Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12462
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2015 -Juge de l'exécution de Bobigny - RG n° 15/00195
APPELANTE
Société Montana Management INC.
c/o Morgan & Morgan Attorneys, [Adresse 1], P
[Adresse 1]
[Localité 1], Panama
Représentée et assistée de Me Martin Tomasi, avocat au barreau de Paris, toque : D0979
INTIMÉES
Société [Adresse 2] agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2] (Pays-Bas)
Représentée par Me Stéphane Bonifassi de l'Association Lebray & Associés, avocat au barreau de Paris, toque : R189
Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie Dalet Venot, avocat au barreau de Paris, toque : D0673
Société BNP Paribas Securities Services agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Numéro de SIRET : 552 108 011 00065
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Michel Guizard de la Selarl Guizard et Associes, avocat au barreau de Paris, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Julien Martinet de l'Aarpi Jeantet, avocat au barreau de Paris, toque : T04
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie Hirigoyen, Présidente de chambre
Mme Anne Lacquemant, Conseillère
Mme Nicolette Guillaume, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Fatima-Zohra Amara, greffière stagiaire en période de pré-affectation
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie Hirigoyen, présidente et par M. Thibaut Suhr, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et prétentions des parties
Aux termes de la résolution n°1483 du 22 mai 2003, le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé notamment que les fonds ou avoirs financiers ou ressources économiques du gouvernement irakien précédent ou d'organes ou d'entreprises ou institutions publiques qui avaient quitté l'Irak à la date de la résolution devaient être gelés et transférés au Fonds de développement pour l'Irak.
Transposant cette résolution concernant certaines restrictions spécifiques applicables aux relations économiques et financières avec l'Irak, le règlement n°1210/2003 adopté le 7 juillet 2003 par le Conseil de l'Union Européenne a prévu en son article 4, paragraphe 2 que :
« Tous les fonds et ressources économiques appartenant à, en possession de ou détenus par les personnes suivantes, désignées par le comité des sanctions et énumérées dans l'annexe IV, sont gelés: a) l'ancien président [E] [L]) des hauts responsables de son régime;c) des membres de leur famille proche, d) des personnes morales, des organes ou des entités détenus ou contrôlés directement ou indirectement par les personnes visées aux points a), b) et c) ou par des personnes morales ou physiques agissant en leur nom ou selon leurs instructions. ».
La société Montana Management Inc, société de droit panaméen, réputée dirigée par M. [B], ancien directeur des investissements du service des renseignements irakiens, a été inscrite à l'annexe IV du règlement.
Par deux exploits d'huissier en date du 28 juillet 2011, la société de droit néerlandais [Adresse 2] ([Adresse 2]) a pratiqué entre les mains de la société BNP Paribas Securities Services (ci-après BP2S), à son agence de Pantin (93), une saisie conservatoire de créances ' détenues par l'Etat iraquien, cabinet du Président [N] square, [Localité 4], Iraq et ses entités dont les fonds appartiennent à l'Iraq en vertu de résolutions de l'ONU à savoir Montana Managemt Inc', société de droit panaméen, ainsi qu'une saisie des droits d'associé et valeurs mobilières 'appartenant à l'Etat iraquien, cabinet du Président [N] square, [Localité 4], Iraq et ses entités dont les fonds appartiennent à l'Iraq en vertu de résolutions de l'ONU à savoir Montana Management Inc', société de droit panaméen, pour la somme de 6067478067,19 euros en principal, intérêts et frais, en vertu d'un arrêt rendu par la cour d'appel de La Haye le 31 octobre 2000 condamnant l'Etat irakien au profit de la société [Adresse 2], des dispositions de l'article 26 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et de l'article 33 du Règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000.
Par lettre du 3 août 2011, BP2S a déclaré détenir pour le compte de la société Montana Management 1129017 actions Lagardère ainsi que des dividendes à hauteur de 7003030030,66 euros et précisé que ces avoirs étaient gelés en vertu du règlement CE n°1210/2003.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 août 2011, la société [Adresse 2] a contesté la position de BP2S en indiquant que les actifs saisis étaient de nouveau saisissables depuis le 30 juin 2011, en vertu de la résolution n°1 du Conseil de sécurité de l'ONU de 2010 et de l'article 18 du règlement CE n°1210/2003.
Par acte d'huissier du 24 juin 2014, la société [Adresse 2] a fait signifier à BP2S, en qualité de tiers saisi, un acte de conversion de saisie conservatoire de créance avec demande de paiement en visant l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 31 août 2011 déclarant exécutoire en France l'arrêt rendu par la cour d'appel de La Haye en date du 31 octobre 2000 et le certificat de non appel délivré le 12 janvier 2012.
Par acte du 12 décembre 2014, la société Montana Management, a assigné la société [Adresse 2] devant le juge de l'exécution pour voir , au visa des article L511-1, R511-8, R 523-2, R 523-7 et R523-8 du code des procédures civiles d'exécution, du règlement CE n°1210/2003 modifié du 7 juillet 2003, de l'arrêté ministériel du 25 mai 2011, constater la caducité des saisies conservatoires, constater leur nullité, ordonner la mainlevée totale desdites saisies, constater la nullité de l'acte de conversion de la saisie conservatoire de créances, d'ordonner sa mainlevée totale.
La banque BP2S est intervenue volontairement à l'instance.
Suivant jugement du 12 mai 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a reçu l'intervention volontaire de la banque, a constaté le désistement de la société [Adresse 2] de sa demande en paiement formée contre la banque, a rejeté l'exception d'irrecevabilité opposée par la société [Adresse 2] à la société Montana Management, a rejeté les demandes de caducité et de nullité des mesures de saisie, a déclaré irrecevable la contestation de l'acte de conversion de saisie conservatoire de créances formée par la société Montana Management, a rejeté toute demande plus ample ou contraire, a condamné la société Montana Management à payer à la société [Adresse 2] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Montana Management a relevé appel du jugement selon déclaration du 14 juin 2015.
Par conclusions récapitulatives et en réplique n°3, signifiées le 6 juin 2016, la société Montana Management demande à la cour , vu les articles L.511-1, R.511-8, R.523-2, R.523-7 et R.523-8 du code des procédures civiles d'exécution, vu le règlement CE n°1210/2003 modifié le 7 juillet 2003, vu l'arrêté ministériel du 25 mai 2011, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Montana Management de ses demandes, et l'a condamnée à payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, statuant à nouveau, de la dire recevable et bien fondée à contester la saisie conservatoire de créances et la saisie conservatoire de droits d'associés et de valeurs mobilières pratiquées à son encontre entre les mains de BP2S par la société [Adresse 2] en date du 28 juillet 2011 et l'acte de conversion de saisie conservatoire de créances en date du 24 Juin 2014, de constater la caducité des saisies conservatoires, de prononcer leur nullité, d'ordonner leur mainlevée totale, de prononcer la nullité de l'acte de conversion de saisie conservatoire de créances, d'ordonner la mainlevée totale de cet acte de conversion, de débouter la société [Adresse 2] de l'intégralité de ses demandes, de condamner la société [Adresse 2] à lui payer la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 15 juin 2016, la société [Adresse 2] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant, de débouter Montana Management et BP2S de toutes leurs prétentions et de condamner Montana Management à lui payer la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Par conclusions n°2 signifiées le 9 juin 2016, BP2S demande à la cour de statuer ce que de droit sur les moyens de nullité et de caducité soulevés par Montana Management sur le mérite desquels elle s'en rapporte, de constater que la mesure de gel, tant qu'elle est en vigueur, rend les avoirs de Montana Management indisponibles et insusceptibles d'attribution et de condamner la société [Adresse 2] à lui payer la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE
Il sera observé que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de BP2S et admis la contestation formée par la société Montana Management au regard de l'intérêt à agir.
- Sur la caducité des saisies conservatoires
La société Montana Management critique le jugement déféré, en premier lieu, pour avoir rejeté sa demande aux fins de caducité des saisies conservatoires fondée sur le défaut de dénonciation des mesures en lui déniant la qualité de débiteur saisi alors qu'elle dispose de cette qualité de sorte que la caducité est de droit.
Elle ajoute que les saisies litigieuses n'ont pas davantage été valablement dénoncées à l'État d'Irak dès lors qu'aux termes de l'article 684 du code de procédure civile, tout acte d'huissier destiné à être notifié à un État étranger doit être remis au parquet, formalité accomplie, mais encore transmis à l'Etat destinataire par le ministre de la justice ce dont il n'est pas justifié.
Il résulte de l'article R 523-3 du code des procédures civiles d'exécution que dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est dénoncée au débiteur par acte d'huissier de justice.
Il est constant que les saisies litigieuses n'ont pas été dénoncées à la société Montana Management mais seulement, selon des modalités contestées, à l'État d'Irak, que la société [Adresse 2] s'est également abstenue de notifier une copie de l'acte de conversion en saisie-attribution à Montana Management dont elle soutient qu'elle n'est pas le débiteur saisi, qualité qu'elle reconnaît au seul État irakien.
Des pièces au débat, il ressort que si la créance invoquée résulte de la décision de la cour d'appel de la Haye en date du 31 octobre 2000 ayant condamné l'État d'Irak, solidairement avec la banque centrale d'Irak, à payer à la société [Adresse 2], alors dénommée Grootint, la somme de 6 808 248 florins néerlandais à majorer des intérêts et de 113 452 florins au titre des frais extra-judiciaires ainsi que les frais, débours, droits et honoraires liés à l'instance, les procès-verbaux de saisie conservatoire en date du 28 juillet 2011 désignent comme débiteur saisi 'l'État iraquien ... et ses entités dont les fonds appartiennent à l'Iraq en vertu de résolutions de l'ONU à savoir Montana Management Inc'.
Au regard de cette identification précise ('à savoir Montana Management Inc') et alors que les saisies litigieuses ont effectivement été pratiquées au préjudice de la société Montana Management pour le compte de laquelle BP2S détenait les avoirs saisis, Montana Management a la qualité de débiteur au sens de l'article R 532-2 précité.
Il s'ensuit que les saisies conservatoires sont caduques pour ne pas lui avoir été dénoncées.
Cette caducité emporte la nullité de l'acte de conversion de saisie conservatoire en saisie-attribution du 24 juin 2014.
Il convient d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de constater la caducité des saisies conservatoires, la nullité de la conversion et d'ordonner mainlevée des saisies conservatoires et de la saisie-attribution du 24 juin 2014.
Il n'y a pas lieu, par suite, de statuer sur les effets de la mesure de gel sur les avoirs de Montana Management comme le demande la banque BP2S.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a admis au bénéfice de ces dispositions la société [Adresse 2] et celle-ci sera déboutée comme les autres parties de toute demande de ce chef.
Partie perdante, la société [Adresse 2] supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevables l'intervention volontaire de la société BNP Paribas Securities Services et la contestation formée par la société Montana Management,
Statuant à nouveau
Constate la caducité des saisies conservatoires pratiquées par la société [Adresse 2] le 28 juillet 2011 au préjudice de la société Montana Management entre les mains de la BNP Paribas Securities Services et la nullité subséquente de la conversion en saisie-attribution en date du 24 juin 2014,
Ordonne la mainlevée des saisies conservatoires et de la saisie-attribution,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [Adresse 2] aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLA PRESIDENTE