RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 01 Décembre 2016
(n° 796 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/12374
Jonction avec le dossier RG : 14/12756 et le dossier RG : 15/10148
Délibéré par mise à disposition au greffe prévu au17 novembre 2016 prorogé au 1er décembre 2016
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU RG n° 13/00403
APPELANT
Monsieur [L] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Catherine BROUSSOT MORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030
INTIMES
Me [C] [R] (SCP [U] [Q] [R] [C]) - Mandataire liquidateur de SAS 3 S PHOTONICS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Jean-sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0790 substitué par Me Florence BAUDOUIN THIERREE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0734
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D921
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Patricia DUFOUR, conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Wafa SAHRAOUI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Naïma SERHIR, greffière présente lors du prononcé.
Faits et procédure :
Monsieur [L] [B] a été engagé par la Société HIGHWAVE OPTICAL TECHNOLOGIES par un contrat à durée indéterminée à compter du 06 avril 1998, en qualité de Directeur de recherche, statut cadre.
La Société 3S PHOTONICS SAS, prise en la personne de son mandataire- liquidateur, et dernier employeur de Monsieur [B] indique que ce dernier, fondateur de la Société HIGHWAVE OPTICAL TECHNOLOGIES en a été le Président, puis le Président du Conseil de surveillance.
Monsieur [B] explique que son contrat de travail a été transféré au sein de la Société MANLIGHT SAS, en qualité de Directeur Technique à compter du 01 juin 2006. Il a été nommé Président du Conseil d'Administration de la Société MANLIGHT à compter du 01 août 2006, tout en continuant à exercer ses fonctions de Directeur Technique selon lui. Il en était le Président Directeur Général selon le mandataire- liquidateur de la Société 3S PHOTONICS SAS.
Monsieur [B] soutient que son contrat de travail a été transféré à la Société 3S PHOTONICS SAS en application des dispositions de l'article L 1224-1 du Code du Travail à compter du 01 mars 2012, étant précisé que la Société 3S PHOTONICS SAS a racheté la Société MANLIGHT le 25 novembre 2011. Il exerçait alors les fonctions de Directeur Marketing France, Directeur Technique et Directeur du site de [Localité 1], statut cadre, position III C, indice 240.
Sa rémunération mensuelle brute s'est établie en dernier lieu à 12 500 euros.
L'entreprise compte plus de 10 salariés.
La relation de travail est régie par la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Monsieur [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU le 23 avril 2013 d'une demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Monsieur [B] a été licencié pour motif économique le 21 novembre 2013.
Par décision en date du 09 octobre 2014, le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau a condamné la SAS 3S PHOTONICS au paiement des sommes suivantes après avoir fixé la moyenne des salaires des trois derniers mois à 12 656, 68 euros :
25 131, 36 euros au titre du complément de l'indemnité compensatrice de préavis,
2513, 14 euros au titre des congés payés afférents,
88 063, 69 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
mais il a débouté Monsieur [B] de sa demande de résiliation judiciaire, de ses demandes au titre d'un licenciement nul et a retenu que le licenciement prononcé pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Monsieur [B] a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation, appel enregistré sous le numéro RG 14/12374. Un second appel contre ce jugement a été enregistré sous le numéro RG 14/12756.
Par jugement en date du 21 octobre 2014, le Tribunal de Commerce d'EVRY a prononcé la liquidation judiciaire de la Société 3S PHOTONICS SAS et désigné Maître [C] ès qualités de mandataire- liquidateur.
Monsieur [B] a également interjeté appel de la décision du Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU, en date du 28 septembre 2015, qui a déclaré irrecevable sa demande tendant à voir garantir par l'AGS les sommes dues au titre des créances salariales. Cet appel a été enregistré sous le numéro 15/10148.
Monsieur [B] demande à la Cour de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la Société 3S PHOTONICS SAS et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette société les sommes suivantes :
37 500 euros à titre de « dommages-intérêts pour préjudice moral lié aux conditions d'exécution du contrat de travail et pour préjudice spécifique pour harcèlement moral »,
25 131, 36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
36 084 euros à titre d'indemnité pour solde des congés payés et RTT,
98 063, 69 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
300 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse
L'appelant sollicite également le bénéfice des dispositions de l'article 1154 du Code Civil. Et l'inscription au au passif de la liquidation de la Société 3S PHOTONICS SAS, de la somme de 7500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Maître [C], mandataire-liquidateur de la Société 3S PHOTONICS SAS, conclut au rejet des demandes de Monsieur [B], et prie la cour de fixer son ancienneté fixée au 01 mars 2012, de le débouter de ses demandes formées au titre du harcèlement moral, de la résiliation judiciaire et du licenciement pour motif économique. Il requiert la condamnation de Monsieur [B] à payer à la Société 3S PHOTONICS SAS, qu'il représente, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, avec mise hors de cause de Maître [C] [H] administrateur judiciaire de la Société 3S PHOTONICS SAS.
L'AGS sollicite l'infirmation du jugement du 09 octobre 2014 en ce qu'il a fixé l'ancienneté de Monsieur [B] au 06 avril 1998. Il demande de rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [B].
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 26 septembre 2016, reprises et complétées à l'audience.
MOTIVATION,
Dans le souci d'une bonne administration de la justice, en application des dispositions de l'article 367 du Code de Procédure Civile, il convient d'ordonner la jonction des trois procédures d'appel diligentées comme dit ci-dessus par Monsieur [B], enregistrées respectivement sous les numéros RG 14/12374, RG 14/12756 et RG 15/10148. L'instance se poursuit donc sous le seul numéro RG 14/12374.
Compte-tenu de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, il convient, en outre, de mettre hors de cause Maître [H], administrateur judiciaire de la SAS 3S PHOTONICS.
sur l'ancienneté de Monsieur [B] et sa qualité de salarié :
Monsieur [B] soutient que son ancienneté au sein de la Société 3S PHOTONICS SAS doit être fixée au 06 avril 1998, conformément aux termes de son contrat de travail en date du 01 mars 2012 conclu avec la SAS 3S PHOTONICS et en application des dispositions de l'article L 1224-1 du Code du Travail.
L'AGS indique que le contrat de travail signé le 06 avril 1998 entre Monsieur [B] et la Société HIGHWAVE OPTICAL TECHNOLOGIES a pris fin à la suite du licenciement pour motif économique de Monsieur [B] le 22 décembre 2005. L'AGS rappelle également que la Société HIGHWAVE OPTICAL TECHNOLOGIES a été placée en liquidation judiciaire le 13 décembre 2005 et clôturée pour insuffisance d'actif le 28 octobre 2008. L'AGS rappelle enfin que la somme de 15 063, 54 euros au titre de l'indemnité de licenciement a été fixée au passif de la liquidation judiciaire de cette entreprise et avancée au bénéfice de Monsieur [B].
Le mandataire- liquidateur objecte également que Monsieur [B] n'exerçait aucune activité salariée au sein de l'entreprise MANLIGHT SAS dont il était Président Directeur Général. Il précise que cette situation était identique au sein de la Société HIGHWAVE OPTICAL TECHNOLOGIES dont il était le fondateur.
Le mandataire-liquidateur, comme les AGS, soutiennent que l'ancienneté doit être fixée à la date de conclusion du contrat de travail soit le 01 mars 2012.
La Cour relève que Monsieur [B] ne formule aucune observation afférente aux éléments soulevés par le mandataire-liquidateur et par l'AGS, s'agissant du licenciement économique en date du 22 décembre 2005 -mettant fin à une relation de travail, au bénéfice d'une indemnité de licenciement à ce titre et au cumul du contrat de travail allégué et d'un mandat social. Il se borne, en effet, à répéter le descriptif, tel que repris dans l'exposé des faits de la présente décision.
Il ressort de la fiche de renseignements versée aux débats par l'AGS, non contestée par Monsieur [B], qu'il a perçu des avances sur ses créances salariales d'un montant de 46 011 euros au titre des salaires, de l'indemnité compensatrice de préavis, des indemnités de licenciement, et ce au plus tard le 04 janvier 2006 suite à la fin de la relation de travail fixée au 22 décembre 2005.
Dès lors, la seule lecture de ce document, corroboré par le certificat de travail signé par Monsieur [V], Directeur Général de la Société HIGHWAVE OPTICAL SERVICES, qui mentionne une fin de relation de travail le 04 janvier 2006, suffit à démontrer que le premier contrat de travail revendiqué par Monsieur [B] a, en toute hypothèse, pris fin le 22 décembre 2005.
Il s'ensuit que le contrat de travail dont se prévaut Monsieur [B] avec la Société MANLIGHT ne peut résulter d'un transfert du contrat de travail préexistant avec la Société HIGHWAVE OPTICALS TECHNOLOGIES, au sens des dispositions de l'article L 1224-1, dans sa rédaction applicable à l'époque de cette relation de travail, qui ont trait aux « contrats de travail en cours », alors que ce premier contrat a été rompu le 22 décembre 2005.
S'agissant du contrat signé le 29 mai 2006 entre la Société MANLIGHT et Monsieur [B] dont se prévaut celui-ci, il y est mentionné qu'il exerce les fonctions de « Directeur Technique [c'est-à-dire] les fonctions suivantes :
«élaboration et mise en oeuvre de la stratégie produits,
conduite de la politique de recherche et développement,
définition de la politique du partenariat technologique,
toutes missions propres à assurer et à faire évoluer la qualité technique des produits,
aux fonctions sus-décrites, s'ajouteront toues les fonctions connexes propres à remplir les objectifs visés. »
En application des dispositions de l'article 1315 du Code civil, compte-tenu de l'existence d'un contrat de travail écrit, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d' apporter la preuve de celui-ci. Ainsi, il appartient au mandataire ' liquidateur ou à l'AGS qui contestent le maintien du contrat de travail à compter de la désignation de Monsieur [B] comme Président de la société le 01 août 2006, de démontrer que les activités de l'intéressé n'ont été que celles d'un mandataire social.
Il ressort des pièces versées aux débats par le mandataire-liquidateur de la Société 3S PHOTONICS SAS (coupures de presse économique, propre curriculum vitae rédigé par Monsieur [B]) que celui- ci s'est présenté de manière constante et exclusive comme « General Manager » ou « Président », « Créateur- Dirigeant d'entreprise » de la Société MANLIGHT. De plus, la taille de l'entreprise (30 salariés), la modification de son siège social lors de la désignation de Monsieur [B] comme Président de la Société coïncidant désormais avec le seul établissement de l'entreprise à LANNION suffisent à démontrer que le mandat social dévolu à l'intéressé par les actionnaires de l'entreprise a englobé les fonctions techniques initiales de l'intéressé.
De plus, lors de l'absorption de la Société MANLIGHT par la Société 3S PHOTONICS SAS, Monsieur [B] est présenté comme le représentant de la première entreprise dans le cadre des négociations et de l'absorption conclue.
Ainsi, c'est à juste titre que le mandataire liquidateur de la Société 3S PHOTONICS SAS soutient que la désignation comme Président de Monsieur [B] au sein de l'entreprise MANLIGHT a suspendu son contrat de travail en date du 01 juin 2006, tout lien de subordination et toute spécificité technique inhérente à ses fonctions salariales initiales ayant disparu.
La qualité de salarié de Monsieur [B] ne résulte donc que de son contrat de travail signé avec la Société 3S PHOTONICS SAS en date du 01 mars 2012 et son ancienneté doit, dès lors, être fixée à cette dernière date, nonobstant la date mentionnée dans cette convention qui fait fi de manière erronée, voire frauduleuse, des ruptures et suspensions des relations de travail antérieures. Le jugement est infirmé sur ce point.
sur le harcèlement moral et sur les conditions d'exécution déloyale :
En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
S elon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.
Monsieur [B] affirme que la SAS 3S PHOTONICS a constamment cherché à réduire ses fonctions, a refusé de reconnaître son ancienneté et a tenté de le pousser à démissionner.
Monsieur [B] affirme que la résistance de la SAS 3S PHOTONICS à lui reconnaître une ancienneté fixée au 06 avril 1998 démontre une première manoeuvre de fragilisation contre lui de la part de la Direction de la SAS 3S PHOTONICS.
Il indique qu'il a fait l'objet d'un déclassement professionnel, ses fonctions et attributions ayant été réduites. Il explique que si une mission lui a été confiée en 2013, elle fait suite à sa saisine du Conseil de Prud'hommes aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail. Il affirme que cette mission ne contient aucune tâche réelle.
Il précise qu'il a été écarté des circuits d'information de l'entreprise et des réunions stratégiques. Il ajoute qu'il s'est vu retirer les équipes dont il avait la charge, n'ayant plus de fonctions d'encadrement.
Il verse aux débats les organigrammes successifs établis par la SAS 3S PHOTONICS entre avril 2012 et février 2013, les documents afférents à la direction de l'établissement de [Localité 1], et notamment la révocation de sa délégation de pouvoirs en date du 18 juin 2012, au profit d'un autre salarié de l'entreprise, qui était promu.
Monsieur [B] produit, aussi, des arrêts maladies successifs qui mentionnent « maladie- dépression » à compter du 13 juin 2013.
L'appelant établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
L'employeur fait valoir que la modification du rattachement hiérarchique de Monsieur [B] ne peut s'analyser en une rétrogadation car le salarié a été rattaché au second membre du Directoire de l'entreprise, sans échelon intermédiaire, et ne constitue pas une modification de son contrat de travail. Il conteste également toute modification ou diminution de ses responsabilités.
La SAS 3S PHOTONICS explique avoir confié, en effet, une mission importante à Monsieur [B] et rappelle que cette fonction relevait des compétences et de la fonction de l'intéressé, devant être réalisée par le salarié, lui-même, ne nécessitant aucun moyen humain spécifique supplémentaire.
S'agissant de l'annonce des changements organisationnels, la SAS 3S PHOTONICS indique que les réunions régulières avaient pour objet d'évoquer ces changements, contrairement à ce que soutient Monsieur [B].
A la lecture du contrat de travail en date du 01 mars 2012, la Cour constate que Monsieur [B] « occupe le poste de Directeur Technique et Directeur du Site de [Localité 1], correspondant au regard de la convention collective à un statut d'ingénieur, position IIIC, indice 240 ».
La seule lecture de ce contrat démontre que les fonctions de ce salarié sont intrinsèquement liées au site et à l'établissement de [Localité 1], qui constitue l'établissement acquis par la SAS 3S PHOTONICS dans le cadre de la fusion. Par ailleurs, la délégation de pouvoirs consentie par la Direction de la SAS 3S PHOTONICS à Monsieur [B] en qualité de «directeur de site de [Localité 1]» le 15 mai 2012 témoigne de la permanence des fonctions de chef d'établissement de Monsieur [B] sur le site de [Localité 1].
Il ressort, en outre, de l'organigramme produit aux débats en date de février 2012, plus précisément de la page « France Organization », comme des deux organigrammes d'avril 2012, que Monsieur [B] apparaît encore comme le Directeur du Site de [Localité 1], avec, sous sa responsabilité, notamment [B] [S].
La consultation des mêmes documents démontre que Monsieur [B] apparaît également dès avril 2012 comme le « executive VP marketing »,initialement en plus de ses fonctions au sein de l'établissement de [Localité 1].
En revanche, il ressort des organigrammes suivants, et notamment celui en date d'avril 2013, que Monsieur [B] a disparu des pages afférentes à l'organisation de [Localité 1] et de la page « France Organization ». Il n'exerce plus désormais que la fonction de « executive VP marketing ».
De plus, il ressort des pièces versées aux débats que la délégation de pouvoirs octroyée le 15 mai 2012 a été révoquée le 18 juin 2012, retrait qui est corroboré par le nouvel organigramme adressé au mois de juillet 2012 dans lequel [B] [S] apparaît à la place d'[L] [B].
Dès lors, il ne peut être valablement contesté par la SAS 3S PHOTONICS que Monsieur [B] a perdu une partie de ses fonctions, étant observé qu'aucune pièce versée aux débats ne permet de déterminer le périmètre et le contenu précis et étayé des ses nouvelles attributions dévolues sous le titre « executive VP marketing ».
Ainsi, nonobstant l'augmentation substantielle de sa rémunération qui s'élève en dernier lieu à 12 500 euros, c'est à juste titre que Monsieur [B] soutient avoir subi des modifications de son contrat de travail et une nette diminution de ses attributions au sein de l'entreprise à compter de mai 2012.
Ensuite, s'agissant de la dernière mission qui lui est confiée à compter de mai 2013, et dont Monsieur [B] prétend qu'il s'agit d'une mission artificielle sans réel contenu, la Cour relève qu ' hors mis la description de poste, produite aux débats par la SAS 3S PHOTONICS -qui évoque en termes techniques cette étude afférente aux « sous-systèmes »-, l'entreprise ne verse aucun document de nature à déterminer les tâches réelles et effectives dévolues au salarié dans le cadre de cette mission.
Enfin, il n'est versé aux débats aucune pièce pour établir les missions effectives et concrètes, comme les responsabilités de Monsieur [B], après la suppression de l'ensemble de ses fonctions au sein de l'établissement de [Localité 1] et la mission attribuée en mai 2013.
Au regard des énonciations qui précèdent, les agissements dénoncés par Monsieur [B] ne sont justifiés par aucun élément objectif étranger à des faits de harcèlement. Il s'ensuit que le harcèlement moral dénoncé par Monsieur [B] est établi. Le jugement est infirmé.
Il convient, en réparation de son préjudice, compte-tenu des pièces versées aux débats, -et notamment des arrêts pour maladies successifs de l'appelant- d'allouer la somme de 10 000 euros à Monsieur [B]. Le jugement est infirmé.
sur la résiliation judiciaire :
En présence d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d'un licenciement prononcé postérieurement, il convient en premier lieu d'examiner le bien fondé des griefs invoqués au soutien de cette demande. Si ces griefs sont fondés la rupture emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et rend sans objet l'examen des griefs invoqués par l'employeur au soutien du licenciement qu'il a lui-même prononcé.
Pour fonder une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de rapporter la preuve de manquements de l'employeur à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, Monsieur [B] développe les mêmes moyens que ceux énoncés au soutien de sa demande spécifique afférente « aux conditions d'exécution du contrat de travail et pour préjudice spécifique pour harcèlement moral ». Il fait ainsi valoir que la SAS 3S PHOTONICS a modifié son contrat de travail de manière unilatérale, en lui retirant une partie de ses fonctions, notamment celles de chef de l'établissement de [Localité 1], en lui retirant la délégation de pouvoirs inhérentes à ces fonctions puis en le rétrogradant à des fonctions de Directeur Marketing Stratégie et, enfin, en l'excluant du comité stratégique de l'entreprise.
Monsieur [B] affirme également que la résistance de la SAS 3S PHOTONICS à lui reconnaître une ancienneté fixée au 06 avril 1998 révèle un autre manquement, réitéré, de l'entreprise à ses obligations.
La SAS 3S PHOTONICS réfute à nouveau cette présentation. Elle précise que la modification du rattachement hiérarchique de Monsieur [B] ne peut s'analyser en une rétrogadation car il a été rattaché au second membre du Directoire de l'entreprise, sans échelon intermédiaire. Elle conteste toute diminution de ses fonctions et de ses responsabilités.
Elle rappelle que Monsieur [B] a été nommé au poste de Directeur Marketing Stratégie et qu'il a bénéficié d'une augmentation de sa rémunération mensuelle.
S'agissant du comité stratégique, la SAS 3S PHOTONICS explique qu'il n'existe pas de comité stratégique formalisé et, dès lors, aucune exclusion, mais que des comités se réunissent, en fonction des sujets à traiter, avec les personnes utiles en fonction du sujet abordé.
Si Monsieur [B] a été débouté de sa demande afférente à une reprise d'ancienneté fixée au 06 avril 1998, la Cour rappelle que sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 1152-1 et suivants du Code du travail a été retenue et que les agissements de la SAS 3S PHOTONICS constituent des faits de harcèlement moral à son encontre.
Dès lors, ces agissements caractérisent des manquements graves qui empêchent la poursuite de la relation de travail. Cette rupture de la relation de travail, fondée sur la reconnaissance de faits de harcèlement moral, produit les effets d'un licenciement nul en application des dispositions de l'article L 1152-3 du Code du travail.
A cet égard, Monsieur [B], qui ne réclame pas sa réintégration, est bien fondé à solliciter d'une part des indemnités de rupture et d'autre part une indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi résultant du caractère illicite de la rupture de la relation de travail au moins égale à six mois de salaire.
Par conséquent il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS 3S PHOTONICS la somme de de 75 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, il ressort des dispositions de l'article 27 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qu'un cadre, âgé de 50 ans à 55 ans, ayant un an de présence dans l'entreprise, que l'indemnité compensatrice de préavis correspond à 04 mois de salaire si ce salarié a moins de 5 ans de présence dans l'entreprise, ce qui correspond à la situation de Monsieur [B] comme indiqué précédemment. Il ressort des pièces versées aux débats comme des motifs retenus par les premiers juges que l'employeur a, d'ores et déjà, versé une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 4 mois de salaire. Dès lors, il est établi que Monsieur [B] a été rempli de ses droits à ce titre et qu'il convient d'infirmer la décision initiale qui a condamné l'employeur au paiement d'un solde d'indemnité en retenant une ancienneté supérieure à 5 ans. Monsieur [B] est débouté de sa demande de complément d'indemnité compensatrice de préavis.
S'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, en application des dispositions de l'article 29 de la convention collective susvisée, de l'ancienneté fixée au 01 mars 2012 et au regard des sommes déjà perçues par Monsieur [B], il apparaît également que ce dernier a été rempli de ses droits. Il est donc débouté de sa demande à ce titre et le jugement déféré est infirmé.
Concernant la demande de Monsieur [B] au titre des congés payés non pris, il convient de relever que ce dernier sollicite une indemnité à hauteur de 51 jours de RTT et congés payés non pris pendant trois ans, alors même que la relation de travail discutée n'a pas duré 3 ans et qu'il ressort des bulletins de salaire produits aux débats, de manière incomplète, qu'il a d'ores et déjà perçu une indemnité au titre des congés payés. Il est donc débouté de sa demande à ce titre. Le jugement déféré est confirmé.
Compte-tenu de ce qui précède, le licenciement de Monsieur [B],sans objet, n'a pas lieu d'être examiné.
Il convient de rappeler que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire interrompt le cours des intérêts ;en conséquence ces intérêts courront, en l'espèce, du jour de la réception par la SAS PHOTONICS de sa convocation devant le Bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, jusqu' à la date du jugement de liquidation de cette société ; la demande de capitalisation des intérêts sera accueillie dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
L'AGS devra, dans les limites de sa garantie, assurer à M.[B] le paiement des sommes qui lui ont été allouées ci-dessus.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,
ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 14/12374, RG 14/12756 et RG 15/10148 et dit que l'instance se poursuit sous le seul numéro RG 14/12374,
ORDONNE la mise hors de cause de Maître [H], administrateur judiciaire de la SAS 3S PHOTONICS,
INFIRME le jugement sauf en ce qui concerne l'indemnité au titre des congés payés et RTT,
STATUANT à nouveau sur les autres chefs et Y AJOUTANT,
FIXE l'ancienneté de Monsieur [L] [B] à la date du 01 mars 2012,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail signé le 01 mars 2012 entre Monsieur [L] [B] et la SAS 3S PHOTONICS,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS 3S PHOTONICS, au bénéfice de Monsieur [B], les sommes suivantes :
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
75 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
DEBOUTE Monsieur [B] du surplus de ses demandes,
DECLARE l'UNEDIC délégation AGS CGEA Île de France Est tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;
MET les dépens au passif de la liquidation de la SAS 3S PHOTONICS,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
N. SERHIR C.BEZIOT