Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 05 MAI 2017
(no , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/13699
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2014 -Tribunal de Grande Instance de creteil - RG no 11/12896
APPELANTE
Madame Yvette X...
née le [...] à MANANSAC (56)
demeurant [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe Y..., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38
INTIMÉES
Madame Nathalie Z...
née à NANTE
demeurant [...]
Représentée par Me Pascal A... de la SCP AULIBE-ISTIN-A..., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 23
SCP HUBERT LOUVEL-THIERRY ASSANT-LECHEVALLIER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par Me Jeanne B... de la SCP SCP Jeanne B..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée sur l'audience par Me Olivier C..., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, et M. Dominique GILLES, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
M. Dominique GILLES, Conseiller
Madame Sophie REY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
M. Gilles a été entendu en son rapport.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier présent lors du prononcé.
*
* *
Par acte notarié du 4 octobre 2002 reçu par M. Thierry E..., notaire associé, Mme D... a vendu à Mme X... et Mme Z..., acquéreurs indivis, moyennant le prix de 93 298,81 €, des lots de copropriété dans un immeuble sis [...] (lot no7), une seconde cave dans ce même bâtiment (lot no8) , le droit de jouissance exclusif sur une courette dans le bâtiment B (lot no11), le droit de jouissance exclusif sur un jardin (lot no12) , dans le bâtiment C, un garage et studio en prolongement ainsi que le droit d'usage exclusif d'un passage le long de l'immeuble ( lot no13), le droit de jouissance exclusif d'un passage le long du bâtiment C (lot no14).
Par le même acte, Mme X... et Mme Z... achetaient chacune en propre dans ce même immeuble d'autres lots de copropriété, appartenant également à Mme D.... Mme X... acquerrait ainsi seule un total de 343/1000èmes de la propriété du sol et des parties communes (les lots no 3, 4, 5 et 9, correspondant à deux logements loués outre une cave et un grenier) ; Mme Z... acquérait seule les 417/1000èmes de la propriété du sol et des parties communes (correspondant aux lots no 1, 2, 6, et 10, l'ensemble formant son logement avec cave à accès privatif). Mme Z... et Mme X... procédaient ainsi à l'acquisition de la totalité des lots de copropriété afférents à cet immeuble, pour le prix global de 388 754 €.
Mme X... a considéré que la répartition entre les co-acquéreurs des droits acquis en indivision avec Mme Z... - à savoir 183/1000èmes à Mme Z... et 57/1000èmes à Mme X... était erronée par suite d'une erreur matérielle du notaire rédacteur engageant la responsabilité professionnelle de celui-ci. Elle fait valoir essentiellement que cette réparation devait suivre la règle de répartition convenue entre les parties : 60% pour Mme Z..., soit 144/1000èmes et 40% pour Mme X..., soit 96/1000èmes.
Le notaire a refusé de rectifier l'acte.
C'est dans ces conditions que Mme X... a assigné la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier en rectification de cet acte notarié et en dommages et intérêts, suivant acte extrajudiciaire du 7 novembre 2011 dénoncé à Mme Z... et publié au service de la publicité foncière.
Par jugement du 29 avril 2014, le tribunal de grande instance de Créteil a débouté Mme X... de ses demandes, et a condamné celle-ci à verser une somme de 3 000 € à titre d'indemnité de procédure à chacune des autres parties.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 30 juin 2014, Mme X... interjetait appel de cette décision.
Par conclusions du 02 mars 2015 Mme X... demande à la Cour de :
- vu l'article 1156 du code civil ;
- vu l'article 1382 du code civil ;
- vu l'article 815 du code civil ;
- débouter la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier et Mme Z... de leurs demandes ;
- constater que ne reflète pas la commune intention des parties l'acte authentique établi par la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier le 4 octobre 2002 portant notamment sur l'acquisition des lots de copropriété litigieux no 7, 8, 11, 12, 13 et 14 ;
- constater que c'est par suite d'une erreur qu'il est porté en page 2 dudit acte que les 240/1000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales correspondant aux lots no7, 8, 11, 12, 13 et 14 sont répartis à concurrence de 57/240 à elle-même, et à concurrence de 183/240 à Mme Z... ;
- dire que conformément aux conditions de la vente, les acquéreurs desdits lots le sont à
concurrence de : 96/240 pour elle-même et de 144/240 pour Mme Z... ;
- ordonner la rectification de l'acte en cause à la charge, frais et diligence du notaire ;
- à défaut d'établissement de l'acte rectificatif, dire que l'arrêt à intervenir vaudra titre et qu'il sera publié au fichier immobilier du service de la publicité foncière ;
- constater que l'affectation erronée des millièmes telle que rédigée dans l'acte constitue un manquement du notaire à ses obligations de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
- condamner la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier au paiement de la somme de 20 000 € sur la base de l'article 1382 du code civil ;
- en toute hypothèse, condamner celle-ci au paiement de la somme de 5 000 € sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et de 5 000 € pour la procédure d'appel ;
- ordonner la restitution du montant des condamnations ordonnées en première instance au
titre des frais irrépétibles et par elle acquittées à hauteur de 6 000 euros, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- condamner la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier en tous les dépens en ce compris le coût des publications au fichier du service de la publicité foncière.
Par conclusions du 28 octobre 2014, Mme Z... prie la Cour, au visa des articles 1315 et 1341 du code civil, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et sollicite la condamnation de l'appelante à lui verser une somme de 3 000 € de dommages et intérêts pour abus de procédure, outre une somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusion du 1er décembre 2014, la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier prie la Cour de confirmer le jugement querellé, de débouter Mme X... de toutes ses demandes et de condamner celle-ci en tous les dépens. La SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier sollicite contre l'appelante une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
LA COUR
A l'appui de la démonstration de l'erreur matérielle qu'elle allègue, et qu'elle reproche au notaire de n'avoir pas rectifié spontanément, Mme X... soutient essentiellement :
- que la règle de répartition voulue en accord avec Mme Z... lui attribuait 40 % des tantièmes de l'immeuble des parties indivises contre 60% à celle-ci, et ne peut avoir été écartée ;
- que selon l'acte non rectifié, elle aurait 23,75% des millièmes tout en ayant payé 40% du prix, alors que Mme Z... bénéficierait de 76,25% en n'ayant payé que 60% du prix ;
- que cette situation serait "intellectuellement invraisemblable, arithmétiquement fausse et juridiquement infondée" ;
- qu'elle a payé 40% des parties indivises et ne pourrait donc pas être titulaire de moins de 40% des tantièmes des parties indivises, sauf à trahir la commune intention des parties, d'ailleurs confirmée par la répartition des charges de copropriété et celle des loyers encaissés.
Or, l'unique acte notarié de vente, qui a porté sur la totalité des lots de copropriété définis par le règlement de copropriété du 30 mai 1973 pour le bâtiment acquis dans son ensemble pour Mme X... et Mme Z..., mentionne le prix global de l'opération et détaille le financement global de l'opération par huit prêts distincts consentis à l'un ou l'autre des acquéreurs, affectés à des lots déterminés ;
Ces éléments apparaissent sur chacune des copies remises à Mme X..., en particulier celle correspondant à sa vente en propre et celle correspondant à la vente à l'indivision, de sorte que Mme X... ne peut soutenir avoir été trompée sur le contenu de la convention par suite de la présentation de l'instrumentum en trois extraits correspondant aux acquisitions en propre puis à l'acquisition en indivision, ce qui lui aurait fait croire en l'existence de trois actes distincts ;
L'acte notarié mentionne clairement, s'agissant de l'ensemble des lots vendus à l'indivision, la répartition des 240/1000èmes de la propriété du sol et des parties communes entre Mme X..., 57/240èmes, d'une part et Mme Z...,183/240èmes, d'autre part ;
Contrairement à ce que Mme X... soutient sans en apporter la preuve, il n'a donc pas pu lui échapper, avant de signer l'acte, qu'une telle proportion était manifestement distincte de la répartition désormais prétendue ;
D'ailleurs, en présence de l'acquisition globale de l'immeuble par les deux co-acquéreurs, pour partie en propre et pour partie en indivision, sous le régime de la copropriété, en vertu du règlement de copropriété qui s'est imposé à eux, ceux-ci, contrairement à ce que soutient Mme X..., ont pu convenir, sans fraude et pour des motifs qu'ils n'avaient pas à expliciter dans l'acte, d'une répartition des droits sur la propriété du sol et des parties communes dérogeant à la stricte proportion de la contribution de chacun au financement du prix d'acquisition des parties acquises en indivision, conformément à un objectif de répartition globale de la propriété des parties communes qu'expose le notaire rédacteur dans un courrier du 25 janvier 2017 et que partage Mme Z... ;
Si seuls ceux de ces prêts afférents aux lots acquis en indivision prévoient le cautionnement hypothécaire réciproques des co-acquéreurs ( et non la totalité des prêts, comme il est justifié de le préciser eu égard à un moyen imprécis du premier juge contesté par l'appelante ) demeure le caractère global de l'acquisition de l'immeuble en copropriété, à l'égard duquel la répartition de droits indivis litigieuse n'apparaît pas manifestement contradictoire pour autant ;
Plus généralement, les désaccords exposés par Mme X... dans le cadre de la présente instance au regard des justifications économiques de la ventilations des lots entre les parties énoncées par Mme Z... demeurent sans conséquence sur la démonstration de l'erreur alléguée ;
En toute hypothèse, il apparaît indifférent, pour la caractérisation de l'erreur alléguée, que l'acte ne distingue pas le prix de chacun des lots vendus, et opère par blocs en fonction des acquéreurs, pris séparément, puis, dans l'indivision qu'ils ont formée, ce dont il ne résulte aucune illégalité ;
Enfin, Mme X... n'établit pas davantage que l'attribution à l'indivision formée par les deux seules copropriétaires des lots visés à l'acte interdisait, de par la nature particulière de ces lots, incluant, selon elle, toutes les parties "communes", ne pouvait pas se faire telle que retenue à l'acte sans porter atteinte à "leurs droits respectifs" ou au "régime juridique de la copropriété" ;
A cet égard, le rapprochement entre la définition des lots concernés dans le règlement de copropriété et les explications des parties ne laisse apparaître aucune incohérence de l'acte litigieux ;
Telles sont les raisons qui conduisent à retenir que l'acte notarié ne comporte aucun élément intrinsèque attestant d'une erreur matérielle relativement à la répartition de droits litigieuse.
En outre, ni les modalités mises en oeuvre par les parties après la vente pour le paiement des charges de copropriété, ni même celles adoptées, toujours après la vente, pour la répartition des loyers de ceux des biens indivis qui ont été loués, ou pour l'organisation bancaire de l'indivision, ne tendent à prouver le caractère erroné du titre notarié.
Dans ces conditions, les considérations de Mme X... sur le prix de revient du millième de propriété du sol et de parties communes, sur la prétendue mauvaise foi de Mme Z... dans le cadre de la présente instance et sur la prétendue mauvaise information juridique de l'appelante, sont sans emport sur la solution du litige.
En définitive, à défaut de tout élément de preuve intrinsèque ou extrinsèque tendant à établir l'erreur alléguée, celle-ci ne peut être déclarée établie.
En l'absence d'erreur prouvée, la faute alléguée contre le notaire n'est pas davantage établie.
Le jugement sera donc confirmé en totalité.
Mme X..., qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et, en équité, versera à Mme Z... une somme de 2 000 € et à la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier une somme de même montant.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement querellé,
Condamne Mme X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne Mme X... à payer à Mme Z... une somme de 2 000 € et à la SCP Hubert Louvel- Thierry Assant- Lechevallier une somme de même montant,
Rejette toute autre demande.
Le Greffier, La Présidente,