Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14670
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2014 -Tribunal d'Instance de PARIS 17 - RG n° 11-14-008
APPELANTE
Madame [A] [J]
Née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]
Demeurant : [Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
INTIMEE
EPIC PARIS HABITAT OPH
N° SIRET : 344 810 582
Siège social : [Adresse 2]
[Localité 3]/FRANCE
Représentée par Me Stéphane LEVILDIER de l'AARPI LG avocat au barreau de PARIS, toque : B0765
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Philippe JAVELAS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre
Mme Isabelle BROGLY, Conseillère
M Philippe JAVELAS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle VERDEAUX, présidente et par Mme Viviane REA, greffière présente lors du prononcé.
*****
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte sous-seing privé du 21 septembre 1984, PARIS HABITAT OPH a donné à bail à Mme [J] un logement situé [Adresse 1].
Au motif que le comportement de Mme [J] à l'égard des habitants et de la gardienne de l'immeuble était agressif et injurieux et que Mme [J] n'avait pas justifié de l'assurance du logement, PARIS HABITAT OPH a fait assigner Mme [J] devant le tribunal d'instance du 17éme arrondissement de Paris aux fins d'obtenir la résiliation du bail et l'expulsion de la locataire.
Par jugement du 24 juin 2014, le tribunal d'instance a prononcé la résiliation judiciaire du bail pour trouble de jouissance, ordonné l'expulsion de Mme [J], débouté cette dernière de ses demandes reconventionnelles visant à obtenir la condamnation de PARIS HABITAT OPH à faire procéder à la "désinsectisation" du logement, à l'indemniser de son trouble de jouissance, et, à titre subsidiaire, à faire nommer un expert en "désinsectisation".
Le premier juge a considéré que les nombreuses attestations versées aux débats rapportaient la preuve que Mme [J] avait manqué de manière répétée à son obligation de jouissance paisible des lieux loués, qu'elle avait causé des troubles de voisinage en adoptant à l'égard des habitants de l'immeuble des comportements injurieux et violents, et que ces manquements réitérés justifiaient que la résiliation judiciaire du bail fût prononcée et l'expulsion du fauteur de troubles ordonnée. Le tribunal d'instance a, par ailleurs, refusé d'accueillir les demandes reconventionnelles de Mme [J] sollicitant une "désinsectisation" du logement et le dédommagement de son préjudice à hauteur de 150 euros par mois, au motif qu'il n'était pas établi que les piqûres d'insectes dont Mme [J] se disait victime fussent liées à l'intervention des services de PARIS HABITAT OPH consécutivement à la chute du mitron d'une cheminée.
Mme [J] a relevé appel de cette décision le 9 juillet 2014.
Dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 1er octobre 2014, elle demande à la Cour de :
- infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,
- dire n'y avoir lieu à résiliation du bail du logement qu'elle occupe paisiblement depuis quarante ans,
- condamner PARIS HABITAT OPH, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à faire procéder à la "désinsectisation" de son logement,
- condamner PARIS HABITAT OPH à lui payer une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice qu'elle a subi depuis le début du mois de juin 2011,
- accueillir la demande reconventionnelle de Mme [J] portant sur le montant du loyer exigible, s'agissant d'une location soumise à la loi du 1er septembre 1948, ainsi que le mentionne le bail liant les parties,
- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour afin de calculer le montant de la surface corrigée et, en conséquence, le montant du loyer légalement exigible,
- dire que le géomètre expert calculera également le montant du trop-perçu depuis le 30 décembre 2010, soit trois ans avant la date à laquelle PARIS HABITAT OPH a assigné Mme [J],
- condamner, dès à présent, PARIS HABITAT OPH à rembourser à Mme [J] le trop-perçu fixé provisoirement à la somme d'un euro,
- condamner PARIS HABITAT OPH aux dépens et à payer à Mme [J] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance du 19 mars 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la voie électronique le 19 janvier 2015 dans l'intérêt de PARIS HABITAT OPH, au motif que ces conclusions n'avaient pas été régularisées dans le délai de deux mois prévu par l'article 909 du Code de procédure civile.
Par arrêt du 3 mars 2016, la cour d'appel de Paris - pôle 4, chambre 3- estimant que l'appelante avait néanmoins disposé, pour examiner les pièces communiquées en même temps que les conclusions non régulières pour cause de tardiveté, d'un temps utile démontrant le respect du principe de la contradiction, a déclaré recevables les pièces 1 à 33 notifiées par la voie électronique le 19 janvier 2015.
MOTIFS DE LA DECISION
I) Sur la résiliation du bail et l'expulsion de Mme [J]
Mme [J] fait grief au premier juge d'avoir prononcé la résiliation du bail pour manquement à l'obligation de jouissance paisible, sur la foi d'attestations de PARIS HABITAT OPH qui n'ont aucune valeur probante du fait qu'elles émanent pour l'essentiel de la gardienne de l'immeuble et d'un voisin, M. [X], avec qui elle entretient des relations conflictuelles, et d'employés de PARIS HABITAT OPH dont le témoignage est, de ce fait, sujet à caution.
Sur ce
Il résulte des dispositions de l'article 7 b de la loi du 6 juillet 1989 et du contrat de bail signé par Mme [J] que le locataire est tenu d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location. Les dispositions de l'article 1184 du Code civil permettent, en outre, au juge de résilier tout contrat synallagmatique dès lors qu'il peut être imputé à l'un des cocontractant un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture des relations entre les parties.
Au terme d'une analyse exhaustive des faits et documents de la cause, et plus particulièrement des nombreuses attestations versées aux débats par PARIS HABITAT OPH , et par des motifs pertinents à l'encontre desquels l'appelante n'a formulé aucune critique sérieuse, le premier juge a exactement caractérisé, en l'espèce, le défaut de respect par Mme [J] de son obligation de jouissance paisible des lieux loués, résultant, d'une part, d'insultes, de propos orduriers, racistes et de paroles méchantes proférées à l'égard de la gardienne de l'immeuble, Mme [R], mais également à l'endroit d'autres occupants de l'immeuble et, d'autre part, de comportements inacceptables et incompatibles avec toute cohabitation dans un immeuble à usage collectif et consistant notamment à salir volontairement les parties communes de l'immeuble après qu'elles ont été nettoyées.
Par ailleurs, le premier juge a exactement relevé que les témoignages émanant de personnes n'habitant pas l'immeuble et étant des employés de PARIS HABITAT OPH n'étaient pas pour autant dénués de toute valeur probante, dès lors que les auteurs des attestations litigieuses ne faisaient que relater des faits dont ils ont été les témoins et que les attestations produites par Mme [J], établissant qu'elle entretient de bons rapports de voisinage avec des commerçants, des employés de la poste, ou d'autres locataires ne se trouvant pas dans son voisinage immédiat, ne contredisaient pas celles du bailleurs, faisant état d'injures et de comportements agressifs à l'encontre de la gardienne, d'agents d'entretien ou d'autres occupants de l'immeuble.
C'est donc par des motifs pertinents tirant exactement les conséquences habituelles en la matière et que la Cour adopte que le premier juge, après avoir constaté la gravité des manquements imputés à Mme [J], a prononcé la résiliation du bail pour défaut de jouissance paisible des lieux loués, ordonné l'expulsion de l'occupante et fixé l'indemnité d'occupation au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi.
Le jugement querellé sera, en conséquence, confirmé sur ces chefs.
II) Sur les demandes reconventionnelles de Mme [J]
A) Sur les demandes de condamnation de PARIS HABITAT OPH à faire "désinsectiser" le logement de Mme [J], et à payer à cette dernière la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi
Mme [J] fait grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle visant à obtenir "une désinsectisation " de son appartement et la réparation du dommage qu'elle a subi. Elle fait valoir qu'à la suite de la chute d'un mitron de cheminée en toiture se trouvant au-dessus de son appartement, le 2 avril 2011, et de la réparation tardive effectuée deux mois plus tard par PARIS HABITAT OPH, son appartement a été infecté de nuisibles et qu'elle a subi de très nombreuses piqûres d'insectes, comme le démontre la lettre du service municipal d'action pour la salubrité et l'hygiène qui est intervenu à son domicile le 17 mai 2013 et les certificats médicaux, accompagnés de clichés photographiques, qu'elle verse aux débats.
Sur ce
Il incombe à Mme [J], dès lors qu'elle entend engager la responsabilité de l'intimé, de démontrer la faute de PARIS HABITAT OPH, le préjudice qui en est résulté pour elle, et le lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
En l'espèce, la lettre de la mairie de [Localité 4], reproduisant les déclarations de Mme [J], et les certificats médicaux versés aux débats par l'appelante ne suffisent pas à établir le lien de causalité entre les piqûres d'insectes dont Mme [J] a été indiscutablement victime et l'intervention de PARIS HABITAT OPH sur la toiture de l'immeuble, dès lors que, d'une part, la visite de détection au domicile de Mme [J] réalisée par les services de PARIS HABITAT OPH, le 27 octobre 2011, et l'audit effectué consécutivement à cette visite par un entomologiste n'ont permis de déceler aucune infestation d'insectes ou acariens piqueurs, les seuls insectes récoltés par Mme [J] étant des triboliums, insectes de denrées alimentaires qui ne piquent pas, et que, d'autre part, les trois rapports d'intervention réalisés par la société Mondial Hygiène, intervenue à la demande de Mme [J] les 17 septembre, 5 novembre et 7 décembre 2012, confirment les constatations de PARIS HABITAT OPH en indiquant qu'aucune infestation du logement n'a été constatée par cette société.
Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de PARIS HABITAT à indemniser Mme [J] du préjudice dont elle fait état.
La demande de condamnation de PARIS HABITAT OPH à faire procéder à la "désinsectisation" du logement occupé par Mme [J], que la résiliation judiciaire du bail a pour effet de rendre sans objet, sera également rejetée.
B) Sur les demandes de Mme [J] visant à voir désigner un expert géomètre aux fins de calculer le montant du loyer légalement exigible et à voir condamner PARIS HABITAT OPH à lui rembourser le montant du loyer indûment perçu
Mme [J] fait valoir que le bail qui la lie à PARIS HABITAT OPH est soumis à la loi du 1er septembre 1948 et que le montant du loyer qu'elle paye étant supérieur à la valeur locative du logement, il y a lieu de désigner un expert géomètre afin de calculer la valeur locative des lieux loués et de déterminer le montant du loyer trop-perçu par son bailleur.
Sur ce
Il incombe à chaque partie, aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention et, en application de l'article 146 du Code de procédure civile, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie qui la sollicite dans l'administration de la preuve.
En l'espèce, Mme [J], qui n'a jamais contesté depuis 1984 le montant de son loyer, ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer que ce loyer n'aurait pas été calculé conformément aux prescriptions de la loi du 1er septembre 1948.
Par suite, ses demandes ne pourront être accueillies.
III) Sur les demandes accessoires
Mme [J], qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement querellé relatives aux dépens et aux frais irrépétibles étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
DÉBOUTE Mme [A] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNE Mme [A] [J] aux dépens de la procédure d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE