Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 31 MARS 2017
(no, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 11108
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2014- Tribunal de Grande Instance de Paris-RG no 10/ 04259
APPELANTS
Monsieur Guy X...
né le 29 Mai 1955 à BETHISY-SAINT-PIERRE (60320)
et
Madame Michèle Y...épouse X...
née le 16 Janvier 1952 à La Garenne Colombes (92035)
demeurant ...
Représentés tous deux par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
Assistés sur l'audience par Me Fabrice BERTOLOTTI de la SCP SALARL DECOCQ ET BERTOLOTTI, avocat au barreau de COMPIEGNE
INTIMÉS
Maître Xavier Z...Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « société PRESTIGE FINANCE »
demeurant ...
non représenté
Ayant reçu signification de la déclaration d'appel en date du16 juillet 2014 par remise à personne présente à domicile et assignation devant la Cour d'appel de Paris avec signification de conclusions en date du 22 août 2014 par remise à personne présente à domicile.
Maître Jean-Michel A...
né le 06 Août 1947 à TOULOUSE
demeurant ...
Représenté par Me Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
Assisté sur l'audience par Me Stéphanie BACH de la SCP RONZEAU et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : DÉFAUT
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Selon acte sous seing privé du 4 avril 2008, la société Prestige Finance et M. et Mme X...ont signé un contrat préliminaire de réservation pour un appartement en l'état futur d'achèvement sis dans la résidence « les Jardins de Cusset » à Cusset (Allier), moyennant le prix de 114. 000 €. Ce bien situé dans un résidence à rénover et réhabiliter, était acquis dans le cadre d'une opération de défiscalisation « loi Robien » et devait être livré au 2ème trimestre 2008.
La vente a été reçue par M. A...suivant acte authentique du 9 juillet 2008 portant sur un bien vendu « en l'état ».
Les travaux de réhabilitation de la Résidence n'ayant pas été achevés et le studio acquis n'ayant pas été livré, M. et Mme X...ont assigné, selon acte extra-judiciaire du 18 février 2010, la société Prestige Finance et M. Jean-Michel A...à l'effet de voir prononcer la résolution de la vente et d'entendre condamner solidairement les défendeurs à leur restituer le prix d'acquisition.
La société Prestige Finance a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 16 novembre 2010 et M. Xavier Z...a été désigné en qualité de liquidateur. Les serrures des appartements ont été changées à l'initiative du syndic de la copropriété et M. et Mme X...ont prix possession de leur appartement dont les travaux restaient inachevés : les copropriétaires ayant décidé de faire pratiquer eux-mêmes les travaux nécessaires pour la remise en état des parties communes et privatives, M. et Mme X...ont renoncé devant le tribunal à leur demande initiale de résolution de la vente et ont conclu à la fixation de leurs divers chefs de créance au passif de la liquidation de la société Prestige Finance et à la condamnation de M. A...à en garantir le paiement.
Par jugement du 13 février 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
- fixé la créance de M. et Mme X...au passif de la société Prestige Finance aux sommes de :
-804 € par mois à compter de janvier 2010, au titre des frais de remboursement d'emprunt jusqu'à la date à venir de la première location de l'appartement après réalisation des travaux d'achèvement,
-5. 000 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance relative à l'opération de défiscalisation telle que présentée par la société Prestige Finance,
-10. 000 € de dommages-intérêts au titre des sommes à avancer pour la réalisation des travaux d'achèvement en vue de la mise en location du bien,
-2. 000 € en réparation du préjudice moral,
- débouté M. et Mme X...de leurs demandes dirigées contre M. A...et les a condamnées au paiement de la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. Z...ès qualités aux dépens.
M. et Mme X...ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 29 juillet 2015, de :
au visa des articles 566, 1605, 1610, 1184, 1382 du code civil, L. 261-10 du code de la construction et de l'habitation,
- à titre principal, prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente aux torts exclusifs de la venderesse,
- dire que M. A...et la SCP Jean-Michel A...sont tenus de réparer toutes les conséquences de leurs fautes, y compris du chef de la créance de restitution du prix et de ses accessoires, ainsi que les dommages-intérêts dans la mesure où la liquidation judiciaire en est empêchée en raison du principe de l'arrêt des poursuites individuelles et de l'insolvabilité de la venderesse,
- en conséquence, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance représentée par M. Z...ès qualités leur créance de restitution du prix d'achat de l'immeuble à la somme de 128. 819 €, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2008, date de paiement du prix,
- condamner in solidum M. A..., la SCP Jean-Michel A...et M. Z...ès qualités à leur payer la somme de 128. 819 € au titre de la restitution du prix et de ses accessoires, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2008,
- subsidiairement, si la résolution du contrat n'était pas prononcée, fixer au passif de la liquidation judiciaire leur créance de dommages-intérêts à hauteur d'un montant de 113. 718, 56 € correspondant aux sommes de :
-804 € par mois à compter de janvier 2010, au titre des frais de remboursement d'emprunt, soit 45. 038, 56 € en août 2014, sauf à parfaire,
-38. 680 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance et du manque à gagner sur l'opération de défiscalisation,
-10. 000 € de dommages-intérêts au titre des sommes à avancer pour la réalisation des travaux d'achèvement en vue de la mise en location du bien,
-30. 000 € de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- condamner in solidum M. Z...ès qualités, M. A...et la SCP Jean-Michel A...au paiement de la somme de 113. 718, 56 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal du présent arrêt,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance leur créance de 16. 450 € en réparation des sommes à avancer pour la réalisation des travaux d'achèvement des parties communes et de l'appartement en vue de la mise en location du bien,
- condamner in solidum M. A..., la SCP Jean-Michel A...et M. Z...ès qualités à leur verser la somme de 16. 450 € en réparation des sommes à avancer pour la réalisation des travaux d'achèvement des parties communes et de l'appartement en vue de la mise en location du bien,
- en tout état de cause, condamner in solidum M. A..., la SCP Jean-Michel A...et M. Z...ès qualités à leur payer le coût de publication du présent arrêt,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance à la somme de 6. 000 € leur créance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. A...et la SCP Jean-Michel A...au paiement de la somme de 6. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
M. A...prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le 12 août 2015, de :
- au visa de l'article 565 du code de procédure civile, dire nouvelles en cause d'appel les demandes de résolution de la vente et de condamnation à la restitution du prix de vente dirigées contre lui,
- au visa de l'article 1382 du code civil, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme X...de leurs demandes dirigées contre lui et la SCP Jean-Michel A...,
- débouter M. et Mme X...de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre lui ainsi que contre la SCP Jean-Michel A...,
- condamner M. et Mme X...ou tout succombant au paiement de la somme de 6. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
M. Z...ès qualités, assigné à domicile, n'a pas constitué avocat.
SUR CE
LA COUR
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la SCP Jean-Michel A...
La SCP Jean-Michel A...n'ayant été attraite à l'instance ni devant le premier juge ni devant la Cour, n'est pas partie au litige, en sorte que les demandes dirigées contre elle sont irrecevables ;
Sur la recevablité de la demande de résolution de la vente et de restitution du prix par M. A...
M. et Mme X...font valoir que leur demande de résolution n'est pas nouvelle en cause d'appel car elle est la conséquence du défaut de délivrance et tend aux mêmes fins que leur demande originaire en dommages-intérêts, à savoir l'obtention de la réparation de leur préjudice ; ils ajoutent que cette demande procède en outre de l'évolution du litige, car le bien objet de la vente a été squatté ;
Toutefois, l'action en résolution d'une vente, qui a pour effet de mettre à néant le contrat, ne tend pas aux mêmes fins que l'action en responsabilité qui laisse subsister ce même contrat ; M. et Mme X...qui y ont expressément renoncé en première instance ne peuvent présenter à nouveau cette prétention devant la Cour ; par ailleurs, les éléments factuels évoqués par les appelants (squat momentané de leur bien) ne caractérisent pas une évolution du litige qui rendrait recevable leur demande de résolution, ne procédant que d'un manque de précautions destinées à protéger ledit bien contre les intrusions ;
En conséquence, les demandes formées par M. et Mme X...et tendant à voir prononcer la résolution de la vente et à obtenir du notaire la restitution du prix d'acquisition, sont irrecevables comme nouvelles en cause d'appel ;
Sur les demandes subsidiaires de M. et Mme X...
-sur la fixation de créance de M. et Mme X...à la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance :
Il convient de fixer comme suit les divers postes de créance de M. et Mme X...qui seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance :
-16. 450 € au titre des travaux nécessaires à l'achèvement du bien objet de la vente, suivant les justificatifs produits (quote-part de charges pour l'achèvement des parties communes et travaux sur parties privatives),
-35. 000 € en réparation de leur perte de chance relative à l'opération de défiscalisation : l'absence d'achèvement et de livraison du bien fait obstacle à toute location et par conséquent, à la possibilité de défiscaliser les intérêts d'emprunt réglés par M. et Mme X...,
-20. 000 € en réparation du préjudice moral de M. et Mme X...qui subissent depuis 2008 les tracas, contrariétés, déconvenues et l'anxiété consécutive aux manquements de la société Prestige Finance et au suivi d'un procès complexe ;
M. et Mme X...seront déboutés de leur demande relative aux échéances de l'emprunt souscrit pour financer leur acquisition, dans la mesure où ils sont redevables de ce remboursement en leur qualité de propriétaires ;
Le jugement sera, en conséquence, infirmé sur le quantum des créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance ;
- sur la responsabilité de M. A... :
M. et Mme X...reprochent au notaire d'avoir reçu un acte inapproprié à une vente en l'état futur d'achèvement, de ne pas s'être intéressé à l'avancement des travaux, de ne pas avoir rempli son obligation de conseil à leur égard ;
M. A...fait valoir qu'il ne lui appartenait pas de vérifier sur place l'avancement des travaux permettant la réalisation d'une opération de défiscalisation qui avait fait l'objet, hors sa vue, d'une convention entre les parties par la signature d'un contrat préalable, alors que M. et Mme X...avaient signé une procuration pour l'acquisition d'un « bien en l'état » et pour un paiement comptant ;
Cependant, M. A...qui avait, en sa qualité de notaire instrumentaire, l'obligation d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il recevait et qui ne pouvait ignorer que la vente qu'il recevait concernait une vente en l'état futur d'achèvement et non celle d'un bien vendu « en l'état », dès lors qu'il faisait référence dans son acte authentique du 8 juillet 2008 au contrat préliminaire de réservation du 4 avril précédent (page 8 dudit acte : « Aux termes d'un acte sous signatures privées en date à Crépy du 4 avril 2008, le vendeur et l'acquéreur sont convenus de la vente du bien objet des présentes sous diverses conditions suspensives »), a néanmoins établi et reçu un acte de vente banal se rapportant à un bien vendu en l'état, acte n'offrant aucune protection, intrinsèque ou extrinsèque, aux acquéreurs quant à l'achèvement des travaux de réhabilitation de la résidence et à la livraison effective du bien vendu ; de nombreuses anomalies et incohérences affectent ledit acte authentique, notamment quant au paiement du prix payable comptant mais débloqué de façon anticipée par l'établissement prêteur à la demande dudit notaire le 4 juillet 2008, soit antérieurement à la signature de l'acte de vente, étant ajouté que, lors de cette signature, aucune remise des clefs n'a eu lieu bien que l'acte indiquât que l'entrée en jouissance se ferait au jour de la signature de l'acte, contrairement au contrat préliminaire convenant d'un report de cette remise à la livraison ;
M. A...a encore manqué aux devoirs qui lui incombaient d'adresser un avant projet modificatif du contrat de réservation un mois avant la signature de l'acte de vente, ce dans la mesure où l'acte authentique novait l'accord des parties sur nombre de points essentiels ;
En recevant un acte inapproprié et dépourvu de toute garantie pour les acquéreurs, M. A...a gravement manqué non seulement à son obligation de conseil et de mise en garde mais encore aux devoirs de sa charge envers des acquéreurs profanes (agent de maîtrise et acheteuse) qui s'engageaient dans une opération de défiscalisation à l'occasion d'une acquisition immobilière ne présentant aucune garantie ;
Ces manquements conduisent à condamner M. A...à payer à M. et Mme X..., en réparation de leur perte de chance de ne pas acquérir le bien dont s'agit ou de négocier une vente à des conditions différentes s'ils avaient bénéficié de conseils adaptés, une somme de 80. 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme X...de leurs demandes dirigées contre M. A... ;
En équité, M. A...sera condamné à payer la somme de 6. 000 € à M. et Mme X...sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; une somme du même montant de 6. 000 € sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par défaut,
Dit irrecevables les demandes dirigées contre la SCP Jean-Michel A...,
Dit irrecevables les demandes de M. et Mme X...tendant à la résolution de la vente et à la condamnation de M. A...à restituer le prix d'acquisition,
Infirme le jugement sur le quantum des créances fixées à la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance et en ce qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme X...dirigées contre M. A...,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Fixe les créances de M. et Mme X...au passif de la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance aux sommes ci-dessous :
-16. 450 € au titre du coût des travaux nécessaires à l'achèvement du bien objet de la vente, suivant les justificatifs produits,
-35. 000 € au titre de leur perte de chance relative à l'opération de défiscalisation,
-20. 000 € en réparation de leur préjudice moral,
Condamne M. A...à payer à M. et Mme X...les sommes de 80. 000 € à titre de dommages-intérêts et de 6. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme le jugement pour le surplus,
Rejette toute autre demande,
Condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel M. Z...ès qualités et M. A...et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,