Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 27 MARS 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09824
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/05438
APPELANTE
MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES DE L'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
[Adresse 1]
ayant ses bureaux [Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
INTIMEE
Madame [A] [C], veuve de Monsieur [P] [B]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
née le [Date naissance 1] 1921 à [Localité 3]
Représentée par Me Hervé-Antoine COUDERC, avocat au barreau de PARIS, toque : R234
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Au 1er janvier 2007, Monsieur [P] [B] détenait directement 0,5 % des actions de la société par actions simplifiée EPI, ainsi que 40,9 % de la société Gabrincours qui détenait elle même 99,5 % de la société EPI.
Cette dernière société détenait directement des participations majoritaires dans quatre filiales (JM Westion, Pinet, La Verrerie et Charlex), ainsi qu'une participation indirecte et minoritaire au sein de Vivarte.
Le 27 décembre 2006, la société interposée Gabrincours, Monsieur [X] [B], président de la société EPI, et Monsieur [P] [B], associés des sociétés EPI et Gabrincours, ont conclu un engagement collectif de conservation pour une durée de six ans sur 99,99 % des actions de la société EPI, en application de l'article 885 I bis du code général des impôts (pacte Dutreil).
Monsieur [P] [B] a alors appliqué un abbattement de 75 % sur la valeur de ses actions dans les sociétés EPI et Gabrincours pour sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de 2007.
L'administration fiscale a contesté cette appréciation, estimant que cet abattement ne pouvait être retenu concernant les titres des sociétés EPI et Gabrincours, ces dispositions étant réservées aux holding animatrices de leur groupe, et a adressé en conséquence une proposition de rectification à monsieur [P] [B] le 22 décembre 2010, pour l'isf du au titre de l'année 2007.
L'administration fiscale a maintenu sa position sur ce point en répondant aux observations de monsieur [P] [B] du 16 février 2011, par courrier du 26 septembre 2011.
Ce dernier a formé une réclamation contentieuse le 20 février 2012 contre l'avis de mise en recouvrement du 27 janvier 2012 d'un montant de 322 322 euros en principal et 54 150 euros d'intérêts de retard, qui a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 8 février 2013.
Monsieur [P] [B] et son épouse ont contesté cette décision par assignation en date du 8 avril 2013 devant le tribunal de grande instance de Paris. Monsieur [P] [B] est décédé le [Date décès 1] 2013, son épouse [A] [C] veuve [B] poursuivant l'instance en sa qualité de demanderesse et d'ayant droit à titre universel.
* * *
Vu le jugement prononcé le 14 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- infirmé partiellement la décision de rejet du 8 février 2013 ;
- prononcé le dégrèvement des droits et pénalités y afférent mis en recouvrement ;
- mis les frais de signification à la charge de l'administration fiscale et condamné cette dernière au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 cpc ;
- rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.
En substance, le tribunal a retenu que la société EPI pouvait être qualifiée de « holding animatrice » et ainsi entraîner, dans le cadre d'un pacte Dutreil, l'abattement de 75 % sur la valeur de ses titres pour l'ISF, au regard de son activité opérationnelle effective (gestion des filiales), le fait qu'elle détienne également une participation minoritaire dans une autre société n'étant pas de nature à remettre en cause cette qualification, dès lors que cette participation n'est pas prépondérante.
Vu l'appel du directeur régional des finances publiques d'IDF et du département de Paris le 15 mai 2015,
Vu les conclusions du directeur régional des finances publiques d'IDF et du département de Paris signifiées le 15 mai 2015,
Vu les conclusions de Mme [C] veuve [P] [B] signifiées le 11 août 2015,
Vu la clôture intervenue le 9 janvier 2017,
Le directeur régional des finances publiques d'IDF et du département de Paris demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- infirmer le jugement entrepris,
- confirmer sa décision du 8 février 2013,
- débouter madame [C] veuve [B] de ses demandes et la condamner aux dépens et au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 cpc.
L'administration fiscale fait valoir que la notion de « holding animatrice », exception doctrinale à l'exclusion des titres de holding de l'abattement d'ISF dans le cadre d'un pacte Dutreil, doit être appréciée au niveau du groupe et non en fonction des filiales pour lesquelles les conditions d'animation seraient effectivement remplies, ce qui exclut l'animation partielle du bénéfice de ces dispositions.
Elle précise qu'elle n'a pas entendu inclure dans cette exception doctrinale les holdings « mixtes » partiellement animatrices de leur groupe, et qu'il s'agit justement de la situation de la société EPI au regard de sa participation minoritaire et sans pouvoir de décision au sein de Vivarte.
Mme [C] veuve [B] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 avril 2015,
- infirmer la décision d'acceptation partielle du 8 février 2013 s'agissant du refus d'exonération partielle des titres de la société Gabrincours au titre de l'ISF de l'année 2007,
- débouter l'administration fiscale de ses conclusions d'appel,
- confirmer le dégrèvement des impositions prononcé en faveur de madame [A] [C] veuve [B] au titre de l'ISF 2007 ;
- condamner l'appelante au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 cpc et aux dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, l'intimée avance que la gestion d'un portefeuille de participations minoritaires n'est pas incompatible avec une qualification de société holding animatrice dès lors que cette activité garde un caractère accessoire par rapport à l'activité principale d'animation des filiales sous contrôle effectif, ce qui ne peut conduire à déqualifier la totalité de ses participations dans la société EPI.
Madame [C] veuve [B] conclut au bien-fondé du jugement de première instance, en ce que la notion de holding animatrice n'exige pas expressément que l'intégralité des sociétés dans lesquelles elle détient des titres soient effectivement animées par cette dernière, pour bénéficier du régime d'exonération partielle d'ISF applicable aux titres faisant l'objet d'un engagement collectif de conservation (pacte Dutreil).
SUR CE,
Considérant que l'article 885 I bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce en l'occurrence le 1° janvier 2007 était ainsi rédigé :
'Les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur si les conditions suivantes sont réunies :
a. Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation pris par le propriétaire, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit avec d'autres associés ;
b. L'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 % des parts ou actions de la société.
Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l'engagement collectif de conservation qui ne peut être inférieure à six ans. Les associés de l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement.
La durée initiale de l'engagement collectif de conservation peut être automatiquement prorogée par disposition expresse, ou modifiée par avenant sans pouvoir être inférieure à six ans. La dénonciation de la reconduction doit être notifiée à l'administration pour lui être opposable.
L'engagement collectif de conservation est opposable à l'administration à compter de la date de l'enregistrement de l'acte qui le constate. Dans le cas de titres admis à la négociation sur un marché réglementé, l'engagement collectif de conservation est soumis aux dispositions de l'article L. 233-11 du code de commerce (...) ;
Pour le calcul des pourcentages prévus au premier alinéa, il est tenu compte des titres détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation visé au a et auquel elle a souscrit. La valeur des titres de cette société bénéficie de l'exonération partielle prévue au premier alinéa à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à la participation ayant fait l'objet de l'engagement collectif de conservation.
L'exonération s'applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement de conservation.
Dans cette hypothèse, l'exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l'actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l'objet d'un engagement de conservation.
Le bénéfice de l'exonération partielle est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d'interposition pendant toute la durée de l'engagement collectif (...)' ;
Considérant que, dans la présente espèce, il est constant et non contesté qu'au 1er janvier 2007 la société EPI était détenue à hauteur de 0,5 % par M. [P] [B] et à hauteur de 99,5 % par par la société Gabrincours dont M.[P] [B] détenait 40,9 % du capital ; que la société EPI détenait directement des participations majoritaires dans quatre filiales (JM Weston, Pinet, La Verrerie et Charlex), ainsi qu'une participation indirecte et minoritaire au sein de la société Vivarte ; que le 27 décembre 2006, la société interposée Gabrincours, Monsieur [X] [B], président de la société EPI, et Monsieur [P] [B], associés des sociétés EPI et Gabrincours, ont conclu un engagement collectif de conservation pour une durée de six ans de 99,99 % des actions de la société EPI, en application de l'article 885 I bis du code général des impôts (pacte Dutreil) ; que M. [W] [B] s'est alors prévalu de cet accord pour appliquer un abattement de 75 % sur la valeur de ses actions dans la société Gabrincours pour sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2007 ;
Considérant que, pour contester à M. [P] [B] aux droits duquel se trouve Mme [C] le bénéfice de cet abattement de 75 %, l'administration fiscale rappelle qu'une société holding n'exerce pas une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale au sens de l'article 885 I bis du code général des impôts précité ; qu'elle admet une dérogation à ce principe pour les sociétés holding qui sont 'animatrices effectives de leur groupe', toutes autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur devant par ailleurs être satisfaites ; qu'elle considère que dés lors que la société EPI n'exerce aucun rôle d'animation dans la société Vivarte, la qualité des holding animatrice ne peut pas lui être reconnue ;
Considérant que s'il est avéré et non contesté que la société EPI remplit les conditions de holding animatrice vis à vis de ses filiales JM Weston, Pinet, La Verrerie et Charlex, la question en litige porte sur le fait qu'elle détient également une participation au sein de la société Vivarte dont elle admet ne pas être animatrice en raison de sa participation indirecte et minoritaire et présenter ainsi le caractère d'une holding passive à son encontre ; que, selon l'administration fiscale, l'appréciation du rôle d'animation de la holding doit relever d'une appréciation rigoureuse s'agissant d'une exception doctrinale dérogatoire au principe légal d'exclusion; que la société EPI ne peut y prétendre puisque son animation partielle du groupe est limité aux seules filiales sous contrôle effectif ;
Mais considérant que, ainsi que relevé par les premiers juges, l'instruction administrative n° 35 du 23 février 2004 (BOI 7-S-3-04) en vigueur au 1er janvier 2007 définit les sociétés holdings animatrices comme celles qui 'outre la gestion d'un portefeuille de participations participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rendent le cas échéant et à titre purement interne des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers', ces sociétés holdings actives s'opposant aux holdings passives ; qu'il n'est pas mentionné que cette animation doit parler sur l'intégralité des filiales ;
Considérant que l'activité principale de la société EPI porte ainsi sur l'animation des quatre filiales au sein desquelles elle détient une participation majoritaire ; que, contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, le fait qu'elle détienne de manière résiduelle une participation minoritaire dans une autre société n'est pas susceptible de lui retirer son statut principal de holding animatrice et de la rendre éligible au régime dérogatoire lui permettant de prétendre à l'abattement de 75 % prévu par l'article 885 I bis du code général des impôts ; que le jugement déféré doit ainsi être confirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE le directeur régional des finances publiques d'Ile de France, département de Paris à verser à Mme [C] veuve [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE le directeur régional des finances publiques d'Ile de France, département de Paris aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS