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12/10/2016 | FRANCE | N°14/07690

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 12 octobre 2016, 14/07690


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 12 octobre 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07690



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 juin 2014 par le conseil de prud'hommes d'EVRY - section commerce - RG n° 13/00353





APPELANTE

SAS DELI

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 394 429 344

représentée par Me Chris

tophe NOEL, avocat au barreau de PARIS, D1535







INTIME

Monsieur [W] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3](SRI LANKA)

comparant en personne, assisté de Me...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 octobre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07690

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 juin 2014 par le conseil de prud'hommes d'EVRY - section commerce - RG n° 13/00353

APPELANTE

SAS DELI

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 394 429 344

représentée par Me Christophe NOEL, avocat au barreau de PARIS, D1535

INTIME

Monsieur [W] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3](SRI LANKA)

comparant en personne, assisté de Me Sylvie CHATONNET-MONTEIRO, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [W] [J] a été engagé par la SAS DELI, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 juin 1999, pour y exercer les fonctions de responsable de la préparation des commandes, coefficient K. Il percevait, en dernier lieu, une rémunération mensuelle de base de 1 410.53 €, en contrepartie d'un horaire de travail de 151h67, outre une prime de fonction de 100€ et une prime de dépassement horaire du même montant.

L'entreprise qui employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective nationale des entreprise d'expédition et d'exportation des fruits et légumes.

M. [W] [J] s'est vu notifier un premier avertissement le 26 octobre 2012 puis un second avertissement le 12 novembre 2012.

Le salarié a fait l'objet d'arrêts maladie successifs du 22 au 27 novembre 2012, du 5 au 21 décembre 2012, du 17 au 27 janvier 2013 et du 4 au 14 février 2013.

Par lettre recommandée du 5 février 2013, la société DELI a convoqué M. [W] [J] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 février 2013.

Un licenciement a été notifié à l'intéressé par courrier recommandé du 21 février 2013, rédigé en ces termes :

« Compte tenu de la désorganisation engendrée par vos absences répétées et la nécessité de vous remplacer de façon définitive, il ne nous est malheureusement plus possible d'attendre plus longtemps votre retour au sein de notre entreprise, et nous sommes au regret de devoir vous notifier votre licenciement. En effet, vous étiez notamment en charge du contrôle des départs de nos marchandises, de

la bonne préparation des commandes et de la vérification de l'étiquetage des seaux. Depuis plusieurs mois vos absences répétées ont eu pour effet de générer beaucoup de litiges émanant de nos clients.

Cette tâche de contrôle vous incombant, en votre absence elle n'est plus assurée correctement. Dans ce contexte très concurrentiel et exigeant, l'entreprise DELIFRUITS se doit de garantir la conformité des commandes livrées aux clients. Vos absences répétées, désorganisent fortement notre entreprise et altèrent nos relations commerciales avec nos clients. Nous avons donc été contraints, de pourvoir de manière définitive, le poste que vous occupiez. »

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [W] [J] a saisi le conseil de prud'hommes d' Evry, lequel, par jugement rendu en formation de départage le 26 juin 2014, a':

- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- fixé le salaire de M. [W] Vijiyananadan à la somme de 1 955,70 €

- condamné la société DELI au paiement des sommes suivantes :

' 3 911.40 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 391.14 € au titre des congés payés afférents,

' 46 514.58 € au titre du rappel des heures supplémentaires,

' 4 651.45 € au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 15mai 2013

' 23 274.92 € au titre des contreparties obligatoires en repos,

' 15 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse' 11 734.20 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

' 1 500 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du prononcé du jugement

- ordonné à l'employeur de remettre au salarié une attestation Pôle emploi conforme à la décision

- ordonné l'exécution provisoire

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- condamné la SAS DELI aux dépens.

Le 9 juillet 2014, la société DELI a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 23 mai 2016 et soutenues oralement, la société DELI demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de débouter M. [W] [J] de l'intégralité de ses prétentions. Elle sollicite une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 23 mai 2016 et soutenues oralement, M. [W] [J] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué les sommes suivantes :

' 3 911.40 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 391.14 € au titre des congés payés afférents,

' 46 514.58 € au titre du rappel des heures supplémentaires,

' 4 651.45 € au titre des congés payés afférents,

' 23 274.92 € au titre des repos compensateurs,

' 11 734.20 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

' 1 500 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Le salarié forme un appel incident en demandant à la cour d'infirmer le jugement déféré qui n'a pas retenu le harcèlement moral et de prononcer la nullité du licenciement, en condamnant la société DELI au paiement des sommes suivantes :

' 10 000 € au titre de la nullité du licenciement du fait du harcèlement moral,

' 24 000 € au titre de l'indemnité pour nullité du licenciement,

' 20 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite la remise d'une attestation Pôle emploi conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 200 € par jour de retard, et il forme une demande de 1 500 € au titre des frais irrépéttibles exposés.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

Sur l'exécution du contrat de travail

1. Sur les heures supplémentaires

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

L'article L 3121-22 du code du travail dispose que les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle, décomptées par semaine, donnent lieu à une majoration de 25% pour les huit premières (de la 36ème à la 43ème) puis de 50% pour les suivantes (à partir de la 44 ème ).

M. [W] [J] sollicite le paiement des heures supplémentaires effectuées pour la période du 2 janvier 2008 au 29 janvier 2013.

En vertu de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Le salarié produit un décompte précis des heures supplémentaires effectuées au cours de la période du 2 janvier 2008 au 29 janvier 2013, indiquant ses périodes de congés ou d'absence. Ce décompte mentionne que l'intéressé travaillait, régulièrement, de 10h à 19h, voire 21h 30 à 23h30/ 24 h et qu'il effectuait, invariablement, entre deux à trois heures supplémentaires par jour, voire plus, à l'exception du mois de janvier 2013 où il n'a comptabilisé qu'une heure supplémentaire par jour. Ce décompte est corroboré par un planning faisant état d'une prise de service à 10 heures du lundi au vendredi, de trois notes de transporteurs indiquant des livraisons tardives, soit 20 h, 21h ou 21h30, de deux relevés téléphoniques mentionnant en mai et août 2012 des appels téléphoniques professionnels après 21 heures et de cinq attestations de collègues du salarié, M. [C], M. [Y], M.[R], M. [G], M. [S], confirmant que M. [W] [J] terminait son service à des heures tardives.

Les bulletins de salaires versés aux débats établissent que pour la période concernée, M. [W] [J] était rémunéré 1 410.53 € pour 151h67 par mois, sans aucune majoration pour des heures supplémentaires mais avec le versement d'une prime de 100 € pour le dépassement d'horaire.

M. [W] [J] produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

La société DELI qui conteste le bien fondé de la demande en paiement d'heures supplémentaires, verse aux débats des plannings signés du salarié et indiquant les heures effectuées.

Toutefois, ces documents dont la signature est contestée par M. [W] [J], se limitent à récapituler le nombre d'heures effectuées par le salarié et ils ne mentionnent ni le début, ni la fin de son service.

L'employeur verse aux débats une attestation de M. [M] [E], ayant été embauché en remplacement du salarié, qui affirme ne pas faire d'heures supplémentaires et commencer son travail à 12 h pour le départ du premier camion et quitter son poste vers 20h30 lors du départ du dernier camion.

Il résulte des éléments du dossier et notamment de l'attestation de M. [M] [E] que le premier camion de livraison partant à 12 heures, M. [W] [J] devait nécessairement arriver plus tôt afin d'être en mesure d'effectuer les diverses missions confiées.

Il convient d'ailleurs de relever que dans son courrier adressé le 24 novembre 2012 en réponse à l'avertissement notifié le 12 novembre, le salarié a insisté sur la lourdeur de son travail, suite à la nouvelle organisation et les difficultés rencontrées en raison d'un personnel insuffisant et non qualifié.

En outre, l'employeur ne justifie pas de raisons objectives s'opposant à l'utilisation par le salarié du système de pointage informatisé mis en place suite à la réduction du temps de travail.

La société DELI n'apporte aucun élément sérieux de nature à remettre en cause l'amplitude horaire de travail de son salarié.

Au vu des éléments produits, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction, au sens des dispositions précitées, que M. [W] [J] a bien effectué les heures supplémentaires indiquées sur les relevés journaliers et le décompte des horaires de chacune des semaines depuis le 2 janvier 2008 au 29 janvier 2013 mois, à savoir :

- 768 heures supplémentaires en 2008

- 884 heures supplémentaires en 2009

- 665 heures supplémentaires en 2010

- 673 heures supplémentaires en 2011

- 613 heures supplémentaires en 2012

- 7 heures supplémentaires en 2013

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a condamné la société DELI à payer à M. [W] [J] la somme de 46 514.58 € à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires et celle de 4 651.45 € au titre des congés payés afférents.

2. Les repos compensateurs

M. [W] [J] demande la condamnation de l'employeur à lui verser, à titre principal, la somme de 23 274.92 € en indemnisation des repos compensateurs non pris.

La société Léonard de Vinci II conteste le bien fondé de cette demande, en l'absence d'heure supplémentaire.

Le repos compensateur obligatoire qui était régi par l'article L 3212-27 du code du travail, a été abrogé par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui lui a substitué la contrepartie obligatoire en repos.

Dans ces deux hypothèses, le droit est ouvert lorsque des heures supplémentaires sont accomplies au-delà du contingent annuel, lequel, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, est fixé à 220 heures par l'article D 3121-14-1 du code du travail, étant précisé que pour les entreprises de plus de 20 salariés, le repos est de 100% du temps effectué en heures supplémentaires.

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une telle demande en temps utile, a droit à l'indemnisation du préjudice subi ; celle-ci comporte, à la fois, le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant des congés payés afférents.

En l'espèce, M. [W] [J] a effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent à hauteur de :

- 548 en 2008

- 664 en 2009

- 445 en 2010

- 453 en 2011

- 393 en 2012

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a condamné la société DELI à payer à M. [W] [J] la somme de 23 274.92 € au titre de l'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos non pris.

3. L'indemnité pour travail dissimulé

M. [W] [J] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué une indemnité pour travail dissimulé de 11 734.20 €.

L'article'L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, compte tenu des attributions confiées au salarié et rappelées par l'employeur dans les deux avertissements notifiés les 26 octobre et 12 novembre 2012, entraînant nécessairement, un dépassement de la durée légale de travail, des bulletins de salaire de l'intéressé mentionnant une prime de 100 € pour «'dépassement de l'horaire de travail'» et de la durée de la relation contractuelle, la société DELI ne peut affirmer ne pas avoir eu connaissance des heures supplémentaires effectuées par son salarié qui lui en a réclamé le paiement à plusieurs reprises.

La dissimulation d'emploi salarié étant caractérisée, le jugement déféré sera confirmé à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

1. Le harcèlement moral

M. [W] [J] affirme avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et une altération de sa santé l'ayant conduit à des arrêts maladies successifs.

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [W] [J] rappelle qu'il a informé la direction, en novembre 2012, des faits de harcèlement dont il était victime dans la mesure où pour palier le manque de personnel au sein du service de préparation des commandes, l'entreprise avait mis à la disposition du salarié des membres de la direction, sans formation et sur lesquels il n'avait aucun pouvoir hiérarchique, générant ainsi un surcroît de travail.

Il fait valoir, également, qu'il a été l'objet de menaces de licenciement devant son équipe par son responsable M. [U] et il reproche à son employeur de ne pas avoir tenu compte de ses demandes, en ne mettant pas un terme à ce harcèlement et d'avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat.

Le salarié insiste sur la dégradation de son état de santé et la nécessité de suivre un traitement anxiolytique de plus en plus lourd.

M. [W] [J] communique deux courriers adressés à la médecine du travail et à l'inspection du travail signalant des faits de harcèlement moral où il réitère les mêmes reproches.

Il convient de relever que le salarié ne sollicite pas l'annulation des deux avertissements notifiés les 26 octobre et 12 novembre 2012 pour des erreurs d'étiquetage de sceaux et des DLC non conformes.

Par ailleurs, la société DELI a précisément répondu le 29 novembre 2012 aux contestations émises par le salarié au sujet de ces sanctions, en rappelant les faits objectifs et circonstanciés justifiant ces sanctions.

M. [W] [J] ne corrobore pas ses déclarations par des attestations de salariés qui auraient assisté aux menaces proférées par son supérieur, M. [U].

Les arrêts de travail versés aux débats mentionnent successivement des problèmes d'asthénie, de trouble du sommeil , de cervicalgie ou de lombalgie et les prescriptions médicales indiquent un traitement anxiolytique. Cependant le salarié ne produit aucun certificat médical ni toute autre pièce établissant un lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail.

Au regard des observations qui précèdent, M.[W] [J] n'établit pas l'existence matérielle de faits précis et concordants, lesquels pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

Le salarié doit donc être débouté de sa demande en nullité du licenciement et indemnisation pour harcèlement moral.

2. L'absence de cause réelle et sérieuse

L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute persiste, il profite au salarié.

La société DELI affirme avoir été contrainte de procéder au licenciement de M. [W] [J] dans la mesure où les absences répétées du salarié ont eu pour effet de désorganiser l'entreprise et de rendre nécessaire son remplacement définitif.

M. [W] [J] souligne le caractère précipitée de la mesure de licenciement dès lors qu'il ne s'est trouvé en arrêt de travail prolongé qu'à compter du 17 janvier 2013 et que l'employeur ne justifie pas avoir procédé à son remplacement définitif lors de la rupture ou dans un délai raisonnable suivant celle-ci.

Le salarié reproche à son employeur de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 8 de la convention collective applicable prévoyant':

'1. Période de protection

En matière de protection, le cas des absences résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles et réglé par les dispositions légales. Pour les autres [...], les absences ne constituent pas une rupture de contrat de travail si elles ne se prolongent pas au-delà d'une durée de':

- trois mois pour le personnel ayant entre un an et trois ans d'ancienneté

- six mois pour le personnel ayant plus de trios ans d'ancienneté

Le contrat de travail est maintenu à l'intéressé pendant les périodes ci-dessus, sous réserve qu'aucune incapacité ne l'empêche de le remplir à son tour.

[...]

2. Période de garantie

Le remplacement définitif du salarié absent réduit les périodes de garanties prévues ci-dessus à trois mois sans distinction d'ancienneté''.

En réponse la société DELI affirme que cet article de la convention collective ne lui est pas applicable car il est issu de l'annexe du 7 février 1995 qui concerne les entreprise ayant pour activité la préparation de légumes frais, alors qu'elle ne produit et commercialise que des fruits frais.

Toutefois, la plaquette de la société DELI mentionne des salades de fruits à base de melon qui est un légume et, outre des jus à base de fruits frais, elle commercialise des jus à base de concentré de carottes et de soja. Sur les pages jaunes, il est indiqué que la société DELI est une société de «'Commerce de gros de fruits et légumes » et sur le site société.com, elle est décrite comme une société « spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros de fruits et légumes ». Cette activité est confirmée par les annonces d'emploi postées par l'entreprise sur internet, les 17 mars et le 4 avril 2016, aux termes desquelles elle recherche un «'Responsable maintenance industrielle fruits et légumes» et un « assistant assurance qualité fruits et légumes ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'annexe particulière du 7 février 1995 relatives aux légumes frais prêts à l'emploi est applicable à la société DELI et qu'en application de la clause de garantie d'emploi, elle ne pouvait procéder au licenciement de M. [W] [J] qu'à l'issue d'arrêts maladies totalisant trois mois. Dès lors que le salarié n'a été arrêté que pour une durée totale de 65 jours, l'employeur n'a pas respecté les dispositions protectrices de la clause de garantie d'emploi en procédant à son licenciement avant le délai conventionnel de 90 jours d'arrêt maladie, de sorte que le licenciement, notifié en violation de cette garantie, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, la légitimité d'un licenciement pour absence prolongée ou absences répétées est subordonnée à l'exigence d'une perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise d'une importance telle qu'elle entraîne la nécessité pour l'employeur de procéder sans délai au remplacement du salarié par l'engagement d'un nouveau salarié sous contrat à durée indéterminée de droit commun.

En l'espèce, la société DELI ne justifie pas de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié dans la mesure où son poste a été confié à un salarié de l'entreprise, M. [U], qui a vu ses fonctions modifiées par avenant du 4 mars 2013, de sorte que le poste de M. [W] [J] pouvait être pourvu en gardant un effectif constant dans la société.

La cour déduit de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de M. [W] [J] est privé de cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera confirmé à ce titre.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat de travail

Le licenciement de M. [W] [J] étant privé de cause réelle et sérieuse, le salarié dont la rémunération mensuelle brute s'élève à 1 955.70 €, est fondé en sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit la somme de 3 911.40 €, outre les congés payés afférents d'un montant de 391.14 €, en application des articles L. 1234-1du code du travail.

Aux termes de l'article L 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise supérieur à dix salariés ,des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M [W] [J], de son ancienneté de plus de 13 années, et des conséquences du licenciement à son égard, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en allouant au salarié une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, en application de l'article L 1235-3 du code du travail .

L'application de l'article L 1235-3 du code du travail appelle celle de L 1235-4 du même code de sorte que la société DELI sera condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [W] [J], dans la limite de six mois.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a alloué les sommes précitées au titre de la rupture et qui a ordonné à la société DELI de remettre au salarié une attestation Pôle emploi conforme à la décision sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société DELI qui succombe supportera la charge des dépens d'appel, en versant à l'intimé une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés, en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS DELI à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à M. [W] [J], dans la limite de six mois;

CONDAMNE la SAS DELI à verser à M. [W] [J] une indemnité de 1 500 € euros en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

CONDAMNE la SAS DELI aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/07690
Date de la décision : 12/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°14/07690 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-12;14.07690 ?
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