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01/02/2017 | FRANCE | N°15/05873

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 01 février 2017, 15/05873


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2017



(n° , 12 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05873





Décision déférée à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation en date du 03 Avril 2013 - pourvoi n° N12-15.492 sur Arrêt de la chambre 9 du pôle 5 de la cour d'Appel de PARIS en date du 19 janvier 2012 (RG n°10/24473) venant

sur jugement du tribunal de commerce de MELUN rendu le 06 décembre 2010 (n°2009/3075)





APPELANTES



1) SA PROCARS

immatriculée au RCS de MELUN sous le n°321 254 161

ayan...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2017

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05873

Décision déférée à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation en date du 03 Avril 2013 - pourvoi n° N12-15.492 sur Arrêt de la chambre 9 du pôle 5 de la cour d'Appel de PARIS en date du 19 janvier 2012 (RG n°10/24473) venant sur jugement du tribunal de commerce de MELUN rendu le 06 décembre 2010 (n°2009/3075)

APPELANTES

1) SA PROCARS

immatriculée au RCS de MELUN sous le n°321 254 161

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

2) SARL PROCARS CHAMPAGNE

immatriculée au RCS de TROYES sous le n° 433 950 938

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

3) SARL LES PETITS TRAINS DE PROVINS

immatriculée au RCS de MELUN sous le n° 391 045 663

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

4) SARL ALBA VOYAGES

immatriculée au RCS de MELUN sous le n° 332 137 587

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

ayant pour avocat plaidant Maître Sandrine ROUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1206

INTIMÉE

SARL ALBENE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur François FRANCHI, Président de chambre

Madame Michèle PICARD, Conseillère

Madame Christine ROSSI, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

La Sa Procars exerce principalement une activité de transports publics de voyageurs, principalement en région parisienne.

Le capital de la Sa Procars est détenu à hauteur de 70% par monsieur [L] [B], né en 1928.

Ce dernier a épousé madame [P] [B] en 1970 en secondes noces.

La Sa Procars détient des participations dans plusieurs sociétés commerciales et cinq SCI.

Le groupe Procars est composé de la Sa Procars, de la Sarl Procars Champagne, de la Sarl Les Petits Trains de Provins et de l'Eurl Alba Voyage, filiales à 100% de la Sa Procars et de cinq Sci, filiales de la Sa Procars à des taux de participation allant de 10% à 99%.

Jusqu'à son décès le 18 janvier 2009, la direction des différentes sociétés du groupe Procars était assurée exclusivement par Mme [P] [B] épouse en secondes noces de M. [L] [B].

Ces fonctions ont alors été reprises par M. [L] [B].

Mme [P] [B] avait par ailleurs créé l'Eurl Albene dont elle était l'unique associée et gérante. Cette société détient une participation minoritaire dans la Sa Procars.

Le 12 février 2009, l'assemblée générale de la Sa Procars puis son conseil d`administration ont entériné la nomination comme administrateur puis comme directeur général délégué de monsieur [B] [B], fils de [L] [B], qui avait jusqu'alors été écarté de la direction de l'entreprise familiale.

Postérieurement au décès de son épouse, monsieur [L] [B] a appris que celle-ci avait institué comme légataires universels madame [H] [O] et monsieur [M] [Q], n'accordant à son époux que l'usufruit du domicile conjugal.

Les deux légataires sont par ailleurs cadres de la direction de la Sa Procars, M. [M] [Q] ayant été candidat malheureux à la succession de madame [B] à la direction générale de l'entreprise.

M. [L] [B], qui était représenté par son épouse aux assemblées des diverses sociétés, a, postérieurement au décès de celle-ci, souhaité mettre un terme à un certain nombre de conventions passées entre l'Eurl Albene d'une part et les sociétés du groupe Procars d'autre part.

Il demandait à la Fiduciaire 4 C Gestion, cabinet d`expertise comptable du groupe, d'examiner les conventions réglementées conclues entre la société Albene et les sociétés du groupe Procars.

Cet audit comptable a permis l'inventaire de l'ensemble des conventions. Certaines avaient notamment mis à la charge des sociétés du groupe Procars des dépenses pouvant être contestables et, pour certaines d'entre elles, dépourvues de justificatifs.

C'est ainsi que la Sa Procars, la Sarl Procars Champagne, la Sarl Les Petits Trains de Provins et la Sarl Alba Voyages ont fait assigner l'Eurl Albene en nullité des conventions intervenues.

Elles ont été déboutées de leurs demandes sur le fondement de la prescription par jugement du tribunal de commerce de Melun du 6 décembre 2010, confirmé par la cour d'appel de Paris le 19 janvier 2012.

Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation et le 3 avril 2013 la Cour de cassation cassait l'arrêt de la cour d'appel de Paris au motif que les règles relatives à la prescription n'avaient pas été correctement appliquées et renvoyait l'affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La Sa Procars, la Sarl Procars Champagne, la Sarl Les Petits Trains de Provins et la Sarl Alba Voyages ont saisi la cour de renvoi par acte du 18 mars 2015.

Une mesure de médiation était mise en place avec l'accord des parties mais aucun accord n'était trouvé.

****

Dans leurs conclusions notifiées le 19 septembre 2016 la société Procars, la société Procars Champagne, la société Les Petits Trains de Provins et la société Alba Voyages demandent à la cour d'appel de :

A titre principal

- juger recevable et non prescrite chacune des actions en nullité formées à l'encontre des conventions intervenues entre la société Albéne d'une part, et les sociétés du groupe Procars d'autre part, entre 1996 et 2008 et, plus précisément :

- de la convention n°1 signée le 1 er janvier 1996 entre la société Procars et la société Albene, modifiée et réitérée par une nouvelle convention écrite signée le 29 juillet 2003;

- de la convention n°2, convention non écrite liant la société Procars et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 2004/2005 ;

- de la convention n°3, convention non écrite liant la société Procars et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 1998/1999 ;

- de la convention n°4, convention non écrite liant la société Procars Champagne et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 2000/2001 ;

- de la convention n°5, convention non écrite liant la société Procars Champagne et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 2004/2005 ;

- de la convention n°6, convention non écrite liant la société Les Petits Trains de Provins et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 1999/2000 ;

- de la convention n°7, convention non écrite liant la société Les Petits Trains de Provins et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 2004/2005 ;

- de la convention n°8, convention non écrite liant la société Alba Voyages et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 2001/2002 ;

- de la convention n°9, convention non écrite liant la société Alba Voyages et la société Albene, qui a commencé à courir au cours de l'exercice 2004/2005 ;

- juger bien fondée l'action en nullité pour absence de cause et/ou cause illicite formée à l'encontre de chacune des conventions citées ci-dessus et en prononcer la nullité sur ce double fondement ou sur l'un de ces deux fondements ;

A titre subsidiaire

- juger recevable et non prescrite l'action en résolution pour inexécution formée à l'encontre de chacune des conventions citées ci-dessus ;

- juger bien fondée l'action en résolution pour inexécution formée à l'encontre de chacune des conventions citées ci-dessus et en prononcer la nullité à ce titre ;

En conséquence et en toutes hypothèses,

Condamner la société Albene à restituer :

- à la société Procars :

- 1.269.745 euros au titre de la convention n°1 en litige (« Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques »), entrée en vigueur le 1 er janvier 1996 ;

- 1.153.455 euros au titre de la convention n°2 en litige (« Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques »), entrée en vigueur le 1 er août 2003 ;

- 280.500 euros au titre de la convention n°3 en litige (« Forfait de direction ») ;

- 879.538 euros au titre de la convention n°4 en litige (« Prestations de tourisme, de développement et administratives »).

-à la société Procars Champagne :

- 247.751 euros au titre de la convention n°5 en litige (« Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques ») ;

- 96.200 euros au titre de la convention n°6 en litige (« Forfait de direction »).

-à la société Les Petits Trains de Provins :

- 21.464 euros au titre de la convention n°7 en litige (« Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques ») ;

- 6.750 euros au titre de la convention n°8 en litige (« Forfait de direction »).

- à la société Alba Voyages :

- 82.796 euros au titre de la convention n°9 en litige (« Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques ») ;

- 72.000 euros au titre de la convention n°10 en litige (« Prestations de gérance »).

Le tout avec intérêt au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance du 30 juillet

2009, lesdits intérêts devant eux-mêmes produire intérêts, en application de l'article 1154 du code civil ;

En toutes hypothèses

- Condamner la société Albene à verser à la société Alba Voyages la somme en principal de 411 612 euros en réparation du préjudice résultant, pour elle, du détournement de son droit au bail portant sur un local sis [Adresse 4], ladite somme devant être augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance du 30 juillet 2009, et lesdits intérêts devant eux-mêmes produire intérêts, en application de l'article 1154 du code civil ;

- Condamner la société Albene à verser aux Appelantes une indemnité de 50.000 euros sur

le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

***

La société Albène a constitué avocat mais n'a pas signifié de conclusions.

SUR CE,

Sur la nullité des conventions

Sur la nullité pour absence de cause

Aux termes des dispositions de l'article 1131 du code civil "l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet."

En l'espèce les sociétés du groupe Procars ont conclu avec la société Albene dix conventions dont seulement deux sont écrites les autres ayant donné lieu à une facturation par la société Albène.

La convention n°1 et la convention n°2 qui la substitue sont écrites et ont été conclues avec la société Procars. Ce sont des conventions de "prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales et juridiques" .

La convention n°3, non écrite conclue avec la société Procars est une convention dite "forfait de direction" .

La convention n°4 non écrite conclue avec la société Procars est une convention dite de "prestations de tourisme, de développement et prestations administratives".

La convention n°5 non écrite conclue avec la société Procars Champagne est une convention de "prestations de direction, administratives, commerciales, comptable, fiscales, sociales et juridiques."

La convention n°6 non écrite conclue avec la société Procars Champagne est une convention dite "forfait de direction".

La convention n°7 non écrite conclue avec la société Les petits Trains de Provins est une convention de prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques.

La convention n°8 non écrite conclue avec la société Les Petits Trains de Provins est une convention dite "forfait de direction".

La convention n° 9 non écrite conclue avec la société Alba Voyages est une convention de "prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques ".

La convention n° 10 non écrite conclue avec la société Alba Voyages est une convention de prestations de gérance.

Ces conventions qui consistent à déléguer à une société tierce les tâches administratives, comptables, commerciales et sociales s'additionnent les unes sur les autres sans valeur ajoutée apparente.

La cour relève que toutes ces conventions qui étaient des conventions relatives à la gestion ou à l'assistance ont été conclues avec la société Albène dont la gérante était madame [P] [B] laquelle était également directrice générale de la société Procars, ces deux sociétés ayant de plus le même siège social.

Il ressort de la procédure de vérification fiscale effectuée sur la période 2008 et 2009 que la société Albène n'employait alors que deux salariées faisant fonction d'hôtesses d'accueil et que ces conventions étaient donc des conventions fictives donnant lieu à redressement de TVA pour les sociétés Procars.

.

Un expertise a été effectuée par monsieur [Z] qui montre que pour les exercices 2003 à 2007 la société Albène a facturé des prestations de services (conventions d'assitance) sur la base du chiffre d'affaires et des conventions de direction au forfait.

Pour les années 2004 à 2007 il ressort des comptes sociaux de la société Albène que cette dernière ne payait quasiment aucun salaire (15.000 euros environ par an) ce qui indique qu'elle ne disposait pas de personnel à temps complet.

La société Procars disposait quant à elle en interne des compétences requises pour réaliser les prestations déterminées. En effet les taches déléguées par les conventions de gestion à Albène étaient de la compétence de madame [B], directrice générale à temps plein de Procars, et de madame [H] [O] et monsieur [M] [L], cadres de direction salariés à temps plein de Procars, tous trois étant par ailleurs associés de la société Albène. En l'absence d'autres salariés, les tâches objet des conventions ne pouvaient qu'être effectuées par ces trois associés, lesquels étaient également payés à temps plein pour ce faire au sein de Procars;

La cour relève encore que la société Procars a été incapable de fournir à l'administration fiscale un justificatif établissant la réalité des prestations et que la société Albène, interrogée à ce sujet par Procars en a été tout aussi incapable.

Il ressort encore des pièces produites que la société Procars, la société Les Petits Trains de Provins et la société Procars Champagne avaient depuis 1990 et jusqu'en 2005 conclu avec une société STA des conventions ayant le même objet que celles des conventions litigieuses et s'y juxtaposant. Après la dissolution de la société STA la société Procars a pris en charge les prestations qui lui étaient alors confiées en embauchant du personnel. La reprise des prestations externalisées de STA par Procars est décrite et confirmée dans une note établie par madame [O], intitulée "validation des acquis de l'expérience". Madame [O] avait été directrice administrative chez Albène entre 1996 et 2004 puis directrice des ressources humaines chez Procars de 2004 à 2009 et enfin associée d'Albène. L'implication d'Albène dans la gestion des sociétés du groupe Procars n'est pas du tout mentionnée dans ce rapport.

Il se déduit de ces constatations que les conventions litigieuses qui avaient pour objet de confier à une société tierce des prestations accomplies par son directeur général et ses employés, associés de la société tierce, est dépourvue de contrepartie réelle et sérieuse et partant de cause.

La cour considère en conclusion que les conventions passées entre la société Albène et les sociétés du groupe Procars sont des conventions fictive.

Sur la nullité pour cause illicite

Le groupe Procars fait valoir que les conventions litigieuses ont été conclues à l'initiative de madame [P] [B], dans le but de favoriser Albene, dont elle était l'unique associée. Concrétisant un abus de biens sociaux, elles sont donc affectées d'une cause illicite.

L'article 1133 du code civil dispose que "la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public".

La cour relève que toutes ces conventions ont été conclues par les sociétés du Groupe Procars dont madame [P] [B] était la directrice générale, au bénéfice de la société Albène en vue de lui procurer des avantages financiers non négligeables sans aucune contrepartie et alors que l'associée unique de la société Albène était madame [P] [B].

Ces pratiques sont constitutives d'abus de biens sociaux au préjudice des sociétés Procars. Il s'en déduit la cause de ces conventions est illicite

Sur la prescription

Les sociétés du groupe Procars font valoir que les actions en nullité qui reposent sur l'absence de cause ou sur la cause illicite ne peuvent être soumises à la prescription triennale des articles L 223-23 à L 225-42 du code de commerce . La nullité pour absence de cause est soumise à la prescription de 5 ans et la nullité pour cause illicite est soumise à la prescription de droit commun, en matière commerciale, soit 5 ans. Les sociétés du groupe Procars ont introduit leur action en nullité des conventions le 30 juillet 2009. Sur les dix conventions litigieuses seule deux d'entre elles sont antérieures à 1999 car entrées en vigueur le 1er janvier 1996 ou en 1998/1999. En tout état de cause les sociétés du groupe Procars ont ignoré les faits justifiant les actions jusqu'au décès de madame [B]. A tout le moins, le délai de prescription a été suspendu jusqu'à cette date en raison de la fraude et des man'uvres déloyales mises en 'uvre pour induire en erreur les sociétés du groupe Procars et les empêcher d'agir. En effet, monsieur [B], président du conseil d'administration faisait confiance à son épouse et il n'a pu se rendre compte de ses agissements.

La cour rappelle que les actions en nullité des conventions réglementées fondées sur le défaut d'autorisation du conseil d'administration obéissent à la prescription triennale des articles L.223-23 à L.225-42 du code de commerce . Ces dispositions sont cependant inapplicables lorsque l'annulation est poursuivie pour violation des lois régissant les contrats, l'action en nullité étant alors soumise aux règles de prescription de droit commun. En l'espèce les sociétés du groupe Procars soulèvent la nullité des conventions litigieuses sur le fondement de l'absence de cause ou de la cause illicite et subsidiairement elles demandent la résolution de ces conventions pour inexécution.

La prescription applicable est donc la prescription de droit commun en matière commerciale.

La nullité pour absence de cause se prescrivait par cinq ans et la durée de la prescription n'a pas été modifiée par la loi du 17 juin 2008. En revanche la nullité pour cause illicite, qui est une nullité absolue, a vu son délai de prescription réduit de dix ans à cinq ans. Dès lors les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, devenue article 2222 du code civil qui dispose que "en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure" s'appliquent.

La cour rappelle également qu'en vertu de l'article 2224 du code civil le point de départ du délai de prescription est celui où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, hormis les deux premières conventions les autres conventions n'ont pas été écrites.

Les deux premières conventions ont été conclues avec la société Procars Sa et elles sont entrées en vigueur en 1996 pour la première et pour la seconde le 1er août 2003 après signature le 29 juillet 2003.

Pour la société Procars Sa la convention n°3 est entrée en vigueur au cours de l'exercice 2004/2005 et la convention n° 4 et au cours de l'exercice 1998/1999.

Pour la société Procars Champagne la convention n°5 a pris effet pendant l'exercice 2000/2001, la convention n°6 pendant l'exercice 2004/2005.

Pour la société Les Petits Trains de provins, la convention n°7 a pris effet pendant l'exercice 1999/2000 et la convention n°8 pendant l'exercice 2004/2005.

Enfin pour la société Alba Voyages la convention n° 9 a pris effet au cours de l'exercice 2001/2002 et la convention n°10 au cours de l'exercice 2004/2005.

L'acte introductif d'instance a été délivré le 21 juillet 2009.

Il résulte donc des dispositions précitées relatives à la prescription pour cause illicite que l'action en nullité des conventions litigieuses n'est pas prescrite pour les conventions n° 2, 3, 5, 6, 7 , 8, 9 et 10, conventions entrées en vigueur postérieurement à l'année 1999.

Pour la convention n° 1 ayant pris effet le 1er janvier 1996 la cour relève que cette convention, comme toutes les autres conventions, a été découverte après le décès de madame [B] et à l'occasion d'un audit comptable sur les conventions effectué par le cabinet F4C, expert comptable des sociétés du Groupe Procars et de la société Albène. Cette convention a été autorisée par le conseil d'administration de Procars du 18 décembre 1995.

Il ressort d'un rapport d'expertise effectuée par madame [U], graphologue expert en écritures près la cour d'appel, expertise non contredite par la société Albène, que la signature de monsieur [L] [B] a été contrefaite et sur la convention elle même et sur le procès verbal du conseil d'administration. La contrefaçon de la signature de monsieur [L] [B] est confortée par le témoignage de madame [C], assistante de direction, qui indique que madame [B] imitait la signature de monsieur [B] régulièrement.

La cour note que l'action en nullité de la convention n° 4 conclue avec la société Procars Sa, convention entrée en vigueur au cours de l'exercice 1998/1999 n'est pas prescrite sauf à retarder le point de départ du délai de prescription.

En l'espèce cette convention qui n'est pas écrite, n'a pas été autorisée par le conseil d'administration de la société Procars. Les procès verbaux des assemblées générales mentionnent certes l'approbation des conventions réglementées mais ils ne donnent aucune précision sur ces conventions, ni leur objet ni aucun détail. Elle figure cependant dans le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées qui signalait qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une autorisation préalable du conseil d'administration.

La cour relève que le conseil d'administration de la société Procars était composé, outre de madame [P] [B], de monsieur [L] [B] qui avait délégué à son épouse la gestion des sociétés et de monsieur [R] [H], qui était lié à madame [B] depuis que cette dernière avait acheté à ses parents sa participation dans le groupe Procars lors de la constitution d'Albène en 1995.

Il en résulte que seul monsieur [B] aurait pu avoir connaissance de l'existence de ces conventions mais que ces dernières ayant été conclues avec la société dirigée par son épouse il ne pouvait soupçonner leur caractère fictif et illicite.

Ainsi, il convient de fixer le point de départ du délai de prescription à la date du décès de madame [B]. La prescription n'est donc pas acquise en l'espèce.

Sur les conséquences de l'annulation

Les sociétés du groupe Procars sollicitent la restitution des sommes qu'elles ont versé à la société Albene en vertu de ces conventions.

Ainsi Procars demande la restitution de la somme de 3.583.238 euros, Procars Champagne celle de 343.951 euros, Les Petits Trains de Provins celle de 28.214 euros et Alba Voyage la somme de 154.796 euros.

Les conventions litigieuses ayant été annulées elles sont supposées ne jamais avoir existées. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de restitution des sommes payées par les sociétés du Groupe Procars en exécution des conventions illicites.

Sur le détournement du droit au bail

Les société Procars font valoir que la société Alba Voyages était propriétaire d'un fonds de commerce acquis auprès de la société Le Comptoir des Loisirs dont monsieur [Y] était le dirigeant. Elle était donc titulaire d'un bail commercial sur le local situé [Adresse 4] signé par acte notarié du 9 mars 2001. Or par acte notarié du 15 janvier 2004 avec effet rétroactif au 1er juillet 2003, un second bail commercial d'une durée de 9 années, portant toujours sur les mêmes locaux commerciaux, a été signé, cette fois, entre Albene et de nouveau monsieur [Y], propriétaire des murs et ce sans que le bail dont la société Alba Voyages était titulaire ne soit résilié. La société Alba a donc été dépossédée de ce bail sans indemnisation.

La cour constate en premier lieu que l'action n'est pas prescrite. La prescription applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juin 2008 était de dix ans. Le fait dommageable est constitué par l'acte notarié du 15 janvier 2004. Quand bien même il serait né en 2002/2003 comme l'avait retenu la cour d'appel, l'action ayant été introduite en juillet 2009, elle n'est pas prescrite.

Il ressort des pièces produites que la société Alba Voyages a acquis le fonds de commerce de la société Le Comptoir des Loisirs le 1er décembre 2000 et donc le droit au bail de locaux situés [Adresse 4]. La valeur des éléments incorporels du fonds de commerce était de 411.612 euros et elle figure toujours dans les comptes de la société Alba.

Par acte du 9 mars 2001 un nouveau bail commercial était conclu entre la société Alba et le propriétaire des murs monsieur [Y]. Par acte du 15 janvier 2004 avec effet rétroactif au 1er juillet 2003 un second bail était signé portant sur les mêmes locaux entre la société Albène et monsieur [Y]. Cependant la société Alba n'a jamais résilié son bail, n'a pas donné congé à monsieur [Y] ni n'a été indemnisé par la société Albène.

Bien que n'étant plus titulaire du bail, les sociétés Procars et Alba ont cependant continué à prendre en charge les loyers de ce local jusqu'en 2005/2006 selon l'expert monsieur [Z], ces loyers étant payés à la société Albene.

La société Albène a commis une faute au préjudice de la société Alba qui a ainsi continué à payer les loyers, à rembourser le prêt contracté pour acquérir le droit au bail tout en étant dépossédée du droit au bail.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de paiement de la somme de 411.612 euros représentant la valeur du droit au bail inscrit dans ses comptes.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les sociétés du Groupe Procars sollicitent le paiement de la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 35.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 6 décembre 2010,

Statuant à nouveau,

ANNULE les conventions suivantes conclues entre la société Albène et la société Procars Sa :

- convention n°1 « Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques », entrée en vigueur le 1 er janvier 1996 ;

-convention n°2 « Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques », entrée en vigueur le 1 er août 2003 ;

- convention n°3 « Forfait de direction », 2004/2008 ;

- convention n°4 « Prestations de tourisme, de développement et administratives », 1998/2004 ;

ANNULE les conventions suivantes conclues entre la société Albène et la société Procars Champagne :

- convention n°5 « Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques », 2000/2008 ;

- convention n°6 « Forfait de direction », 2004/2008 ;

ANNULE les conventions suivantes conclues entre la société Albène et la société Les Petits Trains de Provins :

- convention n°7 « Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques », 1999/2008 ;

- convention n°8 « Forfait de direction », 2004/2008 ;

ANNULE les conventions suivantes conclues entre la société Albène et la société Alba Voyages

- convention n°9 « Prestations de direction, administratives, commerciales, comptables, fiscales, sociales et juridiques », 2002/2008 ;

- convention n°10 « Prestations de gérance », 2004/2008.

En conséquence,

CONDAMNE la société Albène à payer à la société Procars la somme de 1.269.745 euros au titre de la convention, la somme de 1.153.455au titre de la convention n°2, la somme de 280.500 euros au titre de la convention n°3 et la somme de 879.538 euros au titre de la convention n°4.

CONDAMNE la société Albène à payer à la société Procars Champagne les sommes de 247.751 euros au titre de la convention n°5 et 96.200 euros au titre de la convention n°6,

CONDAMNE la société Albène à payer à la société Les Petits Trains de Provins la somme de 21.464 euros au titre de la convention n°7 et 6.750 euros au titre de la convention n°8,

CONDAMNE la société Albène à payer à la société Alba Voyages la somme de 82.796 euros au titre de la convention n°9 et la somme de 72.000 euros au titre de la convention n°10,

Le tout avec intérêt légal à compter du 30 juillet 20098,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la société Albène à payer à la société Alba Voyages la somme de 411.612 euros en réparation du préjudice résultant du détournement du droit au bail portant sur les locaux sis [Adresse 4] avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2009,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la société Albène à payer aux sociétés Procars Sa, Procars Champagne, Les Petits Trains de provins et Alba Voyages la somme de 35.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ,

CONDAMNE la société Albène aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,

Sonia DAIRAIN

LE PRÉSIDENT,

François FRANCHI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/05873
Date de la décision : 01/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°15/05873 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-01;15.05873 ?
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