RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 30 Novembre 2016
(n° , pages)
(Rédacteur de l'arrêt : Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01947
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/14324
APPELANT
Monsieur [A] [J]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Savine BERNARD - SELARL BERNARD - VIDECOQ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002
INTIMEE
SASU EFFIA SYNERGIES devenue KISIO SERVICES ET CONSULTING
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 491 608 675
représentée par Me David GUILLOUET, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Mme Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING, anciennement dénommée EFFIA SYNERGIES, est une société spécialisée dans le conseil et la gestion de services opérationnels pour la mobilité des voyageurs pour le compte des exploitants transport de voyageurs et des collectivités.
Filiale du groupe SA EFFIA, elle-même filiale du groupe KEOLIS qui occupe près de 500 personnes, elle applique la convention collective des prestataires de services.
Monsieur [A] [J] a été engagé par par la société EFFIA TRANSPORT à compter du 2 avril 2007 en qualité de directeur de projet.
Son contrat a été transféré au sein de la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING le 1er janvier 2008. Il a intégré le pôle distributique dirigé par Monsieur [O] [D], avec pour directrice adjointe, jusqu'en mars 2010, Madame [T] [E], détachée par la SNCF depuis le mois de juillet 2005, puis de Monsieur [R]
À l'issue des élections professionnelles intervenues au mois de juin 2008, Monsieur [A] [J] a été élu membre titulaire du comité d'entreprise.
Une enquête interne s'inscrivant dans le périmètre du pôle distributique de la société située [Adresse 3] dans lequel travaillait Monsieur [A] [J], déclenchée par la direction des ressources humaines du groupe, alertée par une situation susceptible de recouvrir la qualification de harcèlement moral et ayant pour objet de comprendre l'environnement de travail des collaborateurs du pôle, de déceler le cas échéant les situations anormales de travail, d'écouter chaque collaborateur et de recueillir leur témoignage personnel dans le cadre d'un entretien individuel en la présence de la hiérarchie, a été menée début 2010.
Par décision du 26 juillet 2010, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Monsieur [A] [J].
Celui-ci a été licencié le 28 juillet 2010.
Le ministre du travail, saisi le 17 septembre 2010 par Monsieur [A] [J], d'un recours en annulation de la décision de l'inspecteur du travail, a confirmé l'autorisation de licenciement et le 4 avril 2012, le tribunal administratif a rejeté la requête en annulation de cette décision du salarié.
Par arrêt rendu le 7 mars 2013, la cour d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 avril 2012.
Par lettre réceptionnée par la société le 10 mai 2013 , Monsieur [A] [J], s'appuyant sur la décision de la cour administrative d'appel de Paris du 7 mars 2013, lui a fait part de sa volonté d'être immédiatement réintégré à son poste de travail, sur le fondement de l'article L2422 '1 code du travail et l'a invitée à procéder à la régularisation de sa situation depuis son licenciement opéré par lettre recommandée du 28 juillet 2010 jusqu'à ce jour dans les plus brefs délais outre à réparer l'intégralité de son préjudice subi.
Par lettre recommandée du 13 mai 2013, la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING a répondu à sa demande en lui demandant de bien vouloir se présenter au bureau de Monsieur [S] [N] dès réception du courrier, afin de pouvoir lui notifier les modalités pratiques de sa réintégration et l'a invité pour ce faire, à bien vouloir contacter l'assistante de Monsieur [N] pour convenir d'une date et d'une heure de rendez-vous au numéro de téléphone indiqué.
Monsieur [A] [J] s'est présenté dans les locaux de l'entreprise le lundi 20 mai 2013.
À cette date Monsieur [S] [N], lui reprochant de n'avoir pas pris contact préalablement pour prendre rendez-vous ainsi qu'il y était invité dans le courrier précité, lui a fixé un rendez-vous pour le lendemain à 9h30.
Par courrier du même jour, Monsieur [A] [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail expliquant :
'suite à mon courrier en date du 3 mai 2013 et sans nouvelles de votre part sur les conditions matérielles de ma réintégration, je me suis présenté ce matin à la société à 9h30. L'hôtesse d'accueil vous a prévenu immédiatement et m'a demandé de vous attendre. Ce que j'ai fait. Vous êtes venu à l'accueil à 10h45. Je m'attendais à recevoir mon badge afin que je puisse me rendre à mon bureau, la feuille de route pour la journée et des semaines à venir puisque je vous ai fait part de ma volonté d'être réintégré par lettre recommandée du 3 mai, volonté renouvelée par lettre recommandée du 13 mai 2013.
Or, aucun élément, aucun outil, aucun planning n'était prévu à mon attention, ni par mes collègues, ni par vous-même!.
Je constate que vous ne souhaitez pas donner sa pleine mesure à ma demande de réintégration et que vous persistez à me laisser dans un 'placard'. Rien n'a donc changé depuis trois ans, ni le harcèlement moral, ni la discrimination à mon égard, et je le regrette!
Du plus fort, suite à votre arrivée, il se trouve que vous m'avez congédié manu militari, m'ordonnant de rentrer chez moi.
Je suis là encore choqué par votre attitude.
Dans ces conditions, il est évident pour moi que votre attitude est préjudiciable à ma réintégration et que votre volonté de me confier du travail est inexistante.
J'ai également constaté que vous n'avez pas régularisé ma situation entre mon licenciement annulé et ce jour, alors que je vous avais fait la demande par deux lettres recommandées distinctes.
Je ne peux, par conséquent, pas poursuivre notre relation contractuelle dans ces conditions, il en va de ma santé physique et mentale.
C'est, notamment, pour ces raisons que je vous informe que je prends acte de la rupture de contrat de travail dès ce jour'
Reprochant à la société la violation de son obligation de sécurité de résultat et de son obligation de prévention du harcèlement moral, lui reprochant d'avoir commis des actes discriminatoires à son encontre et d'avoir manqué à son obligation de réintégration, et demandant qu'il soit jugé que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul, Monsieur [A] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 26 septembre 2013 aux fins de voir condamner la société au paiement de dommages et intérêts et indemnités subséquentes à la reconnaissance des violations reprochées et de la qualification de la rupture en un licenciement sans cause sollicitées.
Par jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 janvier 2015, auquel la cour se réfère pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, Monsieur [A] [J] a été débouté de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [A] [J] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Monsieur [A] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions et de statuer à nouveau:
-en condamnant la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING à lui payer les sommes suivantes :
* 150 000 euros au titre du harcèlement moral sur le fondement de l'article L4121 '1 du code du travail,
*50 000 euros au titre du non-respect de l'obligation de prévention des risques sur le fondement des articles L4121-1 et L4152 '4e du code du travail,
*80 000 euros en réparation du préjudice moral et de carrière, subi au titre de la discrimination syndicale sur le fondement des articles L 1132 '1, L 1134 ' 1, L 1134 '5 et L 2121 '5 du code du travail,
-en annulant la mise à pied disciplinaire notifiée par lettre du 18 décembre 2008 et condamner la société au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article L 1132 '4 et L 1133 '2 du code du travail,
' en requalifiant la prise d'acte du 20 mai 2013 en un licenciement nul,
' en condamnant en conséquence la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING à lui payer les sommes suivantes :
*11 706 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois ' article 19 de la convention collective),
*4 682 euros(1/5 X 3 901,88 X6) à titre d'indemnité légale de licenciement,
*70 234 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'en condamnant la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING au paiement des intérêts légaux avec anatocisme.
En réponse, la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING demande à la cour :
A titre principal :
-de juger que Monsieur [A] [J] n'a été victime d'aucun harcèlement moral ni d'aucune discrimination syndicale,
' de juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation de prévention des risques,
' de juger que la demande de nullité de la mise à pied disciplinaire notifiée le 18 décembre 2008 est prescrite,
' de juger que la prise d'acte de Monsieur [A] [J] produit les effets d'une démission,
et en conséquence de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 21 janvier 2015 en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire :
' de réduire le quantum de l'indemnité pour licenciement nul sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions en l'absence de tout justificatif du préjudice subi,
En tout état de cause :
' de condamner Monsieur [A] [J] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' de le condamner aux entiers dépens.
Il est référé pour de plus amples exposés des prétentions et demandes des parties aux conclusions des parties déposées et visées ce jour.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Monsieur [A] [J] demande à la cour de condamner la société à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné justifie de la matérialité de faits précis, qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que son comportement est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.licenciement.
Pour justifier l'existence d'un harcèlement Monsieur [A] [J] évoque les faits suivants :
'propos et comportement agressifs de la part de ses responsables hiérarchiques particulièrement de Madame [E] et de Monsieur [R], son nouveau responsable hiérarchique à compter du mois d'avril 2009, la première devenant son responsable N+2 jusqu'à son départ au mois de mars 2010,
'multiplication de sanctions injustifiées et de procédures de licenciement créant une situation d'insécurité pendant plus de quatre années,
' immixtion de manière humiliante et injustifiée dans sa vie familiale lors de l'entretien préalable,
' une mise au placard progressive puis totale,
' les changements répétés de bureau visant à sa mise à l'écart physique de l'équipe 'TER ROUTIER',
' un malaise sur son lieu de travail requalifié en accident du travail,
' la dégradation de son état de santé.
Il justifie de la matérialité :
-de propos et comportement agressifs de la part de ses responsables hiérarchiques par
*l'attestation de Monsieur [U], chef de projet, qui a cotoyé Monsieur [A] [J] jusqu'en février 2008, qui explique qu'il était amené à travailler en étroite collaboration avec Madame [E] entre le début de l'année 2005 et février 2008 et qu'à ce titre il a observé des brimades régulières envers Monsieur [A] [J] lors des réunions du pôle et cite des propos 'tais toi, tu ne sais pas', 'tu parles sans savoir', 'n'importe quoi', 'tu te tais et tu me laisses parler', évoque des critiques et une pression permanente exercée sur lui au sein du pôle tendant à le discréditer auprès de l'équipe sans aucune retenue,
*le compte rendu de l'audition de Monsieur [I], expert billestiste 'chargé d'AMO du TER Languedoc Roussillon et à l'international', le 12 février 2010, dans le cadre de l'enquête interne diligentée début 2010 développant 'qu'il y a des altercations anormalement bruyantes dans le bureau de Monsieur [A] [J], voisin du mien.. que l'ambiance de travail au sein du pôle n'est pas bonne , que Madame [E], a une vraie valeur technique, des compétences professionnelles mais pas de compétence managériale. Elle a des méthodes trop tranchantes incisives, quasi militaires à un niveau trop développé' et 'qu'il aurait fallu arrêter de faire travailler le salarié et Madame [E] ensemble puisqu'ils ne s'entendent pas il y a déjà un an... Que Monsieur [A] [J] est une personne à qui il faut reconnaître ses compétences, qui a besoin de reconnaissance ce que lui a pas donné Madame [E] qui a fait tout le contraire',
* une attestation de Monsieur [I] précité, qui explique que lors des réunions de pôle Monsieur [A] [J] encore représentant du personnel, avait l''habitude d'intervenir pour demander de fournir des compléments et que ses interventions agacaient Madame [E]; que notamment Monsieur [R] lui a lors d'une réunion du 24 septembre 2009, intimé d'arrêter de prendre des notes sur son ordinateur car le bruit le gènait, que plus tard, dans le couloir des bureaux, Monsieur [R] a 'attaqué violemment Monsieur [A] [J], se collant contre lui et le faisant reculer avec une violence verbale et un vocabulaire qui démontrent qu'il avait de toute évidence perdu son calme, utilisant des expressions telles que 'tu ne me fais pas peur je peux te casser la gueule, t'es qu'un feignant, t'as qu'à bosser' et que des collègues et lui-même ont dû intervenir pour le calmer et le séparer de Monsieur [A] [J], altercation concommittante à un mail du salarié adressé à Monsieur [R] sans réponse de celui-ci duquel il résulte que Monsieur [A] [J] même s'il le remercie ' dêtre venu le voir pour en parler calmement' , relate l'incident du matin en exposant, 'je ne comprends pas ton attitud, tes propos désobligeants vis-à-vis de moi, ce matin en réunion d'équipe. Pour avoir moi-même dirigé une équipe je n'ai me semble-t-il, jamais cassé quelqu'un en réunion, tenu des propos méprisants envers un collègue subordonné ou salarié. J'avais l'intention de mettre le président au courant de ton comportement, prolongé dans ton bureau puis dans le couloir à la vue de nombreux témoins juste avant d'aller déjeuner. J'apprécie le fait que tu es venu me voir afin d'en parler calmement et en guise de conclusion, j'ai changé d'avis : j'oublie cette affaire ', .
* des mails des 11 août 2008, 29 octobre 2008 qu'il a adressés à Madame [E] pour se plaindre de la violence de sa réaction et de ses propos lorsqu'elle se plaint de la qualité de son travail et du compte rendu de l'entretien disciplinaire du 4 décembre 2008 établi par le salarié l'ayant assisté, Monsieur [V] [P], qui mentionne qu'il s'est plaint à cette date du comportement harcélant de madame [E] en visant des faits précis 'elle a hurlé dans le couloir pour me dire de ne pas s'occuper de la tarification sur un ton méprisant puis en juin a explosé en m'accusant de ne pas avoir traité la tarification. Incompréhensible... Lors de la présentation du 30 juin 2008, je démarre la présentation puis très vite madame [E] et moi nous somme frittés sur les 12 % des recettes, j'indiquais par une démonstration qu'il y avait une erreur et elle m'a éjecté, je n'ai pas pu en placer une seule...' , du 28 novembre 2008 au directeur Monsieur [N], des compte rendu d'entretien d'évaluation ou prélalables à sanction de décembre 2008, février 2009 et mars 2010, du mail au comité d'entreprise par courrier du 1er mars 2009 ou du mail du 7 janvier 2010 à Monsieurr [A] à qui il écrit pour lui relater des faits du même jour qu'il reprochait à madame [E] et Monsieur [P] lors d'une réunion du même jour où il était arrivé en retard , la première ' lui avait répondu sur un ton très agressif't'avais qu'à arriver à l'heure et puis, il n'y a pas de questions' en le laissant complètement estomaqué, et le second l'ayant interrompu pendant qu'il justifiait son retard.
'de la délivrance d'une sanction de mise à pied disciplinaire de 2 jours le 18 décembre 2008, justifiée par une insuffisance professionnelle caractérisée par des carences de pilotage de projets et de connaissances techniques, reposant sur des griefs dont la matérialité a été largement discutée par le salarié lors de l'entretien disciplinaire du 4 décembre 2008 et s'apparente à un affrontement entre les thèses de Monsieur [A] [J] et les insuffisances reprochées par Madame [E],
-de l'engagement d'une première procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle le 26 février 2009, soit 2 mois après la mise à pied, motivé le long-courrier du salarié au comité d'entreprisedu 1er mars 2009 écrivant 'qu'il ne peut plus se taire et supporter davantage les situations humiliantes que lui fait subir Madame [E]...' et où il développe la situation de harcèlement dans laquelle il estime se trouver, procédure qui s'est soldée 24 décembre 2009 par une décision de refus du ministre du travail saisi du recours de la société contre la décision de l'inspecteur du travail, d'autoriser le licenciement de Monsieur [A] [J] au motif notamment que l'insuffisance professionnelle n'est pas suffisamment démontrée,
-de l'engagement d'une seconde procédure de licenciement quatre mois plus tard, le 16 avril 2010, à la sortie de l'entretien préalable duquel Monsieur [A] [J] a été saisi d'un malaise d'allure vagale, qualifié d'accident du travail par le tribunal des affaires de la sécurité sociale, qui lui a occasionné un jour d'ITT pour une attitude d'opposition et de dénigrement systématique à l'égard de sa responsable hiérarchique, Madame [E] et de difficultés relationnelles avec ses collègues de travail, sur la base d'une autorisation administrative qui a été annulée par la cour d'appel de Paris le 16 avril 2010
-du retrait au salarié, de la responsabilité du pilotage du projet TER ROUTIER à compter du mois d'août 2008, soit moins de deux mois après son élection au comité d'entreprise puisque l'entretien individuel annuel du 14 février 2008 le fait apparaître en qualité de 'chef de projet sur le TER Routier:: pilotage du projet, finalisation du chiffrage du projet, rédaction de la proposition commerciale et technique....', et que le compte rendu de la réunion de suivi du 6 août 2008 démontre qu'à cette date Madame [E] annonce l'arrivée d'[E] [H], spécialiste système billetique et tarification TER qui prendra en charge le pilotage du projet TER Routier.Elle indique à son équipe par mail du 13 août 2008 qu'en son absence, Madame [H] prendrait en charge la direction de projet du TER Routier. Monsieur [D], directeur du pôle distributique expose que le dossier a été retiré au salarié par manque de compétence,
' de son exclusion même de toute participation au projet TER Routier puisque par mail du 15 mars 2010, son supérieur Monsieur [R] lui écrit, alors que le salarié l'informait qu'il entendait assister à des conférences pouvant présenter un intérêt pour le projet 'je ne me souviens pas t'avoir demandé de travailler sur un quelconque sujet concernant le TER Routier... Mon désir le plus cher est de trouver une place au sein de cette équipe dont le jugement a été faussé par les supérieurs hiérarchiques successifs',
- du changement brutal de sa notationentre l'entretien annuel 14 février 2008 pour l'année 2007 dans lequel Madame [E] retenait un contexte difficile de négociations du projet TER routier complexifié par la prise en charge de celui-ci par Monsieur [A] [J], qui découvrait par ailleurs totalement le domaine du transport, la nécessité de prendre en compte une période d'intégration avec apprentissage de la terminologie des spécificités du transport public de sa tarificationet identifiait néanmoins des points forts 'fiabilité dans les résultats chiffrés, forte implication personnelle, qualité rédactionnelle, attitude de service', et sa notation du 11 février 2009 pour l'année 2008 dans lequel la même Madame [E] ne trouve la possibilité d'identifier aucun point fort dans les compétences du collaborateur, baisse ses notes concluant que 'le salarié a fait preuve d'insuffisance professionnelle caractérisée par des carences en matière de pilotage de projets de connaissances techniques, manque de vision globale du projet', notation portant le commentaire de Monsieur [A] [J] suivant 'un changement de management me conviendrait, le style de mon N+1 ne répondant pas à mes attentes. Eu égard aux conditions difficiles du projet, j'estime les commentaires de mon N+1 très sévères, injustifiés et en relation avec ma mission d'élu au CE'.
Il se plaint de la situation à Monsieur [A] dans un mail du 7 janvier 2010 qu'il lui écrit 'pour lui relater les faits auxquels il a encore dû faire face ce matin en lui demandant une énième fois de mettre un terme au comportement violent de Madame [E] son égard 'qui lui avait répondu sur un ton très agressif 't'avais qu'à arriver à l'heure et puis, il n'y a pas de questions'en le laissant complètement estomaqué, puis comment il avait été interrompu par Monsieur [P] lorsqu'il justifiait son retard,
' du changement forcé de bureau en janvier 2010 et de ses réticences à reconnaître le bien-fondé de l'affectation qui lui était faite, écrivant à Monsieur [O] [D] le 1er décembre 2009 'j'ai bien noté ta demande de m'affecter un bureau à partager avec l'assistante de direction générale de Canal TP alors que depuis mars tu m'attribues un bureau individuel ; je rappelle que je travaille à temps plein, il me paraît plus judicieux de proposer le partage de bureau à des collaborateurs qui travaillent à temps partiel', écrivant le 6 décembre 2009 à Monsieur [A] 'le changement de bureau à partager serait de nature discriminatoire au sein du pôle distributif. En effet, les directeurs de projet du pôle ont un bureau individuel. En outre une personne dispose elle aussi d'un bureau individuel alors que le bon fonctionnement de l'équipe et l'importance du projet, voudraient que les forces vives soient regroupées afin de permettre une étroite collaboration...',
-de la dégradation de son état de santé, d'une part par le malaise à la sortie de son entretien préalable, reconnu comme accident du travail, d'autre part par une attestation de son médecin traitant du 1er octobre 2010 qui certifie que le salarié l'a consulté à plusieurs reprises, depuis novembre 2008, pour une anxiété liée à un stress professionnel intense, qui certifie le 4 décembre 2010 qu'au cours des entretiens qu'il a eus avec son patient il a constaté la dégradation de sa santé psychique nécessitant un traitement médicamenteux de soutien et celle de son état de santé à partir de janvier 2010 à la suite d'un incident professionnel avec apparition d'idées suicidaires l'ayant amené à lui conseiller une psychothérapie de soutien et la prise d'un avis auprès d'un spécialiste de la souffrance au travail.
Appréciant ainsi la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui ont été soumis par le salarié, la cour trouve les éléments de faits matériellement précis et établis, pour en déduire qu'ils suffisent à présumer l'existence d'un harcèlemet moral.
Il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que son comportement est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant des reproches de propos et comportement agressifs de la part de ses responsables hiérarchiques la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING relève à juste titre que ceux-ci ne reposent que:
-sur les propres plaintes du salarié dans les quelques rares mails précités,
-sur deux attestations, dont l'une, de Monsieur [U], chef de projet, est de peu d'intérêt en ce qu'il n'a cotoyé Monsieur [A] [J] que jusqu'en février 2008 et peut difficilement attester de brimades régulières dont aurait fait l'objet Monsieur [A] [J] qui ne se plaignait à cette date d'aucun fait et évoque au contraire encore sa bonne notation de février 2009 pour l'année 2008, et l'autre de Monsieur [I] qui ne relate qu'un unique incident ayant opposé le salarié à Monsieur [R] lors d'une réunion du 24 septembre 2009 qui a été manifestement exceptionnel et immédiatement règlé puisque dans le mail qu'il lui envoie le même jour, Monsieur [A] [J] le remercie 'd'être venu le voir pour en parler calmement' et conclut ' j'oublie cette affaire ',
- sur le compte rendu de l'entretien du même Monsieur [I], dans le cadre de l'enquête interne diligentée début 2010, dans lequel il développe uniquement qu'il a entendu des altercations anormalement bruyantes dans le bureau voisin de Monsieur [A] [J] et témoigne de la mauvaise ambiance de travail au sein du pôle mais pour le surplus n'émet qu 'un avis subjectif et personnel sur les méthodes habituelles de management de Madame [E] dont le bien fondé est à juste titre contesté par la société qui produit les résultats d'une enquête interne, menée courant février 2010 auprès des salariés du pôle et un compte rendu du CHSCT du 18 mars 2010 auquel est annoncé le résultat de cette enquête et le départ de l'entreprise de Madame [E], dont il ressort sans conteste, que les méthodes de management de Madame [E] ne faisaient pas l'objet de critiques et que son départ allait être vivement regretté.
La SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING soutient encore que le même Monsieur [I], qui ne travaillait pas dans le même service que Monsieur [A] [J] conclut à tort
'.. qu'il aurait fallu arrêter de faire travailler le salarié et Madame [E] ensemble puisqu'ils ne s'entendent pas il y a déjà un an...', alors qu'au contraire Madame [E], tenant compte des souhaits professionnels de Monsieur [A] [J] émis lors de son entretien de notation de février 2009, de dépendre d'un autre supérieur hiérarchique, a détaché celui-ci de son autorité directe dès le mois d'avril 2009, en le mettant sous celle de Monsieur [R] dont il s'est ensuite également plaint.
La SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING observe encore que si lors de l'entretien disciplinaire du 4 décembre 2008 dont le compte rendu établi par Monsieur [V] [P], collègue, chef de projet qui travaille dans la société depuis 2005 retrace les plaintes émises par le salarié qui lui a demandé de l'assister, en revanche, entendu dans le cadre de l'enquête interne, en tant que membre du pôle placé comme Monsieur [A] [J] sous la subordination de Monsieur [R] et de Madame [E], ce même collègue affirme qu'il connait le salarié depuis 2003, n'a jamais constaté aucun acte de harcèlement et développe en revanche des éléments qui démontrent que Monsieur [A] [J] avait quant à lui un comportement harcelant qui va également être relevé par d'autres membres de l'équipe.
Ainsi Monsieur [P] explique que 'Monsieur [A] [J] n'accepte pas d'avoir une femme comme hierarchique, .. est très sûr de lui,.. pense qu'il a toujours raison; même quand il pose une question n'attend pas la réponse..que pourtant de nature calme, il a eu des éclats de voix avec lui car il a le don de provoquer les gens..il a commencé à hausser le ton avec madame [E], j'ai constaté des incidents auxquel je ne voulais pas être mêlé qui m'obligeaient à sorir du bureau..il refusait de faire tout ce qu'elle lui demandait..il avait toujours une bonne raison de ne pas le faire.. à mon retour dans le bureau c'était toujours la faute de madame [E] puis d'[E] ([H]) lorsqu'elle a pris le dossier; ça ne marchait pas non plus..il ya quelque chose qui ne va pas dans son approche globale...'.
De même Madame [E] dans son courrier à la direction du 1er mars 2010 développe longuement l'évolution de sa relation avec Monsieur [A] [J] illustrant ces propos de nombreux faits précis, expliquant les répercussions qu'a eu celle-ci sur la dégradation de sa propre santé nécessitant des soins médicaux et médicamenteux et justifiant sa décision de quitter la société.
Or elle est soutenue par la grande majorité des salariés entendus dans le cadre de l'enquête interne dont par exemple Madame [Y] [E], collègue qui explique 'avec Monsieur [A] [J] ça plombe un peu l'ambiance de travail, il a des comportements qui ne vont pas dans le sens de l'harmonisation. Par exemple quand il colporte ou déforme des propos de collègues pour les donner à d'autres afin que les gens s'énervent entre eux....Sur tous les sujets, il faut qu'il ait toujours raison, pousse les personnes dans leurs retranchement, même les personnes de nature calme s'énervent de ce comportement agaçant toujours à chercher des failles. Idem le conflit. Il est misogyne, fait des réflexions désagréables sur le rôle des femmes si j'avais eu à le manager je n'aurais jamais pu m'imposer. En même temps ce qui est curieux c'est qu'il aime les conflits, il est provocateur et quand il trouve quelqu'un qui lui résiste, il adore. [E] [H] a repris le management du salarié. Elle est pourtant calme et posée, elle a eu semble-t-il, les mêmes problèmes que Madame [E] de travail pas rendu. Maintenant il s'occupe du CE. Ça a été une opportunité pour lui, pour la protection que ça lui apporte. Il harcèle tout le monde, il est infernal',
ou Monsieur [L] [G], collaborateur qui affirme qu'avant son arrivée dans le pôle, Monsieur [A] [J] lui 'a rapporté certaines attitudes que pouvait avoir Madame [E], mais a appris depuis à relativiser ces propos..' ,
et par un CHSCT qui n'hésite pas à conclure sur la base de l'enquête interne diligentée, à l'absence d'acte ou de comportement violent de Madame [E] dans son compte rendu de réunion du 18 mars 2010 en ajoutant 'qu'il déplore que Madame [E] ait pris la décision de quitter l'entreprise dans la mesure où elle était très appréciée par ses collaborateurs.. que le collaborateur qui s'est plaint du comportement de Madame [E], n'hésite pas à adopter un comportement très critiquable à l'égard de certains collaborateurs qui ont relaté l'existence d'altercations, décrivent un comportement incompréhensible et très déplacé, relatent un sentiment de malaise de plus en plus prégnant.'
S'agissant du grief de délivrance de sanctions injustifiées et visant une mise à pied disciplinaire de 2 jours en décembre 2008 et 2 procédures de licenciement, la cour d'une part que la société ne peut être tenue pour responsable de la durée nécessaire à l'obtention d'une autorisation administrative définitive de licenciement d'un salarié portégé et d'autre part que le licenciement du 18 avril 2010 était justifié au fond par le comportement du salarié ainsi que l'ont relevé successivement l'inspecteur du travail, le ministre du travail et le tribunal administratif, sans remise en cause de leur appréciation, par la Cour administrative d'appel qui n'a annulé cette autorisation que pour un vice de forme.
Concernant la mise à pied de décembre 2008 et l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle début 2009, elles n'apparaissent pas plus constitutive d'actes de harcèlement même si l'autorisation administrative de licenciement n'a pas été accordée à l'employeur, parce qu'elle n'a pas été menée de manière abusive et téméraire et sans fondement, mais sur la base d'éléments factuels objectifs reprochés au salarié, dont notamment le retard pris dans le dossier dont il avait la charge avant qu'il ne lui soit retiré au profit de madame [H], sans contestation à ce moment d'un salarié dont l'insuffisance avait été pointée dans son entretien de notation de février 2009 et qui lui a été reprochée successivement par monsieur [R] après madame [E] et par ses collègues dans le cadre de leur entretien d'enquête. En effet ceux-ci pointent 'ses retards qui sont systématiques et qui nécessitent un recadrage qui ne se confond pas avec du harcèlement (Monsieur [L] [G], collaborateur ), son refus d'accepter des directives et les délais posés par la hiérarchie (développé ci-dessus par Monsieur [P]), ou relèvent pour d'autres qu'il manque de rigueur, déroge aux règles de procédure de l'entreprise, critique des outils mis en place ou est négatif à l'égard des choix stratégiques de l'entreprise.
Dans la forme, son attitude systématique d'opposition aux décision de la hiérarchie et sa propension à tenter de diviser les gens apparaissent clairement lors de son changement de bureau en décembre 2008, janvier 2009, lorsque, par l'envoi de mails, il tente de s'y opposer en courtcircuitant des niveaux hiérachiques pour chercher des appuis qui se dérobent lorsqu'ils constatent son attitude et finissent par devoir lui intimer une fin de non recevoir véhémente à ses objections pour qu'il consent à changer de bureau.
Sur le fond ce changement ne relève que d'une nécessité de service en ce qu'il conduisait à éloigner Monsieur [A] [J] du bureau de madame [E] pour rapprocher un nouveau collaborateur ayant à travailler directement avec elle.
Relevant alors que les enquêtes admistatives ont conclu dans le même sens que les résultats de l'enquête interne à la société, que les salariés entendus dans ce cadre ont attesté, dans la présente procédure, qu'ils reprenaient à leur compte les propos qui avaient été ainsi récoltés et que la société démontre que les agissements reprochés par le salarié à madame [E] et Monsieur [R] et les sanctions prises, n'étaient pas constitutifs d'agissements de harcèlement moral mais justifiés par une situation objective, les autres agissements développés par le salarié seraient en tout état de cause, même ensemble, insuffisants à démontrer l'existence d'un harcèlement moral.
En conséquence Monsieur [A] [J] est débouté de sa demande en condamnation de la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING à lui payer la somme de 80 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral .
Sur le non-respect par l'employeur de son obligation de prévention des risques
Monsieur [A] [J] demande la condamnation de la société à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect de l'obligation de prévention des risques sur le fondement des articles L4121 '1 et L1152 '4 du code du travail.
Il reproche à la société d'avoir tardé à prendre les mesures d'enquête nécessaires puis, lorsque l'enquête a été lancée, d'avoir manqué à son obligation de loyauté dans la conduite de celle-ci en laissant se dégrader une situation dont est résultée la dégradation de sa santé.
Sur le fondement de l'article L 4121 '1 du code du travail, l'employeur à une obligation générale de prévention des risques lui imposant de prendre toutes mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et doit dans ce cadre procéder rapidement à une enquête complète loyale et contradictoire pour avoir la connaissance exacte de la réalité, de la nature, de l'ampleur de faits reprochés et pour prendre les mesures appropriées.
S'agissant de la conduite de l'enquête la cour retient que la société démontre qu'elle a présenté aux salariés interrogés un questionnaire qui ne se limitait pas à des réponses négatives et positives comme le soutient Monsieur [A] [J], mais au contraire, laissait la place à des commentaires; que la qualité et la sincérité de son contenu sont démontrées non seulement par les attestations des salariés dans le cadre de la présente procédure qui confirment leur propos, mais également par les résultats de l'enquête administrative de l'inspecteur du travail puis du ministre du travail qui ont autorisé le licenciement.
Par ailleurs Monsieur [A] [J], appelé à être entendu, a refusé de s'exprimer, alors qu'il lui était loisible à ce moment de réclamer l'audition de certains témoins, de poser des questions.
Et si la cour administrative d'appel a annulé l'autorisation de son licenciement au motif que le salarié n'avait pas été mis en mesure de connaitre le contenu des auditions et donc de les critiquer utilement, en revanche celui-ci est mis à sa disposition dans le cadre de la présente procédure.
En outre si la société a choisi de ne produire que 10 comptes rendus, et si le salarié relève à juste titre qu'ils émanent pour 4 d'entre eux de membres du comité de direction (Monsieur [X], Monsieur [R], Madame [D], Monsieur [O]), pour un de l'assistante de direction (Madame [Q]) et un autre de Madame [H] qui a été nommée chef de projet à sa place , il lui appartient de les contester à ce titre, et de laisser à la cour l'appréciation de leur valeur quant à la personne entendue et quant à son contenu.
Enfin dans la mesure où en tout état de cause l'existence d'un harcèlement moral n'a pas été retenue, le salarié ne peut reprocher à la société d'avoir tardé à lancer une enquête et d'avoir ainsi manqué à son obligation de loyauté.
En conséquence Monsieur [A] [J] est débouté de sa demande en réparation.
Sur la discrimination syndicale
Monsieur [A] [J] demande la condamnation de la société à lui payer la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale subie depuis son élection en tant que membre du comité d'entreprise le 26 juin 2008.
Les articles L 1132'1 et L 2141'5 du code du travail posent l'interdiction d'une discrimination syndicale notamment en matière d'affectation, de qualification, de conduite et répartition du travail de mesures de discipline.
La charge de la preuve des faits est aménagée par l'article L 1134 '1 du code du travail et prévoit que le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'au vu de ces éléments qui, appréciés dans leur ensemble laissent présumer une discrimination, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Monsieur [A] [J] développe les éléments suivants pour la démontrer :
-les reproches de la direction sur l'investissement dans l'exercice de son mandat syndical,
' l'absence de travail consécutive à la prise de mandat,
' la concomitance entre son élection au comité entrepris et la mise en 'uvre de sanctions disciplinaires et procédure de licenciement
Mais pour établir la matérialité des reproches de la direction concernant son investissement dans l'exercice de son mandat, Monsieur [A] [J] ne se réfère qu'aux pièces 6,12 '5 et 16 de la société qui, dans le cadre du compte rendu d'enquête, ne retracent que les opinions de personnes qui sont sans intérêt pour établir cette preuve.
Ainsi si Monsieur [D], membre du comité de direction a évoqué dans le cadre de l'enquête interne de la société que Monsieur [A] [J] est sorti du cadre de ses fonctions en contactant directement le représentant du client SNCF ou en entrant en contact avec un autre en se présentant comme responsable du dossier d'une salariée du pôle ayant fait l'objet d'un licenciement, il n'émet ainsi qu'une opinion sans aucune répercussion pratique sur l'activité du salarié et si Madame [H] a expliqué aux enquêteurs 'mon sentiment est que Monsieur [A] [J] s'est fait élire au comité d'entreprise pour aider ses collègues, il utilise désormais son mandat et sa fonction en prenant des situations RH comme sujet de bataille et en dénigrant la direction. Il nous instrumentalise en comité d'entreprise, je n'ai plus confiance en lui. Or c'est le seul élu au collège cadre, vers qui se tourner maintenant je ne sais pas..' ce avis ne caractérise encore en rien un agissement discriminatoire.
Quant à la simultanéité entre la prise de mandat et la mise à l'écart professionnel, le changement de discours sur les qualités professionnelles ou la multiplication des procédures, il a été vu précédemment qu'ils reposent sur des éléments objectifs démontrés par la société et étrangers à toute discrimination syndicale et résultent d'une attitude fautive et sans lien avec le mandat syndical du salarié
En conséquence la discrimination syndicale n'étant pas établie, le salarié est débouté de sa demande en dommages et intérêts.
Sur la demande de nullité de la mise à pied disciplinaire de deux jours
Monsieur [A] [J] demande la nullité de la mise à pied disciplinaire de deux jours notifiée par la société par lettre du 18 décembre 2008 au motif d'insuffisance professionnelle en développant que la société n'apporte pas la preuve de celle-ci ainsi que l'a jugé l'inspecteur du travail puis le ministre pour refuser à la société l'autorisation de le licencier.
La SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING lui rétorque à tort que sur le fondement de l'article L 1471 '1 du code du travail qui dispose que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, et dans la mesure où le salarié n'a saisi le conseil de prud'hommes de Paris que le 26 septembre 2013, sa demande concernant l'annulation d'une sanction disciplinaire remontant au mois de décembre 2008 est prescrite.
En effet ce texte entré en vigeur le 16 juin 2013 n'était pas applicable au moment de la saisine du conseil de prud'homme le 26 septembre 2013, qui a interrompu le délai de prescription antérieur de 5 ans.
En conséquence cette demande est recevable.
A défaut de démontrer l'insuffisance professionnelle reprochée à cette date qui a été invoquée au soutien de la première procédure de licenciement dont l'autorisation n'a pas été accordée par les instances admninistratives qui n'avait pas trouvé au dossier la preuve de cette insuffisance, la sanction est injustifiée et doit être annulée.
L'annulation d'une sanction ne cause pas nécessairement de préjudice au salarié à qui il appartient tout au moins de développer celui-ci.
A défaut et constatant que le salarié n'a soulevé la nullité de celle-ci que près de 5 ans après son prononcé et après son départ de la société, la cour ne constate aucun préjudice.
Sur la prise d'acte
Monsieur [A] [J] a pris acte, le 20 mai 2013, de la rupture de son contrat de travail et sollicite la requalification de celle-ci en un licenciement nul.
Il explique dans son courrier de prise d'acte du 20 mai 2013 :
' qu'à la suite de son courrier du 3 mai 2013, et sans nouvelles de la société sur les conditions matérielles de sa réintégration, il s'est présenté ce matin à la société à 9h30,
'que l'hôtesse d'accueil a prévenu Monsieur [N] immédiatement et lui a demandé de l'attendre,
'qu'il s'attendait à recevoir son badge afin qu'il puisse se rendre à son bureau, la feuille de route pour la journée des semaines à venir et qu'aucun élément, aucun outil, aucun planning, n'étaient prévus à son attention, ni par ses collègues, ni par Monsieur [N],
'qu'il constate que la société ne souhaite pas donner sa pleine mesure à sa demande de réintégration et qu'elle persiste à le laisser dans un placard ; que rien n'a donc changé depuis trois ans, ni le harcèlement moral, ni la discrimination à son égard,
- qu'il a été congédié manu militari avec l'ordre de rentrer chez lui et est encore choqué par cette attitude,
' que dans ces conditions, il est évident pour lui, que cette attitude est préjudiciable à sa réintégration et que la volonté de la société de lui confier du travail est inexistante,
' qu'il a également constaté qu'elle n'avait pas régularisé sa situation, entre son licenciement annulé et ce jour, alors qu'il avait fait la demande par deux lettres recommandées distinctes.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêchent la poursuite du contrat.
Cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Il appartient au salarié d'établir la réalité des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
Ceux ci doivent constitués des manquements suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite de la relation de travail.
La prise d'acte n'étant soumise à aucun formalisme, l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige, les juges du fond doivent donc, examiner l'ensemble des manquements de l'employeur évoqués par le salarié, et non se limiter aux seuls griefs mentionnés dans sa lettre.
En l'espèce dans le cadre de la présente procédure Monsieur [A] [J] reprend les éléments énoncés dans la lettre de licenciement expliquant que les circonstances dans lesquelles il a été reçu, démontrent de la persistances des manquements de l'employeur.
Il est observé en premier lieu que l'existence de manquement de l'employeur antérieurs au licenciement annulé par l'effet de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, n'a pas été retenue par la cour.
Par ailleurs elle observe que si le salarié soutient qu'il est resté sans nouvelles à la suite de son courrier du 3 mai 2013, au contraire la société qui a réceptionné le 10 mai 2013 sa lettre de demande de réintégration, démontre que dès le 13 mai 2013, elle lui a adressé une lettre lui demandant de prendre rendez-vous afin d'organiser les modalités pratiques de son retour.
Or le 20 mai 2013, sans avoir préalablement donner de nouvelles, ni pris contact avec l'assistante de Monsieur [N] dont le numéro de téléphone était mentionné au courrier qu elui avait adressé l'entreprise, et un lundi de Pentecôte, soit un jour, même s'il n'était pas férié, où l'effectif était réduit, et alors même qu'il avait quitté l'entreprise depuis le 28 juillet 2010 soit près de 3 ans plus tôt, Monsieur [A] [J] s'est présenté.
Il ne peut dès lors être reproché à Monsieur [N] de ne pas avoir été en mesure de l'accueillir et lui avoir donné rendez-vous le lendemain matin à 9h30.
Par ailleurs la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING produit le courrier qui démontre qu'elle n'a obtenu qu'en août 2013, la transmission des éléments nécessaires à la régularisation de la situation du salarié, d'où il résulte que sans mauvaise foi elle n'était pas en mesure, au moment de la prise d'acte, et à peine quelques jours après la demande de réintégration, de procéder à la régularisation nécessaire.
En revanche, elle a immédiatement pris attache avec la médecine du travail afin d'organiser une visite médicale de reprise qui lui a confirmé le 17 mai 2013, une date de rendez-vous fixé au 29 mai 2013.
En conséquence l'accueuil du salarié repoussé au lendemain et le défaut de régularisation de sa situation au regard des obligations de l'employeur résultant de sa réintégration résultant de l'annulation de l'autorisation de licenciement administrative par la cour administrative d'appel, ne sont pas des manquements de l'employeur pouvant justifier que la prise d'acte porduise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud'hommes est dès lors confirmé en ce qu'il juge que la rupture produit alors nécessairement les effets d'une démission et déboute Monsieur [A] [J] de toutes ses demandes subséquentes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n'est pas inéquitable de condamer Monsieur [A] [J] à payer à la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de le débouter de ses prétentions à ce titre.
Partie succombante, Monsieur [A] [J] est condamné au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du conseil de Paris du 21 janvier 2015 en toutes ses dispositions,
Et ajoutant, :
CONDAMNE Monsieur [A] [J] à payer à la SAS KISIO SERVICES ET CONSULTING la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE