Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9
ARRÊT DU 09 MARS 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/19482
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juillet 2014 -Tribunal d'Instance d'AULNAY SOUS BOIS - RG n° 1114001025
APPELANTE
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
N° SIRET : 542 097 902 04319
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD - COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029
Ayant pour avocat plaidant Me Patrice LEOPOLD, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 30
INTIME
Monsieur [V] [Q]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]/Maroc
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représenté par Me François régis CALANDREAU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 91
Ayant pour avocat plaidant Me François régis CALANDREAU de la SCP CALANDREAU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 91, substitué à l'audience par Me Marielle JOSIAS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 91
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de présidente
Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère
Madame Marie MONGIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Thibaut SUHR
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de présidente et par Monsieur Thibaut SUHR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte notarié en date du 31 octobre 1992, la SCI [Adresse 5] a acquis une propriété sur les communes de Rumesnil et Repentigny dans le Calvados, constituée d'une maison d'habitation, bâtiment et dépendances, ainsi qu'un ensemble d'herbages pour le prix de 500000 francs, financé par un emprunt auprès de l'Union de Crédit pour le Bâtiment (UCB).
A l'acte sont intervenues diverses personnes dont monsieur [V] [Q] en qualité de caution personnelle et solidaire de l'acquéreur «pour le remboursement du montant du prêt en principal, intérêts, frais et accessoires et l'exécution des obligations stipulées au contrat».
Le prêt susvisé était consenti par l'UCB sur une durée de 15 années, remboursable par mensualités de 6101,21 [Localité 2] du 20 novembre 1992 au 20 octobre 2007.
Se prévalant de la défaillance dans le remboursement du prêt, la déchéance du terme a été prononcée le 20 janvier 1998 par l'UCB.
Un commandement de saisie immobilière a été délivré à la SCI [Adresse 5] le 17 mars 1999.
Par jugement en date du 18 octobre 2001, le bien a fait l'objet d'une adjudication pour le prix de 395000 [Localité 2].
Par requête en date du 7 mars 2013 enregistrée au greffe du tribunal le 15 mars suivant, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de l'UCB du fait d'une fusion en date du 25 juillet 2008, a saisi le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois d'une demande de saisie des rémunérations à l'encontre de monsieur [V] [Q], en quaité de caution, pour une créance évaluée à 155068,07 euros à la date du 12 février 2013. monsieur [W] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception remise le 26 mars 2013.
Par jugement du 28 juillet 2014, le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois a constaté que l'action de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à l'encontre de monsieur [V] [Q] était irrecevable comme prescrite, il a rejeté en conséquence la demande de saisie des rémunérations de monsieur [Q] au profit de cette société et condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui verser la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration du 25 septembre 2014, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions signifiées le 30 novembre 2016, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré son action prescrite, rejeter sa demande de saisie des rémunération et l'a condamné au titre de l'article 700 Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, d'autoriser la saisie des rémunérations de monsieur [Q] [W] pour la somme de 120954,34 € montant de la créance de BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE arrêtée au 09/01/2014, outre intérêts au taux de 13,45 % courus depuis le 13/02/2013 jusqu'au règlement définitif de la créance et de condamner monsieur [Q] en tous les dépens à 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de son appel, elle fait tout d'abord valoir que la prescription biennale de l'article L 137-2 ancien du Code de la consommation dont se prévaut l'intimé n'est pas applicable en l'espèce à l'instar de ce qu'a retenu le tribunal.
En effet, elle rappelle que le contrat de prêt litigieux n'entrait pas dans le champ de protection des crédits immobiliers, que le crédit avait pour objet le « financement d'un investissement locatif », son objet social excluant l'application de cet article d'autant qu'une SCI, personne morale, ne peut être considérée comme un consommateur au sens de l'article L 218-2 du Code de la consommation.
Ensuite, concernant la prescription décennale retenue par le tribunal, elle se prévaut de l'article 2250 ancien du Code civil concernant l'interruption de la prescription à l'égard de la caution et conteste l'interprétation du tribunal sur le fait que l'effet interruptif de prescription attaché au commandement aux fins de saisie immobilière ne peut se poursuivre jusqu'au jugement de distribution du prix.
Compte-tenu des acte interruptifs intervenus et de la loi du 17 juin 2008 ramenant le délai à 5 ans, elle soutient que le nouveau délai de prescription arrivait à son terme le 19 juin 2013 de sorte que son action n'était pas prescrite.
Enfin, concernant la déchéance du droit aux intérêts, elle soutient qu'elle a informé annuellement l'intimé mais n'est pas en mesure de justifier de la transmission des lettres versées aux débats entre les années 2005 et 2008.
Elle rappelle que l'article L 341-6 du Code de la consommation prévoyant cette information n'est applicable qu'à compter du 5 février 2004 et produit un décompte de créance expurgé des intérêts conventionnels correspondant à ces années dans lequel sa créance est 120.954,34 euros.
Elle soutient qu'il n'incombe pas à la banque de prouver que la caution a bien reçu l'information et qu'aucune forme n'est prescrite par la loi.
Dans ses conclusions signifiées le 16 décembre 2014, l'intimé demande à la cour, in limine litis, de déclarer l'action de son adversaire prescrite et à titre subsidiaire de le déchoir de son droit aux intérêts conventionnels et le condamner en toute hypothèse à lui la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
A l'appui de ses prétentions, il fait tout d'abord valoir à titre principal que d'après les articles L 137-2 du Code de la consommation, 493 du Code de procédure civile et 2240 et suivants du Code civil, l'action est prescrite depuis le 18 octobre 2003.
Il soutient que le délai de prescription était de deux ans puisque la SCI est familiale et qu'elle doit être considérée comme consommateur.
Il considère que la prescription a été interrompue jusqu'au 18 octobre 2001 par le jugement de folle enchère en soutenant que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne peut se prévaloir du jugement du 9 novembre 2006 qui a rejeté sa demande reconventionnelle, il ajoute que l'ordonnance d'homologation dont elle se prévaut encore n'est que provisoire et non contradictoire, elle n'est pas une demande en justice interruptive de prescription.
Ensuite, à titre subsidiaire, sur le délai décennal puis quinquennal, retenu par le tribunal, du Code de commerce, il soutient que seul le jugement d'adjudication du 18 octobre 2001 est interruptif.
Même si la cour considérait, comme le tribunal, que la consignation postérieure du prix de l'adjudication à la CARPA du Barreau de LISIEUX dont le dernier versement invoqué remontait au 13 février 2002, un nouveau délai de prescription de 10 ans aurait couru à compter de cette date soit au plus tard le 13 février 2012 à minuit.
Il réaffirme sa position sur le reste des actes dont se prévaut l'appelante.
Il soutient donc avec la loi du 17 juin 2008 que l'action était prescrite depuis le 13 février 2012 tout au plus, elle était donc irrecevable.
Enfin, il soutient que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n'apporte pas la preuve de l'information donc doit être déchue de son droit aux intérêts.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2017.
SUR CE,
Considérant qu'il convient, en premier lieu, de préciser qu'il n'est pas contesté que l'acte notarié établi le 31 octobre 1992 par maître [U], notaire à [Localité 3], par lequel la SCI [Adresse 5] a souscrit un prêt immobilier auprès de la société UCB et monsieur [Q] s'est constitué caution personnelle et solidaire, constitue un titre exécutoire, au sens des articles L111-2 du Code des procédures civiles d'exécution et R3252.11 du Code du travail, permettant au créancier de solliciter une saisie sur les rémunérations de son débiteur ;
Que les deux points contestés portent sur la prescription de l'action et sur la déchéance du droit aux intérêts ;
Sur la prescription de l'action engagée à l'encontre de monsieur [Q]
Considérant que monsieur [Q] soutient que l'action de la société PARISBAS PERSONAL FINANCE à l'encontre du débiteur défaillant dont il est caution, est soumise au délai de deux ans prévu par l'article L137-2 du Code de la consommation issu de la loi du 17 juin 2008 ;
Que c'est cependant à juste titre que le tribunal d'instance a considéré que la qualité de personne morale de l'emprunteur, la SCI [Adresse 5], ainsi que son objet social, soit : « l'acquisition par voie d'apport ou d'achat, la prise à bail avec ou sans promesse de vente, la location, l'administration et l'exploitation de tout immeuble bâti ou non bâti », ne permettait pas au prêt souscrit, en application de l'article L 312-3 du Code de la consommation, de bénéficier des dispositions du chapitre II du livre troisième du Code de la consommation, relatif au crédit immobilier ;
Que le délai de prescription applicable à l'action du prêteur est donc bien, celui de l'article L110-4 du Code de commerce, soit dix ans jusqu'au 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, puis cinq ans ;
Considérant qu'il doit être rappelé que tant l'article 2250 du Code civil, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 que l'article 2246 dudit code, postérieur à cette loi, disposent que l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution ;
Que de même, l'article 2244 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 1978 ainsi que dans sa rédaction postérieure, donnent à une mesure d'exécution forcée un effet interruptif de la prescription, le principe étant qu'en matière de saisie immobilière l'effet interruptif de prescription attaché au commandement aux fins de saisie immobilière se poursuit jusqu'à l'abandon de la procédure de saisie immobilière ou la clôture des opérations forcées immobilières ;
Qu'en l'espèce, la déchéance du terme a été prononcée par la société prêteuse le 20 janvier 1998, qu'elle a fait délivrer un commandement valant saisi immobilière qui a donné lieu à un jugement d'adjudication sur folle enchère en date du 18 octobre 2001, qu'elle a demandé au juge de l'exécution l'homologation de son projet de distribution amiable le 2 avril 2008 qui a fait droit à cette demande le 23 avril de la même année ;
Que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce n'est pas le jugement d'adjudication qui a mis un terme aux opérations de saisie immobilière, et ce bien que depuis de jugement d'adjudication devenu définitif le débiteur n'était plus propriétaire du bien immobilier, mais la décision d'homologation de la distribution qui en constituait la clôture et, partant, mettait fin à l'interruption de la prescription du fait de la signification du commandement valant saisie immobilière, peu important que cette homologation ait été faite sur requête donc sans que la procédure soit contradictoire ;
Que la société PARISBAS PERSONAL FINANCE ne saurait, en revanche être suivie lorsqu'elle se prévaut également des versements effectués à la suite de ce jugement qui ne sauraient caractériser des événements interruptifs de la prescription de son action envers le débiteur et sa caution;
Que le 23 avril 2008 un nouveau délai de dix ans a, donc, recommencé à courir ; qu'à compter du 19 juin 2008, en application de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, le délai de cinq ans prévu par cette nouvelle loi a trouvé application, de sorte que la prescription ne pouvait être acquise avant le 19 juin 2013 ; que la procédure tendant à la saisie des rémunérations de monsieur [Q] formée par requête du 7 mars 2013, enregistré le 15 mars suivant et dont le débiteur a été informé le 26 mars 2013, était donc recevable ;
Que le jugement sera donc infirmé de ce chef ;
Sur les sommes pour lesquelles la saisie peut être autorisée
Considérant que monsieur [Q] conteste que les informations prévues par l'article L341-6 du Code de la consommation lui aient été fournies et sollicite par conséquent, que soient exclus de sa dette, les intérêts ;
Que la société BNP PARISBAS PERSONAL FINANCE reconnaît ne pas être « en mesure de justifier de la transmission des lettres d'information de la caution pour les années 2005 à 2008 » et produit un décompte expurgé des intérêts correspondant à ces années ;
Que monsieur [Q] conteste pour sa part que les courriers produits par la société appelante datés des mois de février 2009, 2011 et 2012 ainsi que du mois de mars 2010 lui aient été envoyés ;
Considérant que si c'est à juste titre que la société PARISBAS PERSONAL FINANCE fait valoir qu'aucun formalisme quant aux modalités de l'information qui doit être donnée, au plus tard le 31 mars de chaque année, à la caution personnes physique n'est imposé par le texte susvisé, il demeure néanmoins que la charge de la preuve que les informations visées par ce texte ont été effectivement données, dans le délai requis, à la caution, repose sur l'organisme prêteur ;
Qu'en l'espèce, compte tenu de la contestation élevée par monsieur [Q], la simple production de courrier par l'organisme prêteur est insuffisante pour rapporter cette preuve, puisqu'il n'en résulte pas que ces courriers lui ont été adressés, et ce dans le délai requis ;
Que dès lors, l'intimé, caution de la SCI débitrice, ne saurait être tenue au paiements des pénalités ou intérêts de retards ;
Considérant en conséquence, qu'il convient d'autoriser la saisie des rémunérations de monsieur [Q] pour les montants suivants :
- 62198,44 euros au titre du capital restant dû au jour de la déchéance du terme,
- 16772,82 euros correspondant aux 58755,90 euros réclamés, au titre des intérêts et accessoires, par la société prêteuse dans le dernier état de ses calculs c'est-à-dire sans les intérêts correspondant aux années 2005 à 2008, de laquelle il convient de déduire la somme de 41983,05 correspondant aux intérêts du 3 janvier 2009 au 9 janvier 2014,
Total : 78971,29 euros
Considérant que l'équité ne commande pas en l'espèce de faire droit à la demande formée par PARISBAS PERSONAL FINANCE au titre de ses frais irrépétibles ;
Que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, elles conserveront, chacune la charge des dépens qu'elles ont exposés en première instance et en appel ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 juillet 2014 par le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois;
Statuant à nouveau ;
FIXE la créance de la sociétéPARISBAS PERSONAL FINANCEà l'encontre de [J] [Z] la somme de 78971,29 euros, arrêtée au 09 janvier 2014 au titre de son engagement de caution de la SCI [Adresse 5] ;
ORDONNE la saisie des rémunérations de [V] [Q] pour cette somme;
REJETTE les autres demandes des parties ;
DIT que la société PARISBAS PERSONAL FINANCE et [J] [Q] conserveront la charge des dépens qu'ils ont, chacun, exposés devant le d'instanceet devant la cour.
LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT