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01/02/2017 | FRANCE | N°16/18040

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 01 février 2017, 16/18040


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/18040



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Août 2016 - Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 16/02907





APPELANT



Monsieur [H] [H]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localit

é 1]

Cabinet de Me France Marcovitch - [Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

assisté de Me France MARCO...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/18040

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Août 2016 - Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 16/02907

APPELANT

Monsieur [H] [H]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

Cabinet de Me France Marcovitch - [Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

assisté de Me France MARCOVITCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0432

INTIMÉE

Madame [T] [H]

née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée par Me Diane LE GRAND DE BELLEROCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2047

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.

[O] [J] [H], né le [Date naissance 3] 1920 à [Localité 2], et [Y] [B] née le [Date naissance 4] 1925 à [Localité 3] (Allemagne), se sont mariés, sous le régime de la séparation de biens, le [Date mariage 1] 1947. De leur union sont nés [H] [H], le [Date naissance 5] 1949, et [T] [H], le [Date naissance 6] 1952.

[O] [J] [H] et [Y] [B] ont adopté le régime de la communauté universelle, selon acte reçu par Maître [X] [T], notaire à Paris, le 3 juin 2003, homologué par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 juin 2003.

[O] [J] [H] a établi un testament le 13 mai 2002 en [Localité 4] (Etats-Unis), où, avec son épouse, [Y] [B], ils ont également constitué un trust le 31 mai 2002.

[O] [J] [H] est décédé le [Date décès 1] 2004 à [Localité 5]. Ses biens ont alors été transmis à son épouse.

[Y] [B] est décédée le [Date décès 2] 2008 à [Localité 2].

Par assignation délivrée le 12 janvier 2016, M. [H] [H] a saisi le tribunal de grande instance de Paris essentiellement aux fins de voir condamner Mme [T] [H] pour recel successoral et désignation d'un notaire pour procéder au partage de la succession de leurs parents.

Par ordonnance du 26 août 2016, le juge de la mise en état, saisi par Mme [T] [H], le12 mai 2016, par des conclusions d'incident, a :

- accueilli l'exception d'incompétence territoriale soulevée,

- vu l'article 96 du code de procédure civile,

- renvoyé M. [H] [H] à mieux se pourvoir, la juridiction compétente étant étrangère,

- rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] [H] aux dépens.

Par déclaration du 31 août 2016, M. [H] [H] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions n°3 du 21 novembre 2016, il demande à la cour, au visa des articles 45, 56, 752, 755 et 771 du code de procédure civile et 14, 15 et 778 du code civil, de :

- à titre principal,

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- statuant à nouveau,

- déclarer la juridiction française compétente,

- condamner Mme [T] [H] pour recel successoral,

- désigner en qualité d'expert tel notaire qu'il plaira afin de procéder à une nouvelle liquidation de l'actif successoral de [O] [J] [H] et [Y] [B] au regard des règles de droit français,

- subsidiairement,

- avant dire droit,

- vu l'article 771 du code de procédure civile,

- commettre un huissier au choix de la cour, chargé de solliciter tant auprès de M. le directeur de la résidence [Établissement 1], [Adresse 3]e et de Mme [U], salariée, qu'auprès du syndic de l'immeuble M. [C] [P], S.a.s Immovac, [Adresse 4], tous les éléments permettant d'attester de la présence de [Y] [B] à Paris depuis l'année 2005.

Dans ses dernières conclusions du 21 novembre 2016, Mme [T] [H] demande à la cour, au visa des articles 14 et 15, 102, 103 et 720 du code civil, 45, 564, 700 et 771 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 26 août 2016 et, ce faisant, confirmer l'incompétence des tribunaux français, rejeter la demande de déclaration de compétence de la juridiction française et renvoyer M. [H] [H] à mieux se pourvoir,

- condamner M. [H] [H] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- rejeter la demande de M. [H] [H] de condamnation pour recel successoral,

- rejeter la demande de désignation « en qualité d'expert [de] tel notaire qu'il plaira afin de procéder à une nouvelle liquidation de l'actif successoral de [O] [J] [H] et [Y] [B] au regard des règles de droit français »,

- subsidiairement, si la cour infirmait l'ordonnance entreprise et déclarait M. [H] [H] recevable en son action, déclarer irrecevable comme nouvelle et rejeter comme infondée, injustifiée et inutile, la demande présentée subsidiairement et «avant dire droit '' au vu de l'article 771 du code de procédure civile, et visant à commettre un huissier au choix de la cour qui serait chargé de solliciter « tant auprès de M. le Directeur de la Résidence [Établissement 1], [Adresse 3] qu'auprès du syndic de l'immeuble, M. [C] [P], SAS Immovac, [Adresse 4], tous les éléments permettant d'attester de la présence de Mme [Y] [H] à Paris depuis l'année 2005".

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

SUR CE,

sur la recevabilité des demandes et le privilège de juridiction

Considérant que M. [H] [H] se prévaut d'un privilège de juridiction qui résulterait des articles 14 et 15 du code de procédure civile, pour voir retenir la compétence du tribunal de grande instance de Paris ; qu'il précise en page 4 de ses conclusions, que, par décision du 8 mai 2009 de la cour supérieure de l'[Localité 4] (comté de Maricopa), il a été débouté de son action visant à voir reconnaître sa qualité de bénéficiaire du trust ;

Considérant que Mme [T] [H] soutient que son frère est irrecevable à se prévaloir du privilège de juridiction, prétendant que cette prétention est nouvelle en cause d'appel ; qu'elle argue, en outre, d'une renonciation implicite à ce privilège de juridiction résultant de l'action exercée par son frère, aux Etats-Unis en 2009 devant la Cour supérieure de l'[Localité 4] (comté de Maricopa) ;

Considérant que les développements fondés sur les articles 14 et 15 du code civil ne constituent pas des 'demandes nouvelles' mais tout au plus un fondement développé pour la première fois en appel et recevable en application de l'article 563 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il résulte de l'article 14 du code civil que 'l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étrangers envers des Français' et de l'article 15 du code civil, qu' 'un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger' ; que ce texte ne consacre cependant qu'une compétence facultative de la juridiction française à laquelle il est possible de renoncer ;

Considérant qu'en saisissant lui-même la Cour supérieure de l'[Localité 4] (comté de Maricopa) qui, dans sa décision rendue le 8 mai 2009, a dit qu'il n'était pas bénéficiaire du testament et du trust constitué par ses parents, M. [H] [H] a renoncé implicitement à se prévaloir du privilège de juridiction qui résulterait des articles 14 et 15 du code de procédure civile alors que l'action litigieuse, introduite le 12 janvier 2016 devant le tribunal de grande instance de Paris, vise précisément à lui voir reconnaître la qualité d'héritier et des droits dans le patrimoine de ses parents, objet du testament litigieux et constitué, au moins partiellement, sous forme de trust ;

sur le dernier domicile des défunts

Considérant que la succession litigieuse est celle de [Y] [B], celle-ci ayant bénéficié de celle de son époux, [O] [J] [H], avec qui elle était mariée sous le régime de communauté universelle ;

Considérant que M. [H] [H] soutient que le dernier domicile de sa mère se situe en France où ses parents ont procédé au changement de leur régime matrimonial et où ils ont vécu les dernières années de leur vie, notamment, sa mère, à [Localité 2], dans la résidence [Établissement 1], depuis le mois de juillet 2005 jusqu'à son décès ;

Considérant que Mme [T] [H] se prévaut d'une domiciliation aux Etats-Unis depuis 25 ans des époux [H] et au moment de leur décès ; qu'elle soutient que sa mère a continué, après 2005 et jusqu'en 2008, à faire des allers retours entre les Etats-Unis et la France ;

Considérant qu'il résulte de l'article l'article 102 du code civil que 'le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement', de l'article 720 du même code que 'les successions s'ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt' et de l'article 45 du code de procédure civile que le lieu d'ouverture de la succession détermine la juridiction compétente ;

Considérant que, pour déterminer le dernier domicile de [Y] [B], il convient ainsi que l'a dit le juge initialement saisi, de rechercher tant les éléments matériels de nature à caractériser une installation durable, que l'intention de la défunte de se fixer en un lieu déterminé ; que le domicile d'origine doit être considéré comme conservé tant que l'intention d'en adopter un nouveau n'est pas établie ; que le fait pour une personne de ne pouvoir regagner son domicile pour des raisons médicales ne peut être assimilé à une intention de changement définitif de domicile ;

Considérant en l'espèce qu'il est constant que [Y] [B] était de double nationalité américaine et française ; qu'elle n'avait donc pas besoin de visa pour voyager entre la France et les Etats-Unis ; que l'étude des visas portés sur les passeports n'est d'aucune utilité ; qu'il n'est pas indifférent de relever que le passeport français, mentionnant un domicile américain, a été délivré aux Etats-Unis par les autorités consulaires ;

Considérant qu'il est tout aussi constant que [Y] [B] née le [Date naissance 4] 1925 est décédée le [Date décès 2] 2008 sur le territoire français à l'âge de 83 ans ; qu' au cours des derniers mois de sa vie, elle a été hospitalisée dans des hôpitaux parisiens, [Établissement 2] en novembre 2005 et [Établissement 3] en avril 2008 où elle est décédée ; qu'elle séjournait, lorsqu'elle était à Paris, dans la résidence 'les Jardins d'Arcadie' qui est une 'résidence-service' pour personnes âgées, dans un appartement détenu par la Sci Sama, propriété des époux [H] ; que pour autant, la preuve n'est pas rapportée que [Y] [B] y avait intentionnellement établi son domicile, 'les Jardins d'Arcadie' étant situés à [Localité 2], dans le 12ème arrondissement, tout comme le domicile de l'intimée et la vieille dame ayant pu, simplement, vouloir se rapprocher de sa fille, lors de ses séjours parisiens ; qu'il n'est pas davantage établi qu'elle n'est jamais retournée aux Etats-Unis, la signature du bail de l'appartement de New-York le 14 juillet 2006 attestant du contraire ;

Considérant qu'aucune conséquence ne peut davantage être tirée du lieu choisi par les époux [H] pour changer de régime matrimonial en juin 2003, alors qu'à l'inverse, le testament de [O] [J] [H] ainsi que le trust ont été faits en mai 2002, aux Etats-Unis, en [Localité 4] ; que l'acte de décès de [O] [J] [H], dressé en décembre 2004, indique également un domicile à [Localité 6] (Etat-Unis) tout comme celui dressé pour [Y] [B] pourtant décédée en France ;

Considérant que les époux [H] vivaient aux Etats-Unis depuis les années 1980 où ils avaient d'abord fait l'acquisition d'une propriété à [Localité 7] dans l'état de [Localité 8], puis d'une autre à [Localité 6] en [Localité 4] en 1996 ; qu'il disposaient sur le territoire américain de certificats de résidence établis par le consulat de France de [Localité 8] en date du 30 octobre 1985, de passeports français et américains, de permis de conduire et de cartes d'électeurs américains ; que sont produits la déclaration fiscale américaine en date du 29 février 2008, portant sur les revenus 2007, les avis d'imposition sur les revenus de 2004 et 2007 et des relevés de compte dans des banques américaines ; qu'à l'occasion de la création des Sci Maresa et Sama les 16 octobre 2001 et 15 octobre 2004, il est bien indiqué, par deux notaires différents, que [O] [J] [H] comme [Y] [B] sont domiciliés à [Localité 6] (Etat-Unis) ;

Considérant qu'est ainsi établie la volonté des époux [H] de fixer aux Etats-Unis le centre de leurs intérêts même s'il n'est pas contesté qu'au moins une partie de leur fortune, sous forme de Sci, se situe effectivement sur le territoire français, la structuration de leur patrimoine sous la forme d'un trust qu'ils avaient adopté en mai 2002, et l'existence d'autres biens aux Etat-Unis confirmés par l'appelant lui-même, comme leur mode de vie révélé par les pièces produites, attestent de leur choix de se soumettre à la législation américaine et par là même leur intention de s'intégrer durablement aux Etat-Unis ;

Considérant qu'il est constant que, même sur la dernière période de sa vie au cours de laquelle elle était malade, souffrant d'un problème rénal et d'un cancer, avec un antécédent d'AVC, [Y] [B] a continué de payer les charges de sa résidence à [Localité 6] (Etat-Unis) et de sa résidence secondaire à [Localité 8], louée depuis 2006, avec un bail, signé par elle, qui porte cette même adresse en [Localité 4] ;

Considérant que, dans ce contexte, la résidence des 'Jardins d'Arcadie' sera considérée comme une commodité et non comme le domicile de la défunte, resté aux Etats Unis où elle avait bien son principal établissement depuis 25 ans, les affaires de son époux, ses centres d'intérêts et son foyer ; que ce domicile, qui a été conservé malgré cette absence prolongée, n'a pas été perdu du seul fait de son installation temporaire, auprès de sa fille, sur la dernière période de sa vie ; que le choix de sa sépulture est indifférent à la solution du litige ; qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'audition des témoins sollicitée par l'appelant ;

Considérant que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée ;

Considérant que le caractère familial du litige et l'équité justifient le rejet des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que M. [H] [H] qui succombe, sera condamné aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Dit recevables mais non fondées les demandes de M. [H] [H],

Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris le 26 août 2016,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les parties,

Rejette toute autre demande,

Condamne M. [H] [H] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/18040
Date de la décision : 01/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°16/18040 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-01;16.18040 ?
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