d'une surface de vente ;
- en prenant pour base l'indemnité principale allouée pour la perte du local situé en face, exploité par la Compagnie anglaise des thés, d'une superficie semblable de 43 m², on obtient une valorisation de 895 000 euros dont il faut déduire la valeur de cette surface pouvant être utilisée comme réserve, soit 89 500 euros, d'où un solde de 805 500 euros ; une indemnisation en fonction du chiffre d'affaires, au prorata des surfaces évincées, aboutit à la somme inférieure de 671 605,45 euros, qui est sollicitée ;
- le chiffrage des travaux de remise en état des lieux du fait de l'impossibilité de déplacer la mezzanine devra être déterminé en fonction des justificatifs à produire ;
Considérant que la ville de Paris réplique que :
- l'indemnité pour une perte de volume doit correspondre à la valeur du fonds de commerce, au prorata du volume perdu, retenue à hauteur de 20 % de son montant ;
- la divergence entre les parties tient à la proportion de superficie à retenir, 1,57 % de la superficie totale, selon elle, tandis que l'exproprié retient un impact sur 11,16 % ;
- le jugement, bien qu'il n'ait pas appliqué l'abattement de 80 %, doit être confirmé, faute pour l'appelant, qui se contente d'affirmations approximatives et invérifiables sur son activité commerciale, d'apporter aucun élément nouveau en cause d'appel ;
- la demande accessoire sur les frais de remise en état doit également être rejetée, en l'absence de devis et compte tenu de l'indemnité déjà allouée à ce titre ;
Considérant que la ville de Paris ne conteste pas le préjudice supplémentaire subi par la société Celio du fait de la présence non prévue d'un rehaussement partiel de plancher sur une aire de 44,90 m² pour une superficie totale de 413,20 m², ce qui correspond à une perte de volume de 22,45 m3 sur un volume total du local commercial de 1 280,92 m3 et la nécessité de l'indemniser de cette éviction définitive partielle sur le fondement de l'article L314-2 du code de l'urbanisme;
Considérant que les parties sont d'accord pour considérer que l'indemnisation doit se faire sur la base de la totalité du chiffre d'affaires moyen de la société Celio sur trois ans, soit 6 017 787 euros, au prorata de la perte subie, la divergence intervenant sur la référence à prendre en compte, la superficie du sommier selon la société Celio, son volume pour la ville de [Localité 2] ;
Considérant que la surface commerciale étant indiscutablement affectée, il convient de se référer non pas au volume de la surévaluation mais à sa superficie ;
Considérant toutefois que la perte de chiffre d'affaires n'est pas exactement proportionnelle à la perte de surface commerciale dans la mesure où, à la différence du local voisin de la Compagnie des Thés, laquelle perd 100 % de sa surface commerciale et partant 100 % de son chiffre d'affaires, la perte par la société Celio de 11,16 % de sa superficie commerciale de vente ne va pas entraîner une perte de chiffre d'affaires dans la même proportion et ce d'autant moins que la surface ne disparaît pas complètement mais sera d'un abord plus difficile en raison de la présence de deux ou trois marches pour y accéder ;
Considérant que l'impact des travaux de réaménagement, qui ne sont pas terminés, sera positif, comme la société Celio en a convenu lors du transport du juge de l'expropriation sur les lieux, même s'il n'est pas précisément déterminable actuellement ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour fixe à 60 % l'abattement à pratiquer pour évaluer le préjudice de la société Celio, sur la somme correspondant à la perte de chiffre d'affaires au prorata de la surface commerciale en cause ;
Considérant que le préjudice s'évalue ainsi de la façon suivante :
6 017 970 euros x 100 % x 11,16 % x 0,4 = 268 642,18 euros, arrondis à 268 642 euros ;
Considérant sur les frais de remise en état, qu'ainsi que l'a indiqué le premier juge, la réorganisation qui aurait été envisagée de son magasin par la société Celio, mais qui n'est pas établie, n'est en tout état de cause pas directement liée aux opérations d'expropriation et ne peut être supportée par la ville de [Localité 2] ; qu'en revanche les frais évoqués dans son mémoire que la société Celio engagera, en sa qualité d'établissement recevant du public, pour permettre l'accessibilité à la surface rehaussée par des personnes à mobilité réduite, devront être pris en charge par la ville de [Localité 2] sur justificatifs ; que les autres frais de remise en état, en lien direct avec l'expropriation, ont déjà été pris en compte dans la somme allouée dans le jugement précédent ;
Considérant en définitive que le jugement doit être infirmé sauf sur la prise en charge des dépens;
Considérant que la ville de Paris, succombant dans ses prétentions, doit conserver à sa charge ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel et supporter les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
- infirme le jugement du 15 juillet 2014 sauf sur la prise en charge des dépens ;
- statuant à nouveau :
- fixe à la date du jugement l'indemnité supplémentaire due par la ville de Paris à la société Celio à la somme de 268 642 euros ;
- dit que la ville de Paris devra supporter, sur justificatifs, les frais que la société Celio engagera, en sa qualité d'établissement recevant du public, pour permettre l'accessibilité à la surface rehaussée en cause par des personnes à mobilité réduite et déboute la société Celio du surplus de sa demande afférente aux frais de remise en état du magasin ;
- y ajoutant, déboute la ville de Paris de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à supporter les dépens d'appel.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT