RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 19 Janvier 2017
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10715
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F14/09250
DEMANDEUR AU CONTREDIT
Monsieur [R] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Oleg KOVALSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0679
DEFENDERESSE AU CONTREDIT
SA LA REDOUTE
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me Gonzague TALVARD, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Président
Madame Martine CANTAT, Conseiller
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.
**********
Statuant sur le contredit formé le 23 octobre 2015 par [R] [A] à l'encontre du jugement rendu le 9 octobre 2015 par le conseil de prud'hommes de Paris qui a pris acte de son désistement d'instance et d'action à l'encontre de la Sa Kering ainsi que de la Sa Redcats Management Services et qui s'est déclaré incompétent pour connaître du litige l'opposant à la Sa La Redoute au profit du tribunal de grande instance de Lille ;
Vu les conclusions déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement par [R] [A] qui demande à la cour de :
- juger que le litige relève de la compétence du conseil de prud'hommes
Subsidiairement du tribunal de grande instance de Paris
- juger qu'il est de bonne justice que l'affaire soit évoquée
Subsidiairement renvoyer l'affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre
- juger qu'il existe un contrat de travail entre lui-même et la Sas La Redoute
- condamner la Sas La Redoute au paiement de rappel de salaires et des congés payés afférents au titre des années 2011 à 2012, d'un rappel de prime annuelle et des congés payés afférents, d'une indemnité de préavis ainsi que des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal
- ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte
- condamner la Sas La Redoute au paiement de la somme de 4 000 € ;
Vu les conclusions déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement par la Sas La Redoute qui demande à la cour de :
- juger qu'il n'a existé aucun contrat de travail entre les parties
- déclarer le contredit non fondé
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré
- débouter [R] [A] de l'ensemble de ses demandes
- le condamner au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties
SUR CE LA COUR,
[R] [A] expose que depuis le 5 septembre 2001 il effectue en qualité de photographe des prises de vue pour le catalogue de vente par correspondance de La Redoute, qu'il a vu le nombre de ses prestations diminuer au cours de l'année 2010, passant de 65 jours en 2009 à 45 jours, puis 22 jours en 2011, et enfin que la Sas La Redoute a mis fin à leurs relations contractuelles le 5 juillet 2012.
C'est dans ces conditions qu'après que le conseil de prud'hommes de Paris se fut déclaré incompétent pour connaître du litige l'opposant à la Sa Redcats, décision confirmée par un arrêt du 15 janvier 2015 rendu par la cour d'appel, il a, le 8 juillet 2014, de nouveau saisi, ce même conseil de prud'hommes, de demandes formées à l'encontre de la Sas La Redoute.
Motifs
Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce même code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient.
Il règle les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.
L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
L'existence d'un lien de subordination n'est pas incompatible avec une indépendance technique dans l'exécution de la prestation.
En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.
En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
[R] [A] fait valoir que :
- il effectuait sa prestation sous le contrôle et la direction de la Sas La Redoute dans le cadre d'un service spécialisé, qu'il n'avait aucune liberté concernant le choix des sujets, qui lui étaient imposés, qu'il était intégré au sein d'une équipe composée exclusivement de salariés de la Redoute,
- les lieux, dates et horaires d'exécution des prises de vue étaient imposés unilatéralement par la Sas La Redoute
- cette dernière a eu le pouvoir de résilier son contrat
- elle déterminait unilatéralement sa rémunération.
Il estime que le conseil de prud'hommes de Paris est compétent dès lors que la Sas La Redoute dispose d'un établissement à Paris.
La Sas La Redoute soulève en premier lieu l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes de Paris soulignant le fait que [R] [A] produit un «contrat de partenariat» conclu avec la société Redcats.
Elle indique ensuite que ce denier a réalisé, sur la base de ce partenariat commercial, des prestations de services photographiques au bénéfice des différentes entités qui composent le groupe Redcats et non pas spécifiquement pour elle en fonction des commandes passées par ces dernières.
La Sas La Redoute conteste l'existence d'un contrat de travail la liant à [R] [A] qui, selon elle, avait la qualité de travailleur indépendant, constitutive d'une présomption de non salariat au sens de l'article L.8221-6-1 du code du travail.
Elle fait observer que [R] [A] n'apporte pas la moindre preuve de ce qu'il était placé dans un lien de subordination alors même qu'il a soutenu dans un premier temps que tel était le cas à l'égard de la société Redcats, qu'aux termes d'un arrêt en date du 15 janvier 2015, cette même chambre a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Paris qui s'était déclaré incompétent pour connaître du litige l'opposant à la Sa Redcats au profit du tribunal de grande instance de Lille, que ses horaires de travail étaient convenus d'un commun accord, que la cohérence générale du catalogue impliquait la nécessité d'établir un cahier des charges sans que cela ne constitue une modalité d'organisation de la prestation, l'intéressé conservant sa liberté de choix ou d'action quant à ses travaux, et enfin que le montant des prestations était librement négocié par les parties.
[R] [A] verse aux débats l'accord de partenariat le liant à la Sa Redcats, spécialisée dans la vente à distance, le «cahier des charges photographes» ainsi que différents échanges avec la société La Redoute (lettre du 5 juillet 2012, demande de règlement de ses droits d'auteur en date du 20 avril 2003, bordereau de règlement correspondant) montrant qu'il a effectivement assuré des prestations pour son compte.
Force est de constater que [R] [A] exécutait une prestation de photographe dans un cadre spécifique, celui de la vente par correspondance au moyen notamment de catalogue, ce dont il résulte des contraintes techniques et exigences de la part de la Sas La Redoute elle-même tenue à l'égard de ses partenaires.
Dès lors le fait qu'il soit tenu de se présenter à des jours fixés par la Sas La Redoute pour effectuer ses séances de shooting et qu'il soit tenu, ainsi qu'en atteste Madame [M] [V] d'utiliser certains accessoires voire de 'répondre à une demande précise de réalisation' ne suffit pas à démontrer que sa prestation s'inscrivait dans le cadre d'un service organisé alors même qu'il n'invoque pas et encore moins n'établit qu'il devait par exemple utiliser du matériel photographique qui lui aurait été fourni par l'entreprise.
Il se déduit par ailleurs de la lettre en réponse que lui a adressée la Sas La Redoute le 5 juillet 2012 que l'intéressé bénéficiait d'une totale liberté concernant l'acceptation ou non des prestations, cette dernière précisant ; '... en cas d'indisponibilité du photographe à la date retenue pour un shooting, la date n'est désormais plus modifiée comme ce fut le cas jusqu'ici mais le shooting est confié à un autre photographe...'.
Enfin, aucune des pièces produites n'établit la réalité d'instructions, d'ordres ou de directives précises qui auraient été donnés à [R] [A] par la Sas La Redoute et l'existence de moyens de contrôle qui auraient permis à cette dernière d'en vérifier la bonne exécution.
Force est de constater de plus qu'aucun élément ne révèle que la Sas La Redoute a pu faire un quelconque usage de son pouvoir disciplinaire à l'égard de [R] [A], le seul fait qu'elle ait mis fin aux relations contractuelles étant à cet égard insuffisant à caractériser de sa part l'exercice d'un tel pouvoir.
La preuve de la réalité du lien de subordination alléguée n'est pas rapportée.
Le litige qui oppose les parties ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes.
Il y a lieu de rejeter le contredit, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de dire que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail, de dire le conseil de prud'hommes de Paris incompétent, de dire le tribunal de grande instance de Lille lieu du siège social de la Sas La Redoute ([Adresse 3]) compétent et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond du litige.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Eu égard à la situation économique de [R] [A], il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sas La Redoute.
PAR CES MOTIFS
Rejette le contredit formé par [R] [A]
Confirme le jugement
Dit que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail
Dit le conseil de prud'hommes de Paris incompétent
Déclare le tribunal de grande instance de Lille compétent pour connaître du litige
Renvoie l'affaire devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond du litige
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
Laisse les frais du présent contredit à la charge de [R] [A] .
LE GREFFIER LE PRESIDENT