Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 28 AVRIL 2017
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 10211
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2015- Tribunal de Grande Instance de Melun-RG no 14/ 00880
APPELANTS
Madame Sandrine Martine Françoise X...
née le 20 Octobre 1973 à ROZAY EN BRIE (77)
demeurant...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Jacques MAYNARD, avocat au barreau de MELUN
Monsieur Olivier Laurent Y...
né le 18 Mars 1970 à Lille (59)
demeurant ...
Représenté et assisté sur l'audience par Me Jacques MAYNARD, avocat au barreau de MELUN
INTIMÉS
Monsieur Benoit Z...
né le 24 Mars 1978 à Senlis (60)
demeurant ...
Représenté et assisté sur l'audience par Me Vincent CANU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0869
Mademoiselle Fyrial A...
née le 17 Septembre 1973 à Creteil (94)
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Vincent CANU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0869
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, président et par M. Christophe DECAIX, greffier présent lors du prononcé.
*
* *
Par acte notarié du 03 juillet 2013, M. Olivier Y... et Mme Sandrine X... ont promis de vendre avant le 27 septembre 2013 à M. Benoît Z... et Mme Firyal A..., qui se sont engagés ensemble à l'acquérir, une maison d'habitation, sise ..., moyennant le prix de 284 200 € (outre 800 € pour le prix des meubles). Cet avant-contrat, qui prévoyait une clause pénale d'un montant de 28 500 €, était notamment conclu sous la condition suspensive d'obtention d'un crédit par les acquéreurs, afin de financer le paiement du prix.
L'acte définitif n'ayant pas été conclu, par actes extrajudiciaires délivrés à compter du 25 février 2014, M. Y... et Mme X... ont assigné M. Z... et Mme A... afin de les voir condamnés à leur payer le montant de la clause pénale ainsi que des dommages et intérêts.
C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Melun, par jugement du 06 janvier 2015, a rejeté l'ensemble des demandes formées par M. Y... et Mme X... à l'encontre de M. Z... et Mme A..., a condamné les demandeurs aux dépens et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 19 janvier 2016, Mme X... et M. Y..., appelants, demandent à la Cour de :
- vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;
- condamner solidairement M. Z... et Mme A... au paiement d'une somme de 28 500 € au titre de la clause pénale, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 4 février 2014 ;
- condamner solidairement M. Z... et Mme A... au paiement d'une somme de 16 537, 51 € à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis ;
- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
- condamner solidairement M. Z... et Mme A... à leur payer une somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir par application de l'article 515 Code de Procédure Civile.
M. Z... et Mme A..., intimés, prient la Cour, par conclusions du 29 janvier 2016, de :
- confirmer le jugement querellé ;
- à titre subsidiaire, réduire la clause pénale ;
- accorder des délais de paiement à M. Z... et Mme A... ;
- en tout état de cause, condamner Mme X... et M. Y... aux dépens et les condamner in solidum à leur payer une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
LA COUR
M. Z... et Mme A..., après avoir remis au notaire une offre de prêt de la Poste acceptée et s'être fait remettre les clés de manière anticipée pour emménager, ont ensuite invoqué des difficultés financières, par courrier du 26 septembre 2013, et ont déclaré qu'ils renonçaient à acquérir, ce qui a été confirmé par M. Z... lors du rendez-vous de signature, le 27 septembre 2013. Bien que sommés par huissier de venir signer la vente le 29 octobre 2013, M. Z... et Mme A... n'ont pas déféré à cette convocation. Le notaire a ainsi dressé un procès verbal de carence le 29 octobre 2013.
M. Y... et Mme X... ont vendu le bien à un tiers par acte authentique du 22 août 2014, moyennant le prix 237 500 €.
Sur la défaillance de la condition suspensive d'obtention de prêt
Les intimés soutiennent essentiellement que la seule offre de prêt qu'ils ont obtenue émanait de la Poste, mais qu'elle n'était pas sérieuse, puisque le montant des mensualités, atteignant 36 % de leurs revenus, aurait dépassé le taux maximum d'endettement communément admis, de plus fort en présence de deux enfants à charge, de sorte que les vendeurs ne pouvaient exiger d'eux qu'ils s'y engageassent. Ils font également valoir que Mme A... n'a pas perçu la somme qu'elle escomptait du partage d'un bien immobilier (elle justifie avoir perçu 77 498 €), de sorte qu'ils ne pouvaient plus apporter la somme de 90 000 € de leurs deniers personnels, contrairement à ce qui avait été calculé pour les besoins de la demande de prêt auprès de la Poste. Les intimés font état d'un certificat médical du 08 octobre 2013 indiquant que M. Z... a fait l'objet d'une consultation du 19 mars 2012 pour une thyroïdite d'Ashimoto en cours de bilan à la date du certificat. Ils allèguent un retentissement professionnel de cette maladie.
S'agissant du prêt correspondant à l'offre obtenue, les intimés considèrent en définitive qu'ils n'auraient pu faire face aux remboursements.
C'est dans ces conditions qu'ils entendent se prévaloir des refus de prêt que leur ont opposés la BNP PARIBAS, suivant courrier du 22 août 2013 et la société LCL, suivant courrier du 6 septembre 2013, afin de démontrer que la condition suspensive est défaillie sans manquement de leur part.
Le tribunal a retenu que l'offre de prêt obtenue de la Poste n'était pas conforme et, en présence des deux refus, a jugé que la condition était défaillie sans que cela soit imputable aux acquéreurs.
Toutefois, la promesse synallagmatique, qui fait la loi des parties, subordonnait la vente à l'obtention par M. Z... et Mme A..., auprès de tous organismes de crédit, d'un prêt d'un montant maximum de 226 500 € remboursable sur 25 ans au taux nominal d'intérêt maximum de 3, 5 % l'an hors assurance ; or, l'offre de prêt obtenue de la Poste pour les besoins de l'acquisition du bien objet de la promesse portait sur la somme de 214 005 € et était remboursable sur une durée de 300 mois, soit 25 ans, au taux proportionnel fixe (taux nominal hors assurance) de 3, 20 % l'an ; ces éléments s'évincent tant de l'offre de prêt que du tableau d'amortissement, tous documents acceptés et paraphés par les acquéreurs le 08 août 2013, puis remis au notaire chargé de rédiger l'acte de vente.
Force est de constater que cette offre de prêt est conforme à la promesse synallagmatique, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal.
En outre, M. Z... et Mme A... ne rapportent la preuve d'aucune circonstance de force majeure qui serait survenue depuis leur demande de prêt et qui permettrait de justifier leur refus de souscrire le prêt ayant fait l'objet de l'offre de prêt de la Poste, étant observé que nul manquement des promettants à leurs obligations nées de l'avant-contrat n'est alléguée ni établie.
Par ailleurs, le manquement allégué de la Poste à l'égard de M. Z... et Mme A..., pris du prétendu manque de sérieux de l'offre de prêt n'est opposable ni à M. Y... ni à Mme X....
Dans ces conditions, il convient de retenir que la condition suspensive d'obtention de prêt a été réalisée, mais qu'en dépit de cela, alors que l'ensemble des autres conditions suspensives avait été réalisé, M. Z... et Mme A... ont méconnu leur obligation d'acquérir.
Le jugement sera donc infirmé.
Sur l'application de la clause pénale
La clause pénale a été expressément prévue pour le cas où les bénéficiaires, une fois réalisées les conditions suspensives, refuseraient d'acquérir ; elle doit donc recevoir application.
En droit, la clause pénale opère la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution des obligations contractées par le débiteur ; lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ; néanmoins, nonobstant toute stipulation contraire, le juge peut modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
En l'espèce, d'une part, la carence de M. Z... et de Mme A..., n'a causé l'indisponibilité du bien à la vente que moins de quatre mois, et, d'autre part, les propres déclarations du vendeur établissent que le préjudices réellement subi du fait des manquements des bénéficiaires n'a pas excédé 16 537, 51 € ; il s'ensuit que la clause pénale apparaît manifestement excessive en ce qu'elle a fixé l'évaluation forfaitaire des dommages à la somme de 28 500 € ; dans ces conditions, il échet de ramener la peine à la somme de 10 000 €.
Une telle indemnité ayant été allouée, la demande de dommages et intérêts formées en plus de la clause pénale n'apparaît pas bien fondée.
Mme X... et M. Y... en seront donc déboutés.
Les débiteurs, en dépit de la séparation qu'ils allèguent, ne justifient pas des conditions permettant de leur allouer des délais de paiement afin d'apurer leur dette.
M. Z... et Mme A..., qui succombent, seront condamnés in solidum à supporter la charge de tous les dépens et, en équité, à verser à Mme X... et M. Y... une somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement querellé,
Condamne solidairement M. Z... et Mme A... à payer à Mme X... et M. Y... pris ensemble la somme de 10 000 € au titre de la clause pénale,
Déboute du surplus de la demande au titre de la clause pénale,
Déboute de la demande au titre des dommages et intérêts supplémentaires,
Dit n'y avoir lieu à délais de paiement,
Condamne in solidum M. Z... et Mme A... à payer à Mme X... et M. Y... pris ensemble la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. Z... et Mme A... aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
Le Greffier, La Présidente,