Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 07 FEVRIER 2017
(n° 99 ,7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18817
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/12393
APPELANT
Monsieur [L] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]
Représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
assisté de Me Jean-fabrice BRUN de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIME
Monsieur [D] [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 1]
Représenté par Me Hervé TEMIME de l'ASSOCIATION TEMIME, avocat au barreau de PARIS, toque : C1537
assisté de Me Julia MINKOWSKI, plaidant pour l'ASSOCIATION TEMIME, avocat au barreau de PARIS, toque : C1537
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre et Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
MM. [D] et [L] [Z] sont les deux héritiers de [C] [J], cinéaste français décédé le [Date décès 1] 2009.
M. [L] [Z] a obtenu du président du tribunal de grande instance de Paris deux ordonnances sur requête :
- la première, le 16 juillet 2015, pour se faire remettre l'historique, l'ensemble de la documentation, les inventaires complets de l'ensemble des éléments de la succession et photographier l'intégralité des éléments d'actifs composés de meubles corporels, meubles et objets d'art, tableaux, sculptures, photos lesquels appartenant à la collection d'art moderne et contemporain de [C] [J] tels qu'identifiés et stockés [Adresse 2], [Adresse 4], et au siège de la société Chenue, dépositaire, situé [Adresse 5], l'huissier étant autorisé, aux fins d'exécution de sa mission, à pénétrer dans les lieux, en présence de tout occupant et des héritiers ou leurs représentants, avec l'assistance éventuelle d'un commissaire de police ou de deux témoins et d'un serrurier légalement requis,
- la seconde le 20 juillet 2015, étendant les mesures autorisées :
° en ce qui concerne la prise de photographies, à trois nouveaux lieux, savoir le domicile de M. [D] [Z], [Adresse 6], celui de sa mère Mme [U] [N], [Adresse 7], enfin celui de Mme [F] [A], dernière compagne de [C] [J], [Adresse 8] ;
° en ce qui concerne les constatations, à l'ouverture des coffres forts situés [Adresse 2] et à [Localité 2], au constat de leur contenu, à l'établissement de leur liste complète et précise et au rapport de leur contenu à l'inventaire successoral, afin de permettre la liquidation conforme de cette succession.
Les mesures ainsi autorisées ont été partiellement exécutées, à savoir au domicile de Mme [N], les 22 et 23 juillet, au [Adresse 2] les 21 et 30 juillet, et au [Adresse 6] le 23 juillet.
Par acte d'huissier du 4 août 2015, M. [D] [Z] a assigné son demi-frère, M. [L] [Z], en rétractation de ces deux ordonnances.
Par ordonnance contradictoire du 17 septembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :
- ordonné la rétractation intégrale des ordonnances des 16 et 20 juillet 2015 ;
- dit en conséquence nulles et de nul effet les mesures exécutées en exécution de ces ordonnances ;
- rejeté la demande de mise sous séquestre des éléments appréhendés par M. [L] [Z] rue de Lille le 16 juillet 2015 ;
- rejeté les demandes de dommages-intérêts ;
- condamné M. [L] [Z] à payer à M. [D] [Z] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [L] [Z] aux entiers dépens de la procédure.
Par acte du 22 septembre 2015, M. [L] [Z] a interjeté appel de cette décision.
Par ses conclusions transmises le 3 janvier 2017, il demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
- infirmer l'ordonnance rendue le 17 septembre 2015 en toutes ses dispositions ;
- déclarer M. [D] [Z] irrecevable en son action en rétractation faute d'intérêt légitime à agir ;
A titre subsidiaire
- débouter M. [D] [Z] de l'intégralité de ses demandes, ;
- dire et juger n'y avoir lieu à rétractation des ordonnances des 16 et 20 juillet 2015 ;
- déclarer valides les mesures exécutées en vertu de ces ordonnances ;
- condamner M. [D] [Z] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses conclusions transmises le 30 décembre 2016, M. [D] [Z] demande pour sa part à la cour de :
- dire et juger que ni les requêtes ni les ordonnances rendues les 16 et 20 juillet 2015 ne caractérisent les circonstances justifiant la dérogation au principe de la contradiction ;
- dire et juger que M. [L] [Z] a sollicité et obtenu, par le biais d'une violation injustifiée du principe du contradictoire, des mesures dont l'objet ne repose sur aucun motif légitime qui caractérisent un abus de procédure à son préjudice ;
- confirmer la rétractation intégrale des ordonnances des 16 et 20 juillet 2015 respectivement, prononcée par l'ordonnance du juge des référés du 15 septembre 2015 ;
- infirmer cette dernière en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts ;
- condamner M. [L] [Z] à réparer son préjudice par l'allocation à son profit de la somme de 30.000 euros pour procédure abusive ;
- le condamner à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'en application de l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que cependant sont recevables les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture ;
Considérant qu'en l'espèce, l'ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2017 ; que le 4 janvier 2017, M. [D] [Z] a transmis des écritures récapitulatives aux termes desquelles il invoque l'irrecevabilité des conclusions récapitulatives transmises par M. [L] [Z] le 3 janvier 2017, sans pour autant formuler de demande à ce titre dans le dispositif qui seul lie la cour ; qu'il ne forme pas de demande de révocation de l'ordonnance de clôture de sorte que ses écritures transmises le 4 janvier 2017 doivent être déclarées irrecevables ;
Considérant que dès lors que les mesures d'instruction ordonnées l'ont été sans débat contradictoire, M. [D] [Z] présentait un intérêt à en demander la rétractation, qui n'est pas une voie de recours, quand bien même son argumentation résidait dans le fait qu'il ne s'était jamais opposé à communiquer à son demi-frère les documents de la succession pouvant l'intéresser ;
Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que l'article 493 du dit code dispose que l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ;
Considérant qu'il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé ayant rejeté la demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue ; qu'elle est tenue d'apprécier elle-même, au jour où elle statue, les mérites de la requête au regard de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement ;
Considérant qu'au soutien de la requête présentée le 13 juillet 2015 aux fins de désignation d'un huissier de justice pour dresser un constat, M. [L] [Z] a exposé qu'un partage partiel est intervenu entre les héritiers le 16 décembre 2011, reçu par Maître [X], notaire à [Localité 3] ; que plusieurs lots ont été constitués à partir d'un tableau détaillant les oeuvres d'art composant l'actif successoral et leur évaluation, représentant un actif net d'un montant total de 33 077 300 euros ; que pour le règlement de leurs droits, les co-partageants se sont consenti des attributions réciproques à titre de partage qui ont été acceptées par chacun d'eux ; que le total des attributions lui revenant s'est élevé à 16 615 700 euros ; qu'en raison du dépassement du montant total de la part successorale devant lui revenir, il devait verser une soulte d'un montant de 77 050 euros à son demi-frère ; qu'en réalité diverses erreurs, notamment d'évaluation et d'appréciation, ont été découvertes après ce partage partiel à travers des courriers émanant du notaire ou de l'ancienne assistance de son père, laissant entendre que cette opération était intervenue dans l'urgence, sans réel échange et en l'absence d'informations qui aurait dû lui être communiquées lui permettant d'apprécier la validité des évaluations et le choix des lots proposés ; que le requérant concluait qu'il apparaissait ainsi nécessaire d'effectuer un recollement d'inventaire reprenant la liste intégrale ainsi que la valeur de l'ensemble des éléments de la collection d'oeuvres d'art de M. [C] [J] et que pour remédier aux difficultés déjà apparues, il était, au préalable, nécessaire de faire désigner un huissier ayant pour mission de se faire remettre l'historique et l'ensemble de la documentation justifiant des valeurs fixées, de prendre des photographies de meubles et des oeuvres d'arts relevant de la succession ; que la requête ne contient aucune motivation sur la nécessité de recourir à une telle mesure en l'absence du respect du principe du contradictoire, le requérant invoquant uniquement le fait que M. [D] [Z] vendrait actuellement des oeuvres avant que le partage définitif ne soit intervenu, sans préciser s'il s'agit d'oeuvres faisant partie de celles qui lui avaient été attribuées ;
Considérant que dans le cadre du débat contradictoire, M. [L] [Z] invoque les constatations de l'huissier désigné par ordonnance rendue sur requête le 16 juillet 2015 pour souligner que, sans ce constat, il n'aurait jamais eu connaissance de l'existence d'oeuvres d'art listées à cette occasion, justifiant de ce fait ses soupçons de dissimulation et détournement à son préjudice, et par voie de conséquence le motif légitime de sa requête ;
Considérant que l'office du juge de la rétractation est, après débat contradictoire, de statuer sur les mérites de la requête, de sorte qu'il ne peut être tenu compte des résultats de la mesure ordonnée pour la justifier ; que la cour relève que le seul fait que M. [L] [Z] affirme avoir découvert grâce à la mesure litigieuse l'existence d'oeuvres d'art non encore inventoriées ne signifie pas pour autant que M. [D] [Z] ait voulu les détourner ou receler, alors que, d'une part, ce dernier expose qu'il s'est efforcé, avec l'aide de collaborateurs de son père, de mener à bien l'inventaire des biens meubles de la succession et que son frère s'est complètement abstenu de participer à ses efforts, et d'autre part que certains lieux où les oeuvres auraient été dissimulées lui étaient librement accessibles s'agissant notamment de la maison de campagne située à [Localité 2], qui est sous le régime de l'indivision ; que par ailleurs, le 16 juillet 2015, jour où la première ordonnance a été rendue, M. [L] [Z] s'est présenté en personne au domicile de son demi-frère [Adresse 2], lieu également visé par la requête, pour s'emparer, en l'absence de ce dernier, et avec l'aide de trois personnes, de classeurs d'archives et de données informatiques, vidant de ce fait la légitimité du motif invoqué pour obtenir une mesure d'instruction pour partie exécutée de son propre chef ;
Considérant au surplus que la requête ne contient aucune motivation sur les circonstances justifiant de ne pas procéder contradictoirement à la mesure réclamée ; que le risque virtuel de disparition des preuves relève de l'affirmation en dehors de circonstances objectives illustrant le comportement récalcitrant ou défaillant de M. [D] [Z] face à des demandes de production de documents ou toute autre interrogation du requérant ;
Considérant que les conditions de l'article 145 du code de procédure civile n'étant pas remplies, c'est à juste titre que le premier juge a rétracté l'ordonnance rendue sur requête le 16 juillet 2015;
Considérant que la requête complémentaire a été déposée le 20 juillet 2015 ; qu'elle est motivée par 'les derniers éléments communiqués' et tout comme la précédente par ' les difficultés relatives aux partages partiels potentiellement inégalitaires' dans l'optique d'une 'liquidation conforme de la succession' ; qu'outre le fait que les derniers éléments communiqués ne sont aucunement précisés, il convient de relever que comme pour la requête présentée le 16 juillet, le motif légitime comme les circonstances justifiant le non-respect du contradictoire ne sont pas démontrés ; que pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, l'ordonnance qui a rétracté cette seconde ordonnance doit être confirmée ;
Considérant que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice ; qu'en l'espèce, un tel comportement de la part de l'appelant n'est pas manifestement caractérisé ; que l'ordonnance sera confirmée qui a rejeté la demande de M. [D] [Z] ;
Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;
Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder à l'intimé, contraint d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;
Que partie perdante, M. [L] [Z] ne peut prétendre à l'allocation d'une indemnité de procédure et supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les conclusions transmises par M. [D] [Z] le 4 janvier 2017 ;
Déclare recevable M. [D] [Z] en son référé afin de rétractation ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne M. [L] [Z] à verser à M. [D] [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [L] [Z] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT