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14/10/2016 | FRANCE | N°14/24341

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 14 octobre 2016, 14/24341


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 14 OCTOBRE 2016



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24341 (absorbant le n°RG 15/17194)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014000592





APPELANTE



Société [R] TRADING AND GENERAL SERVICES Société de droit des Em

irats Arabes Unis, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

EMIRATS ARABES UNIS



Représentée par Me Frédérique E...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 14 OCTOBRE 2016

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24341 (absorbant le n°RG 15/17194)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014000592

APPELANTE

Société [R] TRADING AND GENERAL SERVICES Société de droit des Emirats Arabes Unis, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

EMIRATS ARABES UNIS

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Représentée par Me Catherine DUSSANS de la SELEURL CABINET D'AVOCAT C.DUSSANS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0916

INTIMEE

SA CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE 'CMN', venant aux droits de la société d'Armement Maritime et des Transports (SAMT) et de la société pour l'Industrie et l'Armement (SOFFIA), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : B 562 110 965 (Paris)

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Jean-Marie TOMASI, avocat au barreau de PARIS, toque : R204

PARTIE INTERVENANTE :

Société FINANCIERE DE ROSARIO, venant aux droits et obligations de la Société FINANCIERE ET IMMOBILIERE LA BOISSIERE BEAUCHAMPS (SFIBB), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 3]

N° SIRET : 716 580 477 (Bobigny)

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Représentée par Me Alexandre VERMYNCK, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de la chambre

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Mme Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

La société [R] TRADING AND GENERAL SERVICES ([R]),société de droit des Emirats Arabes Unis (EAU), dont le siège est à[Localité 1], exerce l'activité de représentation commerciale, de prestations de services et de commerce.

La société SFIBB, qui détenait 99,99 % du capital de la société d'Armement Maritime et de Transports (SAMT), laquelle avait pour activité le négoce de navires et de matériels d'armement qui s'y rapportent, a cédé, le 13 janvier 1992, l'ensemble des actions qu'elle détenait au capital de SAMT à la société SOFFIA, ayant pour objet la commercialisation de matériel d'armement. Le 23 novembre 2006, SFIBB a fait l'objet d'une dissolution par confusion de patrimoine au profit de la société Financière de Rosario (ROSARIO) et a été radiée le 12 janvier 2007. SAMT détenait pour sa part 99,99 % du capital de la société de Constructions Mécaniques de Normandie (CMN) qui a pour activité la conception et la construction de navires à usage militaire.

Le 25 août 1982, la société Constructions Mécaniques de Normandie (CMN), ayant pour activité la conception et la construction de navires à usage militaire, a confié à la société [R] TRADING AND GENERAL SERVICES ([R]) la mission d'assurer le promotion des bateaux patrouilleurs côtiers de la marque CMN auprès des administrations compétentes des EAU. Les EAU ont lancé un appel d'offres le 27 juin 1984 pour la fourniture de six patrouilleurs côtiers. Aux termes de ses courriers des 18 et 22 septembre 1984, SAMT, qui s'est substituée à CMN, a confirmé la mission confiée à [R] pour ces six navires et s'est engagée à lui verser une commission de 10 % du montant du marché qui serait signé si l'offre de CMN était acceptée. Le courrier précisait que, si aucun marché n'était signé avant le 25 août 1985, la lettre de représentation serait nulle et non avenue.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 1985, SAMT a notifié à [R] la rupture du contrat sous le prétexte de l'annulation de l'appel d'offres du 27 juin 1984, avant que le marché ne soit en définitive attribué à la société de droit allemand LURSSEN WERFT.

Par acte du 13 janvier 1986, [R] a assigné SAMT et CMN devant le tribunal de commerce de Paris pour voir dire que la résiliation, par SAMT, du contrat était fautive, condamner solidairement CMF et SAMT à payer à [R] un Franc de dommages et intérêts à titre d'indemnisation du préjudice moral résultant de cette résiliation fautive et donner acte à [R] qu'elle se réserve de demander ultérieurement l'indemnisation de son préjudice matériel.

Par jugement du 21 janvier 1987, le tribunal de commerce de Paris a jugé que cette rupture était abusive et a condamné SAMT et CMN à un Franc de dommages intérêts pour préjudice moral et donné acte à [R] qu elle se réservait de solliciter ultérieurement la réparation de son préjudice matériel. Ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel de Paris le 11 janvier 1990 ; par arrêt du 9 juin 1992, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des société SAMT et CMN.

Par exploit en date du 3 juin 1998, la société [R] a assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société SAMT en paiement de la somme de 37.068.661 euros, au titre de réparation de son préjudice matériel. Par acte du 24 novembre 1998, les sociétés SAMT et SOFFIA ont assigné en intervention forcée SFIBB.

Le tribunal de commerce de Paris ayant, par jugement en date du 13 janvier 2009, constaté le péremption de l'instance, la Cour d'appel de Paris, par arrêt en date du 12 janvier 2011, a réformé le jugement, déclaré l'instance non périmée et renvoyé les parties devant le tribunal de commerce.

Par jugement en date du 4 novembre 2014, le tribunal de commerce de Paris :

- s'est déclaré compétent pour se prononcer sur les demandes de la société [R] à l'encontre de la société ROSARIO, venant aux droits et obligations de la société SFIBB ;

- a dit recevable mais mal fondée la société [R] en ses demandes, l'en a déboutée ;

- a débouté la société CMN, venant aux droits de la société SAMT, de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société [R], et la société ROSARIO, venant aux droits et obligations de la société SFIBB, de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société CMN, venant aux droits de la société SAMT,venant elle-même aux droits de la société d'Armement Maritime et de Transports [B] [M] ;

- a condamné, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société [R] à payer à la société CMN, venant aux droits de la société SAMT, venant aux droits de la société d'Armement Maritime et de Transports [B] [M], la somme de 100.000,00 euros et la société CMN,venant aux droits de la société SAMT, venant elle-même aux droits de la société d'Armement Maritime et de Transports [B] [M], à payer la somme de 3.000 euros à la société ROSARIO, venant aux droits et obligations de la société SFIBB ;

- a débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- dit n y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné la société [R] aux entiers dépens.

Le 3 décembre 2014 la société [R] régulièrement a interjeté appel de ce jugement.

Prétentions des parties

La société [R], par ses dernières conclusions signifiées le 11 août 2015, demande à la Cour de :

- la déclarer recevable en son appel ;

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 novembre 2014 en ce qu'il a déclaré mal fondée [R] en toutes ses demandes et l'en a déboutée et en ce qu'il l'a condamnée à payer à CMN, venant aux droits de SAMT, la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que l'action introduite par [R] par son exploit en date du 3 juin 1998 à l'encontre de CMN, faisant suite et tirant ses droits des décisions du tribunal de commerce de Paris du 21 janvier 1987, de l'arrêt de la 5ème chambre de la Cour d appel de Paris du 11 janvier 1990, de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 9 juin 1992, visant à fixer l'indemnisation financière du préjudice subi à la suite de la résiliation abusive et de mauvaise foi du contrat de représentation conclu avec la société CMN, est recevable et bien fondée ;

- condamner la société CMN à verser à [R] la somme de 37.068.661 euros, avec intérêts au taux de 10 % à compter de l'introduction de l'instance le 3 juin 1998 et jusqu'à parfait paiement, en réparation du préjudice financier subi par [R] ;

- déclarer irrecevable et mal fondée la société CMN dans sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de [R] pour procédure abusive pour un montant de 500.000 euros, l'en débouter, dans sa demande de la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société [R] ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel ;

Statuant à nouveau, condamner la société CMN à verser à [R] la somme de 200.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et de mauvaise foi ;

- la condamner également au remboursement de la somme de 20.000 euros à elle versée par [R] en application des dispositions du jugement du tribunal de commerce du 13 janvier 2009, réformé par la Cour d appel par arrêt du 12 janvier 2012 ;

- condamner CMN à verser à [R] la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle expose que c'est bien un contrat de représentation commercial qu'elle a conclu avec la société CMN, qu'elle remplit toutes les conditions nécessaires pour l'application des dispositions de la loi fédérale des Emirats Arabes Unis de 1981 relative aux agents commerciaux. Elle ajoute que sa qualité d'agent commercial a été reconnue par les décisions de justice antérieures, passées en force de chose jugée. Elle rejette en outre la qualification de contrat « Bil oukoud » invoquée par l'intimée, considérant que sa représentation n était ni générale, ni permanente, mais concernait une opération ponctuelle, ce qui a également été retenue par les décisions de justice antérieures.

Elle soutient que, par application des dispositions juridiques en vigueur aux Emirats Arabes Unis, peu importe que le délai de prescription ait commencé à courir à la date de la rupture contractuelle (le 21 mars 1985), ou à la date de l'arrêt de la Cour de cassation (le 9 juin 1992), qu'aucune prescription de l'action de la société [R] n'était acquise à la date de l'acte introductif d'instance devant le tribunal de commerce de Paris le 3 juin 1998.

Elle indique que le fondement de son droit à indemnisation par suite de la rupture reconnue comme fautive par les décisions de justices antérieures, était acquis à la date de l'introduction d'instance devant le tribunal de commerce de Paris. Il ajoute en outre que le droit émirati, applicable au contrat, reconnaît également le fondement de ce droit à indemnisation. Il soutient que les premiers juges ont commis une erreur en faisant application des principes du droit français pour apprécier la causalité. D'après elle, ils auraient dû appliquer le droit Emirati. En droit Emirati, la résiliation abusive est sanctionnée dans son principe et ouvre droit à réparation à hauteur du préjudice subi, à savoir le manque à gagner de la partie lésée par la rupture abusive, sans que l'existence du lien de causalité entre la rupture contractuelle fautive et le préjudice doive être démontré.

Enfin, en ce qui concerne la fixation du montant du préjudice, elle considère qu'en vertu du droit Emirati, il doit être calculé par rapport au montant auquel la société [R] aurait pu prétendre, c'est-à-dire 10 % du montant du contrat à venir, soit 37.068.661 euros.

La société CMN, par ses dernières conclusions signifiées le 17 février 2016, demande à la Cour de :

In limine litis,

- dire l'action de la société [R] irrecevable par application de la loi des EAU de 1981 ;

- dire l'action visant l'obtention de commissions lors de la passation d'un marché d'armement contraire au droit public Emirati par application de la directive KHALIFA et au droit public français ;

- dire l'action de la société [R] prescrite ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la loi de 1981 inapplicable et constaté que la société [R] rapporte pas la preuve d'un lien de cause à effet entre le préjudice et le fait générateur ;

- réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

- dire que le contrat régissant les rapports des parties est un contrat bil oukoud au sens de l'article 217 du code de commerce des EAU ;

- dire l'action de la société [R] prescrite ;

- dire que [R] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité et d'un préjudice ;

- débouter la société [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire recevable et bien fondée l'appel provoqué requis par la société CMN à l'encontre de la société ROSARIO venant aux droits de la société SFIBB ;

- dire que la société ROSARIO venant aux droits et obligations de la SFIBB sera condamnée à verser à la société CMN des dommages et intérêts pour dissimulation de renseignements indispensables, négligences, à hauteur du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société CMN ;

- débouter la société ROSARIO de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- condamner la société [R] à payer à la société CMN, la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société ROSARIO venant aux droits et obligations de la SFIBB à payer à CMN la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [R] à payer à la société CMN la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens.

Elle fait tout d'abord valoir que l'action intentée par l'appelant est prescrite, qu'à défaut d'application à la relation entre les sociétés CMN et [R], de la loi 1981 relative aux agences commerciales, c'est le code de commerce et le code civil des Emirats Arabes Unis qui doivent s'appliquer pour déterminer le régime de prescription à l'action de la société [R]. Or, en application des dispositions des articles 228 et 95 du code de commerce, qui fixent comme point de départ le fait dommageable, et des articles 6 et 7 du code civil qui disposent que la nouvelle prescription est d'application immédiate même si elle est plus courte que l'ancienne, la prescription est bien acquise.

Elle soutient ensuite qu'en admettant que la loi de 1981 soit applicable à la relation entre la société CNM et la société [R], la demande de l'appelante doit être considérée comme irrecevable, en ce que :

en premier lieu, [R] n'aurait pas respecté les obligations légales qui lui incombaient c'est-à-dire : soumettre le litige à une commission des agences commerciales préalablement à toute action en justice, enregistrer l'agence commerciale et enregistrer l'opération auprès du registre commercial des EAU ;

en second lieu, l'opération conduite par [R] consistant en une demande de commission dans le cadre d'un marché public d'armement est contraire à l'ordre public Emirati et plus particulièrement à la directive Khalifa du 9 décembre 1986.

Elle soutient que la demande de l'appelante est infondée, que le contrat signé entre les sociétés CMN et [R] prévoyait le versement d'une commission à l'intermédiaire en cas de conclusion d'un contrat entre le gouvernement des Emirats Arabes Unis et la société CMN-SAMT avant la date d'expiration de la mission, qu'en l'espèce, aucune signature de contrat n'étant intervenue pendant la durée du contrat, l'appelante ne peut valablement demander une commission.

Elle ajoute que l'appelante ne peut revendiquer aucun droit acquis des décisions de justice antérieures qui se sont seulement contentées de lui «donner acte» d'une possibilité de demander ultérieurement une indemnisation. L'intimée soutient ainsi que ceci n'était pas créateur du droit au profit de l'appelant.

Il reproche enfin à l'appelant de ne pas rapporter la preuve que la résiliation du contrat de représentation est la cause directe de la non obtention du marché par la société CMN. Il précise en outre que cette preuve est impossible à rapporter car il n'y a aucun lien direct ou indirect qui puisse établir cet état de fait.

La société Financière de Rosario, par ses dernières conclusions signifiées le 17 février 2016, demande à la Cour de :

A titre principal,

- in limine litis, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de la demande de la société CMN et,

Statuant à nouveau, se déclarer incompétent au profit du Tribunal arbitral pour connaître des demandes de CMN à l'encontre de la société ROSARIO ;

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé CMN recevable en ses demandes et, statuant à nouveau, juger CMN irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société ROSARIO ;

A titre très subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté CMN de toutes ses demandes à l'encontre de la société ROSARIO ;

En tout état de cause,

- rectifier le second paragraphe du dispositif du jugement du 4 novembre 2014 ;

- dire que le tribunal s'est déclaré compétent pour se prononcer sur les demandes de la société CMN (et non de la société [R]) à l'encontre de la société ROSARIO ;

- ordonner qu'il soit fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement et des expéditions qui en seront délivrées ;

- condamner CMN à payer à ROSARIO la somme 15.000 euros pour procédure abusive ;

- condamner CMN à payer à ROSARIO la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient que le tribunal de commerce de Paris n'était pas compétent pour statuer sur la demande de la société CMN sur les prétendues dissimulations par la société SFIBB du contenu de l'ampleur des risques attachés au dossier [R]. Elle considère que cette demande relève du tribunal arbitral institué par le protocole d'accord conclu le 13 janvier 1992 au moment de la cession de la société CMN-SAMT à la société SOFFIA par la société SFIBB, ce protocole prévoyant que «tout litige relatif à l'interprétation, à la validité et à l'exécution du présent accord sera soumis à un tribunal arbitral».

Elle indique que l'action de CMN n'est pas recevable, qu'aux termes d'un protocole d'accord transactionnel signé le 19 avril 1994, CMN a renoncé à titre définitif et irrévocable à toute demande concernant les risques attachés au dossier [R] à l'encontre de la société ROSARIO. Elle précise que la société SOFFIA, aux droits de laquelle vient CMN, a consenti à cette renonciation alors qu'elle disposait de toutes les informations disponibles sur le litige avec la société [R].

Elle prétend enfin qu'il ne peut lui être reproché d'avoir dissimulé des informations à la société SOFFIA (aux droits de laquelle vient la société CMN) sur l'ampleur des risques attachés au litige [R] dans la mesure où ce litige était mentionné dans les comptes sociaux annexés à la convention de cession mais également parce que le Président de la société SOFFIA était également le Président de la société SAMT et gérant de la société CMN.

MOTIFS

Considérant que la lettre du 25 août 1982 de CMN à [R] prévoit : « Par la présente, nous mandatons votre Entreprise afin de promouvoir les Bateaux Patrouilleurs Côtiers C.M.N. de notre marque auprès des Administrations correspondantes des Emirats Arabes Unis. Ce mandat vous est octroyé pour une année et prendra effet à partir de ce mandat comprend en particulier votre assistance concernant la présentation exclusive de nos documents et offres, et le suivi de votre part de l'évolution de nos propositions aux différentes étapes d'avancement vous obligeant en même temps de nous tenir informés. En contre-partie de vos services, il est convenu mutuellement que nous vous paierons une rémunération de dix pour cent» ;

Que la lettre du 18 septembre 1984 de CMN à [R] stipule : « Par la présente, nous mandatons votre Entreprise afin de promouvoir notre offre du 22 août 1984 pour six NAVIRES PATROUILLEURS COTIERS RAPIDES auprès des Administrations correspondantes des EMIRATS ARABES UNIS. Ce mandat comprendra en particulier votre assistance concernant la présentation exclusive de nos documents et offres, et le suivi de votre part de l évolution de nos propositions aux différentes étapes d'avancement, vous obligeant en même temps de nous tenir informés. En contre-partie de vos services, il est convenu mutuellement que nous vous paierons une rémunération de dix pour cent(10%) de la valeur du contrat pour NAVIRES PATROUILLEURS COTIERS RAPIDES que nous signerons dans le cas d'un résultat positif de notre proposition ci-dessus' ;

Sur la demande principale de la société [R]

Considérant qu'il n'est pas contesté que le droit des EAU est applicable au présent litige ;

Sur la recevabilité de l'action de la société [R]

Considérant que la société [R] prétend être un agent commercial au sens de la loi fédérale n 18 de 1981 des Emirats Arabes Unis ;

Considérant que l'article 1er de la loi de 1981 définit l'agence commerciale comme la représentation du mandant par le mandataire pour distribuer, vendre, exposer ou présenter un produit ou un service à l'intérieur de l'Etat en échange d'une commission ou un profit; qu'elle dispose par ailleurs :

- en son article 3 : 'Aucune personne ne peut exercer une activité d'agence commerciale dans les Emirats Arabes Unis, à moins que son nom n'ait été enregistré dans le registre des agents commerciaux prévu à cet effet auprès du Ministère de l'économie et du commerce. Une agence commerciale qui n'est pas enregistrée dans ce registre ne sera pas opposable, et toute action en justice fondée sur une telle agence ne sera point admise' ;

- en son article 4 ' : Pour que le mandat soit valide, l'agent doit être directement lié au mandant principal par un contrat écrit et légalisé' ;

Que le décret ministériel n°22 de 1981 prévoit, en son article 4, que la demande d'immatriculation doit être accompagnée de certains documents, dont 4. le contrat d'agence commerciale certifié par les autorités compétentes ;

Considérant que la seule mission de représentation confiée, par lettres des 25 août 1982 et 18 septembre 1984, à la société [R] par CMN ne recouvre pas l'ensemble des fonctions dévolues à l'agence commerciale par l'article 1er de la loi de 1981 ; que, par ailleurs, si [R] conteste que le contrat d'agence commerciale doive être passé en la forme authentique ' l'appelante se prévalant à cet égard d'une traduction de l'article 4 aux termes de laquelle le contrat (...) doit être écrit et documenté- il n'est en revanche pas discuté qu'à aucun moment, ce contrat n'a été certifié par les autorités compétentes comme le prescrit le décret ministériel n°22 de 1981 ; que les conditions pour voir reconnaître à [R] le statut d'agent commercial et appliquer la loi fédérale n 18 de 1981 des EAU ne sont donc pas réunies ;

Considérant que CMN soutient, par ailleurs, que le contrat en cause est un contrat bil oukoud tel que prévu par l'article 217 du code de commerce des EAU, soumis à une courte prescription ;

Considérant que l'article 217 du code de commerce des EAU, dans sa traduction proposée par la société [R], dispose que l'agence [de représentation] ( bil oukoud ) est un contrat par lequel une personne s'oblige, d'une manière permanente sur un territoire déterminé, à promouvoir et à négocier des marchés pour le compte de son mandant moyennant une rémunération. La mission du mandataire peut englober la conclusion de marchés et leur exécution au nom et pour le compte du mandant ;

Que le contrat bil oukoud implique une représentation permanente du mandant par l'agence ; que la lettre du 18 septembre 1984 limitant à la représentation de CMN au titre de la seule offre du 22 août 1984 pour six navires patrouilleurs côtiers rapides, le mandat donné à [R] ne répond aux critères de généralité et de permanence prévus par l'article 217 précité ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit inapplicables les dispositions relatives au contrat bil oukoud ;

Considérant que doit en l'espèce recevoir application le délai de prescription de droit commun de l'article 95 du code de commerce des EAU ( N'est pas reçu, en cas de désaveu et en l'absence d'excuse légale, le procès relatif aux engagements des commerçants les uns envers les autres, pour les transactions commerciales qu'ils effectuent, dix ans après la date prescrite pour l'exécution de l'engagement, sauf si une durée plus courte est prévue par la loi ) qui institue une prescription de dix ans ; que l'article 484 du code civil dispose que le délai de prescription est interrompu par toute demande ou procédure en justice engagée par le créancier pour faire valoir ses droits ;

Considérant que CMN fait valoir que :

- n'a pas interrompu le délai de prescription l'instance introduite par la société[R] le 13 janvier 1986, qui n'a interrompu que la prescription relative à son droit à réparation au titre de son préjudice moral, et non au titre de son préjudice matériel qui n'a fait l'objet d'aucune demande dans le cadre de cette première instance ;

- la prescription était acquise lorsque [R] a engagé, le 3 juin 1998, une nouvelle action relative à son préjudice matériel ;

Mais considérant que l'interruption de la prescription peut s'étendre d'une action à l'autre si les deux actions, bien qu'ayant un objet distinct, ont la même cause et tendent à un seul et même but ; que tel est le cas de la demande relative à la réparation de son préjudice moral introduite le 13 janvier 1986 et de celle en date du 3 juin 1998 relative à la réparation de son préjudice matériel qui tendent toutes deux à indemniser [R] des conséquences de la rupture fautive du contrat du 25 août 1982 ; que l'acte introductif d'instance du 13 janvier 1986 a interrompu le délai de prescription à l'égard de la seconde demande du 3 juin 1998, l'interruption ayant produit ses effets jusqu'à l'extinction de la première instance, soit le 9 juin 1992, date de l'arrêt rendu par la Cour de cassation ; que la prescription de dix ans n'était donc pas acquise lorsque [R] a engagé, le 3 juin 1998, une nouvelle action relative à son préjudice matériel ; que, par motifs substitués, le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit recevable l'action de [R] ;

Sur la demande d'indemnisation

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'appelante, aucun droit à indemnisation au titre du préjudice matériel n'était acquis à la date d introduction d instance du 3 juin 1998, dès lors d'une part que [R] n'a, à aucun moment, dans le cadre de l'instance introduite le 13 janvier 1986, demandé la réparation de son préjudice matériel, d'autre part que, si le jugement rendu le 21 janvier 1987 par le tribunal de commerce de Paris a donné acte à [R] qu'elle se réservait de solliciter ultérieurement la réparation de son préjudice matériel, ce donné acte n'a créé aucun droit à [R], la demande de donné acte ne constituant pas une demande en justice tendant à ce que soit tranché un point litigieux ;

Considérant que CMN conclut au rejet de la demande de paiement des commissions réclamées par [R] en application de la directive du 9 décembre 1986 - dite directive Khalifa -aux termes de laquelle l'intermédiation et/ou la nomination d'agents, de représentants et des intermédiaires et le versement d'une commission en relation avec la fourniture des équipements et services pour la défense, sont interdits ; que, toutefois, la Cour observe que :

- d'une part, [R] réclame en l'espèce le paiement, non de commissions, mais de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive d'un contrat ;

- d'autre part, et en tout état de cause, CMN ne rapporte pas la preuve que la directive Khalifa ait été incorporée à l ordre législatif émirati et soit rétroactivement applicable au contrat du 25 août 1982, ainsi que l'ont retenu les premiers juges ;

Considérant, par ailleurs, que [R] ne saurait fonder son droit à indemnisation sur la loi fédérale n°18 de 1981 des EAU, dont la Cour, confirmant en cela l'analyse du tribunal de commerce, retient qu'elle n'est pas applicable au contrat du 25 août 1982 ;

Considérant que[R] fonde sa demande d'indemnisation sur :

- l'article 214 de la loi n 18 de 1993 (code des transactions commerciales des EAU), qui dispose qu'il ne peut être mis fin à un contrat à durée déterminée sauf cause grave et légitime, et prévoit la réparation du préjudice subi ;

- l'article 956 du code civil des EAU, qui prévoit que le mandant est tenu de réparer le préjudice subi par le mandataire au cas où il met fin à sa mission à une date inopportune ou sans cause légitime ;

Considérant que l article 292 du code civil des EAU dispose, selon la traduction proposée par [R], que l'indemnité est dans tous les cas estimée au montant du dommage supporté par la victime et des pertes qu'il a subies à condition que ces dernières soient une conséquence naturelle des'agissements du lésionnaire ; qu'il en résulte qu'il appartient au demandeur d'établir le lien de causalité entre le fait dommageable ' en l'espèce, la faute

de CMN dans la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ' et le dommage allégué ;

Considérant que [R] fait valoir que la rupture du contrat lui a fait perdre une chance d'obtenir la rémunération prévue en cas de succès ;

Mais considérant que la perte de chance est caractérisée par la perte actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'il appartient à [R] de rapporter la preuve de la perte de chance ;

Considérant que la rupture du contrat a été notifiée à [R] le 21 mars 1985 ; que le contrat devait en tout état de cause expirer le 25 août 1985 ; que le choix du lauréat de l'appel d'offres, la société LURSSEN WERFT, est intervenu en février 1987 ; que, si CMN a été informée le 20 mai 1985 qu'elle était retenue pour l'appel d'offres restreint avec [O], [R] ne démontre pas que, sur la période comprise entre les 20 mai et 25 août 2005, la rupture du contrat de représentation le 21 mars 1985 ait fait perdre une chance de succès de CMN, alors-même que le résultat de l'appel d'offres n'a été jugé que près de deux années plus tard ;

Que la preuve d'une perte de chance n'est dès lors pas rapportée ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il débouté [R] de ses demandes ;

Sur les demandes de la société CMN

Considérant que CMN ne rapporte la preuve du caractère abusif ni de l'action de [R], ni de l'exercice, par cette dernière, de son droit d'appel ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté CMN de sa demande de ce chef ;

Considérant que CMN, venant aux droits de SAMT et SOFFIA, invoque la dissimulation, lors de la cession de la quasi-totalité des actions de SAMT à SOFFIA par SFIBB, aux droits de laquelle vient Financière de Rosario, du dossier [R] ; que toutefois CMN ne présente de demande à l'égard de Financière de Rosario que dans l'hypothèse où elle-même serait condamnée à l'encontre de [R] ; que tel n'étant pas le cas, cette demande est sans objet ;

Sur les demandes de la société Financière de Rosario

Considérant que Financière de Rosario prétend que les prétentions de CMN à son encontre ont en réalité été soulevées dans le but illégitime de pallier l'absence de garantie de passif dans la convention de cession des actions de SAMT ; que toutefois elle ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi imputée à CNM ; que le jugement sera en conséquence confirmé sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu'il convient de procéder, en application de l'article 462 du code de procédure civile, à la rectification de l'erreur matérielle entachant le dispositif du jugement entrepris, ainsi que précisé au dispositif du présent arrêt ;

Considérant que la décision déférée sera confirmée sur les condamnations accessoires ; que l'équité commande, en cause d'appel, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner [R] à payer à CNM la somme de 50.000 euros et CNM à payer à Financière de Rosario celle de 10.000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf à ordonner la rectification de l'erreur matérielle entachant le dispositif de ce jugement,

DIT qu'à la 13ème page du jugement rendu le 12 février 2014 par le tribunal de commerce de Paris, au 3ème paragraphe du dispositif, les mots «Se déclare compétent pour se prononcer sur les demandes de la société de droit des Emirats Arabes Unis [R] TRADING AND GENERAL SERVICES à l'encontre de la société FINANCIERE DE ROSARIO venant aux droits et obligations de la société FINANCIERE ET IMMOBILIERE LA BOISSIERE BEAUCHAMPS (SFIBB)' sont remplacés par les mots 'Se déclare compétent pour se prononcer sur les demandes de la société CMN à l'encontre de la société FINANCIERE DE ROSARIO',

ORDONNE qu'il soit fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement et des expéditions qui en seront délivrées,

CONDAMNE, en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

- la société de droit des Emirats Arabes Unis [R] TRADING AND GENERAL SERVICES à payer à la SA Constructions Mécaniques de Normandie CMN la somme de 50.000 euros,

- la SA Constructions Mécaniques de Normandie CMN à la SA Financière de Rosario la somme de 10.000 euros,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société de droit des Emirats Arabes Unis [R] TRADING AND GENERAL SERVICES aux dépens d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/24341
Date de la décision : 14/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°14/24341 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-14;14.24341 ?
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