Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU15 NOVEMBRE 2016
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/22349
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2014 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 1300642
APPELANT :
Monsieur [W] [T]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 2]
Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
INTIMÉS :
Monsieur [W] [H]
demeurant chez Mme [B] [H]
[Adresse 3]
[Adresse 2]
Représenté par Me Claudina FERREIRA PITON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0590
Monsieur [O] [A]
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 5]
Représenté par Me Laurent GRYNER de la SELARL GRYNER-LEVY Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0346
SCP [V] [F], prise en la personne de Me [Q] [F], ès qualités de mandataire judiciaire de la société DEVILLETTE ET CHISSADON
ayant son siège [Adresse 6]
[Adresse 7]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
Ayant pour avocat plaidant Me Béatrice HIEST de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère
M. Laurent BEDOUET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Marc BRISSET-FOUCAULT, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Mariam ELGARNI-BESSA, greffière présente lors du prononcé.
*
La Sarl Devillette et Chissadon a été constituée le 5 avril 2002.
Elle avait pour activité toute entreprise de travaux, génie civil et bâtiment.
Son capital, de 80 000 euros était réparti depuis 2007 entre M [W] [T] (à hauteur de 60 %) et la société Finka Holding, détenue par les époux [T] (à hauteur de 40 %).
La gérance a été assurée jusqu'en juillet 2008 par M [T] puis à partir de juillet 2008 par M [O] [A], lequel a été remplacé en septembre 2009 par M [W] [H].
Par jugement du 22 décembre 2009, le tribunal de commerce de Bobigny, sur assignation de la Caisse de congés du BTP, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Devillette et Chissadon, désigné la Scp [V] [F] en qualité de mandataire judiciaire, et fixé provisoirement la date de cessation de paiement au 9 octobre 2008.
Par jugement du 17 février 2010, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a nommé la Scp [V]-[F], en la personne de Maître [F], en qualité de liquidateur.
Par ordonnance en date du 17 février 2010 le juge commissaire a désigné la société d'expertise comptable OCA en qualité de technicien, avec pour mission, notamment, d'examiner la comptabilité et de déterminer les causes et l'origine des difficultés de l'entreprise.
La société OCA a déposé ses rapports les 30 décembre 2011 et 10 juillet 2012.
Par acte d'huissier en date du 29 janvier 2013, la Scp [V]-[F], es qualités, a assigné MM [T], [H] et [A] devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins de voir celui-ci, les condamner solidairement à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif social d'un montant de 2 621 493 euros, prononcer une mesure de faillite à leur encontre et les condamner à payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 31 octobre 2014, le tribunal a prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M [T] d'une durée de 7 ans, prononcé une mesure d'interdiction de gérer à l'égard de M [H] d'une durée de 3 ans, dit n'y avoir lieu à sanction à l'égard de M [A], condamné M [T] à payer à la Scp [V] [F], es qualités, une partie de l'insuffisance d'actif, à hauteur de 1 0283 000 euros, débouté la Scp [V] [F] du surplus de ses demandes, ordonné l'exécution provisoire et condamné MM [T] et [H] à payer à la Scp [V] [F] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration en date du 7 novembre 2014, M [T] a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 25 septembre 2015, le délégataire du premier président de cette cour l'a débouté de sa demande d'arrêt d'exécution provisoire du jugement
Par conclusions signifiées le 31 mai 2016, il demande à la cour, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de dire qu'il n'a été gérant ni de de droit ni de fait de la société Devilette et Chissadon depuis le 29 juillet 2008, de débouter la Scp [V] [F] de l'intégralité de ses demandes, subsidiairement avant dire droit, de faire injonction à la Scp [V] [F] de communiquer toutes les pièces en sa possession comportant la signature de MM [H] et [A], de faire injonction à l'AGS de produire toute la documentation relative au licenciement des anciens salariés de la société Devilette et Chissadon à partir du 29 juillet 2008, en tout état de cause de condamner la Scp [V] [F] à verser à M [T] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 8 juin 2016, la Scp [V]-[F] demande à la cour de déclarer M [T] mal fondé en son appel principal et en son appel incident, de le débouter de l'ensemble de ses demandes, en conséquence de confirmer le jugement, en ce qu'il l'a condamné à lui payer une partie de l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 1 283 000 euros, en ce qu'il a prononcé à son égard une mesure de faillite personnelle pour une durée de 7 ans, et en qu'il a prononcé une mesure d'interdiction de gérer à l'égard de M [H] pour une durée de 3 ans, de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de MM [A] et [H] au paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif social d'un montant de 2 621 493 euros, de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de prononcé d'une mesure de sanction personnelle à l'égard de M [A], statuant à nouveau de ces chefs, de condamner in solidum MM [A] et [H] à lui payer, es-qualités, une partie de l'insuffisance d'actif, de prononcer une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer à l'égard de M [A], de condamner solidairement MM [T], [A] et [H] à lui payer, es qualités, la somme de 2000 euros chacun, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Par conclusions du 31 août 2015, M [H] demande à la cour, de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la faillite personnelle de M [T] pour une durée de 7 ans et l'a condamné à payer à la Scp [V] [F], ès qualités, la somme de 1 283 000 euros, de l'infirmer en ce qu'il a prononcé une mesure d'interdiction d'une durée de 3 ans à son égard, et en ce qu'il a condamné solidairement M [T] et lui même à payer à la Scp [V]-[F], es qualités, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, statuant à nouveau de dire qu'il n'y a pas lieu à sanction à son égard, de débouter la Scp [V] [F] et M [T] de toutes leurs demandes à son encontre et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 19 octobre 2015, M [O] [A] demande à la cour de confirmer le jugement, de dire qu'il n'y a pas lieu à sanction à son égard et de condamner M [T] et M [H] à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M l'avocat général conclut à la confirmation du jugement.
SUR CE,
Sur la qualité de dirigeant de fait de M [W] [T] postérieurement au mois de juillet 2008,
La Scp [V] [F] soutient que M [T] a poursuivi la direction de la société au-delà du mois de juillet 2008, au moins jusqu'à fin août 2009, en accomplissant des actes positifs de gestion en toute indépendance et souveraineté, tandis que ce dernier soutient à l'inverse que la gestion de fait n'est nullement caractérisée à son égard et que les actes auxquels fait référence la Scp Moyrans [F] pour étayer ses prétentions l'ont en réalité été par ses successeurs.
Le procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Devillette et Chissadon en date du 29 juillet 2008, indique que M [T], pour des raisons de convenances personnelles, n'est plus en mesure de pouvoir assurer la fonction de gérant, qu'il est d'ailleurs pris par d'autres responsabilités, et que, bien qu'il reste associé, il entend démissionner de ses fonctions de gérant et présenter un collaborateur digne de confiance.
Le rapport effectué par la société OCA indique que M [T] a affirmé qu'il exerçait, au sein de la société, une fonction de directeur commercial.
Celui-ci précise dans ses écritures qu'il exerçait une fonction de 'directeur commercial, apporteur d'affaires'.
Si, comme il le soutient justement, l'absence de contrat de travail conclu entre la société Devillette et Chissadon et lui même, ou l'absence d'établissement de bulletins de salaires par ladite société à son égard ne suffit pas à établir qu'il a exercé une fonction de dirigeant de fait, elle démontre en revanche qu'il ne disposait d'aucun lien de subordination ou de dépendance vis à vis de la société ou de ses dirigeants postérieurs.
Il est établi qu'il a:
-conclu le 28 juillet 2009 avec la Sci Meaux Foch, un contrat de construction d'un ensemble de trois immeubles collectifs (78 logements) portant sur le lot gros oeuvre et terrassements, pour un montant de 2 990 000,02 euros TTC, signé de sa main, pour le compte de la société Devillette et Chissadon, celui-ci ne pouvant soutenir qu'il s'agissait d'un simple projet de contrat alors qu'y figure la mention qu'il est établi en deux exemplaires originaux,
-effectué plusieurs règlements pour la société, après le second semestre 2008 soit par chèques soit par virements étant observé que sont versés aux débats un avis de virement du 6 mars 2009, (effectué à son propre ordre), deux traites des 10 mars et 29 mai 2009 portant sa signature manuscrite, outre divers justificatifs de paiements de factures par chèques et que c'est en vain que M [T] soutient que les chèques datés de janvier, février, mars, avril et mai 2009 en paiement des factures de la société Sotrater, sur lesquels apparait sa signature, auraient pu être émis à l'époque où il était encore gérant de droit de la société, pour être encaissés de manière différée à raison d'un échéancier qui aurait été accordé à la société Devillette et Chissadon, cette affirmation n'étant étayée par aucun élément susceptible d'emporter la conviction de la cour,
-effectué des débits au moyen d'une carte de crédit à son nom, sur le compte bancaire de la société, après avoir cessé d'en exercer les fonctions de gérant, pour un montant supérieur à 42 000 euros,
-reçu différentes lettres de partenaires de la société, adressées à son attention, en son sein, et notamment des courriers de la société Issbank des 3 novembre 2008 et 4 mars 2009 l'informant de la clôture du compte qu'elle détenait dans ses livres.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que M [T], qui détenait directement ou indirectement par l'intermédiaire de sa famille, la totalité du capital de la société et avait indiqué en quitter la gérance pour convenance personnelle au motif qu'il n'était plus en mesure de l'assurer, a néanmoins continué, alors qu'il n'exerçait plus aucune fonction sociale ou salariée, à effectuer des actes positifs de gestion en toute souveraineté et indépendance après avoir démissionné, ce qui caractérise sa direction de fait de l'entreprise, peu important que M [A] et [H] aient eux mêmes effectué ou non des actes de gestion de la société en leur qualité de gérants successifs, postérieurement à sa démission.
A ces motifs le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'insuffisance d'actif et les fautes reprochées
Aux termes de l'article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supportée, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.(...).
Le tribunal a retenu une insuffisance d'actif dont le montant s'élève à la somme de 2 621 493 euros.
Le montant de la somme réclamée à M [T] au titre de l'insuffisance d'actif est en l'état des dernières écritures de la Scp [V] [F], limité à la somme de 1 0283 000 euros.
Il n'est pas contesté que le passif déclaré et vérifié par le juge commissaire s'établit à la somme de 2 865,978 euros de sorte que M [T] ne peut en la présente instance en contester le montant.
La Scp [V] [F] indique que le montant des actifs recouvrés s'élève à la somme de 204 519 euros, tandis que M [T] soutient que le liquidateur n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour effectuer le recouvrement de créances dues au titre de marchés en cours souscrits pas la société, ou de retenues en garanties, pour un montant supérieur à 1 500 000 euros, alors qu'elles auraient été de nature à diminuer substantiellement l'insuffisance d'actif.
Il ne justifie d'aucun montant précis de somme susceptible, créance par créance, d'éclairer la cour sur l'étendue de l'actif dont il conteste la quantification par le mandataire.
Le rapport établit par OCA souligne que les recouvrements de créance ont été plus significatifs qu'il n'était permis de l'espérer à l'ouverture de la procédure et s'établissent comme suit:
-auprès des clients de la société: 209 000 euros,
-auprès des établissements bancaires: 6 000 euros,
-à l'issue de la vente des actifs: 1 000 euros
------------------
total:216 000 euros
La cour prendra dès lors en considération une insuffisance d'actif de 2 649 978 euros (soit 2 865 978 euros au titre du montant du passif moins 216 000 au titre des recouvrements )
La Scp [V] [F] reproche à MM [T], [A] et [H] l'absence ou la soustraction de la comptabilité de la société, l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, le remboursement des comptes courants, l'octroi d'une avance de fonds à la société Finka Holding,l'augmentation disproportionnée des frais de personnel par rapport à l'activité de la société sous procédure collective et le caractère anormal de la rémunération de M [T].
S'agissant de l'absence de comptabilité, il résulte du rapport établi par la société OCA, que cette dernière, pour mener sa mission, s'est rendue auprès de la société SPGA, dépositaire des archives de la société afin d'obtenir l'inventaire des documents en sa possession et que malgré les différentes démarches qu'elle a entreprises, également auprès des anciens experts comptables de la société, aucun état comptable n'a pu lui être remis à l'exception des résultats fiscaux de 2002 à 2006, des liasses fiscales pour les exercices 2006 à 2008 et d'une balance non révisée au 31 décembre 2009, de sorte que l'analyse effectuée l'a été sur la base des seuls documents récupérés, ainsi qu'à partir des relevés bancaires, factures et documents sociaux de la société.
La disparition ou la non tenue d'une comptabilité complète ou conforme aux éxigences légales constitue une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif, les dirigeants s'étant mis en situation de ne pouvoir connaître la réalité de la situation financière de la société et l'ampleur de ses difficultés économiques.
Elle constitue en outre le manquement prévu à l'article L 653-5 6° du code de commerce susceptible d'être reproché, compte tenu de la période concernée, aux dirigeants successifs de la société Devillette et Chissadon, et donc à M [T] en sa qualité de gérant de droit, puis de gérant de fait de la société, à M [A] et à M [H] en leur qualité de gérants de droit.
S'agissant de la tardiveté de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal fixé à l'article L 640-4 du code de commerce, susceptible de constituer une faute de gestion, ainsi que le manquement visé à l'article L 653-8 al 3 du code de commerce, elle s'apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report, laquelle s'impose tant en matière de sanction pécuniaire que dans l'instance en sanction personnelle.
En l'espèce le tribunal a fixé, dans son jugement du 22 décembre 2009, la date de cessation des paiements au 9 octobre 2008, non modifiée ultérieurement par un jugement de report, de sorte que l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, est établie.
Il convient en conséquence de dire que ce manquement est imputable, au vu de la période concernée, à MM [A] et [H] en leur qualité de dirigeants de droit et à M [T] en sa qualité de gérant de fait.
Le jugement d'ouverture de la procédure étant intervenu le 22 décembre 2009 à l'initiative d'un créancier, la caisse de congé du BTP, selon assignation du 15 décembre 2009, c'est avec un retard d'environ un an que la déclaration de cessation des paiements est intervenue.
La société OCA a noté qu'au cours de cette période (c'est à dire au cours de l'année 2009), la poursuite de l'activité, a eu pour conséquence une aggravation de la situation financière de la société de 2 667 000 euros.
Il est par ailleurs reproché à la société Devilette et Chissadon , d'avoir procédé au remboursement total des comptes courants d'associés à concurrence de la somme de 914 000 euros ainsi qu'à une avance, au bénéfice de la société Finka Holding (détenue par les époux [T]) à hauteur de 369 000 euros, avance remboursée en 2009, le remboursement des comptes courants d'associé détenus par les époux [T] ayant privé la société des moyens financiers nécessaires à la poursuite de son activité.
M [T] soutient à cet égard qu'il a été procédé par le tribunal (qui a retenu ce grief à son encontre) et les organes de la procédure à une lecture inexacte de la comptabilité qui montre qu'en réalité la société n'aurait jamais procédé à un tel remboursement et que la dette de 913 830,85 euros inscrite en compte courant d'associé a été soldée, au 1er janvier 2008, par compensation avec une créance de 1 245 523,18 euros inscrite en compte client, ce compte client ayant été ouvert au nom de la société CCP (société Compagnie de Construction Parisienne, détenue par la famille de M [T], laquelle possedait 40% du capital de la société Devillette et Chissadon avant le 24 juillet 2007) dans les livres de la société Devillette et Chissadon.
Il ajoute que l'inscription en compte courant de la somme de 913 830, 25 euros est la conséquence d'une erreur comptable qui a été rectifiée.
OCA a toutefois indiqué, le 8 juin 2016, que contrairement à ce que prétend M [T] et malgré les pièces qu'il a versées au soutien de sa prétention, aucun élément ne vient accréditer la thèse selon laquelle l'inscription en compte courant d'associé de la somme de 913 830,235 euros relèverait d'une erreur comptable.
Il résulte en tout état de cause du rapport d'OCA qu'en 2008, la société sous procédure collective a procédé au remboursement de ses dettes vis à vis d'autres sociétés dirigées par M [T] (Sci Landouge, Européenne de promotion, Européenne d'investissement) à hauteur de 879 000 euros.
La cour considère dès lors que c'est à bon droit le tribunal a jugé que l'opération ainsi menée par M [T] lui a permis de tirer un profit financier personnel direct ou indirect qui constitue une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif en ce que la société Devillette et Chissadon qui a été privée des financements nécessaires à la poursuite de son activité et obligée de trouver de nouvelles sources financement a, selon OCA, accru au cours de l'année 2008, le montant de ses dettes envers les tiers (fournisseurs, organismes sociaux, établissements financiers et trésor) de 1 365 000 euros.
C'est également à bon droit que le tribunal a considéré qu'en l'absence d'indication précise sur la date et les circonstances dans lesquelles, au cours de exercices 2007 et 2008, il a été procédé à l'opération, aucune faute de gestion de ce chef ne peut être établie à l'encontre de M [A].
Il en est de même à l'égard de M [H], devenu gérant de droit en 2009.
S'agissant du caractère prétendument anormal de la rémunération de M [T], fils de M [W] [T], et salarié de l'entreprise, le rapport d'OCA note qu'il a perçu en 2007 et 2008 une rémunération annuelle brute fiscale de 16 500 euros et en 2009, de 22 000 euros, ce qui, quelque soit sa qualification, n'apparaît nullement excessif.
S'agissant de l'augmentation disproportionnée des frais de personnel au regard de l'activité de la société, OCA a constaté en 2007, pour un chiffre d'affaires équivalent à 2006, une augmentation de plus de 55 % du montant global des salaires bruts, en 2008 un doublement de leur montant global alors que le chiffre d'affaires n'a augmenté que de 56%, et en 2009 une stabilité globale en dépit de la chute du chiffre d'affaires de 23 % et d'un excédent brut d'exploitation devenu négatif.
La Scp [V] [F] n'explicite toutefois pas en quoi cette augmentation constitue une faute de gestion ni en quoi elle aurait contribué à l'insuffisance d'actif de la société de sorte que la cour confirmera le jugement en ce qu'il a dit que ces deux fautes de gestion ne sont pas établies.
-Sur les condamnations
Au vu des fautes de gestion finalement retenues, de leurs conséquences sur la situation financière de la société et l'aggravation de l'insuffisance d'actif, du rôle déterminant de M [T] au sein de la société y compris après sa démission de la société, la cour considère qu'il n'y a pas lieu à condamnation de MM [A] et [H] au titre de l'insuffisance d'actif, mais seulement à condamnation de M [T], de sorte que de ce chef le jugement sera confirmé.
Usant de son pouvoir de modération, et réformant le jugement sur le quantum des sommes mises à sa charge, la cour, au vu des éléments du débat, ramènera la sanction prononcée par le tribunal à l'encontre de M [T] à de plus justes proportions en le condamnant à payer à la SCP [V] [F], es qualités, la somme de 700 000 euros.
S'agissant des sanctions personnelles, la cour, au vu des développements formulés quant aux griefs retenus à l'encontre des gérants successifs de la société, confirme le jugement en ce qu'il a prononcé une mesure de 7 ans de faillite personnelle à l'encontre de M [T] et une mesure d'interdiction de gérer de 3 ans à l'égard de M [H], l'infirme en ce qu'il a dit n'y a voir lieu à sanction à l'égard de M [A] et statuant à nouveau de ce chef, prononce également à son encontre une interdiction de gérer d'une durée de 3 ans.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes.
Au titre des frais irrépétibles, M [T] sera condamné à payer la somme de 2000 euros à la Scp [V] [F], es qualités, et MM [A] et [H] la somme de 1000 euros chacun.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement sauf sur le montant de la condamnation mise à la charge de M [T] et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à sanction personnelle contre M [A],
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Condamne M [T] à payer à la Scp [V]-[F], es qualités de mandataire liquidateur de la société Devilette et Chissadon, la somme de 700 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif,
Prononce à l'encontre de M [A] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, soit tout entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, pour une durée de 3 ans,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne MM [A] et [H] à payer chacun la somme de 1000 euros et M [T] la somme de 2000 euros, à la Scp Morand [F], es qualités de mandataire liquidateur de la société Devilette et Chissadon, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure et dit qu'il pourra être fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Petit-Jumel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Mariam ELGARNI-BESSA Marie -Christine HÉBERT-PAGEOT