Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5-7
ARRÊT DU 23 MAI 2017
(n° 31, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2016/07638
Décision déférée à la Cour : rendue le 07 septembre 2015
par le Comité de règlement des différends et des sanctions
enregistré sous le numéro 20-38-14
de la COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ENERGIE
DEMANDERESSE AU RECOURS :
- La société RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE (RTE), S.A.
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège est [Adresse 1]
Elisant domicile au Cabinet de Maître Jeanne BAECHLIN
[Adresse 6]
Représentée par :
- La SCP Jeanne BAECHLIN,
avocate au barreau de PARIS,
toque : L0034
[Adresse 6]
- Maître Joseph VOGEL,
avocat au barreau de PARIS,
toque : P0151
SELAS VOGEL & VOGEL,
[Adresse 5]
DEFENDERESSE AU RECOURS :
- La société BIO COGELYO NORMANDIE, S.A.S.
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège est : [Adresse 4]
Représentée par Maître Paul RAVETTO,
avocat au barreau de PARIS
l'AARPI RAVETTO ASSOCIES
[Adresse 7]
EN PRÉSENCE DE :
- La COMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE (CRE)
Représenté par son président
Ayant son siège : [Adresse 2]
Représentée par Maître Gaultier BRILLAT,
avocat au barreau de PARIS,
toque : L0199
SARL LATOURNERIE WOLFROM & ASSOCIES,
[Adresse 3]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
- Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM, présidente de chambre, présidente
- M. Olivier DOUVRELEUR, président de chambre
- Mme Laurence FAIVRE, conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme Madeleine GUIDONI, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM, présidente et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.
* * * * * * * *
Faits et procédure
La société Bio Cogelyo Normandie (ci-après BCN) appartient au groupe Engie et a notamment pour activité de produire de l'électricité et de la vapeur à partir d'installations de cogénération.
Candidate à l'appel d'offres portant sur des installations de production d'électricité à partir de biomasse, lancé par le gouvernement français et publié le 9 décembre 2006 dit « CRE 2 », elle a été sélectionnée pour mettre en place et exploiter une installation de production d'électricité à partir de la biomasse, sur le site industriel de la société Saipol elle-même spécialisée dans la fabrication d'huile provenant d'oléagineux.
Sur le plan technique, la centrale biomasse est raccordée au réseau électrique privé de la société Saipol, elle'même raccordée au réseau public de transport d'électricité.
Dans ce contexte, BCN a conclu deux contrats :
le 27 octobre 2011, avec la société Réseau de transport d'électricité (ci-après la société RTE), un contrat de prestations annexes pour bénéficier d'un service de décompte ;
le 23 novembre 2011, avec la société EDF, un contrat d'obligation d'achat dans le cadre du mécanisme d'obligation d'achat prévu par l'appel d'offres ;
Le contrat de prestations annexes prévoit un mécanisme de décompte de l'énergie fournie à l'acheteur obligé. Ce décompte repose sur une formule qui consiste à appliquer à la quantité mesurée, un éventuel coefficient correcteur correspondant aux pertes possibles de réseau et appareillage, également appelé coefficient de perte.
En effet, l'injection d'électricité dans le réseau public de transport peut entraîner des pertes entre, d'un côté, le point de comptage de la production situé en sortie de centrale et, de l'autre, la limite entre le réseau privé et le réseau public qui constitue le point de connexion.
En l'espèce, si la production électrique de la centrale est théoriquement vendue en totalité à l'acheteur obligé, elle est, en réalité, consommée intégralement par la société Saipol qui la reçoit, via son réseau privé, sans injection sur le réseau public de transport d'électricité.
C'est pourquoi, la société BCN considère qu'il n'y a aucune déperdition de l'énergie qu'elle produit et elle a, par conséquent, demandé à RTE, d'une part, de constater qu'il n'y avait pas lieu à corrections des données de comptage relevées à la sortie de la centrale et, d'autre part, de supprimer le coefficient de pertes dans le contrat de prestations annexes.
La société RTE a rejeté cette demande au motif que l'argument de la consommation d'énergie à l'intérieur du site privé de la société Saipol était inopérant, dès lors que la société BCN ne vendait pas directement l'énergie à la société Saipol mais bénéficiait de l'obligation d'achat.
N'ayant pas obtenu satisfaction, la société BCN a soumis le différend au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ( ci-après le CoRDiS) par requête du 24 août 2014.
Par décision du 7 septembre 2015 notifiée aux parties le 2 mars 2016 ( ci-après la décision attaquée), le CoRDiS a décidé que :
la société RTE communiquera à la société BCN, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, une convention de raccordement pour l'installation de production indirectement raccordée au réseau public de transport, précisant notamment la localisation du point de livraison ;
la société RTE communiquera à la société BCN, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ladite décision, un avenant au contrat de prestations annexes, intégrant, le cas échéant, les corrections à apporter à la puissance et l'énergie électrique fournies à la société EDF ;
le surplus des demandes de la société BCN est rejeté.
La Cour,
Vu la déclaration de recours et l'exposé des moyens de la société RTE déposés au greffe le 1er avril 2016, et les conclusions en réponse et récapitulatives déposées au greffe le 12 décembre 2016 et le 15 février 2017 aux termes desquels elle demande à la cour de:
annuler la décision attaquée au regard de l'interdiction de statuer ultra petita prévue par l'article 5 du code de procédure civile et du principe du contradictoire, garanti par l'article 16 du code de procédure civile ;
en tout état de cause, infirmer la décision attaquée ;
constater qu'il y a lieu de déterminer un coefficient de pertes visant à tenir compte des pertes résultant du transport de l'électricité produite par la société BCN entre le point de comptage n° 3 situé en sortie de l'installation et le point de comptage n° 1 situé au point de connexion entre le site industriel de Saipol et le réseau public de transport ;
constater que le contrat conclu le 27 octobre 2011 prend déjà en compte les spécificités de l'installation pour définir le coefficient de pertes pertinent ;
juger qu'en tout état de cause, une modification de ce coefficient impliquerait une modification du contrat de prestations annexes après accord entre les sociétés Saipol et BCN et leurs responsables d'équilibre respectifs ;
débouter la société BCN de toutes ses demandes.
Vu le mémoire en réplique de la société BCN déposé au greffe le 6 septembre 2016 et ses conclusions récapitulatives déposées le 8 février 2017 aux termes desquelles elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes de la société RTE ;
Vu les observations de la Commission de régulation de l'énergie (ci-après la CRE) déposées au greffe le 8 novembre 2016 aux termes desquelles elle conclut au rejet de la demande d'annulation de la décision attaquée formée par la société RTE ;
Après avoir entendu à l'audience du 23 février 2017, les conseils des parties ainsi que le représentant de la CRE et le ministère public, les conseils des parties ayant pu répliquer et ayant eu la parole en dernier.
Sur ce
I. Sur la procédure
Sur le caractère ultra petita de la décision du CoRDiS
La société RTE fait valoir que le CoRDiS a statué ultra petita en violation de l'article 5 du code de procédure civile dans la mesure où il lui a enjoint de conclure une convention de raccordement alors que la saisine de la société BCN avait seulement porté sur la suppression du coefficient de pertes.
La cour précise à titre liminaire que la procédure de règlement des différends par le CoRDiS ne relève pas des dispositions du code de procédure civile.
Par ailleurs l'article L. 134-20 du code de l'énergie dispose:
« La décision du CoRDiS ['] précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnées à l'article L.134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés.
Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, la commission peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. »
En application des dispositions précitées, le CoRDiS dispose, dans l'exercice de la mission régulatrice que lui a confiée le législateur, du pouvoir d'imposer aux opérateurs relevant de son autorité des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l'exécution des conventions. Il en résulte que le CoRDiS a le pouvoir d'enjoindre à un opérateur de conclure une convention ou de la modifier afin de « fixer les modalités » d'accès au réseau, dès lors, d'une part, qu'en vue de résoudre un différend, une telle décision est nécessaire pour permettre l'accès au réseau ou pour fixer les conditions de son utilisation et, d'autre part, qu'il respecte les prescriptions d'exercice de son pouvoir, à savoir l'objectivité, la transparence, la non-discrimination et la proportionnalité.
Dans le cas d'espèce, le CoRDiS a été saisi par la société BCN de trois demandes : la première visait à ce qu'il confirme que la société RTE était compétente pour fixer le coefficient de pertes sur le réseau privé de la société Saipol ; la deuxième tendait à ce qu'il constate qu'il n'y avait pas lieu, eu égard à la configuration physique du site et aux textes en vigueur d'appliquer un coefficient de perte, et la troisième visait à ce qu'il invite la société RTE à proposer à la société BCN un avenant au contrat de prestations annexes pour supprimer le coefficient de pertes prévu dans celui-ci.
En prononçant à l'égard de la société RTE une injonction de conclure une convention de raccordement avec la société BCN afin que soit précisé la localisation du point de livraison et en lui enjoignant de modifier, le cas échéant, le contrat existant relatif aux prestations annexes, le CoRDiS a répondu à la demande de règlement du différend qui portait bien sur les conditions d'accès et d'utilisation du réseau public de transport d'électricité par un producteur d'énergie électrique indirectement raccordé au réseau public. Ce faisant, il est resté dans le cadre de sa mission et il ne peut lui être reproché d'avoir statué au delà de ce qui lui était demandé, quand bien même les demandes n'ont pas été formulées dans les termes par lesquels il a statué .
La cour relève d'ailleurs que, dans ses dernières conclusions, RTE ne conteste plus le pouvoir pour le CoRDiS d'enjoindre à des parties à un règlement de différend de conclure une convention de raccordement.
En revanche, la société RTE continue de contester la nécessité de la convention de raccordement pour régler le présent différend.
Mais ce chef de demande relève de l'appréciation du bien-fondé de la décision du CoRDiS qui sera examinée dans la suite de l'arrêt.
Dans ces conditions, le moyen reproché au CoRDiS d'avoir statué ultra petita n'est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le principe du contradictoire
La société RTE fait valoir que l'injonction que lui a adressée le CoRDiS de conclure une convention de raccordement n'a fait l'objet d'aucun débat au cours de l'instruction et qu'elle n'a donc pas été en mesure de présenter ses moyens de défense, en violation du principe du contradictoire.
Elle ajoute que contrairement à ce que soutient le CoRDiS, la mesure d'instruction visant à connaître l'existence ou non d'une convention de raccordement ne lui a pas permis de présenter sa position quant à la conclusion d'une telle convention.
La cour relève cependant qu'en l'occurrence, il ressort de la décision qu'une mesure d'instruction a été ordonnée le 20 juillet 2015 par laquelle le rapporteur chargé de l'instruction du dossier a demandé à la société RTE si des conventions de raccordement et d'exploitation avaient été conclues avec la société BCN, la société RTE ayant répondu par courrier que « la société BCN étant un producteur en décompte d'un site de consommation, celle-ci n'est pas directement raccordée au réseau » et « par conséquent, aucune convention de raccordement ou d'exploitation n'a été signée avec la société BCN ».
La mesure d'instruction, dont la réalité n'est pas contestée, portait sur l'existence d'une convention de raccordement passée entre la société RTE et la société BCN. La société RTE y a apporté une réponse écrite et argumentée.
Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à prétendre que la question de la convention de raccordement n'était pas dans le débat avant l'audience devant le CoRDiS.
En conséquence, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire n'est pas fondé et doit être rejeté.
II. Sur le fond
Sur la convention de raccordement
Selon le CoRDiS la définition des éventuelles corrections à apporter à la puissance et à l'énergie électrique fournies à la société EDF, acheteur obligé dans le cadre de l'appel d'offres « CRE 2 », nécessite de prévoir la localisation du point de livraison de l'installation de production de la société BCN. Il relève à ce sujet que le contrat d'obligation d'achat renvoie au contrat de prestations annexes pour la fixation du point de livraison, or ce dernier ne précise rien à ce sujet. Il ajoute que l'installation de production de la société BCN n'étant pas raccordée directement à un réseau public d'électricité, le point de livraison ne peut être assimilé au point de connexion défini par le contrat de prestations annexes. Le CoRDiS souligne qu'en revanche, les textes législatifs et réglementaires prévoient que la convention de raccordement fixe le point de livraison et il en conclut que les sociétés RTE et BCN doivent souscrire ensemble une convention de raccordement.
La société RTE conteste le bien-fondé de cette analyse.
Elle réfute l'affirmation du CoRDiS selon laquelle le point de livraison ne saurait être assimilé au point de connexion au réseau de transport, s'agissant d'une installation de production qui n'est pas directement raccordée au réseau public d'électricité.
En effet, la société RTE fait valoir que le contrat d'obligation d'achat conclu entre les sociétés BCN et EDF n'opère pas de distinction selon que le raccordement est direct ou indirect et assimile très clairement, dans l'article 2 des conditions générales, le point de livraison au point de connexion : « ce raccordement est unique et aboutit à un seul point de livraison ».
Selon la société RTE, cette règle signifie que, lorsqu'une installation, comme celle de l'espèce, est indirectement raccordée au réseau public de transport, il existe un unique point de raccordement à ce réseau, qui vaut tant pour la « tête de site », en l'occurrence la société Saipol, que pour le décomptant, à savoir la société BCN.
Elle en déduit que c'est à ce point limite de propriété entre le réseau public de transport et le site du client Saipol que l'énergie est achetée et non à un quelconque autre point de livraison qui serait fictif, or ce point limite correspond au point de connexion qui est défini dans le contrat de prestations annexes (page 34).
La société RTE précise qu'il est cohérent de ramener la production d'électricité de la société BCN au point de connexion, comme si elle était livrée au niveau du réseau public de transport puisque l'objectif est de déterminer la contribution de la société BCN au niveau du réseau public afin de pouvoir valoriser cette dernière dans le cadre du mécanisme de l'obligation d'achat.
Elle affirme que refuser que « le volume de production de la société BCN soit ramené au niveau du réseau public », reviendrait à considérer que la société BCN renoncerait de facto à avoir accès au marché de l'électricité et devrait vendre directement sa production au client de tête, la société Saipol. Il faudrait alors en conclure que le réseau privé est une ligne directe au sens de l'article L. 343-1 du code de l'énergie et il en découlerait que le producteur a renoncé à son accès aux marchés de l'électricité pour rester dans une relation bilatérale avec la société Saipol, qui deviendrait son acheteur unique et obligatoire.
La société RTE ajoute que, si le point de livraison était fixé ailleurs sur le réseau privé qu'au point de connexion, il en résulterait une modification des modalités de décompte des énergies de la société BCN mais aussi de la société Saipol nécessitant des modifications contractuelles du contrat garantissant le droit d'accès au réseau public de la société Saipol.
Pour l'ensemble de ces raisons, la société RTE estime que le contrat de prestations annexes, signé le 27 octobre 2011 avec la société BCN, qui définit les points de comptage et de connexion, définit par ce dernier point le point de livraison, et qu'il permet ainsi de fixer le coefficient de pertes ce qui rend donc inutile la conclusion spécifique d'une convention de raccordement qui déterminerait le point de livraison.
***
Mais la cour relève qu' il résulte du cahier des charges de l'appel d'offres portant sur des installations de production d'électricité à partir de biomasse lancé par le gouvernement français et publié le 9 décembre 2006 que « le candidat est tenu de vendre à l'acheteur la totalité de l'électricité produite à partir de la fraction renouvelable de l'énergie entrante par l'installation considérée » (article 6.2) et qu'il « appartient au candidat de s'assurer avec le gestionnaire de réseau que l'électricité produite pourra être comptabilisée et injectée sur le réseau».(article 6.1) Il est aussi précisé que « le raccordement indirect est autorisé » (même article).
Par ailleurs, le contrat d'achat par EDF de l'énergie produite par des installations lauréates de l'appel d'offres « installations de production à partir de biomasse de décembre 2006 » conclu par EDF et la société BCN le 23 novembre 2011 qui se divise en « conditions générales » et « conditions particulières », prévoit plusieurs dispositions :
- l'article 0 des conditions générales, définit, en les distinguant, la livraison qui « est l'énergie électrique produite par l'installation et physiquement évacuée par le réseau public » et la fourniture qui est « l'énergie électrique produite par l'installation et achetée dans le cadre du présent contrat. L'énergie fournie est alors calculée au point de livraison défini aux conditions particulières du présent contrat ».
- l'article 2 des conditions générales précise que « l'installation est raccordée, directement ou par l'intermédiaire d'un réseau électrique privé au réseau public de distribution ou de transport d'électricité. Ce raccordement est unique et aboutit à un seul point de livraison ».
- l'article 3 alinéa 3 des conditions générales énonce que « lorsque l'installation est raccordée au réseau public par l'intermédiaire d'un réseau électrique privé, le producteur établit avec le gestionnaire du réseau public concerné une convention de service de décompte ».
- l'article 5 des conditions générales stipule que « la puissance et l'énergie électrique fournies à l'acheteur sont mesurées par un dispositif de comptage [']. Ce dispositif de comptage est installé par un gestionnaire de réseau en un lieu choisi d'un commun accord entre le producteur, le gestionnaire de réseau et l'acheteur. Si le dispositif de comptage est installé sur des circuits à une tension différente de la tension de livraison ou s'il n'est pas situé au point de livraison, les quantités mesurées sont corrigées, avant facturation, des éventuelles pertes de réseau et appareillage, selon les modalités décrites dans le contrat d'accès au réseau ou dans la convention de service de décompte ».
Les conditions particulières mentionnent que l'acheteur est EDF et le producteur, la société BCN et précisent, notamment, que « le raccordement de l'installation a fait l'objet d'une convention de raccordement entre Saipol et le gestionnaire du réseau public concerné en date du 6 janvier 2011 pour prise d'effet le même jour. » (article 3.1), que « le producteur fournit à l'acheteur la totalité de l'énergie produite par l'installation objet du présent contrat » (article 3.4), et que « le point de livraison et la limite de propriété sont définis dans le contrat de prestations annexes » (article 3.2).
Enfin, le contrat de prestations annexes conclu le 27 octobre 2011 entre les sociétés RTE et BCN rappelle que « les clients ne disposant pas de contrat d'accès au réseau public de transport d'électricité (CART) peuvent cependant bénéficier d'un contrat de prestations annexes ». Il précise que « dans la mesure où un site n'est pas directement raccordé au réseau public de transport d'électricité, il ne peut exister de CART entre ce site et le gestionnaire de réseau public de transport. RTE propose donc le service de décompte pour permettre aux clients non raccordés directement au réseau public de transport (sites en décompte) de choisir librement leur fournisseur d'électricité et/ ou leur responsable d'équilibre. ».
La cour observe que ce contrat de prestations annexes définit les points de comptage et de connexion ainsi que les modalités de correction des données de comptage mais pas le point de livraison.
Le point de connexion est défini comme étant « celui qui coïncide avec la limite de propriété entre les ouvrages électriques de l'utilisateur et les ouvrages électriques du réseau public ['] ».
Quant aux modalités de comptage, ce contrat prévoit que, « [si] les installations de comptage sont installées sur des circuits à une tension différente de la tension de raccordement et/ou éloignés du point de connexion, les données télérelevées sont corrigées par application de coefficients correcteurs pour l'énergie active, fixés à l'annexe n°1 du présent contrat. Le cas échéant, le site producteur en décompte et le client de tête se mettent d'accord pour corriger les données de comptage et les communiquent à RTE » (article 3.1.3.2).
Il ressort de ces documents contractuels que, contrairement aux prescriptions du contrat d'obligation d'achat qui renvoient au contrat de prestations annexes pour définir le point de livraison, ce dernier n'est ni défini, ni même mentionné dans le contrat de prestations annexes.
La société RTE déduit à tort de l'article 2 des conditions générales selon lequel « le raccordement [...] aboutit à un seul point de livraison » et de l'article 3.2 des conditions particulières « le point de livraison et la limite de propriété sont définis dans le contrat de prestations annexes » que le point de livraison se situe en limite de propriété entre le réseau privé et le réseau public, au point de raccordement entre les deux réseaux. En effet l'interprétation ne correspond pas à la situation de l'espèce dans laquelle la société BCN est indirectement raccordée au réseau public et où se déploie entre l'ouvrage électrique de BCN et le réseau public, le réseau privé appartenant à la société Saipol et par lequel l'électricité produite par la société BCN est livrée à la société Saipol. Cette situation particulière implique de définir le point de livraison qui ne peut se confondre avec le point de connexion défini dans le contrat de prestations annexes.
En outre, l'objection de la société RTE selon laquelle l'énergie serait achetée au point limite de propriété entre le réseau public de transport et le site du client de tête Saipol où l'énergie électrique produite par la société BCN serait physiquement évacuée par le réseau public, revient à fausser la réalité des modalités de l'intervention de l'acteur indirectement raccordé sur le marché de l'énergie électrique.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs que la société RTE est tenue de définir en accord avec le producteur de l'installation indirectement raccordé et l'acheteur obligé, le point de livraison.
La définition de ce point de livraison suppose que le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité conclue avec la société BCN une convention de raccordement dans laquelle le point de livraison sera défini.
En effet, le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 en vigueur à la date de la décision attaquée prévoit :
en son article 2-I qu'« il est établi une convention de raccordement et une convention d'exploitation pour une installation de production correspondant à un site exploité par un même producteur » (codifié depuis le 1er janvier 2016 à l'article D 342-10 du code de l'energie) ;
en son article 9-I que « la convention de raccordement, établie entre le producteur et le gestionnaire du réseau public d'électricité, définit le point de livraison ['] » ( codifié à l'article D 342-11 du code de l'énergie).
Dès lors, pour définir le point de livraison qui permettra ensuite au travers du contrat de décompte, autrement appelé « contrat de prestations annexes », de déterminer un éventuel coefficient de perte et en définitive de calculer le volume d'énergie facturé à EDF, acheteur obligé, la société RTE est tenue de conclure, préalablement, une convention de raccordement avec la société BCN.
C'est donc à juste titre que le CoRDiS a enjoint à la société RTE de communiquer à la société BCN une convention de raccordement précisant notamment la localisation du point de livraison.
Par ailleurs, il ne saurait être reproché au CoRDiS d'avoir suggéré dans la motivation de la décision, la localisation du point de livraison, dès lors que la décision énonce, dans son dispositif, que la détermination du point de livraison appartient aux cocontractants.
Il s'ensuit que les moyens développés par la société RTE doivent être rejetés.
Sur le coefficient de pertes
La société RTE fait valoir que le coefficient de pertes retenu dans la convention de prestations annexes passée avec la société BCN tient compte des spécificités de l'installation et que la modification de ce coefficient suppose nécessairement de recueillir l'accord du client de tête, soit celui de la société Saipol et des responsables d'équilibre concernés.
Mais, en application de l'article 5 alinéa 2 des conditions générales du contrat d'obligation d'achat, « si le dispositif de comptage est installé sur des circuits à une tension différente de la tension de livraison ou s'il n'est pas situé au point de livraison, les quantités mesurées sont corrigées, avant facturation, des éventuelles pertes de réseau et appareillages, selon les modalités décrites dans le contrat d'accès au réseau ou dans la convention de décompte. ».
En l'espèce, la détermination du coefficient de pertes dépendant de la localisation du point de livraison, laquelle n'a pas encore été arrêtée, faute de convention de raccordement, c'est à juste titre que, par l'article 2 du dispositif de la décision attaquée, le CoRDiS a enjoint à la société RTE de communiquer à la société BCN dans un délai de trois mois, c'est-à-dire postérieurement à la communication d'une convention de raccordement, un avenant au contrat de prestations annexes, intégrant, le cas échéant, les corrections à apporter à la puissance et l'énergie électrique fournie à EDF.
La société RTE est mal-fondée à prétendre que l'injonction ne peut être exécutée parce que le coefficient de perte ne peut être fixé sans l'accord de la société Saipol, alors que le CoRDiS ne remet pas en cause la situation de fait des sociétés Saipol et BCN qui est préexistante au différend mais rétablit la situation juridique de la société BCN que la société RTE a méconnue. Dès lors, il appartient à la société RTE de mettre en 'uvre les mesures nécessaires pour y parvenir. Ce qu'elle a d'ailleurs réussi, ainsi qu'en atteste le courrier adressé le 4 janvier 2017 par la société Saipol à la société RTE ( société BCN pièce n° 9) par laquelle elle déclare accepter le point de localisation du raccordement de la société BCN et le nouveau coefficient de pertes.
Le moyen sera donc rejeté.
III. Sur l'article 700 du code de procédure civile
La société RTE sera condamnée aux dépens et à payer à la société BCN, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5 000 euros.
Par ces motifs
Rejette le recours formé par la société RTE contre la décision du CoRDiS du 7 septembre 2015;
Condamne la société RTE à payer à la société BCN la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société RTE aux dépens du présent recours.
LE GREFFIER,
Benoît TRUET-CALLU
LA PRÉSIDENTE,
Valérie MICHEL- AMSELLEM