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03/05/2017 | FRANCE | N°15/10784

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 03 mai 2017, 15/10784


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 3 MAI 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10784



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES section RG n° 12/00865





APPELANT

Monsieur [H] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2]

>
comparant en personne, assisté de Me Jonathan DJENAOUSSINE, avocat au barreau de PARIS, toque : J002



INTIMEE

SNC SOCIETE D'AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION (SASCA)

[Adres...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 3 MAI 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10784

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES section RG n° 12/00865

APPELANT

Monsieur [H] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Jonathan DJENAOUSSINE, avocat au barreau de PARIS, toque : J002

INTIMEE

SNC SOCIETE D'AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION (SASCA)

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 535 236 681

représentée par Me Michael DAHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0031

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre

Madame Stéphanie ARNAUD, vice présidente placée faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016,

Madame Françoise AYMES BELLADINA, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Nicole BEAUSSEAUX, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président et par Madame Christelle RIBEIRO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er novembre 2000, Monsieur [H] [F] a été engagé par la société Total Fina Raffinage Marketing en qualité d'avitailleur d'aéronefs sur le site de l'aéroport [Localité 4], avec une reprise d'ancienneté au 1er août 2000.

En janvier 2012, la société Total et la société BP France ont créé une société en nom collectif, la société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation ci-après dénommée société SASCA, transférant à celle-ci les prestations de mise à bord de carburants ainsi que les contrats de travail de leurs salariés respectifs affectés à l'activité d'avitaillement.

Avant la création de la société SASCA, les deux sociétés Total et BP France étaient membres d'un GIE, dénommé GAO, constitué à une date non précisée, ayant notamment pour objet la gestion et l'exploitation d'une ou plusieurs stations de distribution de carburants sur l'aéroport [Localité 4], la réalisation des opérations matérielles de mise à bord avion du carburant et autres produits ainsi que toutes activités accessoires pour le compte exclusif de ses membres, dans le cadre des opérations d'avitaillement.

Le 12 octobre 2012, plusieurs salariés dont Monsieur [F], ont saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges afin d'obtenir d'une part, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée des contrats de missions conclus avant leur engagement, le paiement d'une indemnité de requalification outre un rappel de prime d'ancienneté et, d'autre part, le paiement d'une prime d'habillage et d'une prime de transport.

Par jugement en date du 15 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint- Georges a dit qu'il n'y avait pas lieu de requalifier les contrats de mission de Monsieur [F] en contrat de travail à durée indéterminée et a condamné la société SASCA à lui payer les sommes suivantes :

-7.194,96 € à titre de rappel de primes d'habillage et de déshabillage,

-719,49 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de primes d'habillage et de déshabillage,

avec intérêts de droit au taux légal à compter de la réception par la société SASCA de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 19 octobre 2012,

- 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de la décision, soit le 15 septembre 2015.

Le conseil a débouté le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire de requalification, d'un rappel de salaire, congés payés et 13ème mois au titre de la prime d'ancienneté, du 13ème mois afférent au rappel de salaire au titre de la prime d'habillage et de déshabillage et d'un rappel de salaire congés payés et 13ème mois afférents au titre d'une prime de transport et a condamné la société SASCA aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 2 novembre 2015, Monsieur [F] a relevé appel du jugement.

Il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à ses demandes, son infirmation pour le surplus et demande à la cour de prononcer la requalification de ses contrats de missions temporaires pour la période comprise entre mai1993 et novembre 2000 en contrat de travail à durée indéterminée à compter du et de condamner l'intimée à lui verser les sommes suivantes :

- 10.071,16 € au titre de l'indemnité forfaitaire de requalification,

- 8.947,44 € au titre du rappel de salaires sur prime d'ancienneté, congés payés et 13ème mois afférents pour la période du 12 octobre 2007 au 5 mars 2015, 2.732,87 € pour la période du 5 mars 2015 au 28 février 2017 et d'ordonner le paiement de cette prime d'ancienneté reconstituée à compter de la date d'audience devant la cour,

- 599,58 € au titre du treizième mois afférent à la prime d'habillage et de déshabillage (allouée à hauteur de 7.194,96 € outre les congés payés par les premiers juges) pour la période du 12 octobre 2007 au 5 mars 2015,

- 2.501,66 € au titre de la prime d'habillage, congés payés et 13ème mois afférents pour la période du 5 mars 2015 au 28 février 2017 et d'ordonner le paiement d'une prime d'habillage et de déshabillage reconstituée de 20 minutes par jour travaillé, à compter de la date d'audience devant la cour,

- 12.968,23 € au titre d'un rappel de salaires sur la prime de transport, congés payés et treizième mois afférents pour la période du 12 octobre 2007 au 5 mars 2015, 3.794,48 € pour la période du 5 mars 2015 au 28 février 2017 et d'ordonner le paiement de cette prime sur la base de 30 minutes par jour travaillé, à compter de la date d'audience devant la cour,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Monsieur [F] demande également à la cour d'ordonner le paiement par la société SASCA d'une astreinte journalière de 120 €, passé un délai de 10 jours francs à dater de la notification de la décision à intervenir, par montant dû, jusqu'à délivrance de la totalité des sommes dues et de condamner la société SASCA aux intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

La société SASCA demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de ses demandes inhérentes à la requalification de ses contrats de mission d'intérim en contrat à durée indéterminée, en ce qu'il a considéré que la spécificité des postes d'avitailleurs et de leur nécessaire formation entraînent parfois la récurrence des contrats pour certains salariés et en ce qu'il a considéré que le recours aux contrats de mission représente entre 5,6 et 10,2 % d'effectif total soit un seuil qui apparaît comme raisonnable,

- réformer le jugement en ce qu'en opposition notamment à l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 18 novembre 2011, il a condamné la société SASCA au paiement, au bénéfice de Monsieur [F], de sommes censées compenser son temps d'habillage et de déshabillage,

- débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes,

- condamner Monsieur [F] au paiement de la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification des contrats de missions

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [F] n'a produit aucun des contrats de missions qu'il aurait signés avant d'être engagé au sein de la société Total.

La cour n'est donc pas en mesure de vérifier ni l'identité de l'entreprise utilisatrice, ni la réalité des motifs des contrats temporaires invoqués et ne peut donc statuer sur le mérite des demandes présentées.

Monsieur [F] sera donc débouté de sa demande de requalification ainsi que de celles en découlant (paiement de l'indemnité de requalification, reprise d'ancienneté et rappels de salaires sur la prime d'ancienneté).

Sur la demande au titre du temps d'habillage et déshabillage

Aux termes des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties accordées soit sous forme de repos soit sous forme financière lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

L'existence d'une tenue obligatoire n'est pas contestée, la discussion portant sur l'obligation de vêtir cette tenue et de s'en défaire sur le lieu de travail.

Monsieur [F] prétend que pour des raisons de sécurité, ces vêtements pouvant présenter des tâches d'hydrocarbures, doivent être déposés sur le lieu de travail et que d'ailleurs, c'est l'entreprise elle-même qui procède au lavage.

La société SASCA conteste l'existence de l'obligation pour les salariés de se vêtir sur le lieu du travail, soutenant que, contrairement à ce que prétendent les salariés, leur activité n'est pas 'très salissante' et invoque notamment à ce sujet un faible taux de nettoyage de ces tenues.

D'une part, il ressort des pièces produites par la société SASCA que les salariés disposent de plusieurs tenues et qu'ainsi, même si une tenue doit être confiée à l'entreprise de nettoyage, le salarié dispose d'une tenue de rechange, le faible taux de nettoyage résultant du tableau établi par la société n'étant pas sérieusement contesté par le salarié.

D'autre part, Monsieur [T], adjoint de station de l'aéroport [Localité 4], déclare qu'il n'y a aucune obligation de s'habiller et de se déshabiller sur le lieu de travail et que, pour les salariés qui font le choix de se déshabiller et de se vêtir sur la station, ces opérations ont lieu sur le temps de travail de l'intéressé.

Le caractère mensonger des déclarations de Monsieur [T], qui sont confortées par le témoignage de ses homologues d'autres aéroports, ne saurait résulter du seul fait qu'il est placé dans un lien de subordination avec la société SASCA.

Dès lors qu'il ressort de ces déclarations que le salarié peut revêtir et se défaire de sa tenue sur son temps de travail, Monsieur [F] sera débouté de sa demande au titre d'une contrepartie financière d'un temps déjà rémunéré.

Sur la demande au titre du temps de transport

Il ressort des explications des parties que lorsque le salarié arrive à l'aéroport, il doit, une fois passés les contrôles de sécurité, emprunter une navette pour pouvoir rejoindre les pistes, navette qui ne passe que toutes les 15 minutes. Lors du débauchage, s'il n'y a plus de navette (dont le dernier passage est à 18 heures), il doit attendre qu'un collègue soit disponible pour le reconduire à l'aide du véhicule de service et qu'ainsi, il n'est pas libre de ses déplacements pendant ces temps d'attente et de transport.

Monsieur [F] fait valoir que l'employeur, parfaitement conscient de cet allongement du temps de travail effectif, a accepté depuis le 1er janvier 2012 de consentir deux jours de congés annuels supplémentaires (1 jour si le salarié a eu plus de 30 jours d'arrêt de maladie) mais estime que cette contrepartie n'est pas suffisante, évaluant à 30 minutes par jour ce temps d'attente et de transport.

La société SASCA soutient qu'il s'agit d'un temps de trajet durant lequel le salarié n'est pas soumis aux directives de l'employeur et qui n'a donc pas lieu d'être rémunéré.

En vertu de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Si le temps de trajet pour se rendre à son lieu de travail n'est pas considéré comme un temps de travail, il en est autrement quand, comme en l'espèce, le salarié, lorsqu'il arrive à son lieu de travail, est contraint de se soumettre d'une part, au contrôle de sécurité, d'autre part, à l'utilisation d'un véhicule spécifique, ces contraintes résultant de la spécificité de son emploi et de ses conditions de travail : en effet, le salarié n'a d'autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte où est situé son lieu de travail et ne dispose pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles.

La demande de Monsieur [F] est donc fondée dans son principe mais le temps d'attente moyen sera évalué à 10 minutes, soit 20 minutes par jour.

Dans la limite de la prescription quinquennale, la créance de Monsieur [F] sera ainsi fixée aux sommes suivantes :

- 9.309,05 € bruts au titre du rappel de salaire dû pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, 930,90 € bruts au titre des congés payés et 775,75 € bruts au titre du 13ème mois afférents, les parties étant invitées à imputer sur ces sommes le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012.

La société SASCA devra régler, à compter du mois de mars 2017, le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur de 20 minutes par quart effectué.

Sur les autres demandes

L'astreinte sollicitée n'apparaît pas nécessaire en l'état.

La société SASCA, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur [F] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de ses demandes au titre de la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée,

Statuant à nouveau,

Condamne la société SASCA à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes :

- 9.309,05 € bruts au titre du rappel de salaire dû pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, 930,90 € bruts au titre des congés payés et 775,75 € bruts au titre du 13ème mois afférents, les parties étant invitées à imputer sur ces sommes le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012,

- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la société SASCA devra régler, à compter du mois de mars 2017, le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur de 20 minutes par quart effectué,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société SASCA de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société SASCA aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/10784
Date de la décision : 03/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/10784 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-03;15.10784 ?
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