Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12955
Décision déférée à la Cour : Jugement du -Tribunal de Commerce de Paris en date du 06 Mars 2015 RG n° 2012003362
APPELANTS
1) Monsieur [J] [C]
né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] - LIBAN
de nationalité libanaise
demeurant à [Adresse 1]
LIBAN
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
2) Madame [G] [I] [C] [F]
née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 1] - LIBAN
de nationalité libanaise
demeurant [Adresse 2]
[Localité 1] - LIBAN
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
3) Monsieur [W], [C] [F]
né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 2] - LIBAN
de nationalité libanaise
demeurant [Adresse 2]
[Localité 1] - LIBAN
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
4) Monsieur [P], [J] [C]
né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 1] - LIBAN
de nationalité libanaise
demeurant [Adresse 3]
LIBAN
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
5) Madame [U], [J] [C]
née le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 1] - LIBAN
de nationalité libanaise
demeurant [Adresse 3]
LIBAN
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
6) Monsieur [S], [J] [C]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1] - LIBAN
de nationalité libanaise
demeurant [Adresse 3]
LIBAN
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
7) Société HOLDING [J] [C] [V] Société de droit Libanais
immatriculée au RCS de [Localité 1] (LIBAN) sous le n°[C]
ayant son siège social à [Adresse 4]
LIBAN
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
8) Société HOLDING [J] & [V] [C] [V] Société de droit Libanais, anciennement dénommée HOLDING [J] ET [V] [C] ET ASSOCIES [V]
immatriculée au RCS de [Localité 1] (LIBAN) sous le n° [S]
ayant son siège social à [Adresse 4]
LIBAN
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
9) Société SILVER CAPITAL HOLDING SAL Société de droit Libanais
immatriculée au RCS de BEYROUTH (LIBAN) sous le n° 1900499
ayant son siège social [Localité 3],
LIBAN
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
INTIMÉE
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 552 120 222
[Adresse 5]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me François MARTINEAU de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077
ayant pour avocat plaidant Me Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur François FRANCHI, Président de chambre
Madame Michèle PICARD, Conseillère
Madame Christine ROSSI, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.
*
En 1969, la Société générale a pris une participation dans la banque belgo-libanaise créée par la famille [C] et qui s'élevait à 50% en 1991, s'en est suivi le changement de dénomination de la banque devenue SGBL.
Par un protocole de cession signé en 2005, la Société Générale a cédé 31% du capital de la SGBL aux deux enfants du fondateur de la banque, messieurs [V] et [J] [C] qui bénéficiaient - aux termes de l'article 8-4 du dit protocole - jusqu'au 27 octobre 2013 d'un droit de préemption au prorata de leur participation respective sur celle restant à la Société Générale. Ainsi, la Société Générale détenait 19%, le Groupe [J] [C] 33,372% et le Groupe [V] [C] 47,268%.
A la suite de désaccords importants nés entre les deux frères, un protocole de cession d'actions a été conclu le 17 avril 2008, aux termes duquel monsieur [J] [C], la société holding [J] [C] [V], la société holding [J] et [V] [C] [V], la société Silver Capital Holding sal, madame [G] [I] [S] [F], monsieur [W] [C] [F], monsieur [P] [J] [C], madame [U] [J] [C] et monsieur [S] [J] [C] ' ci-après le Groupe [J] [C] ' ont cédé au groupe [V] [C] leurs parts dans la SGBL.
Par un jugement en date du 6 mars 2015, le tribunal de commerce de Paris a débouté de l'intégralité de ses demandes le Groupe [J] [C] qui reprochait à la Société Générale d'avoir manqué à son engagement de ne pas laisser son groupe en situation minoritaire.
Le Groupe [J] [C] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement le 17 juin 2015.
Par une ordonnance en date du 24 mars 2016, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté l'ensemble des demandes en production de pièces formées par le Groupe [J] [C].
***
Dans ses conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 24 mai 2016, le Groupe [J] [C] demande à la cour de le dire recevable, d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, à titre principal, condamner la Société Générale à verser à monsieur [J] [C], la société holding [J] [C] [V], la société holding [J] et [V] [C] [V], la société Silver Capital Holding sal, madame [G] [I] [S] [F], monsieur [W] [C] [F], monsieur [P] [J] [C], madame [U] [J] [C] et monsieur [S] [J] [C], au prorata de leur participation au capital de la société SGBL en octobre 2007, la contrevaleur en euros de 34.617.377 USD avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2007 au titre de la perte de contrôle et 1 euro au titre du préjudice moral, somme assortie de la publication de l'arrêt à intervenir dans six journaux au choix de monsieur [J] [C], dont au moins deux en France et deux au Liban, à ses frais et dans la limite de 7.000 euros par publication ; à titre subsidiaire, nommer un expert pour évaluer le préjudice subi par le groupe [J] [C] et condamner la Société Générale à payer au groupe [J] Sehnaouir la somme de 200.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel, au profit de maître Nadia Bouzidi-Fabre.
Dans ses écritures auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 22 avril 2016, la Société Générale demande à la cour de confirmer le jugement déféré, débouter les consorts [J] [C] de leurs prétentions et les condamner à lui verser la somme de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
***
Sur l'accord de gouvernance et l'engagement de cession prétendus
Le groupe [J] [C] prétend démontrer l'engagement de la Société Générale à ne pas le laisser devenir minoritaire - alors qu'il était en conflit avec le groupe [V] [C] - le cas échéant en lui cédant au moins 17% des actions SGBL. Il se réclame en particulier en ce sens de correspondances échangées les 27 octobre et 13 novembre 2006. Il fait valoir que l'absence de la Société Générale à l'assemblée générale du 11 octobre 2007 a eu pour effet d'assurer la majorité au groupe [V] [C] et a caractérisé la violation par la Société Générale de ses engagements à l'origine d'un dommage qu'il évalue à 34.617.377 euros, soulignant que la valeur d'un bloc d'actions majoritaire est supérieure à celle d'actions minoritaires.
La Société Générale conteste que la déconsolidation de sa participation dans la SGBL aurait eu pour contrepartie de ne pas laisser le groupe [J] [C] en minorité. Elle conteste s'être engagée à apporter son soutien à monsieur [J] [C] relativement à son mandat de président directeur général de la banque non plus qu'à consentir au groupe [J] [C] une option d'achat sur les parts lui restant. Elle rappelle que dans sa lettre du 2 mai 2006 à monsieur [J] [C], monsieur [E] en considération de la mésentente entre les deux frères, écrivait en sa qualité de directeur 'la Société Générale pense que la recherche de modes de gouvernance permettant de satisfaire les intérêts des deux parties libanaises, doit être abandonnée, la seule solution à la situation actuelle étant le départ de l'une des parties et le rachat de ses actions par l'autre.' Elle fait de plus valoir qu'un tel engagement n'était pas possible eu égard aux termes de l'article 8-4 du protocole de cession du 25 septembre 2005.
Pour preuve des engagements qu'ils allèguent à la charge de la Société Générale, les appelants se réclament d'échanges entre les parties des 28 octobre et 13 novembre 2006.
Ainsi, dans la lettre du 28 octobre 2006, monsieur [J] [C] écrivait à la Société Générale '(...) À la suite de notre réunion du 25/10/06 et suite à notre conversation téléphonique de ce jour, nous avons convenu ce qui suit : 1. Je donne pour la troisième et dernière fois une chance au processus d'achat/vente, objet de les deux offres passées, en présentant une nouvelle offre. Vous enverrez en parallèle un message clair et ferme au Groupe [V] précisant que l'alternative à cette offre sera le fonctionnement en vraie majorité entre SG et le Groupe [J]. Les conditions de cette offre équitable, puisque mutuelle, ne seront plus du tout négociables, elles tiendront compte avec souplesse et dans la mesure du possible et du raisonnable des remarques faites par l'autre partie et elles auront pour nouveaux délais au plus tard, le 31 décembre pour qu'ils acceptent l'offre et le 28 février 2007 pour qu'ils décident s'ils sont acheteurs ou vendeurs(...). 4. Au cas où pour quelques raisons que ce soit ce processus certain n'aboutirait pas : - nous gérerons le groupe SGBL en vraie majorité entre SG et mon Groupe : les administrateurs sortants seront immédiatement remplacés par des administrateurs nommés par mon groupe, les modalités de gestion seront inspirées des directives que nous avions discutées il y a environ un an et sur le MOU négocié récemment, les hommes liges du Groupe [V] seront sous haute surveillance et seront renvoyés à la moindre incartade, etc. - nous formaliserons rapidement l'engagement pris par SG de ne pas me laisser devenir minoritaire et ce, en vendant au moins 17% des actions de la SGBL si les circonstances nous y amènent. Je vous prie de me confirmer votre accord sur ce qui précède.' Il sera rappelé à ce stade que cette troisième offre a été transmise au groupe [V] [C] qui ne l'a pas acceptée.
Dans son courriel en date du 13 novembre 2006, la Société Générale écrivait en réponse : 'Dans la mesure où vous transmettez comme convenu une offre à l'autre partie dans la forme convenue, je vous marque un accord sur les principes repris dans votre mémo ci-joint.(...).'
Cependant, et contrairement à ce qu'entendent voir juger les appelants, il ne peut être retenu que ces échanges des 28 octobre et 13 novembre 2006 aient pu concrétiser un accord ferme et définitif sur la gouvernance de la SGBL et la cession des parts de la Société Générale en son sein. En effet, et comme l'oppose cette dernière, les termes y sont généraux, aucune contrepartie à l'engagement prétendu de la Société Générale n'y est définie étant observé sur ce point que les appelants ne font pas la preuve de ce que cette contrepartie résidait dans le soutien apporté à la banque en 2005 pour permettre la déconsolidation, l'intimée faisant même valoir au contraire que sa volonté était alors de se retirer totalement et non pas partiellement.
Ces échanges ne démontrent pas mieux une convention de cession d'actions, et à supposer même comme le prétendent les appelants que le droit de préemption défini à l'article 8-4 du protocole précité ne se soit pas imposé en l'espèce, la totalité des actions n'étant pas concernée, et que la Société Générale ait dès lors été libre de céder ses actions au cessionnaire de son choix, ce que conteste largement cette dernière, en tout état de cause aucune précision n'y est apportée quant à la durée d'exercice des options prétendument consenties, ni quant au prix de rachat des actions, ni aucune modalité définie, autant d'éléments manquants permettant d'écarter l'engagement de cession allégué faute de preuve de l'obligation à laquelle l'intimée aurait prétendument consenti.
C'est d'ailleurs parce qu'il n'existait pas d'accords sur les points essentiels d'une promesse de cession que les échanges se sont poursuivis avec, en particulier, d'une part, le courriel du 29 janvier 2007 adressé à monsieur [E] par monsieur [J] [C] qui entendait préciser les modalités de gestion en majorité, et, usant du conditionnel, qui écrivait : 'Comment fonctionnerait cette majorité : Les modalités essentielles de mise en oeuvre de cette stratégie seraient les suivantes (...)' et, d'autre part, la réponse du directeur de la Société Générale en date du 9 février 2007 qui écrivait notamment 'Arriver à un fonctionnement serein de la banque n'étant pas un point acquis, même si un accord est trouvé au départ, la proposition remise par [J] [C] semble intéressante pour la SG et correspond dans son principe à un engagement (oral) à son égard. Cependant elle doit être aménagée sur différentes modalités : - put ou call : la cession de ses actions par la SG ne doit être qu'à l'initiative de la SG. Le terme de call ne doit pas figurer dans ces accords. - Durée de l'accord : 12 ans est beaucoup trop long. Je propose 3 ans renouvelables voire corréler sa validité avec celle du mandat de [J] [C] en tant que Président. - Prix : le prix induit par la formule de calcul proposée par [J] [C] ne devrait cependant pas être inférieur aux multiples constatés sur le marché local pour les transactions portant sur les titreqs bancaires. - Clause de nullité : toute violation de la confidentialité de cet accord (pression sur les autres actionnaires) devra en entraîner la nullité. Une nouvelle proposition sera rédigée entre SEGL/JUR.'.
Ainsi, la lecture de ces échanges révèle sans confusion possible qu'il n'existait d'accord ferme ni sur la cession ni sur la gouvernance, et dès lors aucune disposition contractuelle liant les parties. Il sera ajouté enfin que la discussion élevée entre ces dernièreres, principalement à propos du préjudice, sur le point de savoir si le groupe [J] [C] avait préalablement cédé ses parts ou partie de celles-ci à la Fransabank est présentement sans objet, la faute de la Société Générale n'étant pas établie.
Il en résulte que les engagements prétendus à la charge de la Société Générale ne sont pas démontrés ni dès lors leur violation, seules étant avérées des discussions entre les parties, certes avancées mais demeurées au stade de pourparlers, et dont le non aboutissement ne s'avère pas être imputable plus particulièrement à la Société Générale et, dans tous les cas pas à tort.
En conséquence, en s'abstenant de participer à l'assemblée générale du 11 octobre 2007, la banque n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité civile à l'égard des appelants dont la demande de dommages et intérêts ne pourra qu'être rejetée.
Pour l'ensemble de ces motifs il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance te d'appel
La solution retenue fonde de condamner les appelants aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité justifie de confirmer les premiers juges en ce qu'ils n'ont pas accordé d'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance, mais en revanche de condamner les appelants de ce chef au paiement à la Société Générale de la somme de 6.000 euros au titre de la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 mars 2015 par le tribunal de commerce de Paris ;
Y ajoutant,
Condamne les appelants aux dépens d'appel ;
Condamne les appelants à payer à la partie intimée la somme de 6.000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Pauline ROBERT François FRANCHI