RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 06 Décembre 2016
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09980
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 13/00362
APPELANTE
SAS JURITRAVAIL qui vient au droits de WENGO ENTREPRISES
[Adresse 1]
[Adresse 2]
N° SIRET : 531 550 333
en présence de Monsieur [F] [F], Président, représentée par Me Laure DENERVAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0013
INTIMEE
Madame [L] [W]
RESIDENCE [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Laurent CALONNE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Soleine HUNTER FALCK, Conseillère faisant fonction de présidente
Madame Roselyne GAUTIER, Conseillère
Madame Anne PUIG-COURAGE, Conseillère
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile et prorogé à ce jour.
- signé par Soleine HUNTER FALCK, Conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
La SAS WENGO filiale de VIVENDI qui compte plus de 11 salariés , exploite une plate-forme Internet dont l'objet est la mise en relation entre des prestataires de services professionnels et des clients souhaitant une consultation.
Au début de l'année 2012 la SAS WENGO a créé la Société WENGO ENTREPRISES afin de développer une prestation de mise en relation entre des experts et des entreprises de type TPE et PME .
C'est dans ces conditions qu' après avoir vu son CV sur le site de l'APEC que le Directeur de la Société WENGO ENTREPRISES a contacté Madame [L] [W].
Madame [W] a démissionné de son précédent emploi et a été embauchée suivant contrat du 25 mai 2012 à effet du 4 juin 2012 par la SAS WENGO ENTREPRISE en qualité de Consultant Senior aux conditions générales de la Convention Collective Nationale des Bureaux d'Etude Techniques, Cabinet d'Ingénieurs Conseils et Société de Conseils.
Ne partageant plus le projet de l 'entreprise et les perspectives d'évolution de son poste elle sollicite en urgence, le 12 septembre 2012 un entretien auprès de son employeur.
A la suite de cette entrevue , le jour même , elle est convoquée à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire.
Elle ne se présente pas à l'entretien préalable et est licenciée par courrier en date du 27 septembre 2012 pour faute grave.
C'est dans ce contexte que le 14 janvier 2013 Madame [W] saisit le Conseil de Prud'hommes.
Par jugement en date du 11 mars 2014 le Conseil de Prud'hommes de PARIS,, Section Encadrement, Chambre 6 , a:
-Condamné la SAS WENGO ENTREPRISES à verser à Madame [L] [W] :
- 13 749,99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1 374, 99 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- 2 583, 40 € à titre de mise à pied sur salaire ;
- 258, 34 € à titre d'indemnité de congés payés afférentes
- 20 624,98 € à titre d'indemnité de clause de non concurrence ;
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation;
-Ordonné la remise des documents sociaux;
-Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
-Condamné la SAS WENGO ENTREPRISES au paiement de la somme de 700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La SAS WENGO ENTREPRISES a régulièrement interjeté appel du dit jugement le 17 sept 2014 .
La SAS WENGO ENTREPRISES demande à la Cour de :
A titre principal,
- Infirmer le jugement ;
- Juger que le licenciement pour faute grave est justifié;
- Juger que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence
contractuelle est indue;
À titre subsidiaire,
- Confirmer le jugement attaqué selon lequel le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse;
A titre infiniment subsidiaire,
- Juger que Madame [W] ne justifie d'aucun préjudice s'il est estimé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse;
En toute hypothèse ,
- Condamner Madame [W] à payer à la société WENGO ENTREPRISES, la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts, pour procédure abusive;
- Condamner Madame [W] à payer à la société WENGO ENTREPRISES, la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,
- Ordonner l'exécution provisoire sous le visa de l'article 515 du code de procédure civile.
Madame [W] forme appel incident et demande à la Cour de:
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société WENGO ENTEPRISES au paiement des sommes suivantes :
' 13 749,99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
' 1 374,99 € au titre des congés payés sur préavis ;
' 2 583,40 € à titre de mise à pied sur salaire ;
' 258,34 € au titre d'indemnité de des congés payés ;
' 20 624,98 € à titre d'indemnité de clause de non concurrence;
' 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Y ajoutant,
- Dire le licenciement de Madame [L] [W] sans cause réelle et sérieuse;
- Condamner en conséquence la société WENGO ENTEPRISES au paiement des sommes suivantes :
' 27 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
' 352,65 € au titre du rappel de salaire retenu opéré en septembre 2012
' 35,26 €au titre des congés payés afférents ;
' 2 062,49 € au titre des congés payés sur la clause de non concurrence ;
- Ordonner la remise d'un bulletin de salaire et d'un certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir;
- Condamner la société WENGO ENTREPRISES à payer 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats
SUR CE
Sur la qualification du licenciement :
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve. Si un doute subsiste , il profite au salarié.
Aux termes de la lettre de licenciement du 27 septembre 2012 qui fixe les limites du litige, il est reproché à Madame [W] une faute grave caractérisée pour l'employeur par les griefs suivants:
'(...) Le 12 septembre 2012, ayant sollicité d'urgence un rendez-vous avec la direction de WENGO ENTREPRISES, vous avez été reçues par Monsieur [F] [F] en présence de Monsieur [K].
A 14h30 le même jour , vous vous êtes présentée dans le bureau dans un état d'agressivité et de violence inacceptable.
Vous avez immédiatement indiqué que la société ne respectait pas les clauses de votre contrat de travail et tout en hurlant, vous avez indiqué à Monsieur [F], « que les avocats du Barreau de LILLE vous avaient conseillé de prendre acte de la rupture de votre contrat de travail, ce que vous aviez fait par courrier ».
Immédiatement, ce dernier vous a demandé de vous calmer et d'expliquer les griefs que vous aviez à l'encontre de l'entreprise.
Cependant, vous avez maintenu votre position et votre ton agressif à l'égard de Monsieur [F], étant en outre menaçante et refusant de donner toute explication.
Il vous a été indiqué qu'aucune lettre RAR n'avait été reçue de votre part et que votre attitude était incompréhensible.
Vous lui avez répondu « je ne suis pas là pour en discuter, on se retrouvera devant les tribunaux ».
Refusant de vous calmer, il vous a alors été demandé de quitter les lieux.
En outre, il apparaît après renseignements pris auprès de vos collègues, que depuis plusieurs semaines, vous avez ouvertement indiqué à ces derniers que vous estimiez que les dirigeants de l'entreprise « faisaient n'importe quoi, et que leurs choix stratégiques étaient contraires au bon sens ».
Ces derniers nous ont confirmé que vous n'avez cessé depuis plusieurs semaines de dénigrer et critiquer la direction, sans aucune retenue, et en utilisant en outre, des propos inacceptables.
Enfin, vous ne vous êtes pas présentée à l'entretien préalable, et aucune lettre n'a été reçue par l'entreprise faisant état d'une quelconque prise d'acte, ou encore d'une contestation quelconque.
En application e l'article L.1232-2 du code du travail nous vous notifions donc par la présente votre licenciements sans préavis , ni indemnité pour faute grave et ceci pour les motifs exposés ci dessus . (...)'
Il existait au vu des pièces et conclusions un différend entre les parties sur le fait de savoir si la plate forme juridique WENGO était légalement compatible avec les règles déontologiques régissant la profession d'avocat , et sur l'évolution du poste de la salariée, cette dernière justifiant que, du fait de l'évolution du projet ayant motivé son recrutement le profil de son poste avait évolué.
Si l'entretien du 12 septembre 2012 s'est certainement mal passé, les seules attestations du Président Directeur Général signataire de la lettre de licenciement et du supérieur hiérarchique de la salariée , qui l'ont reçue lors de l'entretien, qui ne sont confortées par aucun élément extérieur, ne suffisent pas à établir l'agressivité de la salariée.
Les attestations émanant d'une stagiaire ,Madame [E] et d'une autre salariée, Madame [S] démontrent au contraire, au vu des conditions dans lesquelles Madame [W] a dû, le jour même , quitter son bureau , que l'agressivité était du côté de l'employeur.
De même les propos visant à dénigrer l'entreprise reprochés à Madame [W] , ne reposent que sur une seule attestation émanant d'une salariée, Madame [M] et sont contredites par les attestations de Mesdames [E] et [S].
Il en résulte que, si Madame [W] lors du projet l'élaboration de la plate forme juridique a pu critiquer les choix faits au regard des règles relatives à la profession d'avocat, elle n'a jamais dépassé les limites de son droit d'expression.
L'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité des griefs reprochés à la salariée.
C'est donc à tort , que le Conseil de Prud'hommes a jugé que l'existence d'une situation litigieuse entre les parties suffisait à dire que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et ce, alors même, qu'aucun fait permettant d'imputer le litige à la salariée n'était relevé.
La Cour infirmant donc le jugement dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences de la rupture
La Cour confirme les sommes allouées par le jugement au titre des créances salariales à savoir :
' 13 749,99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
' 1 374,99 € au titre des congés payés sur préavis ;
' 2 583,40 € à titre de mise à pied sur salaire ;
' 258,34 € au titre d'indemnité de des congés payés ;
Au vu du bulletin de salaire de septembre 2012 il convient de faire droit aux demandes de la salariée sur lesquelles le jugement a omis de statuer et de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes:
' 352,65 € au titre du rappel de salaire retenu opéré en septembre 2012
' 35,26 €au titre des congés payés afférents ;
'211,51€ au titre du solde des RTT;
Au vu du salaire moyen retenu et non contesté par les parties,(4583,33 €) de la faible ancienneté de la salariée (un peu plus de 3 mois ) et des justificatifs de sa situation personnelle , la Cour lui alloue la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Sur la remise des documents sociaux
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise des documents socciaux conformes est fondée sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte et il y est fait droit dans les termes du dispositif.
Sur les intérêts
Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du18 janvier 2013 , date de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les créances à caractère salarial, et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Sur les dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence
Le contrat de travail comporte une clause de non concurence et prévoit sa levée par l'employeur dans les conditions suivantes: « Les obligations fixées au présent Article 11 sont à la charge du Salarié pendant la durée susmentionnée, sauf décision de la Société de lever cette obligation notifiée au Salarié par écrit dans les quinze jours calendaires (15) suivant la notification de la rupture du contrat de travail par l'une ou l'autre des Parties ou, en l'absence d'exécution du préavis, au jour de la rupture du Contrat de travail. »
En contrepartie de l'obligation de non concurrence la salariée a droit à une indemnité forfaitaire destinée à compenser le préjudice subi.
En l'espèce, Madame [L] [W] a été licenciée sans préavis, pour faute grave , par courrier du 27 septembre 2012 , notifié le 29 septembre 2012.
La levée de la clause de non-concurrence par courrier du 9 octobre 2012, réceptionné le 11 Octobre 2012 est donc intervenue tardivement .
Cependant la salariée ne justifiant pas , du fait de cette mainlevée tardive avoir respecté pendant tout le délai contractuel la clause de non concurrence et avoir subi de ce fait un préjudice, ne peut prétendre bénéficier de l'intégralité de l'indemnité forfaitaire prévue.
Compte tenu du délai très court dans lequel est intervenue la mainlevée de la clause de concurrence ,la Cour infirme donc le jugement et réduit le montant de l'indemnité allouée à titre de dommages et intérêts à la somme de 200 € cette somme étant suffisante pour réparer le préjudice de principe subi.
La contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence a la nature d'une indemnité compensatrice de salaire et ouvre droit à congés payés.
Il est donc alloué à ce titre à la salariée la somme de 20 €.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
La Cour confirme les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens prononcées par le jugement.
Il sera par ailleurs alloué à Madame [W] , la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la société WENGO ENTREPRISES sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel .
PAR CES MOTIFS
Déclare l'appel principal et l'appel incident recevables,
Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a condamné la SAS WENGO ENTREPRISES à supporter les dépens et à payer à Madame [L] [W] les sommes suivantes:
' 13 749,99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
' 1 374,99 € au titre des congés payés sur préavis ;
' 2 583,40 € à titre de mise à pied sur salaire ;
' 258,34 € au titre d'indemnité de des congés payés ;
' 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Infirme le jugement sur le surplus , et y ajoutant ,
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS WENGO ENTREPRISES à payer à Madame [L] [W] les sommes suivantes:
' 352,65 € au titre du rappel de salaire retenu opéré en septembre 2012
' 35,26 €au titre des congés payés afférents ;
'211,51€ au titre du solde des RTT;
'5000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif;
'200 € à titre de dommages et intérêts pour mainlevée tardive de la clause de non concurrence et 20 € au titre des congés payés afférents;
Rappelle que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur ,(18 janvier 2013 ) devant le bureau de conciliation pour les créances à caractère salarial et à compter du présent arrêt pour les autres créances;
Condamne la SAS WENGO ENTREPRISE à remettre Madame [L] [W] , dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, des bulletins de salaire ou un bulletin de salaire récapitulatif , un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes ;
Condamne la SAS WENGO ENTREPRISE à payer à Madame [L] [W] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejette les autres demandes;
Condamne la SA WENGO ENTREPRISES aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT