RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 30 Novembre 2016
(n° , 06 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12815
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/00737
APPELANTE
SARL TECHNIQUES D'AUTOMATISME
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 395 332 414
représentée par Me Thileli ADLI-MILOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2513
INTIME
Monsieur [Y] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]
représenté par Me Georges GINIOUX, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Une convention de formation préalable au recrutement a été signée par la SARL Techniques d'automatismes et M. [P] le 7 mars 2012 et par pôle emploi le 13 mars 2012 à effet à compter du 26 mars 2012 devant s'achever le 15 juin 2012.
Le 26 mars 2012, la SARL Techniques d'automatismes et M. [P] ont signé un contrat de travail à durée déterminée à temps complet.
M. [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 9 juillet 2012 puis a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir une indemnité de requalification, un rappel de salaire pour la période du 7 mars au 9 juillet 2012, les congés payés afférents, les indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement abusif, une indemnité pour travail dissimulé, un rappel de salaire pour des heures supplémentaires et les congés payés afférents.
Par un jugement du 19 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Bobigny a requalifié le contrat de M. [P] en contrat de travail à durée indéterminée et a condamné la SARL Techniques d'automatismes à verser à M. [P] les sommes suivantes :
- 1398,37 euros au titre de l'indemnité de requalification,
- 1161,72 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période du 7 mars au 31 mars 2012,
- 4195,11 euros à titre de rappel de salaire d'avril à juin 2012,
- 394,90 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période du 1er au 9 juillet 2012,
- 575,17 euros au titre des congés payés afférents,
- 329 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
- 220,80 euros au titre des heures supplémentaires pour la période de juin 2012 outre les congés payés afférents,
- 8390,22 euros au titre du travail dissimulé,
- 2800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Appelante de ce jugement, la SARL Techniques d'automatismes demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau, de débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, de le condamner à lui restituer la somme de 2477,30 euros au titre de salaires indûment versés, compte tenu des avances sur salaires réglées, et à lui payer une indemnité de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [P] conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à voir porter à la somme de 4195 € le montant des dommages-intérêts à lui revenir au titre du licenciement abusif.
Il sollicite la remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée au pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir et réclame 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS :
sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission. Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent être non seulement établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.
Par une lettre du 9 juillet 2012, M. [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail reprochant à l'employeur les manquements suivants :
« alors que j'ai commencé à travailler pour votre SARL Techniques d'automatismes le 7 mars 2012, vous ne m'avez officiellement embauché que le 26 mars suivant,
je n'ai reçu aucune rémunération entre le 7 mars et le 25 mars,
depuis le 26 mars je n'ai reçu que deux chèques, l'un de 1500 € le 25 avril 2012, l'autre 2300 € le 2 juillet 2012,
ces versements sont inférieurs au salaire net qui m'est dû au 30 juin 2012 sur la base du salaire brut contractuel de 1398,37 euros,
aucun bulletin de salaire ne m'a été remis depuis mon l'embauche, les très nombreuses heures supplémentaires que j'effectue bien au-delà de la réglementation du travail ne me sont pas payées du tout,
la formation convenue n'a pas eu lieu, la sécurité minimale n'est pas assurée ».
M. [P] indique avoir, en dehors de tout contrat écrit et de tout élément justifiant d'un statut particulier, travaillé au sein de l'entreprise dès le 7 mars 2012.
Il considère que l'employeur ne justifie pas de l'accroissement temporaire d'activité invoqué aux termes du contrat de travail signé le 26 mars 2012 ce qui impose sa requalification en contrat de travail à durée indéterminée.
Pour établir qu'il a commencé à travailler effectivement au sein de l'entreprise dès le 7 mars 2012, M. [P] renvoie d'une part à la lettre que lui a adressée la SARL Techniques d'automatismes le 31 juillet 2012 aux termes de laquelle elle précise « le 7 mars 2012 vous avez été accueilli dans notre société en tant que stagiaire dans le cadre d'une convention signée avec pôle emploi le 13 mars 2012 et cela jusqu'au 15 juin 2012. Vous avez été rémunéré comme il se doit par pôle emploi », d'autre part à l'attestation de Madame [S] qui précise que M. [P] a été embauché le 26 mars par déclaration URSSAF, qu'il est entré dans l'entreprise le 7 mars 2012 et commençait le matin à 8h30.
Il justifie aussi avoir reçu un chèque de 1500 € le 25 avril 2012 de la part de l'employeur.
L'employeur conteste avoir employé M. [P] dès le 7 mars 2012 alléguant qu'à cette date les parties ont signé un contrat de formation devant prendre effet à compter du 26 mars 2012. Il explique que c'est par suite d'une erreur matérielle qu'il a précisé avoir accueilli M. [P] dès le 7 mars 2012 aux termes de la lettre du 31 juillet 2012. Il communique l'attestation du comptable qui indique que M. [P] a commencé à travailler le 26 mars 2012 en qualité de magasinier chauffeur livreur que c'est par erreur que les parties ont porté mention de la date du 26 mars 2012 sur le contrat de travail à durée déterminée, ce contrat devant prendre effet à compter du 16 juin 2012, soit postérieurement à la convention de formation signée avec pôle emploi.
Il expose par ailleurs que le témoignage de Madame [S] sur la date à compter de laquelle le salarié a commencé à travailler au sein de l'entreprise n'est pas fiable dès lors qu'elle a, dans une attestation rédigée postérieurement le 7 octobre 2016, admis qu'elle n'avait pas pu être le témoin des heures supplémentaires prétendument réalisées par le salarié après 18 heures alors qu'elle même terminait son travail à 16 heures.
En l'absence de contrat écrit, c'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve, étant fait observer que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais se caractérise par les conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle.
Le lien de subordination, essentiel pour déterminer la nature des relations liant les parties, est caractérisé par l'existence d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution, de sanctionner les manquements de son salarié.
En dehors du témoignage Madame [S] dont la fiabilité est effectivement douteuse compte tenu de ce qu'elle a admis qu'elle ne pouvait pas être le témoin des heures supplémentaires prétendument accomplies par le salarié après 16 heures, heure à laquelle elle quittait son poste, M. [P] ne produit aucun élément pour établir la réalité d'un travail effectué dans le cadre d'un lien de subordination pour la période du 7 mars au 26
mars 2012, nonobstant le règlement d'une somme de 1500 € le 25 avril 2012 laquelle ne peut à soi seule caractériser la réalité de l'exercice d'un travail sous la subordination de l'employeur au cours de la période litigieuse.
S'agissant du contrat de travail à durée déterminée, la cour relève que le motif invoqué est effectivement l'accroissement temporaire d'activité dont la SARL Techniques d'automatismes ne justifie en aucune manière alors qu'il lui incombe d'établir la réalité de ce surcroît d'activités.
Qu'une erreur matérielle entache ce contrat de travail n'a aucune incidence dans le présent débat dès lors qu'aucun accroissement d'activité découlant d'un surcroît d'activité n'est établi que ce soit pour la période du 26 mars au 26 septembre 2012 ou pour la période du 15 juin au 15 décembre 2012.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le salarié sollicite la requalification de ce contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il lui a accordé une indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire.
Par ailleurs, dans la mesure où le salarié ne conteste pas l'application de la convention de formation avec le pôle emploi, le versement par cet organisme des indemnités à lui revenir pour la période du 26 mars au 15 juin 2012, M. [P] ne peut voir sa demande de rappel de salaire pour cette période prospérer.
Aucun manquement à cet égard ne peut être invoqué à l'encontre de l'employeur.
En revanche, il est fondé à obtenir des salaires pour la période du 15 juin 2012 au 9 juillet 2012, outre les congés payés afférents. En effet, les éléments communiqués ne permettent pas de retenir que le salarié ne s'est pas tenu à la disposition de l'employeur au cours de la période du 1er au 9 juillet 2012, étant observé que l'employeur qui allègue de l'absence du salarié ne l'a pas mis en demeure de réintégrer son poste.
S'agissant de la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'article L. 3171-4 du code du travail dispose en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Pour étayer sa demande, le salarié communique aux débats l'attestation de Madame [S] faisant état de ce qu'il pouvait rester tard le soir. Il a été néanmoins relevé que cette attestation ne présentait pas le caractère de fiabilité nécessaire dans la mesure où dans un document rédigé ultérieurement, ce témoin indique qu'elle quittait l'entreprise dès 16 heures et ne pouvait constater elle-même que M. [P] restait au-delà de l'horaire convenu avec l'employeur.
Il communique également trois feuilles de décompte journalier de la durée du travail signées par l'employeur, desquelles il ressort que le salarié a effectivement effectué des heures supplémentaires.
La demande en paiement de la somme de 220,80 euros outre les congés payés afférents est fondée.
Le salaire dû pour la période du 15 juin 2012 au 9 juillet 2012 outre les congés payés afférents et le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents correspondent à une créance globale au profit de M. [P] à hauteur de la somme de ( 1100,35 + 110 ) + 220 + 22) 1452,35 euros .
Il est établi que l'employeur a remis à M. [P] au cours de la collaborations deux chèques pour un montant global de 2800 euros .
Le salarié invoque également l'absence de formation véritable mais ne produit aucun élément pour justifier d'un manquement de l'employeur à cet égard.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, et dans la mesure où M. [P] n'a pas préalablement à la prise d'acte de la rupture mis en demeure l'employeur de lui remettre un bulletin de salaire pour le mois de juin 2012, en mentionnant les heures supplémentaires effectuées, la cour relève que ce manquement de la part de l'employeur ne présente pas une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte de la rupture qui dans ces conditions, vaut démission.
Il s'en déduit que les demandes formulées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, et les dommages-intérêts pour rupture abusive ne peuvent prospérer.
Le jugement déféré sera réformé sur l'ensemble de ces points.
Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé
En application de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombreux d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause.
Il n'est pas contesté que l'employeur a effectué la déclaration préalable à l'embauche.
S'il a été légitimement reproché à l'employeur de ne pas avoir délivré un bulletin de salaire pour le mois de juin 2012, mentionnant les heures supplémentaires effectuées, la cour relève qu'au regard des avances sur salaire opérées par l'employeur, l'intention frauduleuse alléguée n'est pas établie.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement des sommes indûment versées
Le salarié dispose d'une créance globale de 2850,72 euros. ( rappels de salaires et indemnité de requalification)
L'employeur a versé globalement 2 800 euros à M. [P], au cours de la collaboration.
Compte tenu de la créance reconnue au salarié, l'employeur reste redevable d'une somme de 50,72 euros .
Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont engagés au soutien de leurs argumentaires respectifs tant devant le conseil de prud'hommes que devant la cour d'appel.
De même, chacune des parties supportera les dépens qu'elle a exposés dans la présente instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué au salarié une indemnité de requalification, un rappel de salaire pour la période du 15 juin au 9 juillet 2012, les congés payés afférents, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour juin 2012 outre les congés payés afférents, pour un montant global de 2851,35 euros,
L'Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la prise d'acte de la rupture vaut démission,
Relève que l'employeur a déjà versé à M. [P] une somme de 2800 euros et reste redevable d'une somme de 50,72 euros,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions respectives,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens exposés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT