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01/02/2017 | FRANCE | N°15/02235

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 01 février 2017, 15/02235


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 Février 2017



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02235



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/00564





APPELANTE

Madame [L] [A] [P] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse

1]

représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222





INTIMEE

SA LE CREDIT LYONNAIS

N° SIREN : 954 509 741

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 Février 2017

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02235

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/00564

APPELANTE

Madame [L] [A] [P] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

INTIMEE

SA LE CREDIT LYONNAIS

N° SIREN : 954 509 741

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nicolas DURAND GASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [L] [P] épouse [N] a été engagée par la société Crédit Lyonnais le 1er février 1991 avec reprise de l'ancienneté acquise dans le groupe Crédit Agricole au 29 octobre 1973.

Le 13 janvier 2014, Madame [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin notamment d'obtenir la prime liée à l'obtention de la médaille du travail échelon « vermeil » en mai 2011.

Par jugement en date du 13 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a déclaré irrecevable la demande de Madame [P], l'a déboutée du surplus de sa demande et condamnée au paiement des dépens.

Madame [P] a interjeté appel de cette décision et à l'audience demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Crédit Lyonnais au paiement des sommes suivantes :

- 2.014,69 euros au titre de la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail échelon « vermeil »,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 3.000 euros au titre des frais de procédure, outre les dépens.

Elle réclame en outre la remise d'un bulletin de salaire conforme pour le mois de mai 2011, sous astreinte de 10 euros par jours à compter de la saisine et la condamnation de l'employeur à faire publier le jugement dans un quotidien local et national à compter de la réception du jugement, à titre subsidiaire, afficher le jugement pendant trente jours dans l'ensemble des unités du ressort du comité d'établissement du LCL Ile de France Sud, le tout sous astreinte de 10 euros par jour de retard.

La société Crédit Lyonnais demande à la cour de confirmer le jugement déféré. Après avoir soulevé deux moyens d'irrecevabilité, elle s'oppose en tant que de besoin, aux demandes de la salariée et réclame à son tour la somme de 500 euros au titre des frais de procédure.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur les moyens de l'irrecevabilité des demandes

Sur la prescription

S'appuyant sur les dispositions de l'article L1471-1 du code du travail issu dans sa rédaction des dispositions de la loi du 14 juin 2013, selon lesquelles toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait connu les faits lui permettant d'exercer son droit, la société Crédit Lyonnais soutient que Madame [P] qui estime qu'elle aurait dû percevoir à la date du 1er mai 2011, paiement de la somme de 2.014,69 euros correspondant à la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail, échelon « vermeil », est forclose en sa demande puisqu'elle n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 13 janvier 2014.

La cour relève que les dispositions résultant de la loi du 14 juin 2013 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée totale prévue par la loi antérieure, laquelle était pour l'action en paiement de la gratification litigieuse de cinq années.

En conséquence, le moyen tiré de la prescription est tout à fait inopérant.

Sur le moyen tiré du fait de l'incompétence de la juridiction prud'homale pour se prononcer sur la légalité d'un accord d'entreprise

Lorsque la question de l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif est soulevée à l'occasion d'un litige d'ordre individuel, le conseil de prud'hommes est compétent, peu importe que la solution donnée intéresse la collectivité des salariés, dès lors que la question est soulevée par la salariée à son profit et qu'elle sera examinée au regard de sa seule demande.

Ce moyen est donc également inopérant. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la gratification liée à la médaille « vermeil » du travail

Une médaille du travail a été instituée par un décret du 15 mai 1948 pour récompenser les salariés pour l'ancienneté de leurs services. Ont alors été institués quatre échelons, « argent », « vermeil », « or » et « grand or ».

Depuis le décret du 17 octobre 2000, le nombre d'années de service pour obtenir la médaille d'honneur du travail est fixé à 20 ans pour la médaille « argent », à 30 ans pour la médaille « vermeil », à 35 ans pour la médaille « or » et à 40 ans pour la médaille « grand or ».

Au sein de la société Crédit Lyonnais, l'obtention d'une médaille d'honneur du travail est assortie d'une gratification. Avant l'accord collectif du 24 janvier 2011, la gratification était attribuée au salarié après 25, 35, 43 et 48 années de service. L'accord collectif du 24 janvier 2011 a instauré un nouveau dispositif.

L'article 6.1 de cet accord prévoit en effet que « les dispositions du présent article se substituent de plein droit à compter de leur date d'entrée en vigueur, soit le 1er mai 2011 à toutes les dispositions résultant d'accords collectifs ou tous autres types d'accords, de décisions unilatérales, de pratiques ou d'usages applicables aux collaborateurs de LCL, en matière de gratification liée à l'obtention de la médaille du travail. »

L'employeur considère que l'accord collectif du 24 janvier 2011 se substitue aux règles précédemment applicables, que les notes de service, qui jusqu'alors, précisaient les modalités du versement de la gratification liée à l'obtention pour le salarié de la médaille d'honneur du travail, sont devenues caduques et revendique l'application des nouvelles règles d'obtention de la gratification liée à la médaille d'honneur. Il renvoie plus spécialement aux mesures transitoires prévues par l'accord lesquelles subordonnent le versement de la gratification à la réalisation de deux conditions cumulatives.

En effet, selon l'article 6.2 de cet accord, « sous réserve de la transmission du diplôme de la médaille d'honneur du travail d'État correspondant, les salariés qui en application du nouveau dispositif et à la date d'entrée en vigueur de ce dernier auraient dû percevoir une gratification au cours des cinq années précédentes et ne percevront aucune gratification au cours des cinq prochaines années, bénéficieront du versement d'une gratification liée à la médaille d'honneur du travail sur la base du montant prévu conformément au présent accord, sous réserve qu'ils ne perçoivent pas une gratification en application du nouveau dispositif au titre de la même médaille d'honneur du travail d'État. »

Il relève que seuls les salariés qui atteignent les 20, 30, 35 ou 40 années de service à compter du 1er janvier 2011 bénéficient de la gratification dans le cadre du nouveau dispositif, que tel n'est pas le cas de la salariée qui avait atteint 30 ans de service en septembre 2008, qu'elle ne remplissait donc pas la deuxième condition du régime transitoire pour pouvoir en bénéficier.

Il fait observer en revanche que Madame [P] était éligible au dispositif transitoire pour l'ancienneté de 35 années et qu'elle a d'ailleurs obtenu dès le mois d'octobre 2014 la gratification pour la médaille « or » alors que selon l'ancien dispositif elle aurait dû attendre 2021.

Il conteste toute discrimination liée à l'âge et rappelle que les différences de traitement opérées par voie de conventions ou accords collectifs négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démonter qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Madame [P] soutient que le dispositif transitoire serait discriminatoire pour les salariés les plus anciens et les plus âgés puisque son application conduit à la priver de sa prime de gratification afférente à la médaille du travail « vermeil », obtenue après 30 années de service.

Elle explique qu'elle n'a pu, de part l'application de l'article 6.2, obtenir la gratification résultant de l'obtention de la médaille « vermeil » (en septembre 2008), puisqu'elle ne remplissait pas la seconde condition des dispositions ci-dessus énoncées, devant obtenir une gratification en 2013.

A tout le moins, elle considère qu'il existe une inégalité de traitement en raison de son ancienneté et que l'employeur n'apporte aucun élément permettant de démonter qu'un contrôle de proportionnalité de la disparité au regard des raisons avancées pour le justifier a été effectué en respectant un exigence de pertinence.

Aux termes de l'article L1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L1134-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée.

En effet, s'il est établi que du fait de l'entrée en vigueur de ce nouvel accord d'entreprise, Madame [P] n'a pu obtenir la gratification résultant de l'obtention de la médaille « vermeil », cette dernière ne conteste pas avoir perçu la gratification « or » en octobre 2014 ni qu'elle pourra percevoir celle « grand or » en 2019 (au lieu de 2028 ce qui n'aurait pas été possible compte tenu de son âge : 72 ans).

Dès lors il est établi qu'elle obtiendra sur l'ensemble de sa carrière et comme tous les salariés ayant son ancienneté, un nombre total de gratifications équivalent à celui de l'ancien système, si bien qu'elle ne peut valablement se prévaloir du caractère discriminatoire de l'accord d'entreprise considéré en ce qu'il la priverait abusivement d'une catégorie de gratification.

Les demandes relatives à la discrimination doivent par conséquent être rejetées.

La cour rappelle par ailleurs que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Dès lors, le principe d'égalité de traitement reste donc applicables aux conventions et accords collectifs de travail, mais les différences de traitement entre salariés, sont présumées justifiées. C'est par conséquent à celui qui conteste le bien-fondé des différences de traitement de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de constater que la différence de traitement invoquée par Madame [P] résulte de cet accord collectif, négocié et signé par les organisations syndicales représentatives et est par conséquent présumée justifiée. Madame [P] ne démontrant pas que cette différence est étrangère à toute considération de nature professionnelle, il convient de la débouter de sa demande de rappel de gratification.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La cour relève d'abord que la résistance de la société Crédit Lyonnais est directement liée au différend résultant de l'interprétation de l'accord collectif du 24 janvier 2011, au regard de la situation particulière de Madame [P].

La demande de rappel de gratification formée par la salariée étant rejetée, elle ne peut prétendre au versement de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'employeur.

Sa demande sera par conséquent rejetée.

Sur la demande d'un bulletin de paie pour le mois de mai 2011

Eu égard aux précédents développements, cette demande est sans objet et sera donc rejetée.

Sur la demande de publication de l'arrêt dans un journal local et national ou à tout le moins d'affichage de l'arrêt pendant trente jours dans l'ensemble des unités du ressort du comité d'établissement du LCL Ile de France Sud

La cour tranche, par cet arrêt un litige individuel. La décision rendue n'a donc pas vocation à faire l'objet d'une quelconque publication dans un journal local ou national, ni d'un affichage dans les unités du ressort du comité d'établissement du LCL Ile de France Sud et ce, d'autant que Madame [P] est déboutée de ses prétentions.

Sur la demande d'astreinte

Le rejet des prétentions de Madame [P] entraîne celui de ses demandes au titre de l'astreinte.

Sur les frais de procédure

Comme elle succombe dans la présente instance, Madame [P] sera condamnée aux dépens et déboutée du chef de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner Madame [P] à verser à la société Crédit Lyonnais la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Madame [P] afférentes à la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les deux moyens d'irrecevabilité des demandes soulevés par la société Crédit Lyonnais,

Déboute Madame [P] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Madame [P] à verser à la société Crédit Lyonnais la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [P] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/02235
Date de la décision : 01/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/02235 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-01;15.02235 ?
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