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26/04/2017 | FRANCE | N°15/09778

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 26 avril 2017, 15/09778


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 26 Avril 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09778



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU RG n° F 13/00349





APPELANTE

Madame [Y] [J]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]



comparante en person

ne, assistée de Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105 substitué par Me Natacha GUT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0825



INTIMEE

SARL MESSER EUTECTIC CASTOLIN

[...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 Avril 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09778

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU RG n° F 13/00349

APPELANTE

Madame [Y] [J]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105 substitué par Me Natacha GUT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0825

INTIMEE

SARL MESSER EUTECTIC CASTOLIN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 484 942 206

représentée par Me Florence FROMENT MEURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : R245

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente

Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, Présidente et par Mme Christelle RIBEIRO, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [J] a été embauchée par la société Française de Térotechnologie en qualité de dactylo, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 9 mai 1988.

Dans le dernier état, elle exerçait la profession d'aide comptable niveau IV échelon 2 coefficient 270 depuis le 1er juin 2006 et les fonctions de gestionnaire de parc.

La société Française de Térotechnologie, devenue CASTOLIN France, a été absorbée par la société MESSER EUTECTIC CASTOLIN qui a pour activité la vente de matériel de soudure et de consommable et qui est une filiale du groupe MESSER GmbH.

La convention collective applicable est celle des entreprises Métallurgiques et connexes de la Région parisienne.

Madame [J] a été en arrêt maladie à compter du 27 mars 2012 et après une visite de pré-reprise le 3 octobre 2012 et une seconde visite de pré-reprise du 18 octobre 2012, elle a été déclarée inapte définitivement à son poste.

En octobre et novembre 2012, une étude de poste a été effectuée. Aux termes des avis rendus lors des visites de reprise des 20 novembre et 4 décembre 2012, le médecin du travail a déclaré la salariée « inapte définitive à tous postes dans l'entreprise ».

Madame [J] a été convoquée le 11 décembre 2012 à un entretien préalable fixé au 19 décembre suivant, puis par lettre du 27 décembre 2012, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 5 avril 2013, Madame [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qui par jugement du 4 septembre 2015 l'a déboutée de ses demandes relatives à la validité de la lettre de licenciement et à l'obligation de reclassement et l'a condamnée aux dépens. La juridiction prud'homale a aussi débouté la société CASTOLIN de sa demande reconventionnelle.

Madame [J] a interjeté appel du jugement le 5 octobre 2015 et demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour non respect de l'obligation de reclassement et de condamner la société CASTOLIN à lui payer les sommes suivantes :

- 72.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.966,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 596,62 € à titre de congés payés afférents,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CASTOLIN sollicite la confirmation du jugement, le débouté de Madame [J] de ses demandes et prétentions et sa condamnation à lui payer une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Madame [J] conteste que l'obligation de reclassement ait été respectée par l'employeur et fait observer que l'étude de poste a été réalisée antérieurement à l'avis d'inaptitude définitive rendu le 4 décembre 2012.

Elle ajoute que

- l'employeur ne fournit aucun élément sur les échanges avec le médecin du travail notamment à propos de son aptitude à exercer d'autres tâches existantes dans l'entreprise,

- une mutation était envisageable puisqu'il est établi que la responsable du service comptable était à l'origine des conditions de travail difficiles du service ;

- l'obligation de reclassement porte sur tous les postes disponibles ;

- la recherche de reclassement doit être étendue aux entreprises du groupe auquel la société appartient,

- cette absence de reclassement est d'autant plus fautive que l'inaptitude était limitée à l'entreprise et non aux sociétés du groupe qui comprend 53 entreprises en France et dans le monde et que l'employeur a limité sa recherche à 4 sociétés,

- aucune proposition de reclassement ne lui a été faite alors qu'il existait des postes disponibles comme celui d'assistante commerciale de [W] [E], d'assistant ADV d'[O] [L], d'assistante commerciale de [G] [Z] ;

- l'employeur n'a pas versé aux débats le registre d'entrée et sortie du personnel de la société MESSER CUTTING EUROPE appartenant aussi au groupe,

- l'extrait du registre de CASTOLIN de Villebon débute au 1er janvier 2013 et non en décembre 2012 date de l'engagement de la procédure ;

- elle avait acquis des compétences au cours des 25 ans passés au service de la société et a connu une évolution professionnelle susceptible de lui permettre d'occuper de nombreux postes dans des services comptables, généraux, logistiques,

- enfin la preuve d'une recherche loyale et sérieuse n'est pas rapportée au regard des délais dans lesquels l'employeur a donné sa réponse.

L'employeur fait valoir que :

- en dépit d'une étude de poste réalisée par le médecin du travail, un avis d'« inaptitude définitive à tous postes de l'entreprise » et non pas seulement un avis médical d'inaptitude à son poste, a été délivré et rendait donc impossible son reclassement au sein de l'entreprise malgré les recherches entreprises.

- si une situation de malaise et de stress existait au sein du service comptabilité, cette circonstance ne saurait justifier une relation causale avec l'arrêt de travail de Madame [J] dont l'inaptitude reste d'origine non professionnelle,

- elle a pleinement et loyalement effectué des recherches de reclassement en prenant le temps nécessaire puisque la salariée a été licenciée trois semaines après le constat d'inaptitude, les dites recherches ayant été au surplus engagées antérieurement dès la connaissance de l'avis d'inaptitude de novembre 2012 dans le cadre de la visite de pré reprise et qu'un dialogue a été mené avec le médecin du travail ; que conformément à l'avis définitif d'inaptitude du 4 décembre 2012, elle a procédé à une recherche de postes dans toutes les sociétés du groupe, sans restriction, en indiquant les informations nécessaires ainsi que la possibilité de faire bénéficier la salariée de toutes les formations qui seraient utiles ;

- il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir décrit l' évolution de carrière ou la situation de famille de la salariée, ce qui aurait pu la desservir,

- aucune des sociétés du groupe y compris à l'étranger (par l'intermédiaire de la directrice des ressources humaines du groupe) n'avait un poste disponible susceptible de convenir aux exigences médicales propres à la situation de Madame [J] et à ses compétences.

Il ressort des éléments communiqués et des explications fournies que la situation médicale de Madame [J] ne comportait des restrictions qu'aux postes au sein de l'entreprise, que l'avis d'inaptitude rendu le 4 décembre 2012 soit 7 jours avant que la société convoque la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement était prévisible dès le mois d'octobre 2012 puisque dans le cadre d'une visite de pré-visite, le médecin du travail avait prévu une telle inaptitude, que dès cette période, l'employeur a interrogé le médecin du travail sur la question du reclassement de la salariée ainsi que le démontrent les courriels des 18 octobre, 22 octobre, et 30 novembre 2012.

La cour relève néanmoins que s'il est établi que des courriels ont été envoyés à certaines des entreprises du groupe, tels ceux du 4 décembre 2012, à la société MESSER France à [Localité 4], à la société Holding MEC GmbH - Messer Cutting systems GmbH en Allemagne, à la société NEVAX à [Localité 5], à la société MESSER, que des réponses négatives lui ont été adressées les 4 au 6 décembre 2012, aucun des compléments d'information annoncés ne sont pas produits. Il n'est donc pas justifié que l'employeur a fourni à ces entreprises les renseignements suffisants sur l'évolution de la carrière et les compétences de la salariée alors qu'elle avait au cours des 25 années de collaboration pourvu plusieurs postes.

La cour observe aussi que les recherches au sein de ces sociétés ont été limitées puisque les réponses ont été apportées par les 12 sociétés situées en Europe comptant au total près de 1.500 salariés, seulement trois heures après la réception de la demande de l'employeur.

Enfin, Madame [J] fait justement observer que certains livres d'entrée et sortie du personnel notamment pour la société MESSER France en ses divers établissements ne sont pas probants puisqu'ils débutent au 1er janvier 2013 alors que la recherche de reclassement devait être menée au cours des mois de novembre et décembre 2012.

En conséquence, il découle de ce qui précède que la société ne justifie pas avoir effectué des recherches sérieuses et loyales de reclassement au regard de sa taille et de ses multiples entités, d'autant que la salariée avait une grande ancienneté dans l'entreprise et avait occupé plusieurs postes à l'origine d'une expérience lui permettant de s'adapter à des postes différents au besoin à l'aide d'une formation que l'entreprise devait en effet lui proposer.

Il sera donc fait droit à la demande de Madame [J] et le jugement déféré sera infirmé.

Au regard des éléments de situation fournis, de son ancienneté dans l'entreprise, de son âge et des circonstances de la rupture, il lui sera alloué à Madame [J] outre l'indemnité compensatrice de préavis soit 5.966,20 € et les congés payés afférents soit 596,60 €, des dommages et intérêts d'un montant de 35.000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans les cas prévus aux articles L. 1235 - 3 et L. 1235-11 du code du travail, l'article L. 1235- 4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage. Dans le cas d'espèce, une telle condamnation sera prononcée à l'encontre de l'employeur, pour les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [J] la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû supporter en cause d'appel ; il lui sera alloué à ce titre une somme de 1.500 €.

Enfin, succombant dans la présente instance, la société CASTOLIN devra en supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société MESSER EUTECTIC CASTOLIN à verser à Madame [Y] [J] les sommes de :

- 35.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.966,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 596,62 € à titre de congés payés afférents,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,.

Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois.

Condamne la société MESSER EUTECTIC CASTOLIN aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/09778
Date de la décision : 26/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/09778 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-26;15.09778 ?
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