COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04536
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2015- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 13/ 08073
APPELANTS
Monsieur Joel X... né le 31 octobre 1950 à ANGERS (49000) et Madame Catherine X... née le 30 mars 1952 à SAINT-JEOIRE (74460)
demeurant...
Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Martine SADKOWSKI RAMO, avocat au barreau de PARIS, toque : D2040
SARL IMMO VILLIERS 17 prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège au 19 BIS RUE LEGENDRE-75017 PARIS FRANCE
Représentée et assistée sur l'audience par Me Martine SADKOWSKI RAMO, avocat au barreau de PARIS, toque : D2040
INTIMÉS
Monsieur Romain Y... né le 6 janvier 1974 à COURBEVOIE (92400) et Madame Florence Y... née le 29 novembre 1976 à RIOM (63200)
demeurant...
Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Marie VALENTE D'ANDREA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Dominique DOS REIS, Présidente Madame Christine BARBEROT, Conseillère Monsieur Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
Suivant acte notarié du 4 mars 2013, M. et Mme X... ont promis, par l'entremise de l'agence immobilière SARL Immo Villiers 17, de vendre à M. et Mme Y..., qui se sont réservé la faculté d'acquérir, quatre lots de copropriété dans l'immeuble sis ... à Paris 17ème, moyennant le prix de 933. 000 €. Le montant de l'indemnité d'immobilisation a été fixé à la somme de 90. 500 € qui a été séquestrée entre les mains du notaire à hauteur de moitié, soit 45. 250 €.
Des travaux importants et onéreux de réfection des plafonds des caves de l'immeuble ayant été votés par la copropriété postérieurement à la conclusion de cette promesse, M. et Mme Y... ont refusé de lever l'option et, par acte extra-judiciaire du 6 juin 2013, ils ont assigné M. et Mme X... et la SARL Immo Villiers 17 à l'effet de voir annuler la promesse sur le fondement du dol ou de l'erreur et de se voir restituer la somme de 45. 250 € séquestrée entre les mains du notaire.
Par jugement du 16 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que M. et Mme X... n'ont pas commis de faute ou de réticence dolosive,- dit que le consentement de M. et Mme Y... a été vicié par erreur sur la substance et, en conséquence, annulé la promesse de vente et ordonné la remise des parties en l'état antérieur à celle-ci,- dit que la somme de 45. 250 € versée à titre d'indemnité d'immobilisation serait restituée par le notaire séquestre à M. et Mme Y...,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,- débouté les parties de toutes autres demandes, notamment au titre des frais irrépétibles,- condamné M. et Mme Y... aux dépens.
M. et Mme X... et la SARL Immo Villiers 17 ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 29 août 2016, de :
au visa des articles 1134, 1182, 1142, 1147 et 1152 du code civil,
- dire que M. et Mme Y... ne pouvaient ignorer le montant des travaux à effectuer dans les caves de l'immeuble,- dire que la structure de l'immeuble n'est pas irrémédiablement altérée,- débouter M. et Mme Y... de leurs demandes,- dire que le consentement de M. et Mme Y... n'a pas été vicié par dol ou erreur et qu'ils ont eu une parfaite information de l'historique de l'immeuble au moment de la signature de la promesse de vente,- dire au contraire que M. et Mme Y... n'ont pas respecté leurs obligations contractuelles,- dire que la vente est parfaite entre les parties,- condamner solidairement M. et Mme Y... à leur verser la somme de 90. 500 € à titre de clause pénale, correspondant à l'indemnité d'immobilisation dont la moitié est séquestrée en l'étude notariale,- condamner solidairement M. et Mme Y... au versement d'une somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice distinct,- condamner solidairement M. et Mme Y... au paiement de la somme de 10. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- dire que la SARL Immo Villiers 17 a parfaitement et intégralement achevé sa mission prévue au mandat de vente du 22 janvier 2013 et à la promesse de vente du 4 mars 2013,- dire que M. et Mme Y... n'ont pas respecté leurs engagements à son égard,- en conséquence, les condamner solidairement à payer à celle-ci une somme de 28. 000 € de dommages-intérêts correspondant au montant de sa commission, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 6 juin 2013 et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du présent arrêt,- condamner solidairement M. et Mme Y... au paiement de la somme de 10. 000 € en réparation de son préjudice complémentaire et de celle de 10. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner solidairement M. et Mme Y... aux entiers dépens.
M. et Mme Y... prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le 17 juillet 2015, de :
au visa des articles 1110, 1116, 1134, 1147 et 1602 du code civil,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé la promesse de vente,- l'infirmer en ce qu'il n'a pas annulé la promesse sur le fondement du dol,- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que leur consentement a été donné sous l'emprise d'une erreur sur la substance,- plus subsidiairement, dire la promesse caduque,- dire qu'une modification substantielle du contrat est intervenue entre l'avant contrat et l'acte de vente,- en conséquence, dire qu'un nouveau délai a commencé à courir à compter du 4 mai 2013, date à laquelle ils ont eu connaissance des modifications substantielles du bien,- en conséquence, condamner solidairement M. et Mme X... à leur restituer la somme de 45. 250 € ainsi que celle de 450 € versée à titre de provision au notaire rédacteur,- subsidiairement, dire qu'au regard des modifications substantielles du bien, la rencontre de volonté des parties n'a pu se concrétiser et qu'ils n'ont pas entendu lever l'option du fait de M. et Mme X...,- en conséquence, condamner solidairement M. et Mme X... à leur restituer la somme de 45. 250 € versée au titre de l'indemnité d'immobilisation, la non levée d'option et, partant, la non-réalisation de la vente étant exclusivement due à la faute de M. et Mme X..., condamner solidairement M. et Mme X... à leur payer la somme de 450 € versée au notaire à titre de provision,- en tout état de cause, condamner M. et Mme X... à leur payer la somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts,- ordonner l'exécution provisoire (sic),- condamner solidairement M. et Mme X... et la SARL Immo Villiers 17 à leur payer la somme de 8. 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 7. 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,- les condamner solidairement aux entiers dépens.
SUR CE LA COUR
Aux termes de la promesse de vente, il était stipulé :
« le promettant supportera le coût des travaux de copropriété décidés jusqu'à la date de ce jour [….] le bénéficiaire supportera tous les travaux qui viendraient à être votés à compter de cette date. Pour ce qui concerne les travaux qui viendraient, le cas échéant, à être décidés à compter de ce jour jusqu'au jour de la date de l'acte authentique de vente, ils ne seront supportés par le bénéficiaire que si ce dernier a été mis en demeure d'assister à l'assemblée ayant décidé lesdits travaux [….]. En cas de non-respect de ses engagements par le promettant, la charge des travaux votés à compter de ce jour jusqu'à la date de l'acte authentique de vente serait alors supportée non par le bénéficiaire mais par le promettant » ;
Lors de l'assemblée générale du 2 juillet 2013, les travaux de réfection des plafonds des caves ont été votés pour un montant de 50. 825 € concernant les plafonds et de 12. 500 € concernant la reconstruction des caves, la quote-part de charges incombant aux lots objet de la promesse s'élevant à un montant de 14. 506 € ;
Au soutien de leur appel, M. et Mme X... et la SARL Immo Villiers 17 font valoir que :
- le dol qui est imputé aux promettants n'est pas établi alors que l'éventualité des travaux de réfection des caves a été signalée aux candidats acquéreurs dès la mise en vente de leur bien en agence, que les procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires antérieures à la signature de la promesse ont été remis à la SARL Immo Villiers 17 ainsi qu'en ce qui concerne celle du 7 février 2013, au notaire rédacteur de la promesse, que M. et Mme Y... ont été informés dès le mois de mai 2013 des devis de réfection proposés, pour les montants respectifs de 78. 852, 58 €, 93. 785, 50 € et 102. 409, 70 €, que les bénéficiaires ont pu visiter les caves et vérifier leur état,- l'erreur alléguée par M. et Mme Y... ne porte pas sur les qualités substantielles du bien objet de la promesse et qu'ils ont, en tout état de cause, accepté l'aléa relatif au montant des travaux de réfection litigieux en prenant connaissance des procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires tenues dans les années précédant la conclusion de la promesse de vente, ainsi que des divers devis de travaux soumis au vote des copropriétaires, de sorte qu'ils pouvaient prévoir que le montant desdits travaux, estimé en 2006 à la somme de 5. 635 €, atteindrait en 2013 un montant estimé de 48. 000 €, une éventuelle méconnaissance de cet aléa de leur part n'étant pas excusable, d'autant plus qu'un rabais de 39. 000 € sur le prix de vente de 972. 000 € proposé initialement a été consenti aux époux Y... pour tenir compte des travaux à effectuer dans les caves ;
M. et Mme Y... soutiennent qu'ils ne disposaient, lors de la signature de la promesse, que d'informations (procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires de 2010, 2011 et 2013) évoquant des désordres sans caractère d'urgence ni dangerosité, correspondant à des devis fluctuant entre les montants de 5. 5637 et 16. 227 €, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 7 février 2013 rejetant le vote des travaux ne leur a été remis que le 13 mai 2013 et qu'ils ont reçu début mai 2013 également une convocation à une assemblée générale spéciale appelée à voter sur des travaux urgents correspondant à des devis pour des sommes variant entre 78. 852, 58 € et 102. 409, 70 €, sans commune mesure avec ceux présentés jusqu'alors à la copropriété ; qu'ils ont enfin appris à la lecture du procès-verbal de l'assemblée générale du 2 juillet 2013 que la reconstruction des cloisons des caves serait à la charge des copropriétaires ; ils estiment que leur consentement a été vicié par le dol des promettants qui leur ont celé l'existence et l'ampleur de désordres anciens mettant en péril la pérennité de l'immeuble, alors que M. X..., membre du conseil syndical, avait connaissance de l'historique de l'immeuble et des rapports d'architecte mettant en évidence l'urgence de travaux indispensables pour conforter les structures de l'immeuble et susceptibles d'atteindre des coûts importants ; subsidiairement, ils affirment avoir été trompés sur les qualités substantielles du bien mis en vente et, enfin, concluent à la caducité de la promesse dès lors que la modification substantielle du contrat leur a ouvert un nouveau délai de rétractation de sept jours à compter du 14 mai 2013, rétractation qu'ils ont notifiée le 16 mai suivant ;
Ces moyens ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
En effet, le dol suppose des manœuvres ou une réticence dolosives destinées à tromper le cocontractant qui ne sont pas caractérisées au cas présent alors que l'attention des bénéficiaires avait été attirée sur les travaux à prévoir pour la réfection des plafonds des caves dès l'origine, par la publicité mise en œuvre par la SARL Immo Villiers 17 mentionnant : « travaux prévus : plafond des caves évoqué », que les procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires repoussant le vote de ces travaux dans les trois années précédant la signature de la promesse leur avaient été remis, que le retard apporté à leur transmettre le procès-verbal de l'assemblée générale du 7 février 2013 est dénué d'incidence sur leur consentement dès lors que les travaux litigieux ont été repoussés derechef lors de cette assemblée par les copropriétaires ;
S'agissant de l'erreur invoquée par les bénéficiaires, il apparaît des documents produits aux débats que le consentement de M. et Mme Y... a été vicié, lors de la signature de la promesse de vente, par une erreur légitime sur la gravité de désordres menaçant la structure et donc la pérennité de l'immeuble du..., notamment sur l'ampleur des atteintes affectant les plafonds des caves du bâtiment et le coût des travaux nécessaires à leur réparation, l'ensemble de ces éléments d'information ne leur ayant été révélé que par les rapports, documents, convocation à l'assemblée spéciale du 14 mai 2013, ainsi que par le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 2 juillet 2013 votant les travaux de réfection à l'exception de ceux de cloisonnement des caves ; cette erreur porte bien sur la qualité substantielle du bien vendu, étant relative tant à la solidité de la structure des parties communes de l'immeuble et à la pérennité de ce dernier, qu'à la configuration de la cave objet de la promesse laissée décloisonnée après travaux et au montant des travaux nécessaires pour financer la confortation des structures du bâtiment ;
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la promesse de vente pour erreur sur la substance ;
En conséquence de cette annulation, les parties doivent être remises en l'état antérieur à la promesse de vente, d'où il suit que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit que la somme de 45. 250 € versée à titre d'indemnité d'immobilisation serait restituée par le notaire séquestre à M. et Mme Y... ; y ajoutant, la Cour condamnera M. et Mme X... à payer à M. et Mme Y... la somme de 450 € qu'ils ont versée au notaire à titre de provision ;
L'annulation de la promesse de vente résultant d'une erreur des bénéficiaires sans qu'il y ait eu faute de part ni d'autre, M. et Mme X..., la SARL Immo Villiers 17 et M. et Mme Y... seront pareillement déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts ;
En équité, M. et Mme X... et la SARL Immo Villiers 17 seront condamnés in solidum à régler la somme de 6. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à M. et Mme Y..., au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées sur ce fondement au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Le présent arrêt n'étant pas susceptible de faire l'objet d'un recours suspensif d'exécution, la demande des intimés tendant à voir assortir les condamnations prononcées de l'exécution provisoire est sans objet.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. et Mme X... à payer à M. et Mme Y... la somme de 450 € versée au notaire à titre de provision,
Condamne M. et Mme X... et la SARL Immo Villiers 17 in solidum à payer à M. et Mme Y... la somme de 6. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. et Mme X... et la SARL Immo Villiers 17 in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.