Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 1er FÉVRIER 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14803
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/11029
APPELANTE
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DANJOU, inscrite au RCS de NICE, SIRET n° 428 645 972 00020, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-François LOUIS et assistée de Me Soizic NADAL de la SCP SOUCHON - CATTE - LOUIS et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452
INTIME
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic, AGENCE DE SUCY CINIER IMMOBILIER, exerçant sous le nom commercial 'ORPI SUCY GESTION & SYNDIC', établissement secondaire, SARL inscrite au RCS de CRÉTEIL, SIRET n° 390 453 777 00034, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : B0753
Assisté de Me Mathieu HANJANI, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : D0435
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Loup CARRIERE, Président de chambre,
Madame Claudine ROYER, Conseillère,
Madame Agnès DENJOY, Conseillère,
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Stéphanie JACQUET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jean-Loup CARRIERE, président et par Mme Stéphanie JACQUET, greffier présent lors du prononcé.
***
La SCI DANJOU est propriétaire de lots dans l'immeuble en copropriété sis [Adresse 3].
Par acte d'huissier du 13 juillet 2011, la SCI DANJOU a assigné le syndicat des copropriétaires de son immeuble en annulation de l'assemblée générale du 30 juin 2011 et de ses résolutions n°22 et 27 ayant décidé :
la résolution n°22 : à la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, de remplacer les compteurs d'eau froide pour un montant TTC de 65,62 euros par compteur , avec un coût de location, entretien et relevé semestriel de 20,95 euros,
la résolution n°27 : que tous les frais engagés par le syndicat des copropriétaires en raison de la faute ou de la négligence d'un copropriétaire ou d'une personne résidant sous son toit, seraient imputés de plein droit au copropriétaire concerné, selon «'barème de prestations spéciales du syndic'».
Par jugement du 23 mai 2013, le Tribunal de grande instance de Paris (8ème chambre), après avoir relevé que la SCI DANJOU avait limité ses demandes à l'annulation des résolutions 22 et 27 de l'assemblée contestée, a :
- débouté la SCI DANJOU de sa demande d'annulation de la résolution n°22 de l'assemblée générale du 30 juin 2011,
- annulé la résolution n°27 de cette même assemblée générale,
- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à verser à la SCI DANJOU la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,
- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] aux dépens.
La SCI DANJOU a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel du 18 juillet 2013.
La copropriété s'étant retrouvée dépourvue de syndic à compter du 1er février 2015, une ordonnance du 24 mars 2015, rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Paris a désigné Maître [D] [Y] en qualité d'administrateur provisoire pour une durée de 6 mois.
L'ordonnance de clôture, prononcée le 7 janvier 2015 a été révoquée par ordonnance du 13 mai 2015 afin de permettre la régularisation des écritures entre les parties compte tenu du changement du représentant légal de la copropriété.
Soutenant que cette ordonnance du 24 mars 2015 ne conférait pas à Maître [Y] mandat d'ester en justice au nom de la copropriété, et que ce mandat avait de surcroît pris fin le 24 septembre 2015, la SCI DANJOU a, par conclusions d'incident, soulevé l'irrecevabilité des conclusions prises au nom du syndicat des copropriétaires sous la représentation de Maître [Y], et que soit constaté l'absence de représentant légal du syndicat des copropriétaires depuis le 24 septembre 2015.Subsidiairement, elle a demandé la suspension de l'instance jusqu'à la désignation du représentant légal de la copropriété. Elle a par ailleurs sollicité un sursis à statuer afin d'en référer sur les conditions irrégulières de la prorogation de mission de Maître [Y] et demandé que lui soit déclarée inopposable l'ordonnance du 6 juillet 2015 ayant prorogé la mission de l'administrateur provisoire.
Par ordonnance sur incident rendue le 2 décembre 2015, le conseiller de la mise en état a:
- débouté la SCI DANJOU de l'intégralité de ses demandes dans le cadre de l'incident,
- condamné la SCI DANJOU à payer au syndicat des copropriétaires la somme de de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes plus amples et contraires dans le cadre de l'incident,
- renvoyé l'affaire pour clôture au 27 janvier 2016, les plaidoiries étant fixées au 10 mars 2016.
L'instance au fond ayant repris, l'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 février 2016. Cette ordonnance a de nouveau été révoquée et la clôture fixée au jour des plaidoiries par ordonnance du 30 novembre 2016, compte tenu des conclusions et pièces tardivement signifiées par la SCI DANJOU et compte tenu du fait que le syndicat des copropriétaires était désormais représenté par le Cabinet ORPI.
La SCI DANJOU demande à la Cour dans ses dernières écritures signifiées le 24 février 2016, et au visa de l'article 564 du code de procédure civile, de :
- d'annuler toutes les décisions de l'assemblée générale du 30 juin 2011,
- subsidiairement, d'annuler la délibération n°22 de cette assemblée,
- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction sera autorisée dans les conditions fixées par l'article 699 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] demande à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 15 avril 2016, de :
- donner acte au Cabinet ORPI de son intervention volontaire à la présente procédure en sa qualité de nouveau syndic de l'immeuble, au lieu et place de Maître [D] [Y], précédemment désignée en qualité d'administrateur provisoire de l'immeuble et du Cabinet IMMO + MORILLON, ancien syndic,
- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, et non fondée la demande de nullité de l'assemblée générale du 30 juin 2011 en son entier,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI DANJOU de sa demande en annulation de la résolution n°22 de l'assemblée générale du 30 juin 2011,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la SCI DANSJOU une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SCI DANJOU de l'intégralité de ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la condamner aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Sur la demande en annulation de l'assemblée générale du 30 mai 2011
La SCI DANJOU demande pour la première fois en appel l'annulation en son entier de l'assemblée générale du 30 juin 2011, au motif que le syndic l'ayant convoquée, n'avait plus qualité pour le faire, sa désignation, par une assemblée générale du 8 décembre 2010, ayant été annulée par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 décembre 2014. Elle soutient qu'il s'agit d'un fait nouveau, rendant recevable sa demande au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires s'oppose à cette demande d'annulation qui constitue selon lui une demande nouvelle en cause d'appel devant être déclarée irrecevable au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. Le syndicat intimé soutient en substance qu'il ne s'agit pas d'un fait nouveau; qu'en effet, lorsqu'elle a engagé son action en annulation des résolutions n°22 et 27 de l'assemblée du 30 juin 2010, la SCI savait pertinemment que son action en nullité de l'assemblée du 8 décembre 2010 était en cours ; qu'elle était donc parfaitement en mesure de demander l'annulation de l'assemblée générale du 30 juin 2011 en son entier dès la première instance, demande qu'elle avait formée puis abandonnée, limitant ses prétentions uniquement à l'annulation des résolutions n° 22 et 27 de ladite assemblée.
Sur quoi,
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'»
Il n'est pas contestable que la demande d'annulation en son entier de l'assemblée du 30 juin 2011formée à nouveau en cause d'appel constitue une prétention nouvelle, la SCI DANJOU ayant clairement abandonné cette demande en première instance pour limiter ses demandes uniquement à l'annulation des résolutions n°22 et 27.
La question qui se pose est de savoir si l'arrêt du 10 décembre 2014 ayant annulé l'assemblée générale du 8 décembre 2010 (et donc la désignation du syndic) constituait réellement un fait nouveau permettant à la SCI DANJOU de former une demande nouvelle en cause d'appel, en invoquant le défaut de qualité de syndic l'ayant convoquée.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, celle-ci ne peut invoquer la survenance d'un fait nouveau qu'elle avait elle même initié, l'instance en annulation de l'assemblée du 8 décembre 2010 étant toujours en cours lorsqu'elle a engagé la présente procédure visant l'assemblée générale suivante du 30 juin 2011. Dans ce contexte, il ne peut être soutenu que l'annulation de l'assemblée du 8 décembre 2010 prononcée le 10 décembre 2014 constituait un fait nouveau, rien n'empêchant la SCI en première instance, d'invoquer la nullité de l'assemblée fondée sur le défaut de qualité du syndic l'ayant convoquée.
Dès lors que l'appelante avait clairement abandonné en première instance sa demande initiale en annulation de l'assemblée du 30 juin 2011 en son entier, pour ne conserver que la demande en annulation des résolutions 22 et 27 de ladite assemblée, cette demande ne peut être reprise en appel. Il s'agit bien d'une prétention nouvelle de l'appelante, et non d'un moyen nouveau pouvant être subsidiairement soulevé en cause d'appel à l'appui de sa demande en annulation de la résolution n°22.
Dans ce contexte, la demande en annulation de l'assemblée générale du 30 juin 2011 sera déclarée irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.
Sur la demande en annulation de la résolution n°22 de l'assemblée générale du 30 juin 2011
La résolution n°22 contestée portait sur une proposition de changement des compteurs individuels avec télérelevé. Elle a été votée en ces termes à la majorité des présents et représentés :
«'L'assemblée générale décide de voter le remplacement des compteurs d'eau chaude ainsi que l'installation de compteurs d'eau froide et ce, pour un montant TTC par compteur de 65,62 euros. Le coût de la location, entretien et relevés semestriels sera de 20,95 euros TTC. Faire un appel unique au 15/09/2011.'»
Vote contre : SCI DANJOU 379/10.000èmes
La SCI prétend à l'appui de sa demande en annulation qu'aucun devis n'était joint à la convocation en violation des dispositions de l'article 11 du décret du 17 mars 1967. Elle soutient que les seules mentions contenues dans le projet de résolution de la convocation étaient insuffisantes en l'absence de devis joints, pour permettre aux copropriétaires de faire leur choix.
La SCI prétend par ailleurs que la décision n°22 adoptée était différente de celle annoncée dans l'ordre du jour ; que cette convocation ne faisait aucune distinction entre compteurs d'eau chaude et d'eau froide; que la résolution adoptée transformait le remplacement envisagé, en une nouvelle installation; que l'assemblée a excédé ses pouvoirs en statuant sur un objet différent de celui porté à l'ordre du jour.
Enfin l'appelante soutient que la résolution aurait dû être votée à la majorité de l'article 26 c de la loi du 10 juillet 1965 et que le renvoi à la majorité de l'article 25m était inopérant, ce texte s'appliquant aux seuls compteurs d'eau froide; qu'il ne s'agissait pas de modifier uniquement la technique de relevé des compteurs, mais de réaliser de nouveaux équipements au titre de la consommation d'eau chaude et d'eau froide, ce qui aggravait les charges générales.
Le syndicat des copropriétaires s'oppose à l'annulation de la résolution critiquée qui ne visait qu'à remplacer les anciens compteurs individuels par des compteurs individuels permettant le «'télérelevé'». Il soutient qu'étaient annexés à la convocation les devis présentés aux copropriétaires pour voter sur cette question portée à l'ordre du jour et que ces devis mentionnaient très clairement les informations concernant les compteurs d'eau chaude et d'eau froide.
Le syndicat affirme en outre que la résolution a été régulièrement votée à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965; que les nouveaux compteurs ne modifiaient en rien les modalités de la répartition des charges, le remplacement des équipements usagés relevant bien de la majorité de l'article 25m.
Sur quoi,
Contrairement à ce que soutient la SCI DANJOU, la résolution n°22 est parfaitement conforme au point n°22 de la convocation adressée aux copropriétaires, qui énonçait en les détaillant les propositions des sociétés PROXISERVE (VEOLIA) et TECHEM FARNIER dont les devis étaient annexés à la convocation. Il ne peut être soutenu que l'assemblée a excédé ses pouvoirs en statuant sur un objet différent de celui porté à l'ordre du jour.
Par ailleurs bien que la SCI DANJOU prétende que ces devis n'étaient pas annexés à la convocation, il lui appartient d'en rapporter la preuve dès lors que le syndicat produit une convocation avec toutes les pièces jointes annexées, au rang desquelles figuraient bien les devis VEOLIA et TECHEM FARNIER. Au vu de ces éléments, il ne peut être soutenu que les copropriétaires n'ont pas eu les informations suffisantes avant de voter.
Enfin s'agissant de la majorité applicable, et contrairement à ce que soutient la SCI DANJOU, la majorité applicable au vote de la résolution litigieuse relevait déjà de la majorité de l'article 25, selon les dispositions combinées des articles 26 c et 25 m de la loi du 10 juillet 1965, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, s'agissant de travaux d'amélioration portant notamment sur l'installation de compteurs individuels d'eau froide, les compteurs individuels d'eau chaude existant déjà.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014, les travaux litigieux relèvent clairement de la majorité de l'article 25 en ses alinéas k, n et o. qui visent en effet «'l'installation de compteurs d'eau froide divisionnaires'», «'l'ensemble des travaux comportant transformation, addition ou amélioration'», «'la demande d'individualisation des contrats de fourniture d'eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation'».
Il n'est nullement démontré par la SCI DANJOU que les travaux votés comportaient une aggravation de la répartition des charges générales, ces travaux allant au contraire dans le sens d'une meilleure individualisation de la répartition des charges, les travaux votés ayant pour objet le remplacement d'équipements usagés moins performants, permettant de surcroît un relevé à distance sans la présence du copropriétaire ou de l'occupant.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI DANJOU de sa demande en annulation de la résolution n°22 de l'assemblée générale du 30 juin 2011.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n'y a pas lieu de revenir sur les frais irrépétibles et les dépens mis à la charge du syndicat des copropriétaires en première instance, compte tenu de l'annulation de la résolution n°27 sur laquelle aucune des parties n'est revenue.
En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires les frais irrépétibles exposés par lui en cause d'appel. Il y a donc lieu de condamner la SCI DANJOU à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI DANJOU, qui succombe, supportera les dépens de la procédure d'appel. Ces dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare irrecevable la demande d'annulation en son entier de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3] s'étant tenue le 30 juin 2011,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SCI DANJOU à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne la SCI DANJOU aux dépens de l'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Le Greffier, Le Président,