Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 09 JUIN 2017
(no, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 00767
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2010- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 09/ 07015
APPELANTS
Madame Nariyme X... épouse Y...
demeurant...
Représentée par Me Hassane BEL LAKHDAR, avocat au barreau d'ESSONNE
Monsieur Mustapha Y...
demeurant...
Représenté par Me Hassane BEL LAKHDAR, avocat au barreau d'ESSONNE
Monsieur Cahit Y...
demeurant...
Représenté par Me Hassane BEL LAKHDAR, avocat au barreau d'ESSONNE
Madame Güler Z... épouse Y...
demeurant...
Représentée par Me Hassane BEL LAKHDAR, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMÉS
Monsieur Gérard A... né le 04 Avril 1945 à CAUFFRY (60000) et Madame Ariette B... épouse A... née le 09 Septembre 1946 à LOUDEAC (22000)
demeurant...
Représenté par Me Didier GOGET de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GOGET-PRISO, avocat au barreau d'ESSONNE Assisté sur l'audience par Me Aurore PARCELIER, avocat au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, et Monsieur Dominique GILLES, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre Monsieur Dominique GILLES, Conseiller Madame Sophie REY, Conseillère
qui en ont délibéré
M. GILLES a été entendue en son rapport
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
M. Gérard A... et Mme Ariette B... son épouse sont propriétaires d'un pavillon situé... (91). Leur parcelle est contiguë à un terrain en surplomb, qui, en vertu d'un acte de vente du 15 février 2002, reçu par M. C..., notaire associé à Longjumeau et publié à la conservation des hypothèques de Corbeil-Essones 3ème bureau, appartient pour moitié indivise à M. Mustapha Y... et Mme Nariyme X... son épouse, et pour moitié indivise à M. Cahit Y....
Ce terrain supporte une maison, située au no 25 de la même rue de Saint Germain les Arpajon, qui constitue le domicile des indivisaires et de Mme Guler Z... Y..., épouse de M. Cahit Y....
Les deux propriétés sont séparées par une clôture constituée de panneaux de béton. Les époux A..., se plaignant d'une déformation de leur clôture, qu'ils ont imputée à la poussée des terres de la propriété des consorts Y..., ont saisi en vain le conciliateur de justice auprès du tribunal d'instance de Longjumeau. Par acte du 6 août 2009, les époux A... ont assigné " Monsieur et Madame Y... Mustapha ", et M. Cahit Y... et Mme Guler Y.... Les assignations destinées à M. Mustapha Y... et à M. Cahit Y... ont été remises à Mme Guler Y... qui a signé : pour la première en qualité de " bru ", pour la seconde en qualité " d'épouse " ; l'acte destiné à l'épouse de M. Mustapha Y..., mentionne avoir été remis en personne à " Madame Y... " sans précision de prénom.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 1er mars 2010 réputé contradictoire, le tribunal de grande instance d'Evry a :
- condamné in solidum et sous astreinte M. Mustapha Y..., M. Cahit Y... et Mme Guler Y... à édifier un mur de soutènement de terrain sur leur parcelle cadastrée section AE no 201, le long de la limité séparative de la parcelle cadastrée section AE 249, sise 23 rue des Clozeaux et appartenant aux époux A...,- condamné in solidum M. Mustapha Y..., M. Cahit Y... et Mme Guler Y... à payer aux époux A... la somme de 9 917 € au titre de la réparation de la clôture appartenant aux époux A..., avec indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 3 décembre 2008 jusqu'à la date du jugement,- débouté les époux A... de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,- condamné in solidum M. Mustapha Y..., M. Cahit Y... et Mme Guler Y... à verser aux époux A... une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire,- condamné in solidum M. Mustapha Y..., M. Cahit Y... et Mme Guler Y... aux dépens.
MM. Mustapha et Cahit Y... ainsi que Mme Güler Y... ont interjeté appel de cette décision, par déclaration du 30 avril 2010.
Cette Cour, par arrêt du 17 novembre 2011, a révoqué l'ordonnance de clôture et invité la partie la plus diligente à mettre en cause Mme Nariyme X... épouse de Mustapha Y....
Par assignation du 26 janvier 2012, les époux A... appelaient en intervention forcée Mme Nariyme X... épouse de " M. Mustafa Y... ".
L'instance, qui avait été interrompue par l'effet de la cessation de fonctions des avoués des consorts Y..., a été radiée pour défaut de dlilgence par décision du magistrat de la mise en état du 13 décembre 2012.
L'instance ayant été rétablie, les consorts Y..., par conclusions du 21 septembre 2015, demandent à la Cour de :
- vu les articles 14, 15, 31 et 648 du code de procédure civile ;- dire que l'action des consorts A... est irrecevable ;- prononcer l'annulation du jugement rendu le 1er mars 2010 par le tribunal de grande instance d'Evry ;- dire que Mme Guler Y... doit être mise hors de cause ;- procéder à la réformation intégrale du jugement querellé ;- ordonner une mesure d'expertise en tant que besoin aux frais des consorts A... ;- condamner les consorts A... au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;- condamner les consorts A... au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamner les consorts A... aux entiers dépens.
Cette Cour par arrêt du 29 janvier 2016 a :
- ordonné la réouverture des débats aux fins : 1) d'inviter les parties à justifier par tous documents probants (cadastraux, notariés ou autres) de l'identité actuelle des propriétaires de la parcelle litigieuse, cadastrée section AE no 249, sise..., commune de Saint Germain les Arpajon ; 2) d'enjoindre aux époux A... de conclure sur l'irrecevabilité de leur action soulevée par les appelants pour défaut de qualité et d'intérêt à agir et aux appelants d'y répliquer éventuellement.
Les consorts Y... n'ont pas conclu à nouveau.
Par conclusions du 10 mai 2016, les époux A... prient la Cour de :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par les consorts Y... ;- débouter les consorts Y... de toutes leurs demandes, fins et conclusions,- confirmer le jugement entrepris ;- leur donner acte qu'ils ne sollicitent plus la condamnation des consorts Y... à l'édification d'un mur de soutènement sous astreinte ;- y ajoutant-condamner in solidum les consorts Y... à porter et à payer aux époux A... la somme complémentaire de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE LA COUR
Sur l'irrecevabilité prise de la vente en cours de procédure du bien des époux A...
S'il a été démontré, à la suite de la réouverture des débats, que les époux A... n'étaient plus propriétaires de la parcelle cadastrée AE 249, depuis une vente intervenue le 17 mars 2011, dès lors que ceux-ci avaient saisi le tribunal d'une action en responsabilité personnelle, sur le fondement de l'article 1384 du code civil, à l'exception de toute action réelle immobilière, ainsi que l'enseigne tant la lecture de l'assignation que celle du jugement querellé-qui ne visent que ce fondement légal pour l'ensemble des demandes en réparation du dommage allégué-la circonstance de la perte par les époux A... de leur qualité de propriétaire en cours de procédure n'est pas de nature à caractériser une fin de non recevoir, n'étant pas établie leur perte d'intérêt, ni de qualité, à solliciter l'indemnisation du préjudice subsistant qu'ils allèguent.
Les consorts Y... seront donc déboutés de cette fin de non recevoir.
Sur la nullité alléguée du jugement
La Cour, en son arrêt du 17 novembre 2011, a jugé que Mme Nariyme X... n'avait pas été attraite en la cause.
Dès lors l'exploit introductif d'instance, qui ne précise pas l'identité de Mme Nariyme X... épouse de M. Mustapha Y... et la désigne uniquement par l'expression " Mme Y... ", n'établit pas que celle-ci avait été attraite à la cause en première instance.
En conséquence, bien que les demandes des époux A... étaient exclusivement dirigées contre " les époux Mustapha Y... et Monsieur Cahit Y... ", ce n'est donc pas à la suite simple d'une erreur purement matérielle commise par le tribunal s'agissant du prénom de l'épouse de M. Mustapha Y..., confondu avec celui de l'épouse de M. Cahit Y...- laquelle, présente lors de la venue de l'huissier a accepté de recevoir les actes destinés tant à M. Mustapha Y... qu'à M. Cahit Y... que le jugement querellé a condamné Mme Guler Y....
Par ailleurs, il a déjà été indiqué que l'action des époux A... étant purement personnelle, le défaut d'assignation de l'épouse de M. Mustapha Y... copropriétaire indivise, qui n'a pas été condamnée, n'était pas de nature à vicier toute la procédure de première instance.
Le jugement querellé ne peut donc être déclaré nul pour violation du principe de la contradiction.
Sur l'irrecevabilité alléguée du fait du défaut d'intérêt et de qualité pour agir de Mme Guler Y...
Il résulte encore de ce qui précède, s'agissant de la nature personnelle de l'action en responsabilité intentée, que bien que Mme Guler Y... soit dépourvue de la qualité de propriétaire, l'action des époux A... ne pourrait être déclarée irrecevable pour le tout.
Sur le fond
La demande des époux A... demeure exclusivement fondée sur la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde.
Or, si les propriétaires de la chose qui a causé le dommage en sont présumés gardiens, rien n'est en l'espèce allégué ou établi qui permettrait de retenir que Mme Guler Y... aurait été la gardienne de la terre, cause alléguée du dommage à la clôture, alors, d'une part, que cette appelante n'a jamais été propriétaire du fonds où elle ne fait qu'habiter du chef de son époux, et alors, d'autre part, qu'il n'est pas établi qu'elle aurait exercé quelque pouvoir de surveillance ou de contrôle que ce soit sur la terre au long de la clôture litigieuse.
Il s'en déduit que l'action est mal fondée à l'égard de Mme Guler Y... et le jugement querellé sera nécessairement infirmé en ce qu'il a condamné celle-ci.
A l'égard de MM. Y..., dès lors que la position de la limite des fonds et la propriété de la clôture litigieuse ne sont pas contestée par les appelants, qui produisent eux-mêmes sans le contester le projet de procès verbal de bornage établi à la demande des époux A..., il s'évince des constatations, certes non contradictoires, du technicien de la compagnie d'assurance des époux A..., lesquelles sont néanmoins corroborées par le rapport de visite de M. I..., technicien environnement de la commune, que sous l'effet de la poussée de terre depuis le terrain de MM. Y... en surplomb, les plaques de béton constituant la clôture non mitoyenne de la parcelle ayant appartenu aux époux A... se déforment, les scellements des poteaux sont fragilisés et l'ensemble de la clôture penche de plusieurs centimètres vers le terrain inférieur, la clôture étant menacé d'effondrement.
Non seulement MM. Y... ne prouvent rien contre ces éléments, mais il est également établi par le devis de l'artisan requis pour évaluer le coût des travaux à réaliser sur la clôture corroborant le rapport du technicien de compagnie d'assurance que la terre végétale accumulée et les arbustes du côté Y... devaient être enlevés afin de pouvoir effectuer les réparations.
Il est donc établi, dans ces conditions, que le dommage de la clôture a bien été causé par la pression exercée par la terre dont MM. Y... ont l'usage et sur laquelle ils exercent un pouvoir.
Le montant des réparations à la clôture a été évalué par un devis de 2008 à la somme de 9 917, 00 €, contre lequel aucun argument sérieux n'est opposé ; s'agissant de la dépose des plaques existantes, du piochement de la terre, du redressement de 42 poteaux et de la remise en place des plaques, ainsi que du changement de 10 poteaux et de 30 plaques endommagés, la somme telle qu'évaluée à cette date apparaît raisonnable.
Toutefois, le dommage doit être évalué au jour de la présente décision.
Dans cette mesure, s'agissant de l'obligation d'édifier un mur de soutènement, dès lors que les époux ont vendu leur fonds, le principe même d'une telle obligation, fût-il justifié lorsque le tribunal a statué, n'est plus susceptible de correspondre à une évaluation actuelle du dommage, de sorte que le jugement doit être nécessairement infirmé de ce chef.
S'agissant de la réparation demandée par l'allocation de dommages et intérêts, les époux A... font désormais valoir que faute d'exécution du jugement, leur parcelle a dû être cédée non close du fait de MM. Y..., de sorte qu'elle aurait pu être vendue à meilleur prix.
En l'espèce, la perte de chance subie par les époux A... de vendre leur bien à un meilleur prix, si la clôture de plus de 130 mètres de longueur avait été réparée, est manifestement établie.
Ce préjudice peut être évalué à la somme de 9 900 € qui sera allouée à titre de dommages et intérêts. La solution donnée au litige conduit à dire que les parties garderont la charge des dépens d'appel par elles exposés ;
En équité, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déboute les consorts Y... de leur fin de non recevoir prise de la vente par les époux A... en cours de procédure de leur bien immobilier,
Déboute les consorts Y... de leur demande en nullité du jugement entrepris,
Déboute les consorts Y... de leur fin de non recevoir, prise du défaut de qualité de propriétaire de Mme Guler Y...,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum MM. Mustapha et Cahit Y... à réparer le dommage causé par les terres de leur parcelle cadastrée AE no 201 sur la clôture implantée sur la parcelle cadastrée AE no 249, en ce qu'il a débouté les époux A... de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, en ce qu'il a condamné in solidum MM. Mustapha et Cahit Y... aux dépens, dont distraction au profit du conseil des époux A..., et au paiement aux époux A... d'une somme de 1 500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme pour le surplus le jugement querellé, et statuant à nouveau :
Donne acte aux époux A... de ce qu'il ne demandent plus la construction d'un mur de soutènement à la charge des consorts Y...,
Déboute les époux A... de leurs demandes contre Mme Guler Y...,
Condamne in solidum MM. Mustapha et Cahit Y... à payer aux époux A..., une somme de 9 900 € à titre de dommages et intérêts,
Laisse les dépens d'appel à la charge des parties qui les ont exposés,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
Le Greffier, La Présidente,