Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2016
(n° 696, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/04423
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Février 2016 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2015018337
APPELANT
Etablissement Public CROUS DE PARIS
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée et assisté de Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J076
INTIMES
Monsieur [M] [W] [H]
[Adresse 2],
[Localité 2]
Madame [T] [Z] [H] ÉPOUSE [Y]
[Adresse 3],
[Localité 3]
Monsieur [C] [I] [G]
[Adresse 4],
[Localité 4]
Monsieur.[L] [G] [G]
[Adresse 5],
[Localité 5][Localité 5]
Madame [J] [R] [E] ÉPOUSE [N]
[Adresse 6],
[Localité 6]
Madame [A] [U] [E] ÉPOUSE [M]
[Adresse 7],
[Localité 7]
Madame [O] [H] [E] ÉPOUSE [I]
[Adresse 8],
[Localité 8]
Madame [J] [V] [R] ÉPOUSE [L]
[Adresse 9],
[Localité 9]
Monsieur [E] [B] [R]
[Adresse 10],
[Localité 10]
Monsieur [C] [N] [R]
[Adresse 11],
[Localité 11]
Madame [A] [H] [R] épouse [Q]
[Adresse 12],
[Localité 12]
tous venant aux droits de Monsieur [C] [Y] [G] né le [Date naissance 1] 1866 à [Localité 13] ETATS -UNIS et décédé le [Date décès 1] 1952 à [Localité 14] ETATS UNIS
Fondation THE THOMAS J. EMERY MEMORIAL représentée par son Président Monsieur [X] [D] demeurant [Adresse 13]
enregistrée dans l'Etat d'OHIO sous le numéro 116035
agissant en sa qualité de cessionnaire des droits d'héritage des intimés
[Adresse 14]
[Localité 15] / USA
Représentés et assistés de Me Alon LEIBA de la SELARL GLOBAL SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0813
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Sur requête au visa de l'article 1844-8 du code civil à fin de désignation d'un mandataire ad hoc pour une société radiée émanant de [M] [H], [T] [H], [C] [G], [L] [G], [J] [E], [A] [U] [E], [O] [E], [J] [R], [E] [R], [C] [R] et [A] [R], (plus loin appelés les consorts [G]), le président du tribunal de commerce de Paris a désigné, par ordonnance du 30 décembre 2014 prise en application des article 874 et 875 du code de procédure civile, la SCP [T] [C] et [P], en la personne de Me [P] [P], en qualité de mandataire 'ad hoc' chargé de convoquer l'Assemblée Générale de la société Immobilière [Adresse 15] et d'exercer tous droits et actions nécessaires au recouvrement des loyers dus à la société immobilière [Adresse 15] par le CROUS de Paris en vertu du bail les liant régulièrement et d'encaisser pour le compte de la société toutes créances dues à celle-ci.
Par assignation en référé du 29 juillet 2015, le Centre régional des oeuvres universitaires de Paris (CROUS) a sollicité la rétractation de l'ordonnance sur requête.
Par ordonnance de référé contradictoire du 11 février 2016, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de rétractation et condamné le CROUS à payer aux consorts [G], venant aux droits de [C] [Y] [G], et à la fondation 'The Thomas J.Emery Memorial', intervenante volontaire en sa qualité de cessionnaire des droits d'héritage des ayants droit de [C] [Y] [G], une indemnité totale de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le CROUS a interjeté appel de cette décision le 18 février 2016.
Par ses dernières conclusions transmises le 21 octobre 2016, il demande à la cour de réformer l'ordonnance attaquée et de :
- rejeter des débats les pièces adverses n°10 et n°22 et, plus généralement, toute pièce en langue anglaise non assortie d'une traduction jurée,
- rétracter l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Paris du 30 décembre 2014,
- annuler par voie de conséquence l'AG extraordinaire du 13 mai 2016 de la société immobilière [Adresse 15] comme ayant été irrégulièrement convoquée ainsi que toutes les décisions subséquentes du conseil d'administration de la société immobilière,
- condamner in solidum les intimés à lui payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 4000 € au titre des frais de première instance et celle de 10 000 € au titre de frais en cause d'appel.
Il soutient d'abord qu'il est particulièrement intéressé à agir en rétractation de l'ordonnance sur requête, tant en sa qualité d'actionnaire de la société immobilière [Adresse 15] qu'en sa qualité d'unique locataire de l'immeuble qui constitue le seul actif de la société, de surcroît soumis en tant qu'établissement public administratif aux règles de la comptabilité publique, comptable de deniers publics dont il est fondé à s'assurer qu'ils sont bien versés entre les mains des véritables propriétaires des 1900 actions de la société et non de personnes se prétendant telles. Il fait valoir ensuite qu'il est fondé à obtenir la rétractation de l'ordonnance sur requête obtenue par les consorts [G] qui n'ont quant à eux justifié ni de leur qualité ni de leur intérêt à agir, n'établissant pas que les 1900 actions au porteur en litige, qui étaient à une époque dans le patrimoine de leur grand-père, se trouvaient encore en sa détention au moment de son décès, encore moins qu'elles leur ont été transmises par leurs parents puisqu'ils n'étaient pas héritiers directs de [C] [Y] [G], et qu'ils en étaient toujours détenteurs à la date où ils ont déposé leur requête, alors qu'ils indiquent avoir renoncé à tous droits à ce titre en 2015. Il souligne que les intéressés ne font d'ailleurs état que de droits éventuels puisqu'ils n'ont jamais produit aucun titre et qu'ils reconnaissent même que leur auteur n'a jamais été propriétaire de la moindre action puisqu'il n'était que le mandataire d'une tierce personne également de nationalité américaine. Il considère en conséquence que la fondation The Thomas J. Emery Memorial qui est intervenue volontairement en première instance en sa qualité de cessionnaire desdits titres ne justifie pas davantage du moindre droit de propriété sur les 1900 actions litigieuses. Il ajoute que rien ne justifiait que l'ordonnance soit prise de manière non contradictoire, aucun motif ni dans la requête ni dans l'ordonnance ne faisant état de circonstances particulières à cet égard, et qu'il y a donc eu violation des articles 493 et 875 du code de procédure civile justifiant à elle seule la rétractation.
Les consorts [G] et la fondation 'The Thomas J.Emery Memorial' demandent pour leur part à la cour :
- à titre liminaire de déclarer irrecevable l'appel du CROUS,
- à titre principal de confirmer la décision du tribunal de commerce du 11 février 2016,
- et en tout état de cause de débouter le CROUS de ses demandes, de déclarer irrecevables ses demandes de nullité de l'AG du 13 mai 2016 ainsi que de toutes les décisions du conseil d'administration de la société, et de le condamner à leur payer la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [G] exposent qu'ayant appris par un cabinet de généalogie que leur grand-père, décédé en 1952, était détenteur de 1900 actions d'une société immobilière en France qui avait cessé d'être gérée par ses actionnaires minoritaires en 1972 et avait été radiée d'office le 17 mars 2004 pour cessation d'activité sans que les héritiers de l'actionnaire majoritaire ne fussent recherchés, ils avaient demandé la nomination d'un administrateur ad hoc afin de gérer et/ou de liquider la société et de recouvrer sa créance de loyers à l'encontre du CROUS, unique locataire. Ils indiquent qu'ils ont, postérieurement à leur requête, entre le 5 mai et le 12 octobre 2015, cédé leurs droits de succession sur ces valeurs mobilières à la Fondation Emery, dont la fondatrice était à l'origine de l'acquisition de l'immeuble [Adresse 15] par l'intermédiaire de [C] [Y] [G]. Ils considèrent d'abord que le CROUS n'a pas d'intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile, dès lors qu'il ne fait valoir aucun droit ni prétention qu'il voudrait voir reconnaître à son profit ni même au profit de la société et que les actions dites 'provocatoires' et 'interrogatoires' sont prohibées, si bien que son action qui vise à exiger d'eux qu'ils justifient de leur titre de propriété que personne ne leur discute est irrecevable en vertu de l'article 32. Ils soutiennent ensuite que l'usage d'une procédure sur requête non contradictoire était justifié puisqu'ils n'avaient connaissance d'aucun actionnaire ou organe d'administration encore existant, le CROUS ayant lui-même découvert tardivement en cours de procédure sa qualité d'actionnaire minoritaire qui n'apparaît sur aucun acte publié, et que le bien fondé de la mesure est établi par la nécessité de reconstituer le registre de la société en recherchant les actionnaires et de recouvrer la créance de la société. Ils considèrent encore que leur propre intérêt à agir n'est pas discutable puisqu'ils sont les seuls ayants droit de leur grand-père [C] [Y] [G] décédé le [Date décès 1] 1952 et qui était encore détenteur des titres litigieux lors de l'AG du 14 septembre 1951. Enfin, ils rappellent que la procédure ne concerne que la rétractation de l'ordonnance et que la nullité de l'AG et de ses actes ne peut être demandée dans ce cadre.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions transmises et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Considérant qu'aux termes de l'article 496 du code de procédure civile, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ;
Considérant que par application de l'article 31 du code de procédure civile, cet intérêt à demander la rétractation d'une ordonnance sur requête s'entend de l'intérêt légitime, direct et personnel à s'opposer à la mesure, distinct de la qualité à agir ;
Considérant ainsi que si le CROUS a qualité pour contester la désignation d'un administrateur ad hoc dès lors qu'il est lui-même actionnaire de la société immobilière [Adresse 15], il ne justifie en revanche d'aucun intérêt à s'opposer en cette qualité à la nomination d'un administrateur de justice chargé de veiller aux intérêts de cette société en convoquant notamment une AG des actionnaires et en recouvrant ses créances ;
Que de la même façon, il ne justifie pas, en sa qualité de locataire, d'un intérêt à s'opposer à la désignation d'un administrateur ad hoc à la société immobilière [Adresse 15], propriétaire de l'immeuble [Adresse 15] qu'elle lui loue depuis le 22 octobre 1962, alors que cette désignation n'a pas pour effet de consacrer juridiquement le titre de propriété des requérants ou, depuis, de la fondation intervenante volontaire, sur l'immeuble [Adresse 15], -titre qu'il n'a au demeurant pas d'intérêt à contester puisqu'il ne revendique aucun droit sur les 1900 actions litigieuses-, mais simplement de prendre une mesure provisoire permettant à la société d'être gérée et/ou liquidée ; que les loyers étant dus, non pas aux actionnaires, mais à la société immobilière, les sommes qu'il est dans ces conditions amené à régler entre les mains du mandataire en vertu d'une autorisation judiciaire ne sauraient lui être discutées ultérieurement ; qu'il convient enfin de souligner que le fait de devoir ainsi reprendre le paiement des loyers que la radiation de la société avait interrompu de fait ne saurait constituer un intérêt légitime ;
Qu'il résulte de ces éléments que faute d'un intérêt à agir en rétractation de l'ordonnance sur requête du 30 décembre 2014, l'action du CROUS doit être déclarée irrecevable par application de l'article 32 du code de procédure civile ;
Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges ; qu'il y a lieu de condamner le CROUS à payer aux intimés au titre de leurs frais en appel la somme supplémentaire de 4000 € ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare irrecevable l'action du CROUS ;
Le condamne à payer aux consorts [G] et à la Fondation 'The Thomas J.Emery Memorial' la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT