Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 2
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2016
(no2016-354, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 07155
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2015- Tribunal de Grande Instance de CRETEIL-RG no 10/ 05240
APPELANTE
SAS GARAGE MONTET
agissant en la personne de son représentant légal
20 rue Guersant
75017 PARIS
Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU-CICUREL-MEYNARD-GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
Assistée par Me Hervé ZIEGLER, avocat au barreau de Paris, toque : R61
INTIMÉS
Monsieur Edouard X...
...
93200 SAINT DENIS
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Assisté par Me Claire DOUCET, avocat au barreau de Paris, toque : A418, substituant Me Isabelle GUYADER DOUCET, avocat au barreau de Paris, toque : A418
SA OPTEVEN ASSURANCES ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE RAC FRANCE prise en la personne de son représentant légal
35/ 37 Rue Louis Guérin
69100 VILLEURBANNE
Représentée et assistée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
SA IC LABE AUTOMOBILES
prise en la personne de son représentant légal
15 Boulevard Maurice Bertaux
94100 SAINT MAUR
Défaillante, avisée le 6 août 2015, à personne morale
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et Mme Annick HECQ CAUQUIL, conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre
Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère,
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Josette THIBET
ARRÊT :
- réputé contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Malika ARBOUCHE, greffière, présente lors du prononcé.
********
M. Edouard X..., exerçant la profession d'artisan taxi, a fait l'acquisition le 28 septembre 2006 d'un véhicule neuf de marque Opel, modèle Zafira 1. 9 CTDI, auprès du garage IC Labé automobiles, concessionnaire de la marque. A cette occasion, il a souscrit auprès de la société RAC France, aujourd'hui dénommée Opteven, une extension de garantie d'une durée de douze mois ou 200 000 km à compter du 25 septembre 2008, date d'expiration de la garantie du constructeur. Le véhicule a été entretenu par le garage IC Labé automobiles pour la révision des 30 000 km le 1er mars 2007, des 60 000 km le 10 août 2007, des 90 000 km le 11 janvier 2008 et par le garage Montet pour la révision des 120 000 km le 2 juin 2008 et des 150 000 km le 31 octobre 2008.
Se plaignant d'un phénomène de fumée à l'échappement, M. X...a confié son véhicule les 23 septembre et 4 novembre 2008 au garage Montet, puis le 19 novembre 2008 au garage IC Labé automobiles, où un emballement du moteur s'est produit. La société RAC France a refusé sa garantie après une expertise du Cabinet Paris sud expertise qui a conclu, par rapports des 3 décembre 2008 et 27 avril 2009, que l'origine de la panne était antérieure à la souscription du contrat et qu'elle était due à des interruptions répétées des cycles de régénération du filtre à particules, ayant occasionné un apport important de carburant dans l'huile et par voie de conséquence l'auto-alimentation et le sur-régime survenu au garage IC Labé automobiles. L'assureur de protection juridique de M. X...a alors mandaté le cabinet BCA, qui a procédé à une expertise contradictoire et précisé, dans son rapport du 19 août 2009, que le technicien du garage IC Labé automobiles avait mis en route le véhicule après avoir constaté un niveau d'huile trop haut dans le moteur et que le moteur s'était emballé lorsqu'il avait accéléré pour le positionner sur le pont élévateur.
Le 22 décembre 2009, M. X...a assigné les sociétés IC Labé automobiles et RAC France devant le tribunal de grande instance de Créteil, entendant faire prononcer leur condamnation solidaire à lui payer les sommes de 8 281, 77 euros hors taxe au titre des travaux de remplacement du moteur, 14 616 euros hors taxe de frais de location d'un véhicule de remplacement, 299, 41 euros hors taxe pour le coût de l'expertise du cabinet BCA expertise, 1 500 euros hors taxe pour la perte de valeur du véhicule. Par jugement avant dire droit du 19 juillet 2011, le tribunal a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. Y..., dont les opérations ont été rendues communes à la société General Motors et au garage Montet par ordonnance du 11 décembre 2012. Dans son rapport déposé le 5 septembre 2013, l'expert a confirmé que la panne était imputable à une multiplication de régénérations partielles du filtre à particules ayant eu pour effet d'augmenter le niveau d'huile dans le moteur et existait lors de la prise d'effet de l'extension de garantie souscrite auprès de la société RAC France devenue Opteven. Il a indiqué que le constructeur avait émis le 18 décembre 2006 une note de modification du logiciel du calculateur d'injection qui aurait dû être appliquée par le garage IC Labé automobiles dès les premiers entretiens ou lors des suivants ainsi que par le garage Montet également intervenu.
Par jugement du 6 février 2015, le tribunal de grande instance de Créteil a écarté la demande de nullité du rapport d'expertise, invoquée par la société Montet au motif que l'expert n'avait pas répondu à son dire, en relevant que celle-ci ne démontrait pas avoir adressé un dire avant l'expiration du délai fixé au 15 juin 2013. Le tribunal a déclaré les sociétés IC Labé automobiles et Montet entièrement responsables du préjudice subi par M. X...à la suite de la panne survenue au cours des mois de septembre, octobre et novembre 2008 en retenant un manquement à leur obligation de résultat. Il les a condamnées in solidum à lui payer la somme de 24 697, 18 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise. Le même jugement a dit que dans leurs rapports réciproques les sociétés IC Labé automobiles et Montet contribueraient à hauteur respective de 75 % et 25 % à la dette de réparation comprenant l'ensemble des sommes allouées en principal, intérêts, et frais et se garantiraient dans ces proportions des condamnations prononcées. Enfin, le tribunal a débouté M. X...de ses demandes formées à l'encontre de la société Opteven en retenant que M. X...avait confié son véhicule à réparer avant que la garantie de la société Opteven ne prenne effet.
La société Garage Montet a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions notifiées le 29 juin 2015, elle demande à la cour d'infirmer la décision, de prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire, de débouter les parties de l'intégralité de leurs prétentions dirigées à son encontre, et de condamner tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Elle fait valoir que l'expert, après avoir communiqué sa note de synthèse le 14 mai 2013 en demandant aux parties de faire part de leurs observations pour le 15 juin 2013, a déposé son rapport le 5 septembre 2013 sans y joindre le dire qu'elle avait transmis par courriel le 14 juin 2013 ni y apporter a fortiori de réponse à ses observations, en violation du principe du contradictoire. Elle précise avoir mentionné dans son dire qu'elle avait effectué des régénérations forcées lors de ses interventions ayant permis l'utilisation du véhicule, que la destruction du moteur était survenue lors de l'intervention du garage IC Labé automobiles, seul responsable de l'aggravation des dommages pour avoir mis le moteur en route en dépit du trop plein d'huile qu'il avait constaté, que rien ne démontrait que le calculateur d'injecteur n'avait pas été mis à jour puisque son téléchargement avait parfaitement pu être réalisé gratuitement, que l'interrogation du calculateur et une analyse de l'huile avaient été rendues impossibles par la réparation et la revente du véhicule, et que la note de mise à jour n'avait pas été versée aux débats par le constructeur. Subsidiairement, elle soutient qu'un manquement à son obligation de résultat supposerait que le dysfonctionnement soit dû à une défectuosité antérieure qu'elle n'aurait pas diagnostiquée ou présente un lien de causalité avec son intervention, ce qui n'était pas démontré puisque la destruction du moteur s'était produite au garage IC Labé automobiles et que le défaut de mise en oeuvre de la note de modification du constructeur n'avait pu être vérifié.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2015, M. X...demande de confirmer le jugement ayant retenu l'entière responsabilité des sociétés IC Labé et Montet et prononcé leur condamnation in solidum à payer la somme de 24 697, 18 euros de dommages et intérêts, et de les condamner en outre à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que le garage IC Labé automobiles a commis une faute indéniable en provoquant l'emballement du moteur, que le garage Montet ne peut invoquer la nullité de l'expertise alors qu'il ne justifie pas de l'envoi du courriel contenant son dire, qu'en tout état de cause l'expert ne pouvait en prendre connaissance qu'après la date limite du 15 juin compte tenu du jour et de l'heure de l'envoi, et que le garage Montet devait au même titre que le garage IC Labé automobiles appliquer la note d'entretien du constructeur.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2015, la société Opteven poursuit la confirmation du jugement. Elle relève que, devant la cour, la société Montet ne formule aucune demande à son encontre. Elle entend faire constater que M. X...s'est plaint à plusieurs reprises d'un problème de fumée ayant débuté alors que le véhicule était encore sous la garantie du constructeur, que les interventions du garage IC Labé automobiles pour la régénération du filtre à particules établissent que le véhicule présentait un problème moteur avant le 25 septembre 2008, et que l'origine de la panne est en conséquence antérieure à la prise d'effet de son extension de garantie. Elle demande également de dire que tant le garage IC Labé automobiles que le garage Montet ont manqué à leurs obligations de conseil et de résultat, que l'extension de garantie, qui prévoit une exclusion en cas d'usage anormal ou abusif du véhicule et une exonération de responsabilité en cas de manquement du garage réparateur, n'est pas mobilisable, et qu'elle doit être mise purement et simplement hors de cause. Elle sollicite la condamnation de la société Montet à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
La société IC Labé automobiles a reçu la signification dans les formes des articles 654 et 658 du code de procédure civile de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant les 4 juin et 16 juillet 2015, des conclusions de M. X...le 31 juillet 2015 et des conclusions d'Opteven le 6 août 2015, mais n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Devant la cour, M. X...n'élève aucune prétention à l'égard de la société Opteven, sollicitant la confirmation du jugement qui a mis celle-ci hors de cause. Par ailleurs, les dispositions du jugement qui ont retenu la responsabilité de la société IC Labé automobiles ne sont pas elles-mêmes remises en cause. Les dispositions non critiquées de la décision déférée seront donc confirmées.
Selon l'article 276 du code de procédure civile, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent ; il doit également faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées. ; lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge. En l'espèce, l'expert, qui avait adressé aux parties un document de synthèse le 14 mai 2013 « assorti d'un délai au 15 juin 2013 », a négligé les observations que la société Montet justifie pourtant lui avoir transmises par courriel du 14 juin 2013 à 19h21 avec la demande expresse de joindre le dire à son avis et de faire mention de la suite qu'il lui aura donnée. La formulation de ce dire, même à une heure considérée comme tardive, a bien été accomplie avant l'expiration du délai imparti, rien ne démontrant que la réception du message se situe à une autre date que celle de sa transmission par la voie électronique. Cependant, la nullité du rapport d'expertise, soumise en application de l'article 175 du code de procédure civile aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure, ne peut être prononcée que si l'irrégularité a causé un grief à celui qui l'invoque. Or, les observations consistant à dire que les régénérations forcées effectuées par le garagiste avaient permis l'utilisation du véhicule, que le garage IC Labé automobiles était seul responsable de la destruction du moteur pour avoir mis le véhicule en route en dépit du trop plein d'huile constaté, que rien ne démontrait que la mise à jour du calculateur d'injecteur n'avait pas été réalisée puisque le véhicule avait été réparé et vendu, et que la note du constructeur concernant cette mise à jour n'avait pas été produite, ne font que discuter de circonstances relevant de l'appréciation de la juridiction devant laquelle elles sont contradictoirement débattues, sans jamais remettre en cause les constatations techniques opérées par l'expert et son avis d'homme de l'art. La nullité du rapport d'expertise n'est donc pas encourue.
Le garagiste réparateur, chargé comme c'est le cas de remédier à un dysfonctionnement du véhicule produisant une fumée anormale, est tenu à une obligation de résultat qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, et il lui appartient pour s'exonérer de sa responsabilité de démontrer qu'il n'a pas commis de faute. Dans son rapport déposé le 5 septembre 2013, l'expert a mis en évidence que l'encrassement rapide du filtre à particules lors de l'utilisation du véhicule en cycle urbain déclenchait des régénérations partielles faisant augmenter le niveau d'huile moteur par l'injection de carburant supplémentaire, que ce phénomène était connu, et que c'est la raison pour laquelle le constructeur avait émis une note de modification du logiciel du calculateur d'injection afin que les régénérations soient moins longues. Il a estimé que l'émission anormale de fumée aurait dû inciter le garage Montet à contrôler si la modification préconisée par le constructeur avait été effectuée lorsque le véhicule lui a été confié le 23 septembre 2008, de même qu'elle devait dissuader le garage IC Labé de mettre le véhicule en route le 19 novembre 2008, action qui a conduit à la destruction du moteur. Le garage Montet soutient en vain que le défaut de mise à jour du calculateur n'est pas démontré, avançant le fait que son téléchargement aurait pu être réalisé gratuitement, alors qu'il lui incombe de rapporter la preuve que le dommage ne résulte pas d'une insuffisance de ses prestations au regard de son obligation de résultat. C'est également en vain qu'il fait valoir que les régénérations forcées qu'il a effectuées, ainsi que l'indiquent ses factures d'intervention des 23 septembre et 4 novembre 2008, ont permis l'utilisation du véhicule, qui de fait a parcouru 2 191 km entre ses deux interventions et 9 333 km avant la panne finale, alors qu'une modification du logiciel du calculateur d'injection avait justement été préconisée pour apporter un remède effectif et durable à un dysfonctionnement manifestement persistant, qu'il n'établit pas avoir accomplie. A cet égard, l'expert identifie précisément, et annexe à son rapport, la note de la campagne de reprogrammation 06P051 éditée le 18 décembre 2006, en soulignant la carence de chacun des garagistes qui, intervenus au titre de l'entretien, auraient dû l'appliquer avant même que le phénomène de fumée se produise. Il en résulte que le manquement du garage Montet à son obligation de résultat est caractérisé à l'origine du dommage qui ne se serait pas produit si la modification préconisée avait été réalisée. C'est donc à juste titre que le tribunal a jugé que le garage Montet était responsable avec le garage IC Labé automobiles du préjudice causé à M. X....
Dans leurs relations réciproques, la responsabilité du garage IC Labé automobiles a été retenue à juste titre dans une proportion prépondérante, exactement appréciée à hauteur de 75 %, pour avoir démarré le véhicule en dépit du trop plein d'huile, jusqu'à provoquer l'emballement du moteur et la panne définitive.
Le montant de 24 697, 18 euros auquel le tribunal a évalué le préjudice n'est pas discuté, comprenant le remplacement du moteur pour 8 281, 77 euros, la location du véhicule pour 14 616 euros, les honoraires versés au cabinet BCA expertise pour 299, 41 euros et la dépréciation du véhicule pour 1 500 euros.
Dès lors, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Il est équitable de compenser à hauteur de 2 000 euros à la charge de la société Garage Montet les frais non compris dans les dépens que M. X...a été contraint d'exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Garage Montet aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à M. Edouard X...la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du même code,
Déboute les parties de leurs autres demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE