Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2016
(n° 699 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05905
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Janvier 2016 -Président du Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/60601
APPELANTS
Monsieur [Z] [B] pris en qualité de gérant de la société SARUNA INTERNATIONAL et à titre personnel
[Adresse 1]
[Localité 1]
Monsieur [M] [B]
demeurant ci-devant [Adresse 2]
[Localité 2]
et actuellement
Communauté Saint Ignace
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
Madame [N] [B]
[Adresse 4]
[Localité 4]
Représentés et assistés de par Me Joëlle AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0398
INTIMEE
Madame [V] [B] NÉE [N] agissant es qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de son enfant mineur [T] [S] [W] [B] né le [Date naissance 1] 2005
[Adresse 5]
[Localité 3]
née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5] (Malte)
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
assistée de Me Hélène POIVEY LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0676
INTERVENANT VOLONTAIRE ET COMME TEL INTIME
Monsieur [Q] [P] [B]
[Adresse 5]
[Localité 3]
né le [Date naissance 2] 1998 à [Localité 6]
Représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
assisté de Me Hélène POIVEY LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0676
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
[R] [B] est décédé le [Date décès 1] 2014, laissant pour lui succéder trois enfants majeurs, [Z], [M] et [N] [B], et deux enfants mineurs, [Q] et [T] [B].
[Z], [M] et [N] [B], exposant ne pas être en mesure de payer les dettes de la succession, ont saisi le président du tribunal de grande instance en la forme des référés aux fins d'obtenir l'expulsion de Mme [V] [B] et de ses enfants mineurs [Q] et [T], de l'hôtel particulier sis à [Adresse 5], qui constituait l'ancien domicile conjugal, puis le domicile personnel d'[R] [B] depuis son divorce avec celle-ci.
Par ordonnance contradictoire du 21 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes et condamné [Z], [M] et [N] [B] aux dépens.
Par acte du 8 mars 2016, [Z], [M] et [N] [B] ont interjeté appel de cette décision.
Par leurs conclusions transmises le 24 octobre 2016, ils demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance rendue en la forme des référés le 21 janvier 2016 par Mme le Président du tribunal de grande instance de Paris, en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :
- ordonner l'expulsion de Mme [V] [N] et de tous occupants de son chef de l'hôtel particulier sis [Adresse 5],
- condamner Mme [N] à payer 45.000 € par mois d'indemnité d'occupation, à compter du 1er septembre 2014 jusqu'à la libération des lieux, outre le remboursement de la somme de 21 608,19 € au titre des charges réglées pour le compte des occupants,
- ordonner la remise des clefs, dans les trois jours de la décision à intervenir, au besoin sous astreinte de 1000€ par jour, à Me [K] [T], à charge pour lui de les laisser à disposition des indivisaires pour permettre la conservation du bien indivis et la préparation de sa mise en vente,
- nommer tel expert qu'il plaira avec mission de :
* se rendre sur les lieux,
* se faire remettre tous documents utiles,
* donner tous éléments permettant de fixer la valeur locative des lieux meublés situés [Adresse 5],
* mettre la provision à verser ainsi que tous honoraires complémentaires à la charge de l'indivision successorale d'[R] [B],
- dire que l'expert devra rendre son rapport dans les deux mois de l'ordonnance à intervenir et qu'il en sera référé au juge du contrôle des expertises, en cas de difficultés,
- condamner Mme [N] au paiement de la somme de 7000 euros au profit de [Z] [B], [M] [B] et [N] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Ils font valoir :
- que, selon l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire privé de son droit de jouissance du bien indivis peut demander au juge l'expulsion de l'indivisaire occupant dont le maintien dans les lieux est incompatible avec les droits concurrents de ce premier sur l'immeuble indivis ;
- que Mme [N] ne dispose d'aucun droit à occuper l'hôtel particulier dès lors qu'il ne s'agit plus de la résidence principale des enfants mineurs, que les dispositions sur la garde alternée prévues par la convention de divorce ont pris fin au décès d'[R] [B], et que les héritiers mineurs ne disposent d'aucun droit à une attribution préférentielle des lieux, réservée selon la loi au conjoint survivant ou à l'héritier copropriétaire qui y vit effectivement ;
- que rien ne justifie que Mme [N] reste dans les lieux sans verser aucune indemnité d'occupation à l'indivision, et que le montant de l'indemnité d'occupation peut être calculé dès lors qu'ils ont produit la copie du bail consentie par [R] [B] pour un appartement meublé situé aux [Adresse 6] soit dans le même ensemble immobilier ; que sur cette base, et par application d'une règle de trois quant à la surface occupée, en tenant compte des 'uvres d'art, du jardin et de la piscine, l'indemnité peut être évaluée comme suit : 165 m² ont été loués 11500€ par mois soit, pour 600m², une valeur locative de 41 818 € plus le jardin et la piscine soit un montant non contesté de 45 000 € / mois.
Par ses conclusions transmises le 21 octobre 2016, Mme [V] [N], en sa qualité d'administratrice légale de son enfant mineur [T] [B], et [Q] [B], devenu majeur, intervenant volontaire aux débats, demandent à la cour de :
- déclarer M. [Q] [P] [B] recevable et bien fondé en son intervention volontaire à la présente instance,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les demandeurs,
- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
- les déclarer infondés,
- donner acte à Mme [B] née [N] de son accord pour participer à une médiation,
- dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Ils font valoir :
- que Mme [N] n'était pas sans droit ni titre à titre personnel jusqu'au 15 juillet 2016 dans la mesure où son occupation résulte de la convention de divorce homologuée le 16 décembre 2013 ; que le décès de M. [B] n'a pas rendu caduque cette disposition qui figure sous la rubrique « Résidence des époux '' ;
- que messieurs [Q] et [T] [B], héritiers réservataires, peuvent jouir des lieux et y retournent parfois, et qu'ils ne sont donc pas inoccupés ;
- que les charges afférentes à l'entretien du bien litigieux ne pénalisent pas l'indivision, puisqu'elle sont acquittées par Mme [N] ;
- que l'indemnité d'occupation est due à l'indivision, et non individuellement à chaque ayant droit ;
- que les appelants ne peuvent demander à leur notaire de leur rétrocéder les 3/5èmes d'une telle indemnité avant l'achèvement du partage puisqu'aucun partage partiel ne peut être ordonné par une juridiction dès lors que le partage anticipé d'une partie du compte d'indivision à l'actif duquel figure 1'indemnité d'occupation ne servirait à rien ;
- qu'une demande d'expertise serait prématurée au regard de l'état d'avancement des opérations de liquidation partage de la succession.
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de M. [Q] [B], devenu majeur le 6 septembre 2016 ;
Considérant que l'article 815-9 du code civil dispose que 'chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité' ;
Considérant que tout comme l'a relevé le premier juge, les parties s'opposent catégoriquement en tous points ; qu'en outre, le 7 décembre 2015 Mme [N] a saisi le juge du fond aux fins de partage de la succession de [R] [B], de sorte qu'une médiation apparaît inopportune à ce stade de la procédure de liquidation-partage devant la présente juridiction ;
Considérant que par jugement du 13 décembre 2013, dont il n'est pas contesté qu'il soit définitif, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux [R] [B]- [V] [N] et homologué la convention en réglant les conséquences ; qu'il résulte de cette convention que, afin de permettre la mise en place d'une résidence alternée égalitaire des parents avec leurs enfants, Mme [N] résidera dans le bien immobilier indivis sis à [Adresse 5], qui fut le domicile conjugal des époux et dont M. [R] [B] restera seul propriétaire par suite de l'homologation de l'état liquidatif, et ce jusqu'au 15 juillet 2016, date avant laquelle Mme [N] s'est engagée à restituer les clefs à M. [B], sauf meilleur accord entre eux ;
Considérant que, si par l'effet du décès de leur père, les enfants mineurs ont la qualité d'héritiers, il n'en demeure pas moins que la convention de divorce amiable a consenti à leur mère un droit d'occuper les lieux pour y exercer ses droits parentaux jusqu'au 15 juillet 2016, sans contre partie financière ; qu'en effet, M. [B] s'est engagé à continuer 'à faire son affaire personnelle des frais, emprunts, charges, taxes et droits éventuels afférents' à ce bien 'sans recours de l'un contre l'autre' ; que l'obligation contractée par [R] [B] tant à l'égard de son ex épouse que de ses enfants mineurs de les héberger gratuitement ne s'éteint pas à son décès, et la succession doit en supporter la charge ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que [Z], [M] et [N] [B] n'étaient pas fondés à saisir le président du tribunal de grande instance de Paris le 22 octobre 2015 aux fins d'ordonner l'expulsion de Mme [N] et de ses deux enfants et d'obtenir une indemnité d'occupation à compter du 1er septembre 2014 ;
Considérant, pour ce qui concerne la situation du bien indivis à compter du 15 juillet 2016, que la déclaration de succession effectuée le 26 février 2015 enregistre un actif net de 26 995 000 euros et que le logement litigieux y a été évalué 5 088 000 euros ; que Mme [N] ès qualités a saisi le juge du partage d'une demande d'attribution préférentielle au profit des enfants [Q] et [T], alors âgés de 17 ans 1/2 et 10 ans 1/2, héritiers copropriétaires ; qu'il n'appartient pas à la présente juridiction d'en apprécier le bien fondé ; que néanmoins la cour relève que la demande d'expulsion dirigée contre les cohéritiers reviendrait à les priver d'une condition d'éligibilité au droit auquel ils prétendent à savoir l'habitation dans les lieux, qui constituent, selon leurs affirmations, leur domicile familial même s'ils suivent leurs études en Angleterre ;
Considérant que les charges afférentes à ce bien immobilier sont celles de la succession qui contient beaucoup d'autres biens immobiliers mais aussi mobiliers de grande valeur ainsi que l'indiquent les appelants eux-mêmes, de sorte que son occupation par leurs demi-frères est compatible avec leurs droits respectifs ; qu'en effet, par ordonnance du 14 septembre 2016, chaque indivisaire a obtenu du président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, une avance en capital pour faire face au règlement de leurs impositions ; que si M. [Z] [B] n'a obtenu qu'une avance à hauteur de 988 283 euros c'est en raison du manque de justificatifs produits à ce juge sur ses besoins et ses ressources de sorte que cette situation ne peut justifier l'atteinte à ses droits d'indivisaire requis par l'article 815-9 du code civil ;
Qu'il convient donc de laisser l'usage de l'appartement sis à [Adresse 5] aux enfants [Q], désormais majeur, et [T], âgé de 11 ans, leur mère ne l'occupant que de leur chef depuis le 15 juillet 2016 ;
Que cette jouissance privative ouvre droit pour la succession à la perception d'une indemnité d'occupation ; qu'au vu des pièces versées aux débats par les appelants, et notamment du bail d'habitation meublée consenti le 27 janvier 2014 par [R] [B] pour un appartement triplex situé [Adresse 6], donc voisin de celui occupé par les intimés, et compte tenu de la valeur du bien, l'indemnité d'occupation due par [Q] et [T] [B], ce dernier représenté par sa mère en sa qualité d'administratrice légale, sera fixée à 16 000 euros mensuels à compter du 15 juillet 2016 au prorata, puis le 1er de chaque mois suivant, sans qu'il soit opportun de désigner un expert, un notaire étant chargé de la liquidation de la succession ; que l'ordonnance sera infirmée de ce chef, qui a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande ; qu'il appartiendra au tribunal, qui est saisi, de liquider l'indemnité d'occupation à l'occasion des opérations de partage de l'indivision ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que chaque partie succombe partiellement dans ses prétentions de sorte qu'elle conservera la charge de ses dépens ;
PAR CES MOTIFS
Déclare M. [Q] [B] recevable en son intervention volontaire ;
Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur l'indemnité d'occupation et condamné [Z], [M] et [N] [B] aux dépens ;
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant
Constate que le juge de la liquidation- partage de la succession est saisi ;
Fixe à 16 000 euros le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par M. [Q] [B] et M. [T] [B], représenté par sa mère [V] [N] en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur, à l'indivision successorale, à compter du 15 juillet 2016, au prorata de ce mois, puis à compter du 1er de chaque mois suivant ;
Rejette le surplus des demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT