RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 18 Mai 2017
(n° , dix pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02937
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Janvier 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU RG n° 15/00122
APPELANTE
SAS HORIBA JOBIN YVON
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 837 150 366
représentée par Me Caroline BARBE, avocat au barreau de LILLE
INTIME
Monsieur [V] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né en à
comparant en personne, assisté de Me Denis LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : J096
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Patricia DUFOUR, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine BEZIO, présidente de Chambre
Mme Patricia DUFOUR
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Roseline DEVONIN, lors des débats
ARRET : CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-- signé par Madame Catherine BEZIO, Présidente de Chambre et par Madame Emmanuelle MAMPOUYA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le
magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat à durée indéterminée en date du 12 juillet 1990, la SA INSTRUMENTS - Division JOBIN-YVON a embauché Monsieur [V] [S] en qualité d'ingénieur technico-commercial.
La Société a pour activité la fabrication d'instruments scientifiques et optiques, compte plus de 300 salariés et la relation de travail est régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
Après que Monsieur [S] ait progressé dans la société et occupé des postes tant en France qu'à l'étranger, par avenant en date du 9 septembre 2010 avec effet à compter du 1er janvier 2011, la SA INSTRUMENTS - Division JOBIN-YVON, devenue la SAS HORIBA [N] Yvon, l'a détaché auprès du bureau de Sao Paulo D'HORIBA Brésil en qualité de South America Scientific Operations General Manager, moyennant une rémunération brute mensuelle fixe de 5.300 €, une rémunération variable, outre des avantages annexes.
Par avenant au contrat de travail en date du 23 décembre 2010, les parties ont convenu que la rémunération brute mensuelle de 5.300 € serait versée à hauteur de 3.000 € bruts par HORIBA ABX do Brazil et le solde par la SAS HORIBA [N] Yvon.
Par avenant en date du 6 décembre 2013, le détachement de Monsieur [S] a été prolongé d'un an jusqu'au 31 décembre 2014.
En vue du rapatriement du salarié, la SAS HORIBA [N] Yvon a d'abord proposé à Monsieur [S] de travailler à l'ouverture d'un bureau de la Société à Dubai pour couvrir le Moyen Orient, projet qui n'a pas abouti, puis lui a proposé la signature d'un avenant aux fins de réintégration sur le site de [Localité 1] sur un poste d'ingénieur commercial export - zone Inde, Afrique du Nord, Afrique du Sud - statut cadre, position IIIA, coefficient 135 moyennant une rémunération brute annuelle de 68.900 € versé sur 13 mois, outre une part variable pouvant aller jusqu'à 10.000 € sur réalisation des objectifs fixés annuellement par votre hiérarchie.
Après avoir refusé cette proposition, Monsieur [S] a accepté l'offre de réintégration après qu'elle eut été remaniée par l'employeur.
Invoquant le fait que l'employeur avait commis des irrégularités lors de son détachement au Brésil au regard du paiement des cotisations patronales, ne lui pas fait de proposition de réintégration sérieuse à l'issue de son contrat au Brésil mais une proposition qui correspondait à une modification de son contrat de travail et lui avait fait subir des faits de harcèlement moral afin de le pousser à la démission, Monsieur [S] a, par courrier en date du 10 février 2015, informé la SAS HORIBA [N] Yvon de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 12 février 2015, Monsieur [S] a saisi le Conseil de prud'hommes de Longjumeau d'une demande tendant, en son dernier état, à le voir dire que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer les indemnités afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour non paiement des cotisations d'assurance chômage et des indemnités journalières pendant l'arrêt de maladie, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par un jugement du 22 janvier 2016, le Conseil de prud'hommes statuant en formation de départage, a:
- dit que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS HORIBA [N] Yvon à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes:
** 100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
** 167.023,57 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
** 31.800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
** 3.180 € au titre des congés payés afférents,
- a débouté Monsieur [S] de ses autres demandes,
** a condamné la SAS HORIBA [N] Yvon aux dépens et au paiement à Monsieur [S] de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 23 février 2016, la SAS HORIBA [N] Yvon a fait appel de la décision.
Elle demande à la Cour de:
- réformer le jugement entrepris,
- constater que la prise d'acte de Monsieur [S] n'est pas justifiée et qu'elle doit produire les effets d'une démission,
- le débouter de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner au paiement de la somme de 31.800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis non réalisé,
- constater, dire et juger que Monsieur [S] a opéré une dénonciation calomnieuse, un transfert de données et uen destruction de documents appartenant à la Société HORIBA de nature à engager sa responsabilité,
- le condamner, en conséquence, au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,
- le condamner aussi au paiement de la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- le condamner aux dépens et au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En sa qualité d'intimé, Monsieur [S] demande à la Cour:
Sur la prise d'acte de la rupture du fait de l'employeur:
- de confirmer que la prise d'acte de rupture est fondée et confirmer la requalification de cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la SAS HORIBA [N] Yvon au paiement des sommes suivantes:
** 300.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
** 167.023,57 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
** 31.800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
** 3.180 € au titre des congés payés afférents,
Sur le non-paiement des cotisations d'assurance chômage:
- de dire et juger que l'appelante lui a causé un préjudice en ne payant pas les cotisations chômage sur l'intégralité de sa rémunération pendant la durée de son détachement au Brésil,
- de condamner à ce titre la SAS HORIBA [N] Yvon à lui payer la somme de 91.739,10 € à titre de dommages et intérêts,
Sur le non-paiement des indemnités journalières pendant son arrêt de maladie:
- dire et juger que l'appelante lui a causé un préjudice en ne payant pas les cotisations du régime général de la sécurité sociale à l' URRSAF pendant une partie de la durée de son détachement au Brésil, le privant ainsi de toute indemnité pendant son arrêt de maladie,
- condamner la SAS HORIBA [N] Yvon au paiement de la somme de 668,03 € à titre de dommages et intérêts,
Sur le travail dissimulé:
- dire que l'appelante s'est, pendant une partie de son détachement, s'est rendue coupable de travail dissimulé en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales,
- condamner à ce titre la SAS HORIBA [N] Yvon au paiement de la somme de 31.800 € à titre d'indemnité forfaitaire,
Sur le harcèlement moral:
- dire et juger qu'il a été victime d'un harcèlement moral et que la SAS HORIBA [N] Yvon a manqué à son obligation de sécurité de résultat,
- la condamner au paiement de la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause:
- confirmer que les sommes porteront intérêts au taux légal et que les intérêts seront capitalisés,
- ordonner la remise des documents conformes à la décision à intervenir sous astreinte,
- condamner la SAS HORIBA [N] Yvon aux dépens et au paiement de la somme de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 16 janvier 2017, reprises et complétées à l'audience.
MOTIVATION
Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, 1237-2 et 1235-1 du Code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite des relations de travail. Elle produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont fondés, soit les effets d'une démission s'ils sont infondés.
Il incombe au salarié d'apporter la preuve des manquements de l'employeur qu'il allègue.
Peuvent justifier une prise d'acte, une modification contractuelle, un non respect par l'employeur des obligations inhérentes au contrat de travail, un manquement à l'obligation de sécurité de résultat.
Monsieur [S] expose que la Société HORIBA [N] Yvon a gravement manqué à ses obligations en :
- ne respectant pas ses garanties sociales lors de son détachement au Brésil,
- ne lui proposant pas une offre de réintégration sérieuse,
- manquant à son obligation de sécurité du fait du harcèlement moral dont il été victime.
Sur le non-respect des garanties sociales lors de son détachement au Brésil :
Lorsqu'un employeur décide d'envoyer un salarié travailler à l'étranger, il peut le détacher ou l'expatrier, le détachement étant une option que l'employeur peut choisir ou non.
Si les conditions du détachement sont réunies, et en application des articles 761-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, le salarié demeure soumis au régime général de la sécurité sociale pour l'application duquel il est présumé avoir son lieu de travail et sa résidence en France. Il en résulte que le salarié détaché continue de bénéficier de l'ensemble de la protection sociale française ainsi que des régimes de retraite complémentaire et de l'assurance chômage.
En revanche, en cas d'expatriation, l'employeur n'a aucune obligation vis-à-vis de la sécurité sociale, le salarié est affilié aux régimes obligatoires de protection sociale du pays dans lequel il est en mission, au même titre que ses ressortissants. Toutefois, pour que l'expatrié conserve tout ou partie tout de la protection sociale française, le salarié doit être inscrit à la Caisse des Français de l'Etranger (CFE), soit par l'intermédiaire de l'employeur, soit directement s'il décide de lui-même de continuer à cotiser aux régimes de protection sociale français en payant lui-même ses cotisations.
Par ailleurs, indépendamment de la qualification donnée par les parties, la situation de détachement ou d'expatriation résulte de la situation concrète dans laquelle les relations s'établissent.
Monsieur [S] considère que l'employeur a délibérément omis de respecter le régime du détachement légal en matière de maintien du régime de sécurité sociale du salarié et que, contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes, il n'était pas sous le régime de l'expatriation.
La Société HORIBA [N] Yvon expose que, contrairement à ce que soutient l'intimé, Monsieur [S] était parfaitement d'accord pour être envoyé au Brésil sous le régime de l'expatriation pour la partie de sa rémunération payée par la filiale brésilienne et qu'il était convenu que l'appelant paierait lui-même ses cotisations sociales françaises pour la partie de sa rémunération versées en France et les cotisations brésiliennes pour la partie de sa rémunération versée au Brésil.
Si les documents contractuels ont qualifié de détachement la mission qu'a effectuée Monsieur [S] au Brésil, il n'en demeure pas moins que les courriels échangés entre les parties établissent, qu'à aucun moment, l'intimé n'a contesté le fait que sa rémunération serait payée en partie par la Société HORIBA [N] Yvon et en partie par la Société brésilienne qui paierait, sur sa part, des cotisations sociales identiques à celles payées pour ses ressortissants. Et donc lui ferait bénéficier de la protection sociale locale.
Au surplus, dans les courriels qu'il a adressé à son employeur, il apparaît que Monsieur [S] emploie lui-même le terme d'expatriation, s'interroge sur le devenir de ses cotisations retraite payées sur la part versée par la Société brésilienne, en particulier, la retraite complémentaire. Il écrit d'ailleurs, avoir décidé d'opter pour une affiliation volontaire à la Caisse des Français à l'Etranger ainsi qu'à l'assurance vieillesse volontaire.
Au demeurant, Monsieur [S] n'a jamais remis en cause cette situation pendant la durée de son affectation au Brésil alors qu'il a travaillé de nombreuses années à l'étranger et était familier des notions de détachement et d'expatriation.
Il en résulte que, pour la part du salaire versée à Monsieur [S] par la société brésilienne, la SA HORIBA [N] Yvon n'avait pas à maintenir l'affiliation du salarié au régime obligatoire de sécurité sociale et à verser les cotisations sociales afférentes.
Dès lors, aucun manquement ne peut être reproché à l'intimée et la Cour confirme le jugement déféré, dont elle adopte les motifs dans leur intégralité, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour non-paiement des cotisations de chômage et des cotisations au régime général de la sécurité sociale sur la part de salaire versée par la Société brésilienne HORIBA ABX.
De même, la SA HORIBA [N] Yvon ayant payé dans leur intégralité les cotisations sociales qui lui étaient imputables, la demande de Monsieur [S] au titre du travail dissimulé par absence de déclarations de cotisations, telle qu'elle résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 3° du Code du travail, est rejetée. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.
Sur l'absence d'une offre de réintégration sérieuse :
Il résulte des dispositions de l'article L.1231-5 du Code du travail lorsqu'un salarié engagé par une société mère est mis à la disposition d'une filiale avec laquelle un contrat de travail est conclu, la société mère doit assurer son rapatriement en cas de licenciement par la filiale en lui procurant un emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.
Il résulte de l'application de ce texte, qu'à défaut de pouvoir procurer au salarié un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions, au sein de la société mère, il doit lui proposer un autre emploi, même de catégorie inférieure, par voie de modification du contrat de travail. Toutefois, cette offre de réintégration doit être sérieuse et précise.
Monsieur [S] considère que la Société HORIBA [N] Yvon ne lui a pas adressé une offre de réintégration sérieuse en lui proposant un poste d'ingénieur commercial export ' Zones Inde, Afrique du nord, Afrique du Sud sans augmentation de la rémunération fixe contractuelle et avec un montant maximal de la rémunération variable 10 fois inférieur au plafond applicable pour l'année 2014 et plus de quatre fois inférieur à la rémunération variable qu'il avait perçue en 2014. Il fait valoir, au surplus, que la qualification de réintégration était celle qu'il avait 24 ans auparavant et qu'il était privé de toute responsabilité managériale.
La Société HORIBA [N] Yvon conteste tout manquement et les pièces versées aux débats par les parties démontrent que celles-ci ont eu de nombreux échanges qui ont porté à de nombreuses reprises sur la localisation de l'emploi du salarié qui avait toujours conservé son domicile de [Localité 2] et l'éventualité d'un télé-travail pour conserver son domicile et non sur le poste en lui-même, étant précisé que le poste de référence est celui que le salarié occupait dans l'entreprise préalablement à son expatriation.
Ainsi d'ailleurs que l'a considéré le conseil de prud'hommes, la SAS HORIBA [N] Yvon a dûment transmis une première proposition au salarié, lui en a faite une autre affinée et que Monsieur [S] a disposé d'un délai de réflexion avant d'accepter le poste, acceptation sans ambiguïté ainsi qu'il résulte du courriel qu'il a adressé à son employeur le 6 janvier 2015 lorsqu'il lui écrit « vous avez exigé ma présence à [Localité 1] le 5 janvier en justifiant d'une nouvelle équipe dans une nouvelle organisation avec une nouvelle façon de travailler, j'ai répondu immédiatement' . Au demeurant, ce contrat explicite a été rédigé à une période où les relations entre les parties s'étaient dégradées et que c'est en toute connaissance de cause de la réalité des relations que le poste a été accepté.
Au surplus, contrairement à ce que soutient Monsieur [S], le salaire qui lui était proposé à son retour était supérieur à celui qui était le sien antérieurement et la comparaison ne pouvait être effectuée avec les conditions de rémunération offertes pendant l'affectation au Brésil.
Il résulte de ces éléments que l'employeur a proposé à Monsieur [S] un poste compatible avec celui qu'il occupait antérieurement à son départ au Brésil, poste qui s'accompagnait d'un changement de résidence puisqu'il était affecté à [Localité 1] en lieu et place de [Localité 3], l'accord étant formalisé par un avenant signé le 30 décembre 2014.
Dès lors que la réintégration impliquait pour le salarié un changement du lieu de sa résidence, s'appliquaient les dispositions de l'article 8 1° de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie selon lesquelles :
« La modification du contrat qui concerne le lieu ou le cadre géographique de travail convenu et impose un changement de résidence devra être notifiée par écrit à l'ingénieur ou cadre.
Cette notification a fait courir simultanément trois délais :
« - un délai de 6 semaines pendant lequel l'ingénieur ou le cadre devra accepter ou refuser la modification notifiée. Durant ce délai, l'intéressé et son conjoint auront la possibilité d'effectuer, au lieu de l'affectation envisagée, un voyage dont les frais seront à la charge de l'employeur après accord entre ce dernier et l'intéressé. Dans le cas d'un refus de la mutation par l'ingénieur ou le cadre, la rupture éventuelle sera considérée comme étant du fait de l'employeur, lequel devra verser à l'intéressé le montant des indemnités dues en cas de licenciement ;
- un délai de 12 semaines avant l'expiration duquel la mise en 'uvre du changement d'affectation ne pourra avoir lieu qu'avec l'accord de l'ingénieur ou cadre,
- un délai de 18 semaines pendant lequel l'ingénieur ou cadre pourra revenir sur son acceptation de la modification notifiée par l'employeur ; dans ce cas, le contrat sera considéré comme rompu du fait de l'employeur, qui devra verser le montant des indemnités dues en cas de licenciement ».
En l'espèce, il apparaît que le 26 janvier 2015, soit dans le délai de 18 semaines à compter de la signature de l'avenant du 30 décembre 2014, Monsieur [S] est revenu sur son acceptation du poste proposé à [Localité 1], compte-tenu du changement de résidence qu'il lui imposait, ce qui a conduit la Société HORIBA [N] Yvon à rechercher des postes disponibles correspondant à son profit et n'emportant pas de modification de résidence., sachant que les dispositions conventionnelles précitées, imposaient à l'employeur de procéder au licenciement du salarié en cas d'absence de poste disponible ou de nouveau refus du salarié.
Pour contester tout manquement, la Société HORIBA [N] Yvon expose qu'elle ne pouvait procéder au licenciement de Monsieur [S] puisque son contrat de travail était suspendu pendant la durée de son arrêt de maladie, ce que conteste Monsieur [S] qui fait valoir que le 10 février 2015 il était présent dans les locaux de l'entreprise.
S'il s'avère que les dispositions conventionnelles prévalent sur les dispositions légales, en l'absence de dispositions spécifiques applicables dans la convention collective, les dispositions légales s'appliquent.
En l'espèce, les dispositions de l'article 8 1° de la convention collective tirent les conséquences de la rétractation d'un salarié ayant accepté, dans un premier temps, le poste qui lui est proposé à son retour d'affectation à l'étranger, en imposant à l'employeur de licencier le salarié, aucune disposition ne règle la situation du salarié qui, au moment de son refus, est en arrêt de maladie et n'autorise l'employeur à déroger aux dispositions légales concernant la protection du salarié en arrêt de maladie au moment de sa rétractation.
Dès lors, les dispositions légales concernant la protection d'un salarié pendant la suspension de son contrat de travail retrouvent leur pleine application. Il en résulte que, dans le cas présent, la Société HORIBA [N] Yvon n'était pas dans les conditions lui permettant de licencier Monsieur [S], en l'absence de faute grave, de nécessité de remplacer le salarié compte-tenu des conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ou d'avis d'inaptitude définitive émis par le médecin du travail. A demeurant le fait que le salarié se soit présenté dans les locaux de l'entreprise, le 10 février 2015, alors que son second arrêt de travail se terminait le 13 février 2015 ne saurait remettre en cause l'effectivité de la suspension du contrat de travail.
En ne procédant pas au licenciement de Monsieur [S], la Société HORIBA [N] Yvon n'a fait que respecter les dispositions légales et le manquement reproché n'est pas établi.
Sur le harcèlement moral et le manquement de la Société HORIBA [N] Yvon à son obligation de sécurité :
En application des articles L.1152-1 et suivants du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, en application de l'article L.1154-1 du Code du travail, dès lors que le salarié concerné établi des faits qui permettent globalement de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.
Monsieur [S] considère que les faits de harcèlement moral qu'il a subis se sont manifestés :
- par une dégradation de ses conditions de travail à compter de mars 2014, date à laquelle la nouvelle direction de la Société HORIBA [N] Yvon a adopté de nouvelles méthodes de gestion,
- lors des discussions sur la réintégration.
Il résulte des pièces produites par Monsieur [S] que les échanges qu'il a pu avoir avec la nouvelle direction générale de la Société HORIBA Jobin Yvon à compter de mars 2014 ne traduisent de la part de l'employeur, que l'exercice de son pouvoir de direction qui lui permettait, ainsi que l'a décidé le conseil de prud'hommes, d'imposer à l'intimé de justifier d'une journée d'absence.
S'agissant de la décision de la Société HORIBA Jobin Yvon de ne pas concrétiser le projet de création d'un poste à Dubaï sur lequel il avait été envisagé de le réintégrer, Monsieur [S] ne verse aux débats aucun élément matériel probant établissant que ce n'est pas pour des raisons objectives liées à l'intérêt de l'entreprise que la décision a été prise mais dans une volonté de dégrader ses relations de travail pour l'inciter à démissionnier.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré, dont la Cour adopte les motifs dans leur intégralité, en ce qu'il a jugé que Monsieur [S] ne rapportait pas la preuve de faits laissant globalement présumer d'un harcèlement moral et a rejeté sa demande de dommages et intérêts.
Aucun fait de harcèlement moral n'étant établi, il ne peut être reproché à la Société HORIBA [N] Yvon un manquement à son obligation de sécurité telle que prévue par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du Code du travail et si l'état de santé de Monsieur [S] s'est dégradé, aucun lien de causalité avec ses conditions de travail n'est établi.
Le manquement reproché n'est pas établi.
Aucun des manquements reprochés par Monsieur [S] à l'appui de sa prise d'acte n'étant établi et, en application des dispositions combinées des articles L. 1231-1, 1237-2 et 1235-1 du Code du travail, la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission et la demande de Monsieur [S] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejetée.
Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la Société HORIBA [N] Yvon à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes :
- 100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 167.023,57 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 31.800 € à titre d'indemnité compensatrice de prévis,
- 3.180 € au titre des congés payés afférents,
Sur l'indemnité pour non-respect du préavis:
En application des dispositions de l'article L. 1237-1 du Code du travail, lorsque la prise d'acte produit les effets de la démission, le salarié peut être condamné à verser à l'employeur une indemnité pour non respect du préavis sauf s'il n'a pas pu l'exécuter, après s'y être pourtant engagé, en raison de sa maladie.
La Société HORIBA [N] Yvon expose que Monsieur [S] n'a pas exécuté son préavis et sollicite sa condamnation à la somme de 31.800 € au titre de l'indemnité pour non-respect du préavis.
Au vu des pièces versées aux débats, rien ne justifie que Monsieur [S] soit dispensé de l'exécution du préavis. Le salarié justifie d'un arrêt de travail jusqu'au 13 février 2015 ce qui établit qu'au moment de sa prise d'acte, le 10 février 2015, il était en mesure d'exécuter son préavis à compter de la reprise de son travail le 14 février 2015, étant précisé que l'intimé ne démontre pas qu'au-delà de cette date,son état de santé ne lui permettait pas de reprendre ses fonctions.
Monsieur [S] est condamné à payer à la Société HORIBA [N] Yvon la somme de 31.800 € au titre de l'indemnité pour non-respect du préavis. Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de l'employeur.
La Société HORIBA [N] Yvon sollicite la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse et destruction de documents.
Au vu des pièces produites, la Cour confirme le jugement déféré, dont elle adopte les motifs dans leur intégralité, en ce qu'il a rejeté la demande.
De même, la saisine du conseil de prud'hommes par Monsieur [S] ne présentant aucun caractère abusif, la demande de dommages et intérêts formée à ce titre par la Société HORIBA Jobin Yvon est rejetée. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.
Il est ordonné à la Société HORIBA [N] Yvon de remettre à Monsieur [S] les documents sociaux conformes à la présente décision.
Monsieur [S] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Pour faire valoir ses droits la Société HORIBA [N] Yvon a dû engager des frais non compris dans les dépens Au vu des éléments de la procédure, Monsieur [S] est condamné à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, la Cour:
- infirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [V] [S] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la Société HORIBA [N] Yvon à lui payer les sommes suivantes :
** 100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
** 167.023,57 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
** 31.800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
** 3.180 € au titre des congés payés afférents,
Statuant à nouveau sur cette disposition et y ajoutant,
- dit que la prise d'acte par Monsieur [V] [S] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission,
- rejette l'ensemble de ses demandes financières afférentes,
- condamne Monsieur [V] [S] à payer à la Société HORIBA [N] Yvon la somme de 31.800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis non effectué,
- confirme le jugement déféré en ses autres dispositions,
- ordonne à la Société HORIBA [N] Yvon de remettre à Monsieur [V] [S] les documents sociaux conformes à la présente décision,
-condamne Monsieur [V] [S] aux dépens de première instance et d'appel,
- condamne Monsieur [V] [S] à payer à la Société HORIBA [N] Yvon la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRESIDENT