Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2016
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/08090
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 11/12861
APPELANTE
SCI LEFEBVRE prise en la personne de ses représentants légaux No SIRET : D48 104 761 1
ayant son siège au 51 BD Lefebvre - 75015 PARIS
Représentée et assistée sur l'audience par Me Alon LEIBA de la SELARL GLOBAL SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0813
INTIMÉE
SARL YOVEL 71 prise en la personne de ses représentants légaux No SIRET : 451 33 6 8 79
ayant son siège au 1, rue du Général de Larminat - 94000 CRETEIL
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Assistée sur l'audience par Me Arron benjamin COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : B1131
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
Monsieur Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
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Suivant acte sous seing privé du 29 mars 2009, la SARL Yovel 71 a vendu à la SCI Lefebvre, sous condition suspensive d'obtention d'un prêt de 100.000 €, un bien immobilier situé 58 rue des Batignolles à Paris 17ème, moyennant le prix de 100.000 €. Une clause pénale était insérée audit acte aux termes de laquelle, toutes conditions suspensives étant réalisées, la partie qui n'était pas en défaut pourrait contraindre l'autre à signer l'acte authentique de vente et percevrait, à titre d'indemnité forfaitaire, une somme de 10.000 €.
Il était prévu à l'acte sous seing privé que la vente devait être réitérée, toutes les conditions suspensives étant réalisées, le 3 juin 2009 ; à cette date, aucune des parties n'a sommé l'autre de venir signer l'acte authentique.
C'est dans ces conditions que, par acte extra-judiciaire du 21 juillet 2011, la SCI Lefebvre a assigné la SARL Yovel 71 à l'effet de la voir condamner à signer l'acte authentique de vente, subsidiairement, à lui payer des dommages-intérêts équivalents à la différence entre la valeur actuelle de l'immeuble et le prix convenu, outre la clause pénale de 10.000 € et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 mars 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que la promesse de vente du 29 mars 2009 était caduque,
- débouté en conséquence la SCI Lefebvre de ses demandes,
- débouté la SARL Yovel 71 de ses demandes
- condamné la SCI Lefebvre aux dépens.
La SCI Lefebvre a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 8 septembre 2015, de :
au visa des articles 122 du code de procédure civile, 1134, 1147, 1149, 1152 et 1589 du code civil, L. 223-18 du code de commerce,
- constater le caractère irrévocable de l'engagement souscrit par la SARL Yovel 71 de lui céder la propriété de l'immeuble sis 58 rue des Batignolles à Paris 75017, cadastré CP 9,
- constater le caractère fautif du refus de la SARL Yovel 71 de procéder à la signature de l'acte authentique,
- ordonner, sous astreinte, à la SARL Yovel 71 de procéder à la régularisation définitive de la vente,
- fixer le montant de l'astreinte à la somme de 500 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
- dire qu'en cas de refus du vendeur de s'exécuter plus de trois mois après la signification du présent arrêt, celui-ci vaudra vente et pourra être publié à la Conservation des Hypothèques à la requête de la partie la plus diligente,
- dire que le prix de vente sera consigné auprès d'un séquestre de l'ordre des avocats de Paris,
- autoriser la SCI Lefebvre à désigner tout notaire de son choix à l'effet de purger l'hypothèque de 39.894,05 € grevant l'immeuble au profit du syndicat des copropriétaires et de remettre le reliquat du prix à la SARL Yovel 71,
- si par extraordinaire l'exécution forcée n'était pas possible, condamner la SARL Yovel 71 à lui payer une somme équivalente à la différence entre la valeur actuelle de l'immeuble et le prix convenu, soit 117.300 € ,
- à titre infiniment subsidiaire, désigner un expert avec mission d'estimer la valeur actuelle du bien, à l'effet d'évaluer son manque à gagner,
- en tout état de cause, condamner la SARL Yovel 71 à lui payer la somme de 10.000 € correspondant à la clause pénale contractuelle,
- condamner la SARL Yovel 71 au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens d'instance.
La SARL Yovel 71 prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2014, de :
- au visa des articles 58, 114 et 901 du code de procédure civile, dire nulle la déclaration d'appel régularisée le 10 avril 2014 par la SCI Lefebvre,
- à défaut, dire au visa des articles 908 et 961 du code de procédure civile, cette déclaration d'appel caduque,
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- à titre principal, constater la défaillance des conditions suspensives et constater que le gérant de la SARL Yovel 71 ne disposait d'aucun pouvoir pour signer la promesse de vente du 29 mars 2009 et engager sa société,
- subsidiairement constater la nullité de cette promesse de vente,
- statuant à nouveau, constater l'absence de règlement des loyers indûment perçus par la SCI Lefebvre en qualité de gérant de la SCI Lefebvre,
- en conséquence, dire la promesse caduque et subsidiairement, nulle en ce qu'elle viole l'objet social de la SARL Yovel 71,
- condamner la SCI Lefebvre à lui payer la somme de 27.590 € au titre des loyers indûment encaissés,
- condamner la SCI Lefebvre au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
SUR CE
LA COUR
Sur la nullité de la déclaration d'appel
La SARL Yovel 71 soutient que l'adresse (51 boulevard Lefebvre à Paris 15ème) portée à la déclaration d'appel par la SCI Lefebvre, comme étant celle de son siège social, est inexacte, car l'huissier qui s'est déplacé pour lui signifier le jugement à cette adresse a établi un procès-verbal de recherches infructueuses ;
Cependant, dans ses écritures signifiées le 8 septembre 2015, la SCI Lefebvre indique que son siège social est fixé à Limeil-Brévannes (94), 3 avenue des Tilleuls, et rien ne permet de douter de la véracité de cette adresse faute pour la SARL Yovel 71 d'avoir contesté cette nouvelle indication, de sorte que la SARL Yovel 71 sera déboutée de sa fin de non-recevoir ;
Sur la caducité de la déclaration d'appel
Pour le motif sus-indiqué, le vice affectant les premières écritures de la SCI Lefebvre étant régularisé en cours d'instance, sans qu'aucun grief ne subsiste, la SARL Yovel 71 sera déboutée de son incident de caducité de la déclaration d'appel fondée sur l'absence de conclusions recevables signifiées dans les trois mois de la déclaration d'appel ;
Sur le fond
La SCI Lefebvre, au soutien de son appel, fait valoir que la vente est parfaite dès lors qu'elle a renoncé au bénéfice de la condition suspensive d'obtention de prêt stipulée dans son seul intérêt, de sorte que le vendeur a l'obligation de réitérer la vente en la forme authentique sans pouvoir lui opposer la non-obtention du prêt prévu à l'acte sous seing privé ;
La SARL Yovel 71 réplique que la SCI Lefebvre n'a pas respecté le délai de 45 jours qui lui était imparti à compter de la signature du compromis du 29 mars 2009 pour solliciter le prêt objet de la condition suspensive, de sorte que cette condition a défailli par sa faute et que la vente est caduque ; elle ajoute que son gérant a excédé ses pouvoirs en consentant cette vente qui n'entre pas dans son objet social;
Toutefois, en premier lieu, la condition suspensive d'obtention de prêt n'étant stipulée qu'au bénéfice de l'acquéreur qui seul peut se prévaloir de sa non-réalisation, la SARL Yovel 71 ne peut opposer à la SCI Lefebvre, laquelle requiert la réitération de la vente, la non-réalisation de cette condition, de sorte qu'il est sans intérêt de rechercher si cette SCI a renoncé sans équivoque au bénéfice de cette condition par ses démarches auprès du notaire Ganiez et le versement d'un chèque de 97.000 € ;
En second lieu, les statuts de la SARL Yovel 71 indiquent « chacun des gérants engage la société, sauf si ses actes ne relèvent pas de l'objet social et que la société prouve que les tiers en avaient connaissance » et les limitations de pouvoir stipulées entre la gérance et les associés ne concernent que les rapports des associés entre eux sans pouvoir être opposées aux tiers, de sorte que la SARL Yovel 71 ne peut davantage soutenir que son gérant aurait excédé ses pouvoirs en signant un acte de vente étranger à son objet social, ses statuts prévoyant « chacun des gérants engage la société sauf si ces actes ne relèvent pas de l'objet social », alors que lesdits statuts mentionnent, de façon large, que la société a pour objet « toute opération de marchand de biens, achat, vente, lotissements... de biens immobiliers » ; le fait que l'immeuble en cause soit le seul bien de la SARL est sans incidence sur le dépassement de pouvoirs allégué puisque son objet social n'est pas limité à la détention ou à l'exploitation de l'immeuble concerné ;
En conséquence, le jugement étant infirmé, la Cour dira la vente parfaite et en ordonnera la réitération dans les termes précisés au dispositif ci-après, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte pour assurer la réitération de la vente ;
En vertu de la clause pénale insérée à l'acte de vente, la SARL Yovel 71 devra régler à la SCI Lefebvre la somme de 10.000 € correspondant à la clause pénale contractuelle dont le caractère manifestement excessif n'est pas critiqué ;
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des loyers perçus par le gérant de la SCI Lefebvre depuis une date et dans des conditions indéterminées, alors que ledit gérant n'a pas été personnellement appelé en la cause pour donner des explications ;
Les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies au cas d'espèce.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement de loyers de la SARL Yovel 71,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit la vente portant sur les lots no 2 et 13 de la copropriété de l'immeuble sis à Paris 17ème, 58 rue des Batignolles, cadastré CP 9, parfaite entre :
- d'une part, la SARL Yovel 71, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Créteil sous le no B 4513366879, dont le siège social est fixé à Créteil (94000), 1 rue du Général Larminat,
- d'autre part, la SCI Lefebvre, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Créteil sous le no 481047611, dont le siège social est fixé à Limeil-Brévannes (94450), 3 avenue des Tilleuls,
moyennant le prix de 100.000 €,
Dit qu'à défaut pour le vendeur de se présenter en l'étude du notaire choisi par l'acquéreur passé deux mois de la sommation qui lui en aura été faite à la diligence de l'acquéreur, le présent arrêt vaudra acte authentique et sera publié comme tel à la Direction des Services Fonciers aux frais avancés de la SCI Lefebvre,
Autorise la SCI Lefebvre à désigner tout notaire de son choix à l'effet de purger les hypothèques grevant l'immeuble et de remettre le reliquat du prix à la SARL Yovel 71,
Condamne la SARL Yovel 71 à payer à la SCI Lefebvre une somme de 10.000 € à titre de clause pénale,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SARL Yovel 71 aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,