RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 30 Novembre 2016
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06234
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 février 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 12/01910
APPELANT
Monsieur [H] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]
représenté par Me Etienne BATAILLE, avocat au barreau de PARIS, P0320 substitué par Me Eléonore DEGROOTE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SARL COMPAGNIE DES BATOBUS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 350 540 324
représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS, P0053
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Laure TOUTENU, Vice-présidente placée
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [H] [X] a été engagé par la SARL Compagnie des Batobus, suivant contrat à durée déterminée du 3 mars 2008 jusqu'au 2 novembre 2008, en qualité de capitaine.
M. [X] a ensuite été engagé pour une durée indéterminée à compter du 31 octobre 2008 avec reprise d'ancienneté au 3 mars 2008, en qualité de capitaine 2ème classe, statut employé, niveau II, échelon 2.
Suivant avenant en date du 26 mai 2010, il a été promu au poste de capitaine 1ère classe, statut employé, niveau III, échelon 1, moyennant une rémunération fixe de 2 237 € bruts outre une prime de performance variable de 0 à 140 € bruts maximum.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises de transports de passagers en navigation intérieure.
Suite à la perte du marché du syndicat des transports d'Ile de France (STIF), et à l'arrêt définitif de l'activité Vogueo permettant le transport public de personnes sur la Seine à [Localité 1], la Compagnie des Batobus a procédé à une information consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique collectif envisagé afin de sauvegarder la compétitivité tant du groupe que de l'entreprise, les 10 et 24 juin 2011.
Elle a fait part au salarié de la suppression de son poste de capitaine par courrier du 30 juin 2011, et lui a proposé deux listes de postes de reclassement.
Par courrier du 13 juillet 2011, M. [X] n'acceptait aucun poste de reclassement mais précisait qu'il souhaitait recevoir une proposition de poste aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Irlande, au Canada, ou en Indonésie, avec une rémunération nette moyenne mensuelle de 1 350€ minimum.
Par lettre du 26 juillet 2011, M. [X] était convoqué pour le 11 août 2011 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 29 août 2011 suivant pour motif économique.
La société employait plus de dix salariés à la date de la rupture.
Le 29 septembre 2011, la Compagnie des Batobus informait M. [X] qu'il était libéré de toute clause de non concurrence contractuelle.
Contestant son licenciement; le 17 février 2012, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de diverses demandes à titre salarial et indemnitaire;
Par jugement du 26 février 2014 notifié le 7 mai 2014, le conseil de prud'hommes a:
- condamné la Compagnie des Batobus à payer à M. [X] les sommes suivantes :
' 4 974 € au titre de l'indemnité relative à la clause de non concurrence
' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [X] du surplus de ses demandes
- débouté la Compagnie des Batobus de sa demande reconventionnelle
- condamné la Compagnie des Batobus aux dépens.
M. [X] a interjeté appel de cette décision le 5 juin 2014.
Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 26 septembre 2016, M. [X] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts et de condamner la Compagnie des Batobus à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Compagnie des Batobus au paiement de l'indemnité de clause de non-concurrence et d'une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de réformer le jugement sur le quantum de l'indemnité relative à la clause de non-concurrence et la fixer à la somme de 8 948 €, y ajoutant :
- de condamner la Compagnie des Batobus à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Compagnie des Batobus reprend les termes de ses conclusions visées par le greffier et demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [X] repose sur une cause réelle et sérieuse, l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes de 4 974€ au titre de l'indemnité de non concurrence et de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de débouter le salarié de toutes ses demandes. Subsidiairement, la Compagnie des Batobus sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. En tout état de cause, la Compagnie des Batobus demande la condamnation de M. [X] à lui verser une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le licenciement pour motif économique
Sur le motif économique
Aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié et résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutive à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou, dans certaines conditions, à une cessation d'activité et à la nécessité de sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel l'entreprise appartient.
Même s'il peut être tenu compte d'éléments postérieurs, le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement, étant observé que la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement et que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.
S'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation de la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige en applications des dispositions de l'article L 1233-16 du code du travail, est libellée comme suit :
" Le vendredi 24 juin 2011, nous avons consulté le comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique collectif que nous avions été contraints d'envisager afin de sauvegarder la compétitivité tant du groupe que de l'entreprise.
Nous sommes amenés, par la présente, à vous notifier votre licenciement pour motif économique et ce, pour les raisons suivantes :
Par marché public signé le 6 décembre 2007, le syndicat des transports d'Ile de France - STIF a confié à la Compagnie des Batobus la mise en place de navettes fluviales de transport public régulier de personnes sur la Seine à [Localité 1], ce service de préfiguration à titre expérimental dénommé "Boucle Est - Voguéo" devant être assuré sur une base régulière toute l'année, douze mois sur douze.
Pour exécuter ce marché, la Compagnie des Batobus a investi dans des moyens de production propres à Voguéo (bateaux, ponton, duc d'Albe, passerelles, totem, abribus etc..) et dans le recrutement et la formation professionnelle d'équipes dédiées à ce service.
Ce contrat a été conclu pour une durée déterminée de 31 mois se terminant le 31 décembre 2010.
Le conseil d'administration du STIF, dans sa séance du 8 décembre 2010 a décidé de proroger ce contrat expérimental pour une durée de 30 mois, soit jusqu'au 30/06/2013.
En janvier 2011, cette décision a été bloquée par le contrôle de légalité de la Préfecture de [Localité 1] au motif que cette durée n'était pas conforme aux dispositions du code des marchés publics.
Dans ce contexte, la perte du client le STIF a entraîné l'arrêt définitif de l'activité Voguéo le dimanche 5 juin 2011 dernier.
Avec l'activité de Voguéo, malgré l'accroissement du volume d'affaires (fréquentation et CA), la rentabilité (marge brute d'exploitation rapportée au CA) de la Compagnie des Batobus s'est dégradée depuis 2008, avec une croissance importante des frais de personnel.
Les indicateurs économiques de la Compagnie des Batobus, hors Voguéo, montrent une baisse tendencielle du chiffre d'affaires et de la marge brute depuis 2007, avec une fréquentation annuelle qui "plafonne" à 950 000 passagers.
L'impact de la perte du client STIF aggrave cette situation de stagnation, et impacte donc fortement sur la compétitivité de la Compagnie des Batobus.
L'arrêt net de l'activité Voguéo se traduit par une baisse immédiate et significative du chiffre d'affaires.
Dès lors, la préservation de la viabilité de l'entreprise nécessite une adaptation des charges, notamment par la suppression des coûts salariaux liés directement à l'activité Voguéo : c'est le poste de dépenses le plus important, afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et du groupe.
La présence d'une équipe dédiée à l'activité Voguéo n'est économiquement plus envisageable compte tenu de la perte du client STIF, à laquelle aucun nouveau marché ne se substitue, dans aucune des sociétés du groupe SODEXO dans le secteur de la navigation fluviale.
Par conséquent, l'absence de nouveau clients compensant la perte du chiffre d'affaires généré par l'activité Voguéo nous a conduits à supprimer votre poste.
Afin de pallier la suppression de votre poste, nous vous avons proposé les solutions de reclassement par courrier remis en main propre le jeudi 30 juin 2011, propositions de postes basés tant en région parisienne qu'en France. Nous vous avons également interrogé sur votre intérêt pour un reclassement à l'étranger.
Vous nous avez répondu, par courrier daté du 13 juin 2011, que vous refusiez toutes ces propositions de reclassement.
Vous nous avez indiqué que vous étiez intéressé par une mobilité géographique :
- aux Etats-Unis, ou
- au Royaume-Uni ou
- au Canada ou
- en Indonésie
avec un salaire net moyen mensuel minimum de 1350 €
En l'absence d'autres postes disponibles correspondant tant à votre qualification, qu'à vos desiderata, en France comme à l'étranger, et pour les raisons économiques exposées ci-dessus, nous n'avons pas d'autre solution que de procéder à votre licenciement pour motif économique [...]".
La Compagnie des Batobus soutient que, suite à la perte du marché STIF qui a pris fin le 5 juin 2011, l'activité Voguéo a été fermée, que la situation économique doit être appréciée sur le périmètre unique de la Compagnie des Batobus, secteur d'activité de transport fluvial, que la société a finalement abandonné son projet de transport fluvial. La Compagnie des Batobus indique que la perte de chiffre d'affaires de l'activité Voguéo de 3 627 K€, soit 26% du chiffre d'affaires de la Compagnie des Batobus qui s'élevait à 13 863 K€, nullement compensée par un autre marché, ainsi que les frais de personnel qui représentaient 29,1% du chiffre d'affaires, auraient entraîné une diminution de la marge brute commerciale de 6 383 K€ à 3 527 K€, et que les salariés affectés à Voguéo auraient été sans activité du fait de l'arrêt de la boucle, qu'il convenait ainsi d'adapter les effectifs à l'activité.
M. [X], pour sa part, soutient que l'employeur ne justifie pas que la réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et conteste les difficultés économiques alléguées tant au niveau de l'entreprise qu'au niveau du groupe. Il fait valoir qu'il ne s'agit pas d'une fermeture définitive de l'activité Voguéo puisque le conseil du STIF a donné son accord au retour de Voguéo fin 2013, que l'employeur n'allègue en réalité d'aucune difficulté financière, et qu'en l'absence de difficultés économiques importantes, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Compagnie des Batobus a pour activité principale le transport fluvial et touristique alors que le groupe Sodexo, auquel elle appartient, a pour activité principale la restauration collective. Le motif économique doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité du transport fluvial et touristique du groupe, comprenant la Compagnie des Batobus mais également les Bateaux Parisiens (société SEVPTE) et les Yachts de [Localité 1].
En l'espèce, l'employeur doit démontrer que les mesures de réorganisation ont été décidées dans le but exclusif d'assurer la compétitivité du secteur d'activité et que cette compétitivité était menacée au sein du secteur d'activité du groupe Sodexo.
Au vu des pièces du dossier, suite à un contrôle de légalité, la Préfecture de [Localité 1] a annulé la prorogation en date du 8 décembre 2010 du contrat de marché public passé entre la Compagnie des Batobus et le STIF, et le contrat a pris fin le 5 juin 2011.
Or, au vu des données chiffrées annexées au projet de plan:
L'activité Voguéo au sein de la Compagnie des Batobus représente un chiffre d'affaires de 3 617K€ en 2008-2009 et de 3 627 K€ en 2009-2010.
La Compagnie des Batobus a réalisé un chiffre d'affaires de 13 122 K€ en 2008-2009, et de 13 863 K€ en 2009-2010.
Le total de l'activité navigation au sein du groupe Sodexo, incluant les Bateaux Parisiens, les Yachts de [Localité 1] et la Compagnie Batobus a vu son chiffre d'affaires augmenter de 48 596 K€ en 2008-2009 à 50 497 K€ en 2009-2010.
La marge brute commerciale de la Compagnie des Batobus est passée de 6 231 K€ soit 47,5% du chiffre d'affaires en 2008-2009 à 6 383 K€ soit 46% du chiffre d'affaires en 2009-2010.
L'activité Voguéo n'a pas fait l'objet d'une reprise d'activité par une autre entreprise, et n'a pas bénéficié d'un nouvel appel d'offre générant une nouvelle activité de transport fluvial. L'activité a donc cessé totalement.
En conséquence, la Compagnie des Batobus a perdu brutalement un marché représentant un chiffre d'affaires annuel de 3 627 K€ soit 26% du chiffre d'affaires de l'entreprise Compagnie des Batobus. Le maintien de la structure de coûts relative aux frais de personnel de l'activité Voguéo aurait eu pour conséquence une chute de la marge brute de la Compagnie des Batobus à 3 527 K€ soit 34,5% du chiffre d'affaires d'après les données versées aux débats.
Or, au 31 mai 2011, 23 salariés se trouvaient affectés à l'activité Voguéo sur un total de 61 salariés au sein de la Compagnie des Batobus.
Il résulte de ce qui précède et des pièces versées aux débats que les mesures de réorganisation entraînant la suppression du poste de M. [X] étaient justifiées au niveau de l'entreprise Compagnie des Batobus comme au niveau du secteur d'activité au sein du groupe Sodexo et qu'elles étaient nécessaires pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité au sein du groupe Sodexo, dans un contexte de fréquentation stable et de diminution de la marge brute, et d'une croissance des frais de personnel.
L'obligation de reclassement
Aux termes de l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans l'entreprise ou le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement doivent être claires et précises. Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible et qu'il s'est donc acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen. Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts.
M. [X] fait valoir que les recherches de reclassement de l'employeur n'ont pas été faites de façon complète au niveau du groupe Sodexo, géant mondial de la restauration, que les recherches ne sont pas sérieuses, qu'ainsi une note explicative, un questionnaire sur le reclassement interne hors de France et deux listes de postes qui ne pouvaient donner lieu au reclassement interne de M. [X] ont été envoyés au salarié, que sur les offres de poste, ne figurait pas la rémunération correspondant à chaque poste, que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement.
La Compagnie des Batobus, pour sa part, affirme avoir respecté ses obligations en matière de reclassement ; elle précise avoir adressé des propositions de reclassement individualisées par courrier du 30 juin 2011 qui ont été refusées par le salarié, que le fait qu'elles aient été envoyées à d'autres salariés est sans incidence, l'employeur ne pouvant pas choisir les salariés à qui le reclassement est proposé dès lors que plusieurs d'entre eux peuvent occuper les postes de reclassement.
Elle ajoute avoir également proposé au salarié l'ensemble des postes disponibles au sein du groupe Sodexo, soit plus de 100 postes disponibles, que suite au refus du salarié et à sa demande d'obtenir un poste dans plusieurs pays étrangers, elle a interrogé ses filiales qui ont répondu à l'absence d'activité de transport fluvial en Amérique du Nord et à un poste à pourvoir en Indonésie ne correspondant pas aux compétences du salarié.
Aucune forme n'est requise par la loi ou la convention collective pour interroger les sociétés appartenant à un groupe en vue du reclassement d'un salarié dont le licenciement est envisagé.
En l'espèce, la Compagnie des Batobus justifie avoir élaboré un dispositif de reclassement interne au plan de sauvegarde de l'emploi comportant le recensement des postes, la proposition de postes disponibles et la proposition de reclassement.
Il ressort des pièces produites que par lettre remise en main propre du 30 juin 2011, ont été adressées au salarié deux listes de postes pouvant donner lieu à reclassement:
- une liste 1 de onze postes sur le périmètre des bateaux parisiens (Seino-Vision, SEVPTE et Compagnie des Batobus), en restant sous contrat de travail Compagnie des Batobus, aux mêmes conditions de salaire, le poste accepté faisant alors l'objet d'un détachement pendant la période hivernale, s'il s'agit d'un poste sur SEVPTE ou Seino-Vision ;
- une liste 2 énumérant de nombreux postes sur le périmètre du groupe Sodexo en France, avec établissement d'un nouveau contrat de travail avec la société d'accueil.
Cependant, la liste 1 comprend des postes sans rapport avec l'emploi de capitaine occupé par M. [X], tels que "matelot polyvalent billeterie", "employé administratif", "chargé de clientèle", "réceptionniste", "contrôleur caisse", "agent d'accueil", "agent technique", "accueil billettiste", et n'est donc pas individualisée au profil présenté par M. [X].
La liste 2 n'est également pas individualisée, et s'avère imprécise en ce que la rémunération relative à chaque poste n'est pas communiquée.
La Compagnie des Batobus qui ne justifie pas avoir adressé des offres de reclassement individualisées et précises ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de reclassement.
La rupture du contrat de travail produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision du conseil de prud'homme sera donc infirmée de ce chef.
Sur les demandes indemnitaires
Le salaire mensuel brut moyen de M. [X] s'élevait à 2 237 €, montant non discuté par les parties.
Le salarié qui avait au moins deux ans d'ancienneté dans la société qui employait au moins onze salariés au moment de la rupture de son contrat de travail peut prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail.
Au vu du salaire mensuel brut moyen du salarié de 2 237 €, de son ancienneté de plus de trois ans, de son âge de 28 ans au moment de la rupture, il y a lieu de lui allouer une somme de 14 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner à la Compagnie des Batobus de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.
Sur la clause de non-concurrence
M. [X] indique que la clause figurant au contrat de travail est limitée à 12 mois à compter du départ, la société se réservant le droit de libérer le salarié de la clause dans les 15 jours de la notification de la rupture, que la libération est intervenue plus d'un mois après notification de la rupture, que la renonciation est alors privée d'effet.
La Compagnie des Batobus fait valoir que le paiement de la contrepartie financière de la clause est subordonné au fait que le salarié justifie qu'il respecte son obligation de non-concurrence, que M. [X] ne verse aucune pièce justifiant de sa situation professionnelle, que c'est à tort que le conseil a retenu que les six premiers mois de l'indemnité étaient automatiquement dus.
En l'espèce, le contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence libellée en ces termes :
"Au cas où vous quitteriez notre société pour quelque cause que ce soit, compte tenu de la nature de vos fonctions, vous vous interdisez d'engager vos services auprès d'une société ou groupe de sociétés susceptibles de concurrencer les Bateaux Parisiens/Batobus ou toute autre société du groupe Sodexo Alliance dans le domaine du tourisme fluvial et de la navigation commerciale sur la zone géographique suivante : [Localité 1] et Ile de France.
Cette clause de non-concurrence est limitée en ce qui vous concerne à une durée de 12 mois à compter de votre départ. En contrepartie de cette clause, vous bénéficierez d'une prime égale à 4 fois votre salaire brut mensuel moyen des 6 derniers mois qui sera versée par fractions selon l'échéancier suivant :
- 50 % au moment de votre départ
- 50 % 12 mois après votre départ.
Les versements n'interviendront qu'après production à chaque échéance des documents attestatnt de l'identité et de l'activité de votre nouvel employeur.
La société se réserve le droit de vous libérer, le cas échéant, des effets de cette clause, ce qui rendrait caduque et sans objet la contrepartie financière spécifiée, ou d'en réduire la durée. S'il en était ainsi, vous serez prévenu par l'entreprise dans les 15 jours qui suivront la notification de la rupture".
L'employeur doit faire parvenir sa renonciation à l'obligation de non-concurrence dans le délai contractuellement prévu, faute de quoi cette renonciation est inopérante.
La renonciation par la Compagnie des Batobus à la clause de non-concurrence contractuelle a été présentée le 30 septembre 2011, soit un mois après notification du licenciement par lettre recommandée présentée le 30 août 2011. Cette renonciation est donc tardive.
La Compagnie des Batobus, se fondant sur les stipulations de la clause subordonnant le paiement de la contrepartie financière au fait que le salarié justifie qu'il respecte son obligation de non-concurrence, soutient que le salarié ne justifie pas de sa situation professionnelle et partant de son respect de son obligation de non-concurrence.
Cependant il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une éventuelle violation de la clause de non concurrence par le salarié, peu important les stipulations contraires de la clause qui sont inopposables à ce dernier.
En l'espèce la Compagnie des Batobus ne produit aucun élément objectif permettant de rapporter la preuve que le salarié a violé la clause de non concurrence. La contrepartie financière est donc due à M. [X].
Il convient en conséquence de confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a fait droit à la demande en son principe, mais de l'infirmer quant au montant retenu qu'il y a lieu de fixer à 8 948 € correspondant à quatre fois le salaire brut mensuel moyen comme prévu par les stipulations contractuelles.
Sur les autres demandes
Il convient de condamner la Compagnie des Batobus à payer à M. [X] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 000 €. La Compagnie des Batobus supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a fait droit en son principe à la demande de contrepartie à la clause de non-concurrence et en ce qu'il a condamné la SARL Compagnie des Batobus au paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
INFIRME le jugement pour le surplus et y ajoutant,
CONDAMNE la SARL Compagnie des Batobus à payer à M. [H] [X] les sommes suivantes :
' à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14 000 €
' à titre de contrepartie à la clause de non concurrence : 8 948 €
' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 €
ORDONNE à la SARL Compagnie des Batobus de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [H] [X] dans la limite de six mois ;
CONDAMNE la SARL Compagnie des Batobus aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT