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29/11/2016 | FRANCE | N°14/00088

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 29 novembre 2016, 14/00088


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 29 Novembre 2016



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00088



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 11/12166





APPELANT

Monsieur [K] [G]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1963 à

représenté par M

e Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137 substitué par Me Mandy COUZINIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : K 137







INTIMEE

SA BPCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

repré...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 29 Novembre 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00088

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 11/12166

APPELANT

Monsieur [K] [G]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1963 à

représenté par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137 substitué par Me Mandy COUZINIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : K 137

INTIMEE

SA BPCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Nicolas MANCRET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 5 juin 2008, Monsieur [G] a conclu avec la Banque Fédérale des Banques Populaires, devenue société BPCE, un avenant d'expatriation au sein de la filiale de la banque au Congo, la BCI, en qualité de directeur des engagements pour une durée de 3 ans éventuellement renouvelable, moyennant une rémunération annuelle nette sociale et fiscale de 76.000 Euros, hors frais d'expatriation, payée pour partie au Congo à hauteur de la contre valeur de 24.971,15 Euros, l'autre partie en France. Un contrat de travail a été établi le 12 juin pour confirmer cet engagement.

L'ancienneté de Monsieur [G] au sein du groupe des Banques Populaires depuis le 1er octobre 1989 a été intégralement reprise.

Le 7 avril 2009, monsieur [G] a été nommé Directeur Général Adjoint par le conseil d'administration de la BCI et confirmé dans ces fonctions par le conseil d'administration du 20 avril 2010.

Le 30 mai 2011, monsieur [G] a été convoqué par la société BPCE à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, qui s'est tenu le 9 juin 2011 au siège de la banque, à [Localité 3], avec mise à pied conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 22 juin 2011, expédiée à son adresse en France, ainsi motivée : 'Nous rappelons que vous avez été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 juin 2008, en qualité de directeur des engagements, mis à disposition au sein de notre filiale BCI au Congo, nommé par le conseil d'administration de la BCI, directeur général adjoint, en période probatoire en avril 2009 et confirmé dans votre poste en avril 2010.

À ce titre, vous deviez notamment, dans la limite des délégations qui vous étaient octroyées, administrer et gérer et animer la filière engagement à la BCI, en ayant tout particulièrement en charge les engagements sensibles, la préparation des comités de crédit et l'application des décisions de ces comités.

Dans le cadre de vos fonctions, vous reportez directement à M. [Y] [H], directeur général de la BCI.

À la fin du mois de février, votre supérieur hiérarchique est alerté du fait qu'il existait de graves soupçons de malversations au sein de la BCI.

Afin de corroborer ses soupçons, M. [Y] [H], conformément aux procédures internes applicables, a saisi l'inspection de la banque afin que soit mené un audit approfondi sur les comptes bancaires du personnel expatrié de la banque ainsi que sur les opérations bancaires clients mises en cause.

C'est dans ces conditions que Monsieur [M], directeur de l'inspection, a été chargé de mener une enquête qu'il a débuté le 1er mars 2011. Ces premières constatations ont conduit à mener une étude plus détaillée de vos comptes personnels à la BCI ainsi que de ceux de votre compagnon, M. [F] et des opérations bancaires que vous avez validées sur la période 2009-2011.

Les conclusions de ce rapport sont consternantes puisqu'elles confirment que vous êtes l'auteur d'au moins trois fautes professionnelles, pouvant chacune justifier à elle seule votre licenciement pour faute grave.

Ainsi, l'analyse de vos comptes personnels à la BCI et ceux de M. [F] révèlent que vous avez procédé à des versements en espèces sur le compte de M. [F] pour un montant total de 9,7 millions CFA, soit 14 797,36 Euros, en 2009 et 4,1 millions CFA en 2010, soit 6254,55 Euros.

Compte tenu du poste que vous occupez, des responsabilités qui vous sont confiées, vous ne pouvez ignorer que de telles opérations constituent une infraction aux règles issues de la loi anti blanchiment.

En effet, la loi anti blanchiment prévoit, sauf cas particuliers justifiés, que les dépôts en espèces doivent rester exceptionnels.

Compte tenu du montant et de la fréquence des espèces déposées, force est de constater que vous avez sciemment enfreint la réglementation. Preuve en est d'ailleurs que lors de l'enquête, vous avez refusé de justifier l'origine de ces fonds et d'apporter un quelconque justificatif.

Encore plus inquiétant, ces sommes sont transférées à l'étranger par l'intermédiaire de la BCI, ce qui est de nature à constituer une infraction aggravée à la réglementation bancaire.

Ainsi, sur les 51 transferts dont les montants se révèlent substantiels réalisés à partir de votre compte et sur les 21 effectuées à partir du compte de M. [F], respectivement 80% et 100 % de ces transferts ont pour objet « aide sociale » alors que vous et votre compagnon êtes vous-même bénéficiaires des transferts réalisés, ce qui constitue une infraction à la réglementation bancaire en matière de virements vers l'étranger.

L'analyse des comptes de M. [F] laisse également apparaître que ce dernier a perçu des « rémunérations » de clients de la banque telle que VEMACO et TAS LOGISTIQUE. En dépit de votre positionnement et des informations que vous déteniez, vous avez procédé à la validation de ces opérations par débit au compte des sociétés concernées conduisant à des débits en compte supérieur aux autorisations des clients. Ceci, alors que vous étiez, à l'évidence, en conflit d'intérêts. Vous auriez dû vous déporter ou à tout le moins en informer votre hiérarchie.

Dans le cadre du rapport de l'inspection, il a également été procédé à la vérification des opérations bancaires que vous avez personnellement validées sur votre propre compte et celui de M. [F].

Ces vérifications ont établi que vous avez, régulièrement, procédé à des « forçages sur débit» sur votre propre compte pour des montants supérieurs aux autorisations qui vous ont été octroyées, ce qui n'est pas autorisé. Là encore, vous avez fait fi des règles de fonctionnement de la banque en enfreignant en particulier le principe de séparation des fonctions.

Enfin, l'analyse de l'ensemble des effets escomptés sur la SCI Maisons sans frontière et à échoir sur 2010 démontre également l'existence de fautes techniques. En effet les demandes d'escompte des traites sur cette SCI n'ont pas toutes été autorisées en comité des crédits, ce qui constitue, dans le cadre des procédures internes applicables, un préalable obligatoire. Surtout, le comité des crédits a décidé de ne plus autoriser d'escompte à cette SCI dès septembre 2010, ce qui a été actée dans un procès-verbal du 17 septembre 2010. En dépit de cet ordre formel, vous avez continué à valider de nouvelles traites au dernier trimestre 2010 notamment au bénéfice d'Europe Ciment et de You Liu, sans même en référer à votre directeur général.

En agissant de la sorte, vous avez outrepassé vos droits et délégations dans le seul but de soutenir la société SCI maisons sans frontièrere en violation des instructions de la direction générale et du comité des crédits et ce jusqu'à des montants dépassant même les délégations de la BCI.

Cette attitude est tout à fait inadmissible de la part d'un cadre de votre expérience et contrevient de manière flagrante tant aux pratiques professionnelles qu'à la réglementation en vigueur au sein de la profession, ce que vous ne pouvez ignorer.

Cette situation nous a conduits à diligenter à votre encontre une procédure disciplinaire.

Lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 9 juin dernier, vous avez persisté, comme lors de l'enquête, a refusé d'apporter des explications et justificatifs qui auraient pu, le cas échéant, justifier votre comportement et notamment les nombreux dépôts d'espèces dont vous êtes à l'origine. Vous avez en effet considéré que vous n'aviez aucune raison de vous justifier, arguant du fait que selon vous d'autres membres de la banque et notamment des cadres dirigeants auraient des pratiques et des activités bien plus illégales que les vôtres.

Ainsi, tout au long entretien, vous vous êtes borné à reconnaître les faits en portant de graves accusations tant contre vos collègues que contre des cadres dirigeants de l'entreprise et plus généralement du groupe BPCE.

En conséquence, nous ne pouvons tolérer une telle attitude et considérons que vos agissements constituent un comportement fautif caractérisé ne permettant pas votre maintien dans l'entreprise (...)

Conformément aux dispositions conventionnelles applicables, nous vous informons que vous disposez d'un délai de cinq jours calendaires à compter de la notification de votre licenciement pour, si vous souhaitez, saisir par lettre recommandée avec accusé de réception, la commission paritaire de la banque.

Ce recours est suspensif pour une durée maximale de 30 jours calendaires à partir de la date de la saisine de la commission paritaire de la banque, délai au terme duquel un avis devrait être communiqué. (')

Le 3 juillet Monsieur [G] a saisi la commission paritaire de la banque laquelle, par lettre du 13 juillet 2011, a déclaré sa demande irrecevable au motif que le délai de 5 jours entre la notification du licenciement (25 juin 2011) et la saisine de la commission (3 juillet), avait été dépassé. Cette décision d'irrecevabilité a été confirmée par la commission le 26 août.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la banque.

Le 20 septembre 2011, monsieur [G] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement 29 octobre 2013, le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et la société BPCE de sa demande reconventionnelle.

Par conclusions visées par le greffe le 27 septembre 2016 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [G] demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société BPCE à lui payer avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes et anatocisme :

- 39.360 Euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

- 143.276 Euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 582.060 Euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 469.778 Euros à titre de dommages et intérêts liés au préjudice en matière de retraite ;

- 9.620,60 Euros à titre de rappel de salaires pendant la mise à pied et les congés payés afférents;

Il sollicite la rectification des bulletins de paie et documents de fin de contrat sous astreinte et la condamnation de société BPCE à lui payer 4.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions visées par le greffe le 27 septembre 2016 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société BPCE demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS

Sur la validité du licenciement notifié par société BPCE

Selon les dispositions de l'article L 1231-5 du code du travail 'lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ;

Monsieur [G] prétend qu'il était lié avec la BCI par un contrat de travail, si bien qu'en

application de ce texte, la société BPCE ne pouvait le licencier que pour un motif qui lui était propre ;

Aux termes de l'avenant et du contrat de travail, monsieur [G] était mis à la disposition de la BCI pour 'assurer, à titre exclusif des missions dans nos implantations de banques de détail à l'étranger, avec le statut d'expatrié pour une durée de trois ans, éventuellement renouvelable' ;

Monsieur [G] fait valoir en substance que son contrat précisait expressément qu'il dépendrait hiérarchiquement, pour les modalités d'exécution de sa mission, du directeur généal de la BCI ; il verse aux débats sa nomination en tant que Directeur Général Adjoint par le conseil de l'administration de la BCI le 7 avril 2009 et le certificat de travail du 20 mai 2011 établi par celle-ci détaillant ses fonctions à savoir directeur des engagements jusqu'au 6 avril 2009, puis directeur général adjoint du 7 avril 2009 au 20 juin 2011 et évoquant le 'terme de son contrat' ;

Toutefois, tant les conditions de sa nomination en tant que Directeur Général Adjoint, par le conseil d'administration de la BCI, que ses fonctions telles que décrites dans le courrier de nomination, à savoir assister le Directeur Général dans le pilotage et la gestion au quotidien de la banque démontrent que son activité au sein de la BCI s'est bien exercée dans le cadre d'un mandat social et non d'un contrat de travail ; ses fonctions, techniques, de directeur des engagements pour lesquelles il avait été missionné par la BPCE, n'ont pas cessé après sa nomination en tant que directeur général adjoint, ainsi que cela ressort du courrier précité qui précise qu': 'outre les objectifs 2009 individuels qui vous ont été attribués au titre de votre fonction de directeur des engagements, vous vous investirez dans les tâches suivantes (...)' ;

Ainsi que le fait valoir la société BPCE, c'est elle qui avait fixé le statut de monsieur [G], sa fonction, les conditions de son avancement et sa rémunération ; c'est elle qui le payait ; déterminait ses jours de congés, et ses conditions de mobilité et elle a continué à le faire après la nomination de monsieur [G] en tant que directeur général de la BCI ;

Aussi, ni le fait que monsieur [G] soit hiérarchiquement soumis au directeur de la filiale, auprès de laquelle il exerçait son activité dans le cadre de la mise à disposition et qui devait donc nécessairement la contrôler, ni ses fonctions parallèles de directeur adjoint dans le cadre d'un mandat social,, ni le fait que des bulletins de paie lui ont été délivrés par la BCI pour règlement d'une partie de sa rémunération et ses cotisations payées à la Caisse nationale du Congo, conformément aux dispositions de son contrat, ne permettent d'établir l'existence d'un contrat de travail avec la dite filiale ;

En l'absence de contrat de travail et de licenciement par la filiale, l'article 1231-5 ne peut trouver à s'appliquer ;

Le premier moyen de monsieur [G] visant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour violation des dispositions de cet article sera donc écarté ;

Sur le respect de la procédure conventionnelle

Selon les dispositions de l'article 27 de la convention collective de la banque, le salarié 'dispose d'un délai de 5 jours calendaires à compter de la notification du licenciement pour, au choix et s'il le souhaite, saisir par lettre recommandée avec accusé de réception :

- la commission paritaire de recours interne à l'entreprise mise en place par voie d'accord d'entreprise, si elle existe (...);

- ou la commission paritaire de la banque.

Ces deux recours sont exclusifs l'un de l'autre.

Ces recours sont suspensifs, sauf si le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde. Toutefois ce caractère suspensif ne saurait se prolonger au-delà d'une durée de 30 jours calendaires à partir de la date de la saisine de l'instance de recours interne ou de la commission paritaire de la banque. Le licenciement ne pourra donc être effectif qu'après avis de la commission saisie s'il a été demandé par le salarié sanctionné. L'avis devra être communiqué dans les 30 jours calendaires qui suivent la saisine.

Il est constant et non contesté que le licenciement a été notifié à monsieur [G] par courrier réexpédié du 30 juin 2016 et que le 3 juillet 2011, il a saisi la commission paritaire de la banque ; or celle -ci, par courrier du 13 juillet 2011, a répondu à monsieur [G] que sa demande n'était pas recevable, au motif que 'la date de présentation de la notification du licenciement' étant le 25 juin', le délai de 5 jours était dépassé ;

Les très longues explications de monsieur [G] selon lesquelles son licenciement lui a été notifié en France alors que la banque ne pouvait ignorer qu'il avait sa résidence habituelle au Congo, en sorte qu'elle l'aurait privé du bénéfice effectif des garanties conventionnelles, sont sans intérêt dès lors qu'il est admis par la banque que la commission a commis une 'regrettable erreur', le point de départ du délai de 5 jours fixé par la convention collective n'étant pas la première présentation du courrier recommandé mais celle de sa réexpédition, en l'occurrence le 30 juin ;

La banque fait valoir que cette erreur de la commission ne lui était pas imputable ; il reste que la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner son avis sur une mesure disciplinaire constitue une garantie de fond, dont l'absence rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; or en l'espèce la commission paritaire, régulièrement saisie par le salarié dans le délai prescrit, n'a pas donné son avis alors que selon le texte précité, le licenciement ne pouvait être effectif qu'après cet avis ; ce licenciement doit donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse, peu important que l'erreur provienne de la banque ou de la commission paritaire ;

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon attestation de la société BPCE du 12 avril 2011, la rémunération annuelle nette sociale et fiscale de Monsieur [G] lors de la rupture était de 104.296,65 Euros et il n'est pas contesté par la banque que son salaire brut moyen mensuel était de 13.120 Euros ;

La durée de préavis étant de 3 mois, la BPCE est redevable d'une indemnité compensatrice de 39.360 Euros et les congés payés afférents ainsi que d'un un rappel de salaires pendant la mise à pied du 30 mai au 22 juin 2011, soit un montant non contesté de 9.620,60 Euros et les congés payés afférents ;

Monsieur [G] a droit à l'indemnité conventionnelle prévue par l'article 26-2 de la convention collective applicable, laquelle n'est exclue qu'en cas de licenciement pour motif disciplinaire, non caractérisé en l'espèce, le licenciement ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse ;

Cette indemnité est égale à 1/2 x (13/14,5) d'une mensualité par semestre complet d'ancienneté acquis dans l'entreprise antérieurement au 1er janvier 2002, et 1/5 d'une mensualité par semestre complet d'ancienneté dans l'entreprise acquis à partir du 1er janvier 2002.

Monsieur [G] avait une ancienneté de 21 ans et 8 mois à la date de son licenciement si bien qu'il convient de faire droit à sa demande de ce chef, que la société BPCE conteste dans son principe, en alléguant la faute grave et le motif disciplinaire, mais pas dans son montant ;

Monsieur [G] était âgé de 49 ans à la date de son licenciement ; compte tenu de sa situation professionnelle postérieure telle qu'il la fait valoir et de son ancienneté dans l'entreprise, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts dus pour rupture abusive de son contrat à la somme de 150.000 Euros ; cette somme étant destinée à réparer l'entier préjudice de Monsieur [G] y compris les conséquences qu'implique tout licenciement sur le montant de la future retraite, il n'y a pas lieu de lui allouer des dommages et intérêts pour préjudice distinct subi en matière de retraite ;

Les sommes dues, à l'exception des dommages et intérêts fixés par la Cour, porteront intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2011, date de convocation de la société BPCE devant le bureau de conciliation ;

La société BPCE devra remettre à Monsieur [G] un bulletin de paie et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte ;

En application des dispositions de l'article 1235-4 du code du travail, la société BPCE devra rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à Monsieur [G] à hauteur de 6 mois ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau ;

Dit le licenciement de Monsieur [G] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société BPCE à payer à Monsieur [G], avec intérêts au taux légal à compter d 23 septembre 2011 :

- 39.360 Euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3.936 Euros pour les congés payés afférents ;

- 143.276 Euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 9.620,60 Euros à titre de rappel de salaires pendant la mise à pied et 962,06 Euros pour les congés payés afférents ;

Condamne la société BPCE à payer à Monsieur [G] 150.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1343-2 du code civil ;

Dit que la société BPCE devra remettre à Monsieur [G] un bulletin de paie et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

Dit que la société BPCE devra rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à Monsieur [G] à hauteur de 6 mois ;

Condamne la société BPCE à payer à Monsieur [G] 3.000 Euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû engager tant en première instance qu'en appel ;

Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société BPCE

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/00088
Date de la décision : 29/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°14/00088 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-29;14.00088 ?
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