Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 05 MAI 2017
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/13369
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2015 -Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 15/008210
APPELANTE
SA ORANGE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 380 129 866 (Paris)
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Représentée par Me Georgy ARAYO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0378
INTIMEE
SAS SATCOMS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 325 061 042 (Arras)
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 Représentée par Me Aymeric DRUESNE de la SCP MONTESQUIEU AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre et Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, chargé du rapport
Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre,
M. François THOMAS, Conseiller, désigné par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour ,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Mme Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Prestataire de génie civil, la SAS SATCOMS a réalisé des opérations de câblage, de raccordement et de maintenance liées aux réseaux téléphoniques, pour la S.A ORANGE' anciennement FRANCE TELECOM ' dans le cadre de contrats à durée déterminée d'un an (renouvelable, sur accord écrit, par période de 12 mois sans pouvoir excéder trois ans). Les 11 mars et 3 juillet 2014, envisageant de lancer une nouvelle consultation à compter de fin avril 2015 selon de nouvelles conditions, la société ORANGE a informé la société SATCOMS de la mise en 'uvre d'une procédure d'appel d'offre pour le renouvellement des contrats cadres alors en cours n° 50028361 (prestations d'études et de travaux de câblage pour le déploiement du réseau de fibre optique dans les (anciennes) régions NORD-PAS DE CALAIS et PICARDIE) et n° 5003186 (prestations d'études et recollements, travaux de câblage, de génie civil et d'interventions clients sur les zones de [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 5]), lesquels avaient respectivement pris effet les 1er février 2011 et 31 mars 2012. La société ORANGE précisait que ces courriers constitueraient le point de départ du préavis de fin de relations contractuelles dans le cas où la société SATCOMS ne serait pas retenue à l'issue des appels d'offre, tout en indiquant que le délai de préavis prendrait fin à l'échéance prévue des contrats.
Le 31 mars 2015, ayant participé à l'appel d'offres avec la société SPIE chef de file, la société SATCOMS a été informée que leur groupement n'avait pas été retenu.
Le 5 mai 2015, invoquant une rupture brutale de relations commerciales établies et prétendant qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis d'une durée de 36 mois, la société SATCOMS a attrait la société ORANGE devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de la condamner à lui verser (avec intérêts au taux légal à compter de la décision) les sommes de :
- 19.006.680 euros, ou subsidiairement de 12.490.104, en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
- 200.000 euros en réparation de son préjudice moral,
outre l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur de la somme de 15.000 euros.
La société ORANGE, invoquant les clauses attributives de compétence insérées dans les contrats, a soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Lille Métropole au profit de celui de Paris et, subsidiairement, sur le fond, s'est opposée aux demandes en contestant l'existence d'une relation commerciale établie, ou, plus subsidiairement, en soutenant que la société SATCOMS est responsable de son préjudice ou, encore plus subsidiairement, que son montant doit être réduit à de plus justes proportions compte tenu des marges réelles, en sollicitant, en tout état de cause, l'indemnisation de ses frais non compris dans les dépens.
Par jugement contradictoire du 23 juin 2015 assorti de l'exécution provisoire, se déclarant compétent, le tribunal de commerce a :
- dit brutale et fautive au sens de l'article L.442-6-I, 5° du code de commerce la rupture de la relation commerciale commise par la société ORANGE à l'égard de la société SATCOMS en la condamnant à payer la somme de 14.738.960 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, outre la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société SATCOMS de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Il a retenu que :
- une succession de commandes ponctuelles de valeurs significatives suffit à démontrer le caractère établi d'une relation commerciale ;
- le courriel du 3 avril 2015 de la société ORANGE et la nouvelle commande du 9 avril 2015 laissaient espérer à la société SATCOMS une continuité des relations ;
- le courrier du 11 mars 2014 ne constituait pas le point de départ du préavis, qui ne résulte que du courrier du 9 avril 2015, soit deux semaines avant la fin de la relation, alors qu'en fonction de son ancienneté et de l'importance des moyens mis à la disposition, le préavis aurait dû être d'une durée de 30 mois.
Vu l'appel interjeté le 29 juin 2015 par la société ORANGE ;
Vu ses dernières écritures transmises le 27 janvier 2016 par le RPVA, réclamant la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement, sauf pour les dispositions ne lui faisant pas grief, en soutenant :
- à titre principal, que la relation commerciale alléguée n'est pas établie, en sollicitant, corrélativement, le rejet de la demande indemnitaire à ce titre ;
- subsidiairement, qu'elle a consenti un préavis d'une durée suffisante, en sollicitant aussi le rejet de la demande indemnitaire ;
- plus subsidiairement, que la société SATCOMS est « seule responsable de son éventuel préjudice » ;
- encore plus subsidiairement, de réduire toute condamnation à l'encontre de la société ORANGE « à de plus justes proportions » ;
Vu les dernières conclusions transmises le 19 septembre 2016 par le RPVA par la société SATCOMS, intimée et appelante incidente, réclamant la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la réformation du jugement en demandant à la cour de constater, à compter du 27 avril 2015, l'existence d'une rupture brutale de relations commerciales établies depuis 1982, et :
- de porter à 36 mois, la durée du préavis, et à hauteur de la somme de 18.464.967 euros, le montant de l'indemnité (en prenant en compte la moyenne des chiffres d'affaires des trois dernières années), ou subsidiairement à hauteur de 15.387.473 euros (en limitant la durée du préavis à 30 mois, mais en conservant la moyenne des chiffres d'affaires des trois dernières années), chaque montant majoré des intérêts au taux légal, ou, encore plus subsidiairement, la confirmation du montant de l'indemnité fixée par le tribunal ;
- de condamner en outre la société ORANGE au paiement d'une indemnité de 200.000 euros en réparation de son préjudice moral,
tout en sollicitant implicitement la confirmation de la décision pour le surplus.
SUR CE,
Sur l'existence de la relation commerciale établie et sa rupture
Considérant que, pour nier l'existence d'une relation commerciale établie depuis plus de trente ans, la société ORANGE fait valoir que les relations contractuelles avec la société SATCOMS étaient toujours organisées au travers de contrats cadres à durée déterminée, ne pouvant excéder une durée de 35 mois, et que toutes les relations commerciales développées avec ce partenaire ont pris naissance à la suite des appels d'offres lancés par ORANGE, pour en déduire que, dès lors, l'intimée ne pouvait avoir la certitude d'être choisie pour les consultations futures de sorte que leurs relations commerciales étaient précaires, d'autant que la reconduction tacite était expressément exclues, ces contrats ne pouvant être reconduits qu'expressément et par écrit, ne permettant pas à la société SATCOMS de croire légitimement à une poursuite automatique des relations commerciales dans les mêmes conditions ;
Que, pour sa part, la société SATCOMS fait valoir que l'ancienneté des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société ORANGE, la reconduction systématique des contrats ou leur prorogation par avenant, témoignent d'un contexte de stabilité, qui lui a légitiment laissé croire au caractère établi de leurs relations commerciales, cette croyance étant renforcée par la constatation d'une augmentation continue du chiffre d'affaires réalisé avec la société ORANGE ;
Mais considérant que :
- la société ORANGE n'a pas contesté avoir pris la succession de l'ancienne administration publique des télécommunications et qu'il résulte de l'article 22 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, que les droits et obligations de l'État, afférents à l'ancienne direction des télécommunication de l'administration, ont été transférés de plein droit à la société FRANCE TELECOM (devenue ORANGE), de sorte que cette dernière a repris à son compte les relations antérieures ayant existé entre les entreprises prestataires et l'administration d'État ;
- si l'appelante a contesté le calcul établi par la société SATCOMS de sa marge brute, elle n'a pas véritablement contesté les chiffres d'affaires annuels figurant dans le tableau annexé à l'attestation du 14 avril 2015 du commissaire aux comptes [pièce intimée n° 8], relatant les chiffres d'affaires des prestations de travaux réalisés par SATCOMS de 1982 à 2014 et repris dans les écritures de l'intimée (notamment pages 4 et 5) faisant état d'un chiffre d'affaires annuel en constante augmentation de la somme (en contre valeur) de 212.663 euros à la somme de 6.353.105 euros, soit près de trente fois supérieure en 32 ans ;
Que si, en principe, les relations nouées dans le cadre d'appels d'offres ne s'inscrivent pas dans la stabilité, l'historique des relations entre les deux entreprises fait en l'espèce apparaître, au contraire que, jusqu'en 2015, entre les sociétés SATCOMS et ORANGE les appels d'offres et les contrats d'application sans tacite reconduction matérialisant les commandes de travaux, tendaient à une gestion normale de leurs relations contractuelles successives, s'intégrant dans un processus de stabilité de la relation et démontrant ainsi l'existence d'une relation commerciale établie au sens de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce, indépendamment des modes de renouvellement des commandes ;
Qu'il se déduit par ailleurs du succès quasi ininterrompu de SATCOMS aux appels d'offres successifs, que l'organisation et la structuration de l'entreprise SATCOMS correspondaient au plus près aux objectifs de l'opérateur de téléphonie, lequel indique avoir décidé de modifier, à partir de 2015, l'organisation de ses rapports avec ses prestataires en les divisant désormais en deux catégories, dont seule la première (rang 1) serait en relation directe avec lui, les autres (rang 2) devant devenir des sous-traitants des premiers ; qu'il résulte de cette modification que la société SATCOMS était plus certainement éligible au rang 2 qu'au rang 1, ne lui permettant plus de participer directement aux futurs appels d'offres qui seront lancés par ORANGE, de sorte que cette modification, par la société ORANGE, de la structuration de ses entreprises partenaires est à l'origine de la rupture de la relation commerciale établie antérieurement avec la société SATCOMS ;
Sur le point de départ du préavis
Considérant qu'ayant décidé un changement de « structure contractuelle » pour l'exécution des travaux sur son réseau, en sélectionnant désormais des entreprises chefs de file constituant ses partenaires de premier rang et en renvoyant les autres au second rang en n'étant plus ses partenaires directs, mais des sous-traitants des chefs de file, la société ORANGE a implicitement décidé de mettre fin, à terme, aux relations ayant antérieurement existé avec certains de ses anciens partenaires ;
Qu'elle en a informé la société SATCOMS par lettres des 11 mars et 3 juillet 2014 en des termes quasi identiques concernant les contrats alors en cours avec elle, en lui précisant qu'en tout état de cause, les relations contractuelles existantes à ce jour étaient dénoncées et prendraient fin avec l'arrivée du terme des deux contrats ;
Que l'intimée soutient que ces courriers des 11 mars et 3 juillet 2014 ne peuvent constituer le point de départ du préavis en estimant qu'ils sont confus et en faisant valoir que pour constituer le point de départ à un préavis, la notification d'un appel d'offres doit exprimer explicitement l'intention du cocontractant de ne pas poursuivre les relations commerciales ;
Mais considérant que, dès avant le lancement des nouveaux appels d'offres selon la procédure nouvelle, les lettres précitées ont eu pour objet de dénoncer à terme les relations contractuelles en cours, et que les mentions destinées à réserver l'avenir, pour le cas où la société SATCOMS remplirait les nouvelles conditions lui permettant d'être adjudicataire de nouveaux appels d'offres dans les nouvelles conditions, n'a pas eu pour effet d'introduire une confusion, les lettres précitées indiquant expressément « en tout état de cause, [la] relation contractuelle telle qu'elle existe est dénoncée ['] et le courrier constitue le point de départ du préavis ... » ;
Que la société SATCOMS prétend également que, pendant la procédure de consultation, la société ORANGE l'a entretenue dans la croyance d'une poursuite de leurs relations, notamment :
- en donnant des instructions et des orientations pour s'assurer que la société SATCOMS trouve sa place dans le nouveau cadre issu de la consultation ;
- en passant des commandes juste avant le terme initial du préavis annoncé ;
Mais considérant qu'il résulte clairement des échanges de courriels versés au dossier, que la société ORANGE s'est bornée à conseiller utilement les entreprises n'ayant pas rempli les conditions nouvelles pour être éligibles à la nouvel qualité de « chef de file », de se rapprocher de celles qui y ont été éligibles afin de leur proposer de devenir leurs sous-traitants et ainsi retrouver au moins une partie de leurs anciennes activités, sans que cette attitude bienveillante du donneur d'ordres ait pu avoir pour effet d'entretenir la société SATCOMS dans la croyance d'une poursuite des relations selon l'ancien système ;
Qu'en outre, la passation de commandes en période terminale n'a pas davantage entretenu cette illusion, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'article 3 (contrat n° 50032186) et l'article 4 (contrat n° 50028361) des contrats en cours stipulent que « les commandes pourront être passées jusqu'au dernier jour du contrat pour l'exécution de prestations d'une durée inférieure à un mois ou, avec l'accord des parties pour celles d'une durée supérieure » ; qu'en ayant exécuté spontanément les dernières commandes, la société SATCOMS a implicitement, mais nécessairement, donnée son accord pour l'exécution de la partie des prestations impliquant une durée supérieure à un mois ;
Qu'il se déduit de ces constatations, que le préavis a commencé à courir le 11 mars 2014 ;
Sur la durée du préavis
Considérant préliminairement, que les parties ne font pas état de l'existence d'accords interprofessionnels, d'usages particuliers concernant leurs activités ni d'arrêtés ministériels en la matière ;
Qu'il convient d'apprécier l'ancienneté des relations, la nature, le volume et la progression des affaires entre les parties, les investissements éventuellement effectués, l'existence éventuelle d'accord d'exclusivité, la dépendance économique et le temps nécessaire pour remédier à la réorganisation résultant de la rupture ;
Qu'outre la progression du chiffre d'affaires visé ci-dessus, il n'est pas contesté qu'au moment de la notification de la fin prochaine des relations selon l'ancienne structure contractuelle, la société SATCOMS réalisait environ 61 % de son chiffre d'affaires global avec la société ORANGE et que 100 salariés sur 186 étaient spécialement dédiés à la réalisations des travaux pour cet opérateur de téléphonie ; que, nonobstant ses efforts de diversification, puisque la proportion du chiffre d'affaires réalisé avec ORANGE est progressivement passé de 100 % à 61 %, la société SATCOMS était encore en situation de dépendance économique par rapport à la société ORANGE, cet état résultant de la position monopolistique longtemps occupée par cette dernière sur le réseau « cuivre », en raison de sa situation d'opérateur historique ;
Que cette dépendance économique de la société SATCOMS était aggravé en raison des obligations imposées par ORANGE entraînant une dépendance organisationnelle, notamment en raison des impératifs de spécialisation des techniciens et des astreintes ;
Qu'au surplus, nonobstant la prévenance de la fin des relations dès le 11 mars 2014, la réalisation des travaux au titre des deux contrats en cours jusqu'à fin avril 2015, a imposé à la société SATCOMS de conserver jusqu'à cette date, l'essentiel de l'effectif dédié à ORANGE, allongeant d'autant le temps nécessaire à sa réorganisation pour la suite de son activité ;
Qu'en revanche, en dehors de l'effectif dédié, la société SATCOMS n'a pas fait état d'investissements spécifiques, ni de l'existence d'accord d'exclusivité ;
Qu'au vu de ces constatations, il apparaît que la société SATCOMS devait bénéficier d'un préavis de 18 mois, soit du 11 mars 2014 au 11 septembre 2015 ;
Qu'il n'est pas contesté que les relations ont pris fin le 27 avril 2015, soit une insuffisance de préavis de 5 mois (en chiffre arrondi) ;
Sur le montant de l'indemnité
Considérant que, pour prétendre que la société SATCOMS est « seule responsable de son éventuel préjudice », la société ORANGE fait état des prix exigés par la société SATCOMS auprès des nouveaux chefs de file pour en déduire implicitement que les exigences tarifaires de la société SATCOMS seraient à l'origine de son élimination des partenaires de second rang ;
Mais considérant que les relations entre la société SATCOMS et les nouveaux chefs de file sont sans incidence sur les rapports ayant antérieurement existé entre les sociétés SATCOMS et ORANGE ;
Qu'il convient d'indemniser la société SATCOMS du montant de la marge brute dont elle a été privée durant les cinq derniers mois qu'aurait dû durer le préavis ;
Qu'en critiquant le taux de marge brute avancé par la société SATCOMS, qu'elle estime « manifestement disproportionné par rapport à celui des entreprises intervenant dans le même secteur » [conclusions page 22], l'appelante n'a pas véritablement contesté le calcul (différent) du taux de marge brute effectué par les premiers juges ;
Que, par ailleurs, l'intimée critique le calcul du tribunal en ce qu'il n'a retenu que les deux derniers exercices entiers avant l'année de la rupture, en affirmant qu'il eu fallu prendre la moyenne des trois derniers exercices ;
Mais considérant qu'ayant relevé une tendance à la baisse durant les trois derniers exercices, c'est à juste titre que le tribunal n'a retenu que la moyenne des deux derniers exercices, afin d'être au plus prêt de la réalité économiques des dernières relations d'affaires entre les parties, en prenant en compte les chiffres annexés à l'attestation du 14 avril 2015 du commissaire aux comptes de la société SATCOMS [pièce n° 57] ;
Qu'en conséquence, il convient de confirmer le calcul du tribunal sur la marge brute moyenne réalisée par la société SATCOMS avec la société ORANGE au cours des exercices 2013 et 2014, mais de l'appliquer sur la durée de 5 mois correspondant à la partie du préavis non effectué, soit la somme globale d'un montant de 2.456.493,40 euros ([6.691.923 x 88,10 %] x 5/12ème), arrondi à hauteur de la somme de 2.460.000 euros ;
Sur la demande de la société SATCOMS concernant le préjudice moral allégué
Considérant que la société SATCOMS invoque encore un préjudice moral « au titre de la mauvaise foi et de la brutalité de la société ORANGE » en ayant été placée « dans une situation d'incertitude totale, compte tenu des informations équivoques et contradictoires, qui l'ont entretenue dans l'espoir d'une poursuite de relations » et fait état d'une tentative de débauchage de son personnel, outre le refus de conciliation opposé par la société ORANGE ;
Mais considérant que l'ensemble de ces faits sont allégués sans être prouvés ; qu'en outre, les demandes correspondantes ne présentent pas de lien suffisant avec la demande principale fondée sur l'article L.442-6-I 5° du code de commerce ; qu'elles font en tout état de cause double emploi avec le préjudice résultant de la rupture sans préavis suffisant de la relation commerciale établie ; que le rejet de la demande au titre du préjudice moral allégué doit en conséquence être confirmé ;
Considérant, par ailleurs, que l'équité ne commande pas d'allouer l'indemnisation des frais irrépétibles exposés par les parties en cause d'appel, les demandes correspondantes devant, dès lors, être rejetées ;
PAR CES MOTIFS,
RÉFORME le jugement du chef du montant de l'indemnité allouée,
STATUANT À NOUVEAU de ce seul chef,
CONDAMNE la SA ORANGE à payer à la SAS SATCOMS, la somme de 2.460.000 euros,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
REJETTE les demandes d'indemnisation des frais irrépétibles d'appel,
FAIT MASSE des dépens d'appel et les met à la charge des parties, chacune pour moitié,
ADMET les avocats postulants de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président